année universitaire 2011-2012 – troisième année –deuxième

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– TROISIEME ANNEE –DEUXIEME SEMESTRE
– ANALYSE GRAMMATICALE – 9 MAI 2012
ANNEE UNIVERSITAIRE 2011-2012
TEST DE GRAMMAIRE
Roger Caillois, « Obligations de la littérature », in Babel, Folio Essais, 1996, p. 169-170.
Parfois, au contraire, des ouvrages se voient exclus de la littérature par l’excès de leur
prétention et pour chercher à laisser des traces si profondes que le monde à la fin en
demeure bouleversé. Un réformateur, un prophète les ont composés et en attendent des
résultats qui dépassent fort le domaine des Lettres. Ils ont dessein de changer le cours
de l’histoire ou d’y mettre fin, de fonder un empire qui embrasse toute la terre ou
d’assurer à l’homme le royaume des cieux. Est-ce là littérature ?
(1) De la même manière, à une autre extrémité, les traités de jardinage, de
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rhétorique, de jurisprudence, de géométrie ne poursuivent pas de fin littéraire. (2) Leur
objet est trop déterminé et trop exact. (3) N’appartiendraient donc aux Lettres que les
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écrits dont la destination reste vague, les effets indécis et sans portée. (4) En revanche,
il est important qu’ils émeuvent, au point qu’on peut découvrir dans l’art d’émouvoir par
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les mots le propos particulier de la littérature. (5) S’agit-il bien d’émouvoir ? (6) Le terme
est trop précis peut-être. (7) On tiendra du moins qu’un ouvrage littéraire est celui qui
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cherche à plaire. (8) On expliquera que le plaisir qu’il apporte n’a rien à voir avec l’action,
qu’il naît à l’inverse de la contemplation, qu’il n’intéresse en conséquence ni la morale ni
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les affaires publiques. (9) Évoquée par l’harmonie qu’on constate entre maints rapports
exquis, cette jouissance vient des grâces du style, du concert de mille nuances bien
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accordées, des diverses causes d’une volupté innocente plus capable, au reste, d’élever
l’âme que les sermons du moraliste. (10) Il serait absurde ou, pour mieux dire, barbare,
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de lui dénier une certaine fonction civilisatrice.
Vous rédigerez un commentaire grammatical du deuxième paragraphe (le premier est
nécessaire pour situer le second dans son contexte et en avoir en quelque sorte le point de
départ). Ce commentaire doit comprendre une analyse syntaxique des dix (10) phrases qui
composent le paragraphe. Il n’est pas nécessaire de descendre dans les moindres détails (sauf
pour les propositions ou groupes soulignés), il suffit de « montrer » comment la phrase (et
éventuellement les diverses propositions qu’elle contient) sont construites, de dire (quand il s’agit
d’une phrase complexe), quelles sont les propositions qu’elle contient et la relation qu’elles ont
entre elles,
et, dans chacune de ses propositions, quels sont les principaux syntagmes qui la
constituent et quelle est leur fonction syntaxique.
Vous fournirez un commentaire plus détaillé sur tous les mots, les groupes, les propositions
soulignés.
Vous essayerez de relever les éléments anaphoriques (à l’intérieur des phrases et entre elles).
Vous relèverez tous les éléments que l’on peut considérer comme des connecteurs.
La valeur argumentative de la deuxième phrase (2) tient à une subordonnée (corrélée) implicite
(elle n’est pas formulée) : pouvez-vous la formuler ?
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TEST DE GRAMMAIRE
Essai de commentaire grammatical
(1)
La première phrase se compose de deux syntagmes prépositionnels, d’un
syntagme nominal sujet (« Les traités … géométrie » : dét. + nom + trois syntagmes
prépositionnels compléments du nom) d’un syntagme verbal (le verbe « poursuivre » et
un syntagme nominal complément d’objet) ; la phrase est à la forme négative. Dans le
premier syntagme prépositionnel même et dans le second autre sont deux déterminants
indéfinis à valeur comparative et ils remplissent donc dans la grammaire du texte une
fonction anaphorique : de la même manière signifie comme les ouvrages des
réformateurs et des prophètes et à une autre extrémité signifie pour une raison
tout à fait opposée à celle qui joue dans le cas de ces ouvrages : les uns ont des
buts trop « vastes », « ambitieux », les autres des buts trop « étriqués ».
