LES BESOINS FONDAMENTAUX ET LES ACTES ESSENTIELS DE LA VIE QUOTIDIENNE D’après le modèle conceptuel de Virginia Henderson, l’individu malade ou en santé est un tout complet représentant 14 besoins fondamentaux et le rôle de l’aide-soignant et de l’infirmière consiste à l’aider à reconquérir son indépendance le plus rapidement possible I] LES NOTIONS DE BESOIN a) Définitions de la notion de besoin Le dictionnaire donne la définition suivante : Le besoin est une envie, un désir (naturel ou pas), c’est un état d’insatisfaction dû à un sentiment du manque de ce qui est nécessaire, indispensable b) Le besoin fondamental Selon le concept de V. Henderson il correspond à une nécessité vitale pour la personne, c'est-à-dire ce qui est essentiel à l’être humain pour se maintenir en vie et assurer son bien-être c) Autres manifestations du besoin Le terme besoin renvoie à deux notions : désir et demande ; il arrive que le terme besoin signale un désir, ou que le terme demande signale un besoin. II] L’EVOLUTION ET LA COMPOSANTE DES BESOINS Les besoins sont susceptibles de grandes variations, quantitatives et qualitatives, au cours de la vie et présentent des composantes différentes. a) Les besoins sont en perpétuelle évolution Ils varient selon : - L’âge : les besoins évoluent au cours des cinq grandes étapes du développement (naissance, adolescence, adulte, 3è et 4è âges) - Les circonstances : les besoins varient à * certaines périodes-clés de la vie ( croissance, grossesse, allaitement) * certains moments éprouvants (émotion, deuil, fatigue, maladie) b) les besoins ont des composantes différentes Les composantes peuvent être : physiques et physiologiques psychologiques (et émotionnelles) sociales et culturelles Rôle de l’aide-soignant L’AS doit être capable de discerner le réel besoin du patient car le besoin révèle l’histoire personnelle de la personne, ce qu’elle est au plus profond d’elle-même. Ainsi l’AS doit : * Distinguer le besoin du patient qui peut consciemment ou inconsciemment ne pas être clairement exprimé par le patient. * Comprendre qu’un désir ou une demande révèle souvent un besoin profond du patient qu’il doit pouvoir discerner et transmettre à l’infirmière Lors des transmissions, l’AS se gardera de formuler un jugement de valeur ou un diagnostic infirmier. Il évitera de dire « ce besoin de tisane est un caprice » (jugement de valeur), mais à l’inverse il prendre en compte les effets de ce manque ou les effets de la satisfaction de ce besoin sur le patient. L’AS évitera d’écrire « perturbation des habitudes du sommeil » (diagnostic infirmier) ou, encore moins « angoisse », ce qui ne relève pas de ses compétences et correspondrait à une faute professionnelle. III] L’EXPRESSION DES BESOINS DANS LES ACTES DE LA VIE QUOTIDIENNE V. Henderson a privilégié l’observation des besoins dans les actes de la vie courante. Elle demandait à ses étudiants infirmiers d’imaginer une « journée comme les autres » pour en déduire le bien-fondé de sa théorie sur les besoins fondamentaux de la personne. IV] CLASSIFICATION DES BESOINS FONDAMENTAUX (V. HENDERSON) Les 14 besoins, décrits par V. Henderson, n’ont aucune hiérarchie entre eux : ils sont tous importants et interactifs. Si une catégorie de besoin n’est pas satisfaite, ceci entraîne des perturbations dans la satisfaction d’autres besoins. Dépendances dans un autre. Quelques définitions d’après la théorie de V. Henderson * Indépendance Satisfaction d’un, ou des besoins de l’être humain par les actions appropriées qu’il accomplit lui-même ou que d’autres font pour lui, selon sa phase de croissance et de développement et selon les normes et critères de santé établis. * Dépendance Non satisfaction d’un ou de plusieurs besoins de l’être humain par les actions inadéquates qu’il accomplit ou qu’il est dans l’impossibilité d’accomplir en vertu d’une incapacité ou d’un manque de suppléance. Les 14 besoins fondamentaux de l’être humain a) Respirer C’est une nécessité de l’être vivant qui consiste à capter l’oxygène (O2), indispensable à la vie cellulaire et à rejeter le gaz carbonique (CO2), produit de la combustion cellulaire. Pour satisfaire ce besoin, l’être humain possède un système respiratoire qui permet l’inspiration et l’expiration d’air par les voies respiratoires perméables et une physiologie adéquate. Les facteurs qui influencent