FEMME ET DEVELOPPEMENT DANS LE MONDE ARABO-MUSULMAN La problématique du retard au développement dans les pays arabo-musulmans ne peut être attribuée aux seuls facteurs politiques ou simplement aux facteurs surnaturels. La résistance de certaines valeurs ancestrales, d’éléments culturels, sociaux et psychologiques expliquent en majeure partie, l’obstruction aux progrès dans les pays arabo-musulmans. Pour rappel, le monde arabo-musulman est un ensemble de pays contigus subméditerranéens, africains et asiatiques qui s’étendent de l’océan atlantique au golfe persique ou arabe. Dans cet espace, nous avons des climats tempérés avec des zones chaudes, arides et souvent désertiques. Dans le monde arabe, la femme occupe une position sociale défavorisée ; ce qui rend sa contribution à la production nationale insignifiante. Cette situation freine ses capacités créatrices au sein des groupements sociaux. En effet, sa fonction est réduite aux travaux ménagers et à la procréation ; ce qui débouche sur une croissance démographique galopante qui pèse lourdement sur l’économie. Cependant, depuis quelques années, des efforts sont faits dans ces pays arabo-musulmans pour insérer la femme dans le tissu du développement. L’objectif de ce cours est de montrer que la femme arabo-musulmane peut jouer un rôle dans la dynamique sociale à travers la planification familiale et sa valeur ajoutée à l’effort économique. 1 I. LA CONDITION DE LA FEMME ARABO-MUSULMANE 1. Le statut juridique ou social de la femme Pour aborder une telle question à caractère social dans le monde arabo-musulman, il est habituel chez les sociologues de faire appel à l’histoire de la nation arabe dont les fantasmes de mille et nuits caricaturent les aspects les plus mystérieux des rapports hommes-femmes. En effet, il s’agit de prendre le passé pour expliquer le présent. Dans le monde arabo-musulman, la prééminence masculine du point de vue religieux et social est significative en Islam. L’homme est largement au-dessus de la femme. Cependant, le Coran ne prive pas la femme d’aucun droit fondamental dans le sens strict du droit positif. L’attitude de l’Islam est sans équivoque à l’égard de la femme. Malheureusement, dans le monde arabo-musulman, la femme a un portrait obscur qui date depuis des siècles. Ce portrait donne un statut social particulier à la femme. La femme est éloignée des secteurs d’activités et confinée dans le ménage. L’ouverture de la femme sur le monde extérieur devient une transgression aux normes tracées par un passé imaginé et mal assimilé. Le statut de la femme est donc ambigu dans l’espace arabo-musulman. Cette ambiguïté est entretenue par les autorités. Même quand les statuts sont élaborés, ils ne sont pas toujours reconnus. A titre illustratif, il y a le cas du Maroc. L’article 8 de la constitution du 10 mars 1972 stipule que : « l’homme et la femme jouissent de droits politiques égaux. Sont électeurs tous les citoyens majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques. » Malgré la promulgation de telle loi, la femme reste toujours marginalisée dans la pratique. En raison des contraintes familiales, la femme ne jouit que des droits voulus par les chefs de famille et non pas de ceux édictés par les institutions législatives. Ce statut de la femme explique son rôle insignifiant dans le processus de développement. 2 2. La femme arabo-musulmane et l’imaginaire Si la relation entre la modernité de la femme et le développement économique et social est déterminée à la fois par des concepts scientifiques (indicateurs de développement) et mythologiques (indicateurs moraux et métaphysiques), cette relation prend des dimensions complexes à partir du moment où l’on pénètre la culture des pays arabo-musulmans. A cet effet, les idées, les croyances et les coutumes apparaissent en large mesure déterminées le sort des femmes arabes. -Le port du voile : à l’instar de beaucoup de pays musulmans, le port du voile par les femmes était toujours pour les occidentaux signe de naïveté, d’exotisme, du sous-développement et de l’oppression religieuse. Pourtant la religion seule ne paraît pas l’élément qui explique amplement le caractère socio-culturel de l’habit dans n’importe quelle société arabe. Le comportement vestimentaire peut exprimer une attitude culturelle, un caractère économique, une situation sociale ou une dimension relationnelle. Il peut varier en forme et en contenu selon les pays et les périodes historiques. Le tchador Iranien, le hijab islamique et le foulard Maghrébin n’ont pas la même connotation dans la culture arabo-islamique quoique les occidentaux classent tous sous la même étiquette. Bien avant l’Islam tout comme après, les femmes musulmanes du Proche-Orient et chrétiennes se sont toujours couverts le visage d’un voile noir qui semble être hérité de Byzance. Au fil des années, le port des voiles est devenu un mécanisme pour isoler la femme arabo-musulmane. -Exotisme : sexualité et tabous dans la société arabo-musulmane : dans le monde arabomusulman, le rapport entre la femme et la sexualité reflète d’une relation conflictuelle entre la tradition et la religion d’une part qui définit le statut de la sexualité dans un cadre astreint du mariage légal et