(2)
La deuxième phrase est composée d’un syntagme nominal sujet et d’un
syntagme verbal (verbe copule – être - + deux syntagmes adjectivaux coordonnés
attributs du sujet). « Leur », le déterminant possessif de la 3e personne du pluriel,
remplit une fonction anaphorique, il est l’équivalent d’un syntagme prépositionnel
complément de nom et du déterminant défini : l’objet des traités. la proposition
subordonnée implicite est une consécutive corrélée : « trop déterminé et trop exact pour
qu’ils aient une fin littéraire ».
(3)
La deuxième phrase est composée d’un syntagme verbal (« appartiendraient aux
Lettres » : V + S Prép. complément du verbe) et d’un long syntagme nominal sujet : dét.
(les), nom (écrits), et de deux relatives déterminatives, la seconde étant elliptique
(ellipse du relatif et du verbe : - dont – les effets – restent – indécis et sans portée). Ce
qu’il y a de plus remarquable dans cette phrase, c’est la postposition du syntagme
nominal
sujet
et
la
négation
restrictive
qui
porte
sur
le
sujet
postposé
(n’appartiendraient aux […] que les écrits […]). La phrase contient un connecteur
argumentatif (à
valeur consécutive), l’adverbe « donc » placé tout de suite après le
verbe ; et le verbe est au conditionnel : est ainsi exprimé une hypothèse déduite du
texte précédent.
(4)
La quatrième phrase est introduite par un connecteur argumentatif « en
revanche » à valeur d’opposition ou adversative. C’est une phrase complexe qui
comprend une proposition principale et une proposition subordonnée consécutive
introduite par la conjonction de subordination (locution conjonctive de subordination) :
« au
point
que ».
La
principale
contient
une
subordonnée
complétive
(locution
impersonnelle être + adjectif+ complétive) : le verbe de la complétive « émouvoir »,
employé ici de manière intransitive, ou absolu, est conjugué à la troisième personne du
pluriel du subjonctif présent (forme homonyme de la troisième personne du pluriel de
l’indicatif présent) : la locution impersonnelle qui régit cette complétive exprime en effet
une évaluation. La subordonnée consécutive est composée d’un long syntagme verbal
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(verbe précédé de l’ « auxiliaire modal » pouvoir et du pronom personnel conjoint
« on »et suivi d’abord d’un syntagme prépositionnel, puis d’un syntagme nominal, le
complément d’objet direct du verbe – on pourrait parler dans le cas du syntagme
prépositionnel de complément circonstanciel mais on peut le considérer comme un
« actant » du verbe dont la « grammaire », comme celle des verbes « trouver »,
« cacher » « ranger » peut être schématiser ainsi : « qqn découvre qqc quelque part »).
(5)
La cinquième phrase est à la modalité interrogative – forme dite entre nous
« soutenue » - : elle est formée du verbe impersonnel et pronominal « il s’agit », de son
complément d’émouvoir – la construction est indirecte -, et d’un adverbe qui renforce
modalité interrogative : bien (= vraiment).
(6)
C’est la réponse à la question précédente : la phrase est composée d’un
syntagme nominal sujet et d’un syntagme verbal : « être » + syntagme adjectival
(attribut du sujet). La phrase contient aussi un adverbe dit adverbe de phrase à valeur
modale « peut-être » (notons sa place en fin de phrase). Comme la deuxième phrase du
paragraphe, la valeur argumentative de la phrase tient à une subordonnée corrélée non
exprimée : « trop précis pour être le bon ». Le rapport entre le syntagme nominal
« le terme » et « émouvoir » me semble être non pas un rapport entre une expression
anaphorique et son antécédent, mais entre un signe et son référent (la chose qu’il
désigne).
(7)
La septième phrase est formée une proposition (un syntagme verbal) contenant
une subordonnée. la subordonnée, une complétive, est un constituant essentiel de la
« principale » : c’est le complément d’objet d’un verbe employé transitivement (il s’agit
d’un emploi rare du verbe « tenir » dans un sens proche de « soutenir », « affirmer ») ;
elle est formée d’un syntagme nominal sujet (déterminant – article indéfini - + nom +
syntagme adjectival) d’un syntagme verbal, lui-même constitué du verbe « être »
employé comme copule et d’un syntagme pronominal (pronom démonstratif – une
anaphore pronominale reprise partielle du syntagme nominal sujet - + une relative –
bien sûr déterminative – cette relative étant composée du pronom relative sujet « qui »
anaphore pronominal du pronom démonstratif et d’un syntagme verbal : chercher à +
plaire). Le syntagme pronominal est l’attribut du sujet. Notons aussi la présence du
connecteur argumentatif « du moins » : si on ne peut peut-être pas à strictement parler
dire qu’un ouvrage littéraire doit « émouvoir », on peut dire au moins qu’il doit
vouloir « plaire » : émouvoir et plaire sont dans une sorte de rapport de synonymie mais
le second dit moins que le premier.