ce besoin sont : * Biologiques : la posture, l’activité physique, l’alimentation (l’hydratation influe sur l’humidité des muqueuses respiratoires, et lors de la digestion, l’estomac repousse le diaphragme et diminue un peu l’amplitude respiratoire), la stature, le sommeil (au repos, l’organisme a moins besoin d’O2) * Psychologiques : les émotions modifient la respiration, ainsi la peur, l’anxiété et la colère augmentent la fréquence et l’amplitude respiratoires sans qu’il n’y ait de changement au niveau de l’oxygénation cellulaire ; * Sociologiques : l’air ambiant, le climat, l’habitation (humidité, ventilation, espace vital) lieu de travail (aération) b) Boire et manger Boire et manger, c’est apporter de l’eau et des aliments en quantité en en qualité nécessaires à notre organisme. C’est satisfaire un besoin vital. L’être humain a besoin chaque jour d’une ration calorique pour assurer sa croissance, l’entretien des tissus, conserver son énergie et maintenir son état de santé. La nutrition est aussi le résultat d’un mécanisme complexe dont le but est de maintenir l’équilibre physiologique et psychologique de l’individu. La nutrition est aussi liée au plaisir. Les facteurs qui influencent le besoin sont : * Biologiques : l’âge et la croissance (l’enfant et l’adolescent n’ont pas les mêmes besoins que l’adulte et la personne âgée), les activités physiques, l’horaire régulier des repas * Psychologiques : les émotions telles que joie, anxiété, peine peuvent augmenter ou diminuer la consommation en nourriture (en lien avec un besoin de sécurité, d’amour et de bien-être) * Sociologiques : le climat (par temps froid, on consomme plus de plats chauds et nutritifs, et à l’inverse, par temps chaud, l’organisme a plus besoin de repas légers avec une quantité hydrique plus importante) ; le statut socio-économique ; la religion ; la culture. c) Eliminer C’est le phénomène qui permet d’évacuer les déchets de l’organisme par voie urinaire, intestinale, respiratoire, cutanée (la transpiration) et les menstruations. C’est une fonction vitale. L’élimination a une origine à la fois physiologique, hormonale et nerveuse. Les facteurs qui influencent le besoin sont : * Biologiques : l’alimentation, l’activité physique (améliore le rendement musculaire, fortifie la sangle abdominale et les muscles pelviens), l’âge (vers 4 ans, l’enfant acquiert la maîtrise des sphincters ; chez l’homme de plus de 50 ans, l’hypertrophie de la prostate peut l’obliger à uriner fréquemment) * Psychologiques : le stress, l’anxiété peuvent modifier la fréquence, la quantité et la qualité de l’élimination urinaire et intestinale. * Sociologiques : les normes sociales en terme de mesures d’hygiène selon les coutumes d’une société (lavage des mains avant et après, ablutions, lieu de toilettes mixte ou séparation entre les hommes et les femmes, dans des lieux aménagés ou en pleine nature) d) Se mouvoir et maintenir une bonne posture L’individu doit pouvoir se mouvoir, c'est-à-dire accomplir les activités de sa vie quotidienne. Une bonne posture favorise les mouvements harmonieux et le bon fonctionnement de nos organes (en particulier le système circulatoire. Les facteurs qui influencent le besoin sont : * Biologiques : l’âge et la croissance (l’enfant acquiert la coordination de ses mouvements et la précision de ses gestes en fonction de son développement et de sa croissance ; la personne âgée a une activité plus modérée du fait d’une diminution de son agilité et de son tonus musculaire), la constitution et les capacités physiques. * Psychologiques : les émotions (expressions de joie, stress, d’anxiété) * Sociologiques : la culture, l’organisation sociale (ergonomie au travail, incitation à la pratique de sport) e) Dormir et se reposer Le fait de dormir et de se reposer, permet à l’organisme d’éliminer la fatigue physique et psychique accumulée durant la journée ou momentanément. Ainsi l’organisme se régénère pour assurer au mieux ses fonctions. Les facteurs qui influencent le besoin sont : * Biologiques : l’âge (les besoins du nouveau-né et de l’enfant sont plus importants que ceux de l’adulte : la personne âgée à un sommeil plus léger, fragile), l’exercice physique, les habitudes de sommeil (rituels, horaire régulier du coucher) * Psychologiques : l’anxiété modifie la qualité du sommeil et les capacités