la modernité d’autre part où la liberté sexuelle de la femme est synonyme de son émancipation. La sexualité est donc comme le port du voile, un phénomène sociologique qui caractérise la crise dans les sociétésarabo-musulmanes en transition. L’irruption de la femme dans le tissu social et économique met en danger tout un système de valeurs, toute une religion qui dans ce cadre reconnait implicitement la suprématie de l’homme et l’autorisation de la polygamie et l’interdiction de la polyandrie. Le mythe sexuel chez la femme arabe se traduit par un ensemble de tabous créés soit par la tradition soit par la religion mais que la société arabo-musulmane contemporaine continue à considérer comme les valeurs sacrées 3 caractéristiques de l’identité culturelle. Le tabou de la virginité dans la société arabe, les relations sexuelles ne sont pas permises hors du cadre légal du mariage. La forme la plus extrême de la répression de la femme se manifeste consciemment ou inconsciemment dans les rites qui entourent la virginité la nuit des noces. En effet, la fine membrane dont dispose les filles vierges est la cause de beaucoup de perturbations sociales. L’hymen est l’honneur des familles puisque le mariage n’est pas l’union de deux êtres mais toujours celle de deux familles. Quand le pavois vaginal ne saigne pas la nuit des noces, l’hymen devient générateur de drames souvent lamentables. Au regard de ce qui précède, l’imaginaire et les considérations exotiques influencent les conditions difficiles de la femme dans l’espace arabo-musulman. Fort de ces constats les femmes à partir de la seconde moitié du XXème siècle vont s’engager pour une certaine émancipation. II. L’EVEIL DES FEMMES ARABO-MUSULMANES DANS LA SECONDE MOITIE DU XXème siècle 1. La revendication de nouvelles positions économiques et sociales Les pays arabes du Maghreb sont les pionniers de cette lutte. Le Maghreb postcolonial notamment l’Algérie, le Maroc et la Tunisie accordent un intérêt particulier à la question féminine. Les premières revendications portent sur les droits politiques des femmes. Les femmes arabes du Maghreb utilisent les ONG, les partis politiques et les mouvements de défense des droits de femmes pour porter leur voix. Par exemple au Maroc, les femmes ont stigmatisé la non-application des principes d’égalité entre les hommes et les femmes. En Algérie, les femmes critiquent le code de famille qui maintient le statut de prééminence de l’homme et la banalisation de la femme qui est reléguée au second plan. En Tunisie, le Président Habib Bourguiba prend ses responsabilités. Il accorde quelques droits dans une politique de développement et de modernisation du pays. D’ailleurs à partir de 1956, la Tunisie fait de la question féminine l’enjeu mobilisateur d’une politique nouvelle dont la famille est le pivot central. En 1956, le statut de la femme, évolueconsidérablement en Tunisie avec la promulgation du code du statut personnel. Ce code constitue une véritableévolution 4 car l’on assiste à l’abolition de la polygamie, de la répudiation, du tuteur matrimonial et l’instauration du divorce judiciaire. Pour Habib Bourguiba, il était important de permettre aux femmes d’être au diapason des réalités du monde contemporain. Son attitude a été diversement appréciée par les théologiens Tunisiens mais ces reformes Tunisiennes ont été des éléments catalyseurs pour l’éveil des femmes dans le monde arabo-musulman. Au-delà de la lutte pour leur reconnaissance, les femmes arabo-musulmanes souhaitent intégrées le tissu économique de leurs pays respectifs. 2. La volonté d’intégration des femmes arabo-musulmanes dans le tissu économique La volonté d’intégration exige un minimum d’intégration. A cet effet, la question de l’éducation de la femme arabo-musulmane a constitué une préoccupation majeure depuis de nombreuses années. La problématique de l’éducation devrait susciter la question de la formation professionnelle et du travail féminin. Dans la plupart des pays arabes notamment du Maghreb, les femmes sont désormais encouragées à se former d’avantage. La Tunisie encore est pionnière par la création d’une école de jeunes filles musulmanes pour rendre plus dynamique le secteur économique qui ne devait plus être l’apanage des seuls hommes. A l’exemple de la Tunisie, les centres de formation professionnelle pour les femmes se propagent dans tout le Maghreb. Les jeunes femmes sont formées pour les besoins de l’économie locale. Ces femmes étaient surtout formées dans le domaine de l’artisanat. Leur métier portait sur plusieurs domaines. Nous avons la dentelle et la broderie, le tissage des tapis, les couvertures et les vêtements. Les femmes maghrébines devenaient de plus en plus nombreuses dans le tissu social et économique. De par leur engagement progressif, la mutation du statut féminin devenait une réalité et les femmes ont commencé à se défaire de leur complexe d’infériorité pour prendre une part réelle dans le développement de leurs pays respectifs. 