puisqu’elle est malade. En général, la plupart des décisions sont prises pour elle, à sa place, rarement en la sollicitant. Au
final, cette manière d’agir peut entraîner un certain nombre de réactions chez elle : colère, agressivité, abandon,
désengagement.
Une bonne partie des symptômes et des comportements que l’on observe chez les personnes qui présentent des troubles
cognitifs ne sont d’ailleurs pas dus directement à la maladie, mais sont des réactions à ce qu’elles vivent au quotidien, à leur
ressenti. Nous avons construit dans nos sociétés une vision de la maladie d’Alzheimer centrée presqu’exclusivement sur les
pertes, sur la dégradation inéluctable, sur ce que l’on appelle le « nihilisme thérapeutique ». Cette idée un peu glaçante selon
laquelle nous sommes impuissants, que la démence est là, qu’elle va évoluer et que la seule chose que l’on puisse faire c’est
leur assurer un minimum de confort en restant finalement assez passifs face à cette évolution inéluctable. En réponse, on
met peu à peu en place des environnements extrêmement sécuritaires, qui soulèvent de nombreuses questions éthiques, et on
en oublie de se poser la question de la vie qu’ils vivent au présent.
Concrètement, comment fonctionne la méthode Montessori
?
Jérôme Erkes : La méthode Montessori se base sur des principes et techniques simples à appliquer. Si j’apprends à
connaître la personne, si je découvre ce qu’elle est capable d’accomplir, ses capacités et potentialités, je vais pouvoir la
solliciter dans des activités en lien avec son histoire, ses centres d’intérêt, ses envies.
La notion de choix étant centrale dans la méthode Montessori, nous proposons d’inclure systématiquement des choix dans
toutes les interactions afin que la personne retrouve un sentiment de contrôle sur sa vie. Les choix peuvent être très simples :
« est-ce que vous préférez porter ce vêtement ou bien celui-ci ? », ou encore « est-ce que cette activité vous a plu ? Vous
aimeriez refaire ça une autre fois ? ». Ils peuvent également être plus larges et collectifs. Actuellement, je travaille avec une
maison de retraite qui doit changer de locaux. Un événement qui peut générer beaucoup de stress chez les personnes qui
présentent des troubles cognitifs (et leurs aidants par ricochet). Pour leur permettre de se réapproprier leur nouveau lieu de
vie, nous avons organisé des comités de résidents. Ce sont eux qui choisiront la décoration, la couleur des murs, le nom des
différents lieux de vie... On leur fait des propositions, ils débattent, puis prennent une décision ensemble.
Concernant les activités que nous proposons, il ne s’agit pas d’activités d’animation au sens traditionnel du terme. Tenir un
objet et le déplacer, c’est une activité. S’habiller, c’est une activité. Faire son lit, c’est une activité. Mettre la table, c’est une
activité. Faire à manger, c’est une activité. Repeindre les murs d’un local, c’est une activité… Autrement dit, tout ce que
nous faisons est activité. Cela ouvre des possibilités infinies de leur permettre de s’engager au quotidien. Les capacités
d’imitation étant la plupart du temps préservées, toute invitation à une activité commence par une démonstration simple
(une étape à la fois), puis il s’agit de laisser faire la personne elle-même. Tout au long de la journée, les personnes peuvent
donc être invitées en fonction de leurs capacités et souhaits. L’idée forte, c’est que tout ce qui pourrait être fait par la
personne, devrait pouvoir lui être proposé.
Chaque patient a donc des aptitudes qui sont conservées ?
Jérôme Erkes : Oui, toujours. Au-delà de capacités comme se déplacer, tenir un objet, mélanger, tourner des pages, lire
(si les caractères sont adaptés), etc. il reste également des capacités de mémoire et d’apprentissage. C’est ce que l’on appelle
la mémoire procédurale : La mémoire des savoir-faire, des actions, des habitudes et des automatismes. Ce que les danseurs
appellent la mémoire du corps. Lorsque l’on répète une action un grand nombre de fois, elle s’automatise. Elle devient un
réflexe, ne nécessite plus aucune concentration. Cette mémoire demeure préservée dans les maladies neuro-dégénératives.