Mise en page SI.4 - irspum

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Groupe de recherche
interdisciplinaire en santé
Secteur santé publique
Faculté de médecine
Résesaux en convergence :
Télécommunications de données cliniques
et réseaux intégrés de soins
Évaluation d'un système régional de coordination des soins
de première ligne : Le système SI-PRSI.
Un: système d'information soutenant la
Étude comparée de la collaboration interorganisationnelle et de ses effets
Programmation Régionale
des Soins Intégrés (PRSI)
de la région sociosanitaire de Laval
Claude Sicotte
Marie-Pierre Moreault
Pascale Lehoux
Lambert Farand
R04-04
Février 2004
Dépôt légal – 2e trimestre 2004
Bibliothèque nationale du Québec
ISBN 2–921954–80–X
RÉSEAUX EN CONVERGENCE :
TÉLÉCOMMUNICATIONS DE DONNÉES CLINIQUES
ET RÉSEAUX INTÉGRÉS DE SOINS
Évaluation d’un système régional de coordination des soins
de première ligne : Le système SI-PRSI. Un système d’information
soutenant la Programmation Régionale des Soins Intégrés (PRSI)
de la région socio-sanitaire de Laval
Claude Sicotte, PhD
Marie-Pierre Moreault , M S c
P a sca l e L e h o u x, PhD
Lambert Farand , MD, PhD
Département d’administration de la santé &
Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS)
Université de Montréal
Rapport d’évaluation réalisé dans le cadre du programme
PPICS (Programme de Partenariats de l’Inforoute
canadienne en santé)
Février 2004
Groupe de recherche
Interdisciplinaire en santé
Faculté de médecine
Département d'administration
de la santé
Résumé
Le système sous expérimentation
Le SI-PRSI est un système informatisé qui vise
à assurer un échange sécurisé de données cliniques
entre des établissements différents de manière à réaliser
une coordination régionale des soins et ainsi concrétiser
un continuum de soins à l’intérieur d’un réseau régional
de soins intégrés. Une recherche évaluative conduite
en parallèle a étudié la seconde phase de ce projet pendant
plus de deux ans.
L’intérêt principal du projet SI-PRSI repose sur trois
éléments majeurs qui ont marqué l’évolution de ce projet:
la conception d’un système d’information novateur,
l’établissement d’une infrastructure technologique
régionale complexe et la délicate question de la protection
de la vie privée.
Le concept : Un outil de coordination d’un réseau
régional de soins intégrés
Un réseau de soins intégrés doit pouvoir
compter sur des mécanismes d’échange d’informations
qui permettent la coordination entre des organisations
partenaires ainsi que les professionnels y oeuvrant.
Cet échange d’informations vise à concrétiser le continuum
de soins en remplaçant par une coordination électronique
la coordination usuelle exercée à l’aide des systèmes
conventionnels qui exige beaucoup de temps et d’efforts
des professionnels et du personnel administratif de soutien.
Dans cette perspective, le concept central du système SI-PRSI est à la fois :
a) de permettre une coordination électronique
des soins en appliquant des techniques qui s’apparentent à la gestion de cheminements critiques des trajectoires de patients. À ce titre, le SI-PRSI propose de
faire une coordination électronique et automatisée pour
diminuer le fardeau des intervenants qui doivent
généralement assumer eux-mêmes cette responsabilité
en communiquant entre eux par des moyens traditionnels de communication ;
b)d’assurer la transmission des informations
cliniques nécessaires à une prise en charge clinique
individualisée en se substituant en partie au dossier
médical du patient. L’objectif est alors d’éliminer la
nécessité de transmettre des copies, partielles ou complètes, du dossier médical papier en rendant accessibles, sous format électronique, les données cliniques
requises pour assurer la continuité des soins entre différents établissements et équipes de soins.
Le SI-PRSI vise ainsi à soutenir, en temps réel,
la gestion des trajectoires des patients au sein d’un
réseau d’établissements cherchant à coordonner entre
eux leur offre respective de soins au niveau administratif
(le concept de fiche de liaison) et clinique (le concept
de résumé du dossier médical). Le SI-PRSI est donc un
système d’information hybride qui vise à se substituer
à deux systèmes d’information différents : (a) la fiche
de liaison administrative qui gère le flux des transferts
de patients entre des établissements différents et (b)
le dossier médical. Cette double conception implique
que le SI-PRSI adopte une conception très novatrice
en matière de systèmes d’information.
La réalisation des bénéfices recherchés demeure
cependant une opération difficile car un tel système
informatisé se situe au coeur même des pratiques
cliniques. Il implique nécessairement une transformation
des pratiques professionnelles et son succès repose
donc sur une conception soignée du système et sur
une implantation qui saura prévoir ces changements
organisationnels et adapter la solution informatique
au contexte.
Architecture technologique
L’analyse de ce projet montre l’importance et
la complexité des travaux qu’il est nécessaire de mener
pour établir un environnement technologique apte
à supporter ce modèle organisationnel novateur que
représentent les réseaux de soins intégrés. Jusqu’à
maintenant, les efforts d’informatisation dans l’industrie
de la santé ont été principalement investis dans des
développements intra-organisationnels. La mise en place
de structures inter-organisationnelles commande un vaste
travail de développements technologiques ; et ce, simplement pour créer les fondations de l’infrastructure
réseau qui permettra à des systèmes d’information,
comme le SI-PRSI, de devenir pleinement opérationnels.
