a. Le chantage à l’Aufklärung.
i. Il faut sortir du débat « pour ou contre les Lumières », tel qu’on l’exprime
parfois de manière réductrice : comme si toute critique de ce qu’a pu
donner, historiquement, le mouvement des Lumières revenait à rejeter
tout rationalisme, voire toute humanité. C’est effectivement ce qu’on a
pu reprocher à la « pensée 68 » (cf. l’ouvrage de L. Ferry et A. Renaut).
ii. De même, le débat humanisme vs. anti-humanisme n’a pas de sens, car
le sens du terme humanisme est trop vague. Tout le monde a pu se
réclamer de l’humanisme, et on est toujours l’anti-humaniste de
quelqu’un. Ici encore, cela renvoie à des débats qui font rage à l’époque
entre intellectuels de tous bords politiques.
iii. Etre fidèle à la modernité ne passe pas par l’adhésion à des thèses
précises qui ont été, historiquement, soutenues par les Lumières :
optimisme du progrès, confiance dans la raison, etc. Il faut se demander
ce qui, dans l’attitude des Lumières, peut être réactualisé par le
philosophe.
b. La modernité comme attitude-limite : « il faut être aux frontières ».
i. L’êthos philosophique est une attitude-limite en ce qu’elle analyse et
remet en question les limites qui sont celles de la société actuelle.
ii. Foucault s’inscrit donc dans la perspective critique kantienne, qui se
voulait une pensée des limites de la raison. Mais Kant posait des limites
qu’il ne fallait pas franchir, tandis que Foucault cherche à examiner
quelles limites peuvent être franchies.
iii. Les limites qui paraissent naturelles, nécessaires, inévitables, sont en
réalité contingentes. Elles dépendent de déterminations historiques plus
ou moins récentes, que l’on peut remettre en cause en les analysant.
c. La modernité comme attitude expérimentale.
i. La philosophie doit être archéologique par sa méthode. Ici, cela signifie
qu’elle traite tout discours, même le discours philosophique, comme un
événement historique, et donc analysable comme tel (à partir de son
contexte d’énonciation, de ses conditions de production, etc).
ii. La philosophie doit être archéologique par sa finalité : l’archéologie
nous permet de nous rendre compte du caractère contestable et
contingent de notre pensée, et par conséquent d’ouvrir à une autre
pensée, à d’autres modes d’action.
iii. Foucault est donc fidèle aux Lumières par son attention à l’actualité,
mais il est prêt à remettre en question les Lumières définies comme
l’affirmation péremptoire d’une raison normative, universelle et
nécessaire.
Lectures conseillées.
- Notes de « Qu’est-ce que les Lumières ? » réalisées par Frédéric GROS pour l’édition
Pléiade des Œuvres de Michel Foucault (t. II).
- Emmanuel KANT, « Qu’est-ce que les Lumières ? », in Œuvres philosophiques, t. II,
Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1985. Egalement disponible dans des
éditions séparées, en GF notamment, et sur Internet.