d’endormissement * Sociologiques : les horaires de travail (variables, fixe, de nuit, en alternance jour/nuit) f) Se vêtir et se dévêtir D’une façon quotidienne, nous disons que * se vêtir, c’est s’habiller * de dévêtir, c’est se déshabiller Ce sont des gestes de la vie quotidienne que l’on peut faire mécaniquement, d’une façon routinière, ou plus agréablement puisque les vêtements ont un rôle important à jouer dans notre vie sociale. Car se vêtir, c’est choisir des vêtements en fonction de notre environnement, du temps du jour, de l’activité, de notre groupe social d’appartenance afin de donner une image de soi, de jouer un rôle social. Les facteurs qui influencent le besoin sont : * Biologiques : l’âge (le prématuré, l’enfant, la personne âgée sont plus sujets aux variations de température), la taille et la stature, les activités réalisées ; * Psychologiques : les croyances liées à une religion ou une idéologie (port d’un uniforme, d’une couleur de vêtements pour un mariage, un deuil, une cérémonie…), les émotions * Sociologiques : le sexe, le statut social, le poste de travail, la culture, le climat g) Maintenir la température du corps dans les limites de la normale Maintenir le corps à bonne température est une nécessité pour conserver santé et bienêtre. La thermorégulation (réglée par le cerveau) est le phénomène qui maintient l’équilibre entre la production de chaleur et l’évaporation de l’eau de notre corps (sudation). Si les pertes en calories sont importantes, on constatera une baisse de la température du corps qui, à l’excès, peut entraîner la mort par hypothermie. A l’inverse, un excès de chaleur peut également nuire à la santé, c’est l’hyperthermie. Les facteurs qui influencent le besoin sont : * Biologiques : le sexe (la température de la femme varie en fonction de son cycle ovarien), l’âge (l’immaturité de la thermorégulation du jeune enfant est sujette aux variations extérieures, la personne âgée à une température plus basse), l’exercice physique, l’alimentation, la variation diurne (le sommeil diminue le métabolisme) * Psychologiques : les émotions, comme pleurs, cris ou anxiété, peuvent augmenter la température. * Sociologiques : le lieu de travail, le climat, l’habitation (pièce surchauffée ou trop froide) h) Etre propre et soigné, protéger ses téguments Etre propre, c’est assurer une hygiène corporelle et donc maintenir une peu saine afin qu’elle joue son rôle de protection, de même que les phanères (cheveux, poils, ongles, dents). Etre soigné, c’est valoriser son image sociale. L’ensemble de ces soins est destiné à apporter un bien-être physique et psychologique. Les facteurs qui influencent le besoin sont : * Biologiques : l’âge (la peau des enfants et des personnes âgées est fragile), la température (en cas d’hyperthermie, il y a transpiration, et un risque de déshydratation : la peau joue un rôle dans la thermorégulation), l’activité physique, l’alimentation (l’hydratation en fonction des besoins permet d’avoir une peau souple) * Psychologiques : les émotions (augmentation de la sudation), l’éducation reçue en matière d’hygiène * Sociologiques : la culture (l’importance de la propreté diffère sur la fréquence et les modalités), le courant social (produits de beauté et institut pour les hommes), l’organisation sociale (l’existence de salle de bain, la possibilité d’avoir de l’eau) i) Eviter les dangers Eviter les dangers, tant physiques que psychologiques, n’est pas une tâche facile, mais il faut essayer de prendre les mesures nécessaires pour : - protéger au maximum l’intégrité de notre corps et préserver notre état de santé - prévenir les complications d’une maladie - éviter les effets indésirables d’un traitement - prévenir les répercussions des problèmes sentimentaux, du stress Les facteurs qui influencent le besoin sont : * Biologiques : l’âge et la croissance (habileté, maturité, connaissance de soi, conscience du danger), les mécanismes de défense (la thermorégulation, les anticorps) * Psychologiques : les émotions, le stress peuvent stimuler les mécanismes de défense * Sociologiques : l’environnement, le statut socio-économique, les rôles sociaux (si le poste est à responsabilités importantes, des temps de pause sont aménagés pour éviter stress et surmenage, par exemple), l’organisation sociale (lois de protection des individus), le climat (habillement, isolation des maisons), la religion (sécurité psychologique maintenue), la culture j) Communiquer avec les semblables La communication est un processus d’actions relationnelles qui est vital pour l’être humain. En milieu hospitalier, le soignant développera les deux aspects de la relation : verbale et non verbale. Les facteurs qui influencent le besoin sont : * Biologiques : l’intégrité des organes des sens, chez l’enfant la communication est en lien avec son développement psychomoteur, le toucher est variable selon les cultures et l’éducation reçue * Psychologiques : les facultés intellectuelles, la perception (ou subjectivité), la personnalité (motivation, habileté à communiquer), les émotions (expression introvertie ou extravertie) * Sociologiques : l’entourage (favorisant les échanges), la culture, le statut social k) Agir selon ses croyances et ses valeurs Agir selon ses croyances, c’est agir selon les préceptes d’une religion ou d’une foi. Agir selon ses valeurs, c’est pouvoir se comporter d’une manière cohérente avec ce que l’on estime de bien, beau et vrai, se sentir en accord avec soi-même. Cette façon de vivre donne un sens et une harmonie à la vie, qu’il s’agisse de convictions religieuses ou de valeurs individuelles Les facteurs qui influencent le besoin sont : * Biologiques : les gestes et attitudes corporelles (pour accomplir des rituels de prières par exemple) * Psychologiques : la recherche d’un sens à sa vie et à sa mort, le désir de communiquer avec Dieu ou une entité suprême, les émotions (engagement dans des missions humanitaires, religieuses par exemple) * Sociologiques : la culture, l’appartenance à une communauté religieuse l) S’occuper en vue de se réaliser S’occuper pour se réaliser : c’est se trouver des « moyens » pour se sentir utile, c’est assurer le développement de son potentiel personnel et intellectuel, c’est assumer avec compétence ses différents rôles sociaux et familiaux. Les facteurs qui influencent le besoin sont : * Biologiques : l’âge et la croissance (valorisation de l’enfant par le jeu au sein d’un groupe, rôle social pour l’adulte ainsi que pour la personne âgée), les capacités physiques * Psychologiques : les émotions (joie, bonheur, bien-être), les actions en fonction de ses goûts * Sociologiques : la culture, la liberté de choix dans les études, le travail, les projets d’avenir m) Se recréer, se divertir Se récréer, se avoir des activités procurant du plaisir (d’où le mot « récréation » à l’école). De nos jours, les services de soins offrent aux patients des occasions de se divertir pour mieux vivre leur maladie, leur hospitalisation. Outre la télévision (présente dans quasiment toutes les chambres), les cassettes vidéo et les DVD sont aussi très demandés. De plus, des animations sont proposées aux patients par des animateurs spécialisés. Pour les jeunes enfants, le passage des clowns (de l’association le RIRE médecin) est un évènement très attendu. Les facteurs qui influencent le besoin sont : * Biologiques : l’âge, les capacités physiques * Psychologiques : le développement de la personnalité, les émotions (tensions libérées, expression de ses émotions) * Sociologiques : la culture, les rôles sociaux (retraite, emploi), l’organisation sociale (RTT et loisirs par exemple), le statut économique n) apprendre Apprendre, c’est aussi la faculté de maintenir en éveil son activité intellectuelle, sa curiosité naturelle. C’est prolonger son état de croissance au sens large du terme Les facteurs qui influencent le besoin sont : * Biologiques : Les problèmes respiratoires, la faiblesse, la fatigue et la douleur, l'intégrité des organes sensoriels, (les phénomènes associés à la privation sensorielle entraînent des difficultés au niveau de la compréhension et diminuent la capacité d'apprentissage) * Psychologiques : L'âge et le stade de développement, l'image de soi, l'état mental de réceptivité, la motivation à apprendre, le vécu et les expériences de vie * Sociologiques : Le niveau d'éducation, la présence de l’entourage, l'appartenance culturelle, la langue parlée, les valeurs et les croyances face à la santé et à la maladie (Tous les préjugés à l'égard du déclin intellectuel des personnes âgées démotivent ces dernières car ils leur font croire qu'elles n'ont plus les capacités intellectuelles nécessaires pour apprendre)