Une architecture technologique régionale représente
un vaste arsenal de composantes techniques et logicielles. Sans une architecture régionale complète, apte
à créer un environnement de support technique favorable,
les systèmes d’échanges d’information en réseau ne peuvent
atteindre leur plein potentiel. L’enjeu technologique
est donc de taille pour la pérennité future du réseau
de soins intégrés. En dehors de l’application SI-PRSI,
qui demeure l’élément central du système régional
d’information, trois composantes de l’architecture se sont
révélés névralgiques à développer, compte tenu de leur
nouveauté et des difficultés associées à leur réalisation :
le système régional de messagerie, l’index régional et
le système de gestion du consentement.
I
Protection de la vie privée
Les aspects légaux en matière de protection de
la vie privée et de gestion du consentement des patients
demeurent des enjeux fondamentaux qui ne sont pas
sans avoir des effets importants sur la conception et
le déploiement des systèmes informatisés desservant
des réseaux de soins intégrés. L’équipe de projet a investi
des efforts importants et soutenus afin d’obtenir,
au plan légal, l’approbation du modèle de gestion
des données cliniques sous-jacent à la conception
du SI-PRSI et de l’architecture technologique régionale.
Ces négociations ont eu un impact important sur la conception du SI-PRSI et de l’architecture technologique
régionale. Cet impact s’est manifesté bien au-delà
de la seule dimension légale. Des effets importants sont
manifestes à d’autres niveaux, aussi bien clinique
que technologique. Cette observation est importante
car elle permet de souligner l’interdépendance présente
entre diverses logiques de conception d’un tel système
d’information. Les développements faits au nom
de considérations légales risque d’avoir des répercussions
notables sur l’organisation du travail professionnel
et administratif. Ces changements peuvent entraîner
des effets positifs ou négatifs quant à l’adoption par
les intervenants du nouveau système. La leçon à retenir
ici est que tous les paramètres de conception d’un
système d’information devraient être analysés à la lumière
des diverses logiques en présence (clinique, administrative, légale). La viabilité et l’acceptation du nouveau
système d’information repose en effet sur la qualité
des compromis qui seront ainsi construits pour rendre
le nouveau système opérationnel.
Leçons apprises
Ce projet nous a permis de formuler trois principes
offrant une contribution significative à la conceptualisation et au déploiement de systèmes de partage de données
cliniques aptes à soutenir la mise en place de réseaux
de soins intégrés. Le premier principe concerne la gestion
stratégique du projet de réseau de soins intégrés.
Le second porte sur l’opérationnalisation de la solution
technologique. Le troisième a trait au positionnement
de la nouvelle solution parmi l’ensemble des moyens
disponibles en matière de gestion de l’information.
Le deuxième principe « Agir triangulairement
en conciliant trois logiques divergentes : la logique technologique, la logique clinique et la logique externe »
veut souligner un défi important : celui de parvenir à
maintenir le cap, en préservant la logique fondamental
du réseau, tout en demeurant flexible et imaginatif pour
concilier de multiples logiques divergentes. Au-delà
de la logique novatrice qui forme le cœur du projet,
trois autres logiques fortes se manifestent et elles ne
peuvent pas être ignorées.
Le troisième principe « Agir informatiquement,
penser papier » invite les équipes de projet à modifier
leurs perceptions et leurs façons de faire de manière
à délaisser une vision unilatéralisme, et seulement
informatique, de déploiement de systèmes informatiques pour l’élargir vers le déploiement de systèmes
hybrides électronique – papier. Cette orientation initiale
permettra de développer des systèmes répondant
mieux aux besoins informationnels des utilisateurs.
Conclusion
Le SI-PRSI, le Système d’Information de la Programmation Régionale des Soins Intégrés, est l’une
des deux grandes initiatives de développement de systèmes d’information entreprises par la Régie régionale
de Laval pour améliorer la circulation de l’information
clinique sur son territoire. Une seconde initiative,
menée concurremment, visait à déployer un système
régional de Requêtes / Résultats desservant les cliniques
médicales de Laval. À terme, ces deux systèmes
d’information, qui sont conçus pour être déployés
selon la même architecture technologique et sur
le même réseau de télécommunications, formeront
un système d’information régional intégré, apte à permettre la circulation de l’information entre toutes
les catégories d’établissements de santé : de l’hôpital
aux cliniques médicales en passant par les centres
de soins primaires que sont les CLSC. Notre équipe
de recherche était également responsable de l’évaluation
de ce second système d’information régional et un rapport
d’évaluation a également été produit sur cette seconde
expérience.
Le premier principe «Agir dialectiquement, à la fois
collectivement et localement» met l’accent sur la nécessité
de réaliser un alignement entre les logiques individuelles
des établissements et la nouvelle logique réseau. Le défi est
d’imaginer comment les nouvelles ressources générées par
un tel projet peuvent être mobilisées de manière à résoudre
à la fois des problèmes régionaux et locaux. Il faut en fait
parvenir à agir simultanément au plan régional et local
en favorisant simultanément des logiques divergentes :
une logique-réseau et une logique-établissement.
II
TABLE DES MATIÈRES
Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I
Table des matières
1. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
2. Description du projet, de la technologie et de ses objectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
- Contexte général : La transformation de l’offre de soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
- Le projet de système d’information régional de la Régie régionale de Laval . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
3. Aperçu de la stratégie d’évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
4. Raison d’être & logique d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
- Le concept fondateur du SI-PRSI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
- Migration vers un environnement électronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
- Migration vers une logique « réseau » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
5. Analyse des effets : amélioration et intégration des services de santé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
6. Architecture technologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
7. Vie privée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
8. Leçons apprises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
- Agir dialectiquement, à la fois collectivement et localement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
- Agir triangulairement en conciliant trois logiques divergentes : la logique technologique,
la logique clinique et la logique externe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
- Agir informatiquement, pensez papier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1. Introduction
E
n 1997, le Conseil d'administration de la Régie
régionale de Laval entérinait la proposition
d’une démarche visant à augmenter la capacité
de la région à satisfaire les besoins de soins et services
de sa population en forte croissance. Cette proposition
mettait notamment de l’avant une démarche de Programmation Régionale de Services Ambulatoires, la PRSA,
axée vers une meilleure coordination des soins offerts
par des établissements différents. Le projet s’appuyait
alors sur deux éléments originaux : la création d’un
hôpital ambulatoire, le CHARL (Centre Hospitalier
Ambulatoire de la région de Laval), et le déploiement
d’un système régional d’information. Le système
d’information en question occupait une place névralgique
en vue de la mise en place de la programmation régionale
de services ambulatoires. C’est en fait en grande partie
sur ce système que reposait la gestion efficace des
trajectoires des patients au sein du réseau de soins.