5 III. LES FEMMES ARABO-MUSULMANES ET LE PROCESSUS DE DEVELOPPEMENT (fin XXème siècle- début XXIème siècle) 1. Participation progressive des femmes dans le développement La réalité dans le monde arabo-musulman est que l’économie n’a pas la même teneur dans les différents pays. Au Maghreb par exemple, l’économie de l’Algérie est basée sur l’exportation du pétrole alors que la Tunisie et le Maroc sont considérés comme des modèles exportateurs de main d’œuvre. A la fin du XXème siècle, le dynamisme économique des pays arabes a beaucoup favorisé l’apport des femmes dans le processus de développement. Pour la Tunisie, les premières vagues de privatisation dans les années 1970 ont absorbé une masse de main d’œuvre féminine. Cette situation a contribué à la croissance des exportations Tunisiennes dans le secteur du textile. Cette participation des femmes sur le marché du travail a fait tripler le taux d’activités en 1974. Une quinzaine d’années plus tard après son ouverture à l’économie mondiale dans le cadre des accords d’association avec l’Union Européenne, la participation des femmes à la population active à augmenter de 1,3% entre 1994 et 2004. Dans le cas du Maroc, le processus de libéralisation a eu pour effet de développer les emplois féminins notamment dans le secteur informel. Le taux d’activité féminin passe de 10,7% en 1982 à 25,2% en 1994. Dans le cas de l’Algérie, le modèle de développement basée sur l’exportation des hydrocarbures et des activités pétrolières n’a pas favorisé l’émergence véritable de la femme. La participation des Algériennes à la population est devenue très faible (4% jusqu’à l’orée du XXIème siècle). Cependant, les femmes Algériennes intègrent progressivement l’administration publique notamment l’enseignement et la santé. Aussi faut-il ajouter que cette intégration des Algériennes se fait avec l’évolution de l’instruction. Depuis 2005, sous l’impulsion de l’Union Européenne, les Algériennes investissent progressivement le secteur industriel. Dans l’ensemble, le XXIème siècle (début) marque l’entreprenariat féminin dans le monde arabo-musulman. Aujourd’hui dans tous l’espace arabo-musulman, les femmes sont présentes dans tous les secteurs d’activités économiques. Aujourd’hui, on trouve ces femmes dans le secteur agricole, industriel, halieutique, le secteur du transport, de la communication etc. 6 Il faut cependant souligner que d’un pays arabe à un autre, le dynamisme féminin est différent. En Arabie Saoudite, les femmes détiennent 4% du nombre total des entreprises du royaume. Au niveau des entreprises familiales, certaines femmes détiennent 40% des actions de façon silencieuse. Au-delà de cette nette progression des femmes dans le développement du monde arabomusulman, quelques difficultés se présentent à elles. 2. Les obstacles socio-culturels à l’entreprenariat des femmes arabo-musulmanes Malgré la participation des femmes arabo-musulmanes au développement économique, politique et social de leurs pays respectifs, leur influence demeure faible dans les différents secteurs d’activités. -La persistance des pesanteurs des traditions ancestrales qui confine la femme dans son rôle de mère et d’épouse -Le retard accusé dans l’éducation et l’alphabétisation dans les milieux ruraux. Cette situation renforce le cliché ancien des inégalités entre hommes et femmes -Les activités domestiques et l’éducation des enfants rendent particulièrement difficile la conciliation entre la vie de foyer et la vie professionnelle -La méfiance et souvent le refus des employeurs du secteur à employer les femmes à cause des congés de maternité et leur corrolaire -Il faut aussi ajouter l’inégalité au niveau de la rémunération entre hommes et femmes dans le monde arabo-musulman -L’interprétation biaisée et partisane des textes coraniques (par exemple la femme ne peut être au volant d’une voiture) Pour surmonter ces difficultés, les pays arabo-musulmans notamment ceux du Maghreb ont pris des mesures pour faciliter l’intégration des femmes dans les secteurs d’activités. 7 En Tunisie, le gouvernement a mis en place des programmes publics de microfinances afin d’encourager l’investissement et l’entreprenariat féminin (exemple : 33.000 projets initiés par les femmes ont été financés par la Banque Tunisienne de Solidarité de 1997 à 2008) Au Maroc, plusieurs programmes ont été également initiés pour aider les femmes. Dans le cadre du programme Crédit Jeune Promoteur 26% des femmes en ont bénéficié pour mener à bien leurs activités économiques. Dans l’espace arabo-musulman de telles initiatives se multiplient pour aider les femmes 8 CONCLUSION Au terme de notre analyse, on constate que l’énergie des femmes arabo-musulmanes est sous exploitée à cause de l’influence de la culture. Ainsi, ces pays n’arrivent-ils pas à répondre aux besoins d’une population galopante. Cette situation est favorisée par le taux très élevé d’analphabétisme notamment dans le rang des femmes et la domination d’une pensée mythique traditionnelle qui empêche, une réelle émancipation des femmes et de leur épanouissement. Mais depuis la fin du XXème siècle, des progrès significatifs ont été faits dans le but d’insérer les femmes dans le tissu économique. Si ces efforts sont à encourager, il revient aux pays arabes d’actualiser leurs cultures afin de permettre à la femme de prendre une part significative dans le développement si l’on ne veut pas que ces braves femmes soient oubliées par l’histoire. 9