Colloque international
L’Identité des Lumières : nouvelles approches
Moscou, Château de Kouskovo, 26-28 juin 2017
La réponse donnée par Kant en 1784 à la question « Qu’est-ce que les Lumières ? » est
universellement connue : « Les Lumières, c’est pour l’homme sortir d’une minorité qui n’est
imputable qu’à lui. » Pourtant, tout au long du XIXe siècle et durant la plus grande partie du XXe
siècle, les Lumières ont été considérées comme un bloc idéologique presque homogène, une
sorte de canon doctrinal dont le contenu était associé aux œuvres des grands philosophes, de
Locke à Kant, en passant par Montesquieu et Rousseau, et dont on envisageait le rayonnement, à
travers l’activité de ses partisans, en Italie, en Espagne, au Portugal, en Pologne, en Russie, dans
les Balkans, etc. Cette perception des Lumières, déterminée par le prisme de la Révolution
française, s’est imposée, dès la fin du siècle, chez les révolutionnaires, comme une caution
idéologique. Elle s’est renforcée au XIXe siècle, la Révolution étant devenue un point de repère
fondamental. Cette perspective a reçu une nouvelle impulsion avec les bouleversements
politiques mondiaux du XXe siècle. Qu’elles soient présentées comme une « révolution
philosophique » ou comme un mouvement cosmopolite guidé par les intellectuels réformateurs,
qu’on les accuse d’avoir permis la manipulation des masses ou d’avoir favorisé l’émancipation
des individus, dans tous les cas, la corrélation constante, consciente ou involontaire des Lumières
avec la Révolution et ses conséquences conduisait presque inévitablement à certaines
simplifications : on y cherchait, et donc on y trouvait, des points communs avec l’époque des
grands chocs sociaux, ou des différences témoignant d’une nette rupture avec elle.
Dans le dernier tiers du XXe siècle, avec l’arrivée de la nouvelle histoire sociale, puis de
l’histoire culturelle, la situation a commencé à changer. Aujourd’hui, on traite les Lumières
comme une époque culturelle particulière, un objet culturel à part entière : un « monde
historique » à reconstruire. Les chercheurs ont pris conscience de la complexité de ce « monde »,
et de la nécessité d’étudier non seulement ses idées philosophiques et ses valeurs, mais aussi ses
représentations et ses pratiques, à commencer par les formes de sociabilité et d’éducation qu’il a
stimulées dans tous les domaines. Ainsi, les transferts culturels et les réseaux internationaux sont
peu à peu passés au premier plan, tant et si bien que l’image traditionnelle des Lumières, qui
limitait le phénomène à la sphère européenne, s’est enrichie, diversifiée et nuancée. Désormais,
les Lumières apparaissent de plus en plus comme une nouvelle étape dans l’interaction des
cultures à l’échelle globale.
Les participants au colloque sont invités à présenter les résultats de recherches menées
suivant certaines de ces nouvelles approches.
Thèmes principaux :
1. Nouvelles approches dans l’étude des Lumières.
2. L’espace des Lumières (Enlightenment, Aufklärung, etc.) : structure du réseau, centre(s)
et périphérie(s).
3. Idées, images, symboles et pratiques.
4. Communication interculturelle.
5. L’échelle globale.
6. Fin de l’époque ?
Les organisateurs souhaitent, en outre, que ce colloque soit l’occasion de réunir des
représentants des différentes branches des sciences humaines (historiens, historiens de l’art et du
livre, philosophes, littéraires, conservateurs de musées, etc.), et qu’il permette aux participants de
partager leurs expériences et de comparer leurs méthodes. Il s’agira donc à la fois d’un bilan
collectif des résultats obtenus grâce au changement de paradigme, et d’un échange favorable à de
nouvelles recherches.