(8)
La phrase suivante a une structure semblable : principale contenant une
complétive mais ici il n’y en pas une complétive mais trois. Le syntagme nominal sujet de
la première proposition complétive contient une relative déterminative « qu’il apporte »
(« il » pronom conjoint masculin singulier, anaphore pronominale qui a pour antécédent
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le syntagme nominal « un ouvrage littéraire » contenu dans la phrase précédente.). Dans
les deux autres complétives « il » est une anaphore pronominale du syntagme nominal
sujet de la première complétive « le plaisir qu’il apporte ». La deuxième complétive
contient un connecteur argumentatif d’opposition « à l’inverse » (pas l’action mais la
contemplation)
et
la
troisième
un
connecteur
argumentatif
consécutif
« en
conséquence ». Les trois complétives sont régies par un verbe de communication :
« expliquer », employé ici de manière bivalente et qui a pour sujet, comme le verbe de la
phrase précédente le pronom personnel conjoint de troisième personne du singulier
« on », l’impersonnel.
(9)
L’avant-dernière phrase – longue mais « simple » - est formée d’un long
syntagme adjectival en position d’épithète détachée (comme une relative explicative ou
appositive), d’un syntagme nominal sujet (« cette jouissance » anaphore nominale dont
l’antécédent, « le plaisir qu’il apporte », se trouve dans la phrase précédente – plaisir et
jouissance sont « synonymes »), d’un syntagme verbal, le verbe « venir » suivi de trois
syntagmes prépositionnels juxtaposés qui indiquent « l’origine » de cette « venue », les
« causes » de cette jouissance. Le groupe souligné « une volupté […] du moraliste » est
bien sûr un syntagme nominal composé d’un déterminant (l’article indéfini féminin
singulier) et du substantif « volupté », d’un premier adjectif « innocente », épithète, et
d’un second groupe adjectival, lequel, en dépit de l’absence de virgule, pourrait être
considéré comme une épithète détachée (équivalent d’une relative appositive) la
présence du connecteur « au reste » (du reste, d’ailleurs, au surplus), adjonctif,
renforçant ce sentiment d’une information supplémentaire ; ce second groupe adjectival
est particulièrement « complexe » l’adjectif, précédé d’un adverbe de degré (le
comparatif « plus »), est complété par un syntagme prépositionnel (prép. + syntagme
verbal – construit autour d’un verbe à l’infinitif – mode nominal -) suivi d’un complément
de comparaison (que + syntagme nominal = comme une proposition elliptique – plus
capable que les sermons du moraliste ne le sont). Le syntagme adjectival qui ouvre la
phrase est, lui, construit autour d’un participe passé utilisé à la voix passive et suivi d’un
syntagme prépositionnel (par + syntagme nominal), qui est le complément d’agent ;
« maints » est un déterminant de la quantité (= de nombreux – beaucoup de) qui
appartient au registre littéraire ou soutenu.
(10) La dernière phrase, enfin ! est une locution impersonnelle suivi de son
complément, un syntagme prépositionnel (de + un syntagme verbal – le verbe est à
l’infinitif – mode nominal -, ses deux compléments sont le pronom personnel conjoint
complément second « lui », anaphore pronominale dont l’antécédent est « cette
jouissance » et le syntagme nominal « une certaine fonction civilisatrice ». Notons que le
deuxième adjectif, « barbare » coordonné au premier par la conjonction de coordination
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– ANALYSE GRAMMATICALE – 9 MAI 2012
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TEST DE GRAMMAIRE
« ou » est précédé d’un connecteur de « reformulation », le syntagme « pour mieux
dire ».
Conclusion : il y aurait d’autres réflexions à faire. On pourrait par exemple approfondir
l’analyse sémantico-syntaxique du syntagme prépositionnel « des diverses causes de
… » (ligne 12 et 13). Contentons 1) de relever l’usage systématique de l’impersonnel
(le pronom « on », les locutions impersonnelles) 2) de noter l’emploi du conditionnel
et d’un futur dont la valeur ne semble pas être temporelle.
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