Ce système régional d’information visait en effet à assurer
la circulation de l'information clinique concernant
les patients de manière à permettre aux différents intervenants d’agir rapidement et adéquatement de façon
à concrétiser le continuum de soins que cherchent à créer
le réseau de soins intégrés de Laval.
Une première version de ce système, dénommé
alors SI-PRSA, le Système d’Information de la Programmation Régionale des Services Ambulatoires, fut
déployée à l’échelle régionale dès 1998. Par la suite,
le programme fédéral PPICS a permis la réalisation
d’une seconde phase de ce projet. Cette phase visait
une refonte importante du système précédent. Le nouveau
système d’information porte le nom de SI-PRSI, le Système
d’Information de la Programmation Régionale des Soins
Intégrés.
Ce document présente les résultats d’une recherche
évaluative qui a été menée en marge de ce projet, et ce,
dès son initiation, au printemps 2001, jusqu’à l’automne
2003. Cette recherche vise à produire une information
utile apte à cerner les enjeux professionnels, organisationnels et technologiques associés au déploiement d’une
telle solution informatique et à ainsi mieux éclairer
les décisions futures de son déploiement à une plus
large échelle. Le document s’attache d’abord à décrire
les caractéristiques de ce projet novateur. Cette description
est suivie d’une présentation sommaire des méthodes
d’évaluation. Ensuite, le rapport examine le nouveau
système informatisé selon les divers angles d’analyse.
Ainsi, à tour de rôle, sont traités la raison d’être de ce système d’information, ses effets en termes d’amélioration
et d’intégration des services de santé. L’architecture
technologique et la délicate question de la protection
de la vie privée sont ensuite examinées. Le document propose finalement une synthèse des leçons tirées de ce projet.
D’entrée de jeu, il faut souligner que l’analyse
des effets, susceptibles d’être produits par le nouveau
système informatisé, le SI-PRSI, qui visait à remplacer
le SI-PRSA en place depuis maintenant plus de cinq
ans, n’a pu être pleinement réalisée. L’échéancier
extrêmement court, proposé par le programme PPICS,
a marqué la fin de l’évaluation avant même que la nouvelle
solution informatique n’ait pu être déployée en contexte
réel. Par conséquent, la section sur l’analyse des effets
se limitera à présenter les effets théoriques qu’il est possible
d’associer au système d’information SI-PRSI sans pouvoir
en valider la véracité. En fait, l’intérêt principal de cette
évaluation repose sur l’analyse des trois éléments majeurs
qui ont marqué l’évolution de ce projet : la conception
du SI-PRSI, un système très novateur ; l’établissement
de l’infrastructure technologique régionale, une structure
complexe ; et, la délicate question de la protection de
la vie privée.
2. Description du projet,
de la technologie et
de ses objectifs
Contexte général : La transformation
de l’offre de soins
Dans tous les pays industrialisés, la gestion
de la santé est en profonde mutation. Les développements récents de la médecine moderne transforment
l’offre traditionnelle de soins. Des innovations médicales,
telle la miniaturisation des techniques diagnostiques
et chirurgicales ou la commercialisation de nouveaux
médicaments de dernière génération, introduisent
de nouvelles formes de traitement privilégiant l’ambulatoire aux dépens de l’hospitalisation traditionnelle.
Ainsi, ce que nous appelons communément le virage
ambulatoire entraîne une transformation profonde
de nos modèles traditionnels d’organisation des soins.
Les épisodes de soins peuvent désormais être écourtés
et tronqués en sous-épisodes offerts à des moments
différents et en plusieurs points de services : hospitalisation, clinique externe, clinique spécialisée, urgence,
CLSC, clinique médicale. Sous ce nouveau modèle
de dispensation des soins, les patients reviennent
à plusieurs occasions et passent alors sous la responsabilité
d’équipes de soins différentes provenant de diverses
organisations retenues pour leur structure d’interventions
et de coûts financiers mieux adaptée à la gravité et
la nature des cas traités (Clair, 2000 ; Fike, 2001 ;
Mazankowski, 2001 ; Romanow, 2002). Ce modèle
de dispensation des soins commande de nouveaux
5
modèles organisationnels axés sur la notion de réseaux.
Ce concept de réseaux fait partie de ces nouveaux modèles
organisationnels offrant un potentiel prometteur dans
le domaine de la santé : les réseaux de soins intégrés.
Un réseau de soins intégrés est un ensemble circonscrit,
persévérant et structuré d’organisations autonomes
impliquées dans la production commune de soins.
Ces organisations interagissent de manière à offrir à leur
clientèle un continuum de soins à la fois complets
et continus (Leatt et coll., 1995; Provan & Milward, 1995;
Sicotte et coll., 2001 ; Shortell et coll., 1996).
Ce nouvel environnement a suscité en parallèle
l’émergence d’une multitude de projets pilotes en matière
de technologies de l’information de la communication.
Ces projets sont destinés à expérimenter diverses solutions
technologiques tel le dossier patient électronique, le dossier
patient partageable, la télémédecine ou la carte santé
à microprocesseur. Le potentiel de ces technologies
s’exerce principalement au niveau de leur capacité
à transmettre à distance des données électroniques
sur des réseaux de télécommunications à haut débit
communicationnel de type Internet. Ces solutions technologiques peuvent favoriser la mise en place de réseaux
de soins intégrés en permettant aux professionnels
de la santé de communiquer entre eux à distance,
de s’échanger de l’information clinique sur les patients
et de renforcer ainsi l’expertise accessible aux patients.
La diffusion de ces technologies peut favoriser l’émergence de réseaux virtuels, un modèle organisationnel
apte à coordonner auprès d’un même patient une offre
de soins continus et intégrés provenant de partenaires
ou fournisseurs différents.
Le projet de système régional
d’information de la Régie régionale
de Laval
Depuis 1998, des établissements de la région
socio-sanitaire de Laval sont impliqués dans la réalisation
d’un projet novateur de mise en place d’une Programmation Régionale des Soins Ambulatoires, la PRSA.
Ce projet a été entrepris à l’initiative de la Régie régionale
de la santé et des services sociaux de Laval et est animé
par cette dernière. L’introduction du nouveau modèle
d’organisation des soins repose en large partie sur
le déploiement d’un système informatisé d’information
et de communication. Ce système informatisé, le SI-PRSI,
vise à assurer un échange sécurisé de données cliniques
nominales entre des établissements différents de manière
à réaliser une coordination régionale des soins et ainsi
concrétiser un continuum de soins.
Le SI-PRSI est le pilier central de cet effort de régionalisation et d’intégration des soins. Cet outil informatique
vise à prendre le relais du SI-PRSA, mis en place dès 1998.
Tout comme le SI-PRSA, le SI-PRSI vise à transmettre
des données cliniques entre les différents établissements
de santé de Laval partenaires dans la PRSA, à savoir
trois hôpitaux, la Cité de la Santé de Laval – soins aigus
spécialisés, le CHARL – soins ambulatoires spécialisés
et l’Hôpital Juif – soins spécialisés en réadaptation ainsi
que quatre CLSC (soins ambulatoires physiques et sociaux).
À terme, ce réseau d’information sera élargi et intégré
à un réseau de communication similaire réunissant
l’ensemble des cliniques médicales de Laval. Dans cette
perspective, plusieurs cliniques médicales de Laval
participent actuellement à l’expérimentation d’un système
d’information régional de Requêtes/Résultats. Ce second
système régional a également fait l’objet d’une évaluation
dont les résultats sont disponibles (Sicotte et coll., 2004).
Le développement de ce type de système d’information est en émergence dans le domaine de la santé
depuis quelques années. Ce concept, bien connu sous
l’acronyme anglais de CHINs, Community Health
Information Network (Wakerly, 1994), a effectivement
connu une certaine popularité aux Etats-Unis. Jusqu’à
maintenant, l’application la plus commune du CHIN
a été de traiter a posteriori des données administratives
de manière à établir le remboursement des soins dans
le cadre de contrats d’assurance. Le modèle s’étend
maintenant vers le domaine clinique grâce à des applications comme les systèmes de Requêtes / Résultats.
Le SI-PRSI se situe dans cette dernière catégorie
des applications cliniques. Il vise à soutenir, en temps
réel, la gestion des trajectoires des patients au sein d’un
réseau d’établissements cherchant à coordonner entre
eux leur offre respective de soins au niveau administratif
et clinique. À cette fin, le nouveau système a adopté
une double conception qui est très novatrice en matière
de systèmes d’information. Le SI-PRSI vise d’abord
à gérer en temps réel, selon un concept de fiche de liaison,
de manière pré-programmée et automatisée, l’ensemble
des trajectoires de soins des patients inscrits dans les divers
programmes offerts par la PRSA. Le SI-PRSI vise ensuite,
selon un concept de résumé du dossier médical, à fournir
un système unique, standardisé et simplifié, qui permet
de transmettre l’information clinique nécessaire aux
professionnels qui doivent prendre en charge un patient
suite à son transfert. En somme, le nouveau système
vise à alléger et simplifier le travail administratif des
professionnels qui devaient, dans le cadre du dispositif
antérieur, assurer eux-mêmes le transfert des patients
entre différents établissements par l’entremise d’une série
de formulaires administratifs et divers moyens de communication : conversations téléphoniques, messages
vocaux, télécopie, courriels et copies partielles ou complètes de dossiers médicaux. L’accessibilité aux soins
6
devrait, grâce au nouveau système, être améliorée et leur
continuité assurée.
Au plan organisationnel, le nouveau système projette
une refonte importante du modèle initial adopté par
le SI-PRSA. Sa conception a été revue de manière à être
plus conforme aux pratiques des professionnels et à
l’organisation clinique des soins des divers établissements
participants. En se conformant mieux aux processus
administratifs et cliniques en place, l’apprentissage et
l’adoption du nouveau système devraient être facilités.
Il est important de souligner à cet égard que ce processus
de reconceptualisation des processus administratifs et
des façons de faire autour du nouveau modèle de réseau
intégré est névralgique pour pouvoir concevoir et opérationnaliser adéquatement l’architecture du nouveau
système régional informatisé. Cette étape est essentielle
pour s’assurer que les professionnels de la santé pourront
assumer les nouvelles tâches de gestion de l’information
et que la circulation de l’information sera adaptée au
continuum de soins recherché. Soulignons également
que cet effort de reconceptualisation et de renégociation
de nouveaux processus de gestion de l’information
électronique – qui doit être fait au niveau de plusieurs
organisations différentes ; ce qui en démultiplie la complexité – est tout aussi important, sinon plus important,
que l’énorme effort qui doit être investi dans la réalisation
de la dimension technologique d’un tel projet.
Au plan technologique, le SI-PRSI innove également.
Le nouveau système abandonne la plate-forme technologique initiale du SI-PRSA pour migrer vers un système
de gestion de base de données plus adapté au traitement
des données associées à un volume élargi de clientèle.
En outre, une infrastructure d’intégration régionale est
développée pour permettre au SI-PRSI de fournir son
plein potentiel. Cette architecture régionale vise notamment la mise en place de trois applications importantes
pour le bon fonctionnement de réseaux de soins intégrés :
un service de messagerie, un index régional et un système
de gestion du consentement des patients.
Finalement, au plan légal, le projet a investi des
efforts importants afin d’obtenir l’aval de la Commission
d’Accès à l’Information (CAI) du Québec et ce, avant
même la conception finale du nouveau système et son
déploiement au niveau des utilisateurs.
3. Méthodes d’évaluation
Stratégie d’évaluation
À la base, le devis de recherche s’appuie sur
la synthèse des connaissances et l’analyse de cas multiple
(Yin, 2003). Ces stratégies sont appropriées pour les
recherches de nature exploratoire visant la modélisation
de phénomènes complexes. Nous avons adopté une
approche de cas multiple permettant une analyse
spécifique de chacune des organisations différentes
impliquées dans ce projet. Chaque cas a d’abord été
analysé individuellement ; puis transversalement
pour analyser les similitudes et différences entre les cas.
Ces analyses successives permettent de produire des
résultats valides et généralisables selon une logique
de réplication théorique (Yin, 2003).
La recherche a été initiée dès les débuts du projet,
en mai 2001, et s’est poursuivie jusqu’au mois d’octobre
2003, moment où nous avons mis fin à nos efforts sur
le terrain pour pouvoir réaliser le rapport de recherche
selon l’échéancier exigé par le programme PPICS.
Méthodes et sources des données
Les données nécessaires aux analyses de cas ont
été produites à l’aide de trois techniques : (a) une série
d’entrevues menées auprès d’un échantillon d’utilisateurs
du système d’information ainsi qu’auprès d’acteurs-clé
impliquées étroitement dans la gestion du projet,
(b) une analyse documentaire et (c) l’observation.
Un total de 40 entrevues ont été réalisées. Treize
entrevues ont été menées auprès des gestionnaires responsables du projet. Ces gestionnaires appartenaient à tous
les établissements participants au programme de régionalisation des soins incluant la Régie régionale. Vingt-sept
entrevues ont été réalisées auprès de professionnels
de la santé et du personnel administratif qui opèrent
le système actuel, le SI-PRSA. Ces utilisateurs directs
du système offrent une source riche d’informations car
ce sont eux qui gèrent au quotidien le transfert des
patients entre les différents établissements de la PRSA
et c’est à eux que le nouveau système informatisé est
destiné. Les entrevues ont été menées de façon à identifier
(a) les qualités et les défauts du SI-PRSA ainsi que (b)
les caractéristiques que devraient offrir le nouveau système régional, le SI-PRSI. La répartition des personnes
interviewées selon les établissements participant à
la programmation régionale est la suivante:Cité de la santé
de Laval et CHARL (7 personnes), Hôpital Juif de réadaptation (2) et les 4 CLSC (18). La répartition des mêmes
27 personnes interviewées selon leur statut professionnel
est la suivante : 11 infirmières, 6 ergothérapeutes ou
physiothérapeutes, 6 travailleurs sociaux et 4 commis.
La durée moyenne des entrevues a varié de 30 à
60 minutes.
L’analyse documentaire a porté sur l’ensemble
des documents internes produits sur le SI-PRSI. Tous
les documents produits jusqu’au mois d’octobre 2003
7
ont été inclus dans cette évaluation. Nous avons également
eu recours aux évaluations antérieures, internes et externes,
produites sur le système précurseur, le SI-PRSA. Ce
matériel fut utile pour mieux comprendre et analyser
la logique de la refonte mise de l’avant pour développer
le nouveau système SI-PRSI.
4. Raison d’être et logique
d’action
Dans cette section, nous examinons le rôle prêté
au SI-PRSI dans la réalisation de la programmation
régionale ainsi que la logique des mécanismes mobilisés
par le nouveau système. Cette analyse permet de mettre en
lumière le caractère novateur de ce système et les enjeux
associés à son développement et son déploiement au
sein d’un réseau composé d’établissements différents.
Le concept fondateur du SI-PRSI
Un réseau de soins intégrés doit pouvoir compter
sur des mécanismes d’échange d’informations qui permettent
la coordination entre les organisations partenaires du
réseau ainsi que les professionnels y oeuvrant. Le système
d’information assurant cet échange d’informations se
situe au cœur même du concept de réseaux de soins
intégrés. Il permet de concrétiser le continuum de soins.
Ce système d’information vise à remplacer par une
coordination électronique la coordination usuelle qui
exige beaucoup de temps et d’efforts des professionnels
et du personnel administratif de soutien. Le déploiement
d’un tel système d’information informatisé est un projet
novateur qui demeure sans équivalent dans le système
de santé québécois.
Plus précisément, la raison d’être du SI-PRSI est
de faciliter la circulation des informations cliniques requises
par les différents cliniciens d’établissements différents
afin que ceux-ci soient prévenus à l’avance des transferts
de patients et puissent planifier en conséquence les soins
qu’ils devront offrir en fonction d’une double contrainte :
répondre aux besoins spécifiques de chaque patient et
respecter des protocoles cliniques pré-établis propres
aux divers programmes inter-établissement de la PRSA.
De cette manière, l’intégration et la coordination
des soins au niveau du réseau sont assurées. En effet,
d’une part, les besoins spécifiques et l’état clinique
du patient sont connus et cette information le suit tout
au cours de la progression de sa trajectoire de soins
au sein du réseau ; ce qui permet aux intervenants
d’agir adéquatement. D’autre part, le système permet
de réguler le flux des trajectoires des patients en fonction
de trajectoires conçues et pré-programmées pour
concrétiser la programmation régionale.
Le système d’information permet par conséquent
de concrétiser la programmation qui spécialise les offres
de soins dispensés par les divers établissements et
d’assurer l’intégration essentielle au cheminement du
patient dans la gamme des services offerts. Le système
d’information SI-PRSI est le moyen par lequel on
s’assure que les trajectoires pré-programmées de soins
sont respectées et qu’une information personnalisée
suit chaque patient de manière à permettre à chaque
intervenant de personnaliser les soins nécessaires au
plan de leur variété (soins complets) et de leur continuité
(soins continus). Ainsi, une coordination entre des équipes
de soins différentes appartenant à des établissements
différents devient possible. Autrement dit, le nouveau
système permet de diriger la trajectoire de chaque
patient à travers les méandres des services offerts par
le réseau et d’offrir des soins adaptés à la condition
de chacun réalisant ainsi une coordination efficiente
entre les partenaires du réseau.
En somme, le SI-PRSI doit permettre de résoudre
un double problème fondamental auquel font face tous
les réseaux de soins intégrés :
a) l’orientation des patients au sein d’un réseau
de soins selon des trajectoires balisées en fonction de protocoles cliniques concrétisant le continuum de soins ;
b) la détermination des informations clinicoadministratives devant suivre les patients lors de leur
transfert d’un établissement à l’autre. Cette information
doit permettre aux équipes de soins d’assurer une
coordination adéquate de leurs activités de manière
à répondre aux besoins spécifiques de chaque patient
de façon à produire une offre de soins complète et personnalisée concrétisant le continuum de soins au plan
individuel.
Ce modèle de gestion des trajectoires de soins se
compare au modèle de Gestion des cas (case-management)
que l’on retrouve dans certains hôpitaux afin de surveiller
et réguler la durée de séjour des patients hospitalisés.
Le SI-PRSI est toutefois beaucoup plus complexe.
D’abord, il doit agir à un niveau régional pour coordonner
une offre de soins offerts par plusieurs établissements
autonomes. Ensuite le système est pré-programmé et vise
à assurer la coordination des transferts de patients en
fonctions des trajectoires définies dans la PRSA. De plus,
ce système de case-management régional doit fonctionner
en temps réel, au moment où les patients sont sur le point
d’être transférés. Finalement il doit, et c’est là que se situe
le défi le plus important, devenir la source de référence
unique contenant les informations cliniques suffisantes
et nécessaires à l’équipe de soins d’un autre établissement
qui est responsable de prendre le relais de manière à
assurer la continuité des soins. À ce titre, le nouveau
système doit contenir des informations cliniques qui
8
sont généralement contenues dans un autre système
d’information : le dossier médical du patient. Le SI-PRSI
est donc un système d’information hybride qui vise à
se substituer à deux systèmes d’information différents :
(a) la fiche de liaison administrative qui gère le flux
des transferts de patients entre des établissements
différents et (b) le dossier médical.
Ce caractère hybride confère au SI-PRSI une complexité supérieure à celle d’un autre type de système
d’information informatisé que l’on associe souvent aux
réseaux de soins intégrés : le dossier patient partageable.
Le dossier patient partageable demeure un dossier,
parcellaire ou complet, qui est échangé par transmission
électronique entre des professionnels et des établissements
différents. Le concept du SI-PRSI va plus loin car il cherche
à être à la fois ce dossier partageable et, de plus, un système
automatisé de gestion des trajectoires de soins visant
à réguler le flux de patients au sein d’un réseau de soins.
De surcroît, un tel système d’information vise à être
utile pour assurer la gestion du réseau à un niveau
macro. Le système contient effectivement les informations
permettant de surveiller la demande totale de soins
de tout le réseau incluant notamment la durée des listes
d’attentes et la manifestation de goulots d’étranglement. Un tel système peut ainsi permettre de gérer
l’offre globale de soins d’un réseau en améliorant
l’accessibilité et la continuité et tout en minimisant les
temps d’attente.
En somme, le concept central au système SI-PRSI,
qui vise à concrétiser le continuum de soins, est à la fois :
a) de permettre une coordination électronique
des interventions en appliquant des techniques qui
s’apparentent à la gestion de cheminements critiques
des trajectoires de patients. À ce titre, le SI-PRSI propose de faire une coordination électronique et automatisée pour diminuer le fardeau des intervenants qui
doivent généralement assumer eux-mêmes cette
responsabilité en communiquant entre eux par des
moyens traditionnels de communication ;
b) d’assurer la transmission des informations
cliniques nécessaires à une prise en charge clinique
individualisée en exerçant ainsi un rôle de dossier
médical partiel. L’objectif est alors d’éliminer la nécessité
de transmettre des copies, partielles ou complètes,
du dossier médical papier en rendant accessibles, sous
format électronique, les données cliniques requises
pour assurer la continuité des soins entre différents
établissements.
La conception et le développement d’un tel système,
à la fois novateur et complexe, ne se réalisent pas sans
difficultés. À ce titre, il est utile de rappeler les problèmes
auxquels a été confronté le système SI-PRSA, le précurseur
du nouveau système. Cette analyse rétrospective vise
un double objectif. Elle permet d’abord de cerner
les écueils que doit surmonter le SI-PRSI et d’analyser
ensuite la pertinence des solutions mises de l’avant dans
le cadre de la refonte entreprise sous le programme
PPICS. Les écueils ont été regroupés sous deux thèmes :
(a) les difficultés associées à la migration d’un mode
de fonctionnement papier vers un mode électronique ;
(b) l’apprentissage d’un fonctionnement en réseau, une
logique nouvelle et différente des logiques internes aux
établissements.
Migration vers un environnement
électronique
Cette migration entraîne plusieurs problèmes.
Premièrement, il faut comprendre que le SI-PRSA, tout
comme le SI-PRSI, ne remplace pas le dossier médical
du patient qui demeure l’outil principal utilisé par
les équipes de soins de chacun des établissements.
Deuxièmement, le dossier médical demeure en place
et sous sa forme traditionnelle de dossier papier. Le
SI-PRSA n’est utilisé qu’au moment du transfert
des patients. Et, comme il s’agit d’un système électronique,
il faut procéder à une saisie d’informations qui s’ajoute
à celle nécessaire au dossier papier traditionnel.
Le dédoublement de la saisie des informations nécessaire
au dossier médical papier et son résumé électronique
est perçu par les professionnels comme un accroissement
superflu des tâches administratives. C’est là un premier
obstacle important dans la mesure où les professionnels
y voient une perte de temps d’autant plus irritante
que le SI-PRSA avait été introduit avec la prétention
de diminuer les retranscriptions d’informations.
Encore plus difficile est la conception d’une solution
informatique qui offre aux intervenants un résumé
utile du dossier médical du patient. C’est seulement
si toutes les informations nécessaires sont réunies dans
le système électronique que les professionnels, prenant
le relais dans la poursuite d’un programme de soins,
pourront se fier uniquement au nouveau système et ainsi
délaisser complètement leurs moyens usuels de communication:conversation téléphonique, boîte vocale, télécopie, transmission de copies du dossier médical. Cette
difficulté de conception est exacerbée du fait que le système
informatisé doit pouvoir répondre à une large variété
de besoins informationnels variant selon les clientèles,
les professionnels concernés et les divers programmes
offerts par la programmation régionale. Le système
informatisé doit donc être à la fois suffisamment flexible
pour pouvoir transmettre divers formats de données tout
en étant suffisamment standardisé pour permettre à ceux
qui saisissent l’information et à ceux qui doivent la consulter de pouvoir le faire rapidement et adéquatement.
9
La convivialité d’un tel système demeure un enjeu majeur
et un objectif extrêmement complexe à rencontrer.
Cette situation entraîne un défi supplémentaire
pour le système d’information et les intervenants qui
l’alimentent dans la mesure où les professionnels de l’établissement référant deviennent responsables de fournir
la totalité des informations névralgiques requises. Cette
tâche est difficile dans la mesure où les professionnels
référant ne sont pas toujours conscients des besoins
informationnels de leurs collègues, compte tenu de leur
familiarité plus ou moins grande avec les modes de fonctionnement des autres établissements partenaires
du réseau. La stratégie, suivie jusqu’ici, a été de tenter
de définir a priori les besoins informationnels et de préprogrammer les interfaces du système de manière à obtenir
l’information nécessaire à chacune des mesures composant
les programmes régionaux. Cette stratégie est, d’une
part, difficile à exécuter, compte tenu de l’énorme effort
de systématisation des processus de soins exigé initialement (et de façon continue afin de pouvoir maintenir
à jour le système face à l’évolution inévitable des programmes de soins). Cette stratégie de pré-programmation
a, d’autre part, eu l’effet d’augmenter substantiellement
le nombre de formulaires manipulés par les professionnels.
Cette caractéristique a considérablement réduit la convivialité du système du point de vue des utilisateurs tant au
niveau de la saisie des données que de leur consultation.
Consciente de ce problème, l’équipe de projet
privilégie maintenant une refonte de la conception
du nouveau système, le SI-PRSI, qui vise à réduire
le nombre de formulaires – les interfaces – nécessaires
à la coordination des soins et de simplifier la présentation
des contenus. Alors que le SI-PRSA compte plus de 136
formulaires cliniques électroniques différents, la nouvelle conception du SI-PRSI a permis de diminuer
ce nombre à 22 formulaires électroniques différents.
De surcroît, il a été décidé de simplifier et de développer
le nouveau système en meilleure conformité avec
les formulaires existants qui sont souvent approuvés
par le Ministère de la santé et des services sociaux et
les ordres professionnels. Cette dernière décision permet
de développer un système informatisé qui contient des outils
avec lesquels les intervenants sont familiers et d’éviter
des doubles saisies lorsque certains formulaires sont exigés
à des fins provinciales par exemple. Ainsi, le formulaire
DSIE (Demande de services inter-établissement), un outil
provincial de référence inter-établissements existant sous
format papier, sera développée sous format électronique
et intégrée au nouveau système. De même, il est envisagé
de développer en format électronique une série d’outils
d’évaluation provinciaux ainsi qu’un ensemble de
formulaires cliniques élaborés par les professionnels
des établissements du réseau de la santé de Laval pour
pouvoir les utiliser au sein du nouveau SI-PRSI. Les
professionnels pourraient alors réaliser leurs demandes
de transferts de patients en utilisant la DSIE électronique
et y joindre les formulaires électroniques supplémentaires
qu'ils jugent pertinents. Finalement, à terme, il est envisagé
que le SI-PRSI devienne un dossier clinique régional
intégrant toutes les informations concernant un même
patient.
Migration vers une logique réseau
Le nouveau système doit également surmonter
un effet pervers associé à la PRSA : la répartition inégale des tâches administratives au sein du réseau.
Un déséquilibre entre les intervenants qui assument
la saisie des données et ceux qui en bénéficient a été
créé dans la mesure où la majorité des trajectoires
de soins se déroulent séquentiellement sans retour vers
le point d’origine. En effet, les patients débutent le plus
souvent leur trajectoire de soins à l’hôpital de soins
aigus pour ensuite être transférés vers l’hôpital de soins
ambulatoires, vers un CLSC pour des soins à domicile,
ou vers l’hôpital de réadaptation. Il en résulte que ce sont
généralement les mêmes intervenants qui sont aux prises
avec la tâche la plus lourde, la saisie des données, alors
que ce sont d’autres intervenants qui bénéficient le plus
souvent des avantages du système. Ces derniers reçoivent
effectivement une information numérique qui leur
permet de planifier leurs activités et qu’ils peuvent
imprimer et réutiliser pour constituer le dossier médical
de leur établissement. Cette situation rend difficile l’adoption du système chez les utilisateurs qui ne retirent pas
de bénéfices directs, à savoir ceux qui doivent faire
la saisie des données.
Soulignons au passage que ce phénomène entraîne
des conséquences plus larges. La distribution inégale
des tâches administratives représente également des coûts
différents pour les établissements participant au réseau
en terme du temps de personnel nécessaire à la gestion
de l’information suscitée par le système informatisé.
Cet élément représente un écueil dans la mesure où les
logiques financières internes des établissements entrent
en conflit avec la logique du réseau. Au plan stratégique,
ce phénomène a un impact sur « l’enthousiasme » des
établissements à participer au projet de réseau de soins,
tout particulièrement en cette période de restrictions
budgétaires.
Le faible volume de patients pouvant bénéficier
du système SI-PRSA pose également un défi. Même si
ce volume de patients atteint 10 % de la clientèle totale
traitée annuellement dans la région, il correspond aux
yeux des intervenants à un nombre réduit de patients
lorsqu’on le compare à l’ensemble des patients qui font
l’objet de transferts entre les établissements du réseau.
Il s’ensuit que, du point de vue des intervenants, le nombre
de patients nécessitant un recours au nouveau système
10
informatisé est réduit. Cette situation est, d’une part,
positive car le fardeau de tâche exigé des intervenants
est diminué. Par contre, cette situation entraîne un impact
négatif dans la mesure où l’utilisation du système
SI-PRSI demeure sporadique. Cette situation n’est pas
idéale pour favoriser l’apprentissage, l’adoption et
l’insertion du nouveau système informatisé dans
les habitudes de travail. Le nouveau système a ainsi
de la difficulté à prendre sa place en regard des moyens
traditionnels de communication d’autant que les professionnels ont l’impression, compte tenu de la nécessité
de maintenir le dossier médical papier, de subir un
accroissement de leur tâche découlant d’un dédoublement
de la saisie des données.
Afin de palier à cette difficulté, la décision a été prise
d’élargir l’usage du SI-PRSI à l'ensemble de la clientèle
de la région nécessitant un transfert. Cette judicieuse
décision peut permettre d’accroître l’utilité du système
qui est maintenant confiné à la clientèle de la PRSA.
Cette décision est également cohérente avec la décision
d’informatiser le formulaire provincial DSIE et de l’inclure
au SI-PRSI. Ainsi, le nouveau système sera plus conforme aux pratiques usuelles ; ce qui devrait contribuer
à son adoption et à une utilisation élargie.
5. Analyse des effets :
amélioration et intégration
des services de santé
Comme nous l’avons signalé en introduction,
le SI-PRSI est encore en phase de conception et de développement. Il n’a pas été expérimenté auprès d’utilisateurs
en contexte réel d’opération. Dans ce contexte, il est
impossible de pouvoir évaluer la véracité des effets qui
sont associés à ce type de système d’information.
Cette section se limite donc à présenter les mécanismes
selon lesquels le nouveau système pourrait produire
les effets espérés. Seule l’expérimentation en contexte
réel pourra permettre de vérifier (a) si la réalisation
de ces effets est possible ; (b) dans quelle mesure elle est
possible ; et (c), sous quelles conditions.
En théorie, les effets déclenchés par l’usage judicieux
d’un système d’information comme le SI-PRSI sont
de diverses natures. Dans le texte qui suit, nous présentons les divers mécanismes susceptibles d’être
enclenchés par le nouveau système. Ces mécanismes
visent à améliorer les processus administratifs de gestion
de l’information clinique qui, si tel était le cas, pourraient
subséquemment avoir des effets positifs sur l’amélioration
des services de santé et, ultimement, l’état de santé
des patients :
-Communication instantanée : Dès que l’information est saisie dans un système informatisé, tel
le SI-PRSI, cette information peut être instantanément
communiquée à distance aux différents cliniciens intervenant auprès du même patient éliminant ainsi les barrières
temporelles usuelles à la communication de l’information
entre des établissements différents. Au-delà d’une
circulation plus rapide de l’information, le système
informatisé permet d’éliminer les erreurs de retranscription et de classement de données dans les dossiers.
En effet, l’intervention humaine, associée aux mécanismes
cléricaux usuels de communication interprofessionnels
et inter-établissements, est remplacée par une gestion
informatisée et automatisée du traitement et de la transmission de l’information. Il en résulte une diminution
du travail clérical au plan de la saisie, de la transformation,
de la communication et du classement de l’information.
Conséquemment, un tel système devrait favoriser une
meilleure coordination du travail clinique et ainsi
améliorer la continuité des soins.
-Automatisation de la mise en forme et de la transformation des données : Un système informatisé, tel le
SI-PRSI, permet de transformer l’information et de mieux
l’adapter selon les besoins informationnels spécifiques
à chaque type d’intervenants. Ainsi, la décision clinique
est mieux soutenue et, ultimement, il pourrait en résulter
des effets positifs sur l’état de santé des patients concernés.
-Capacité d’être informé et d’intervenir à distance sans intermédiaires humains : Grâce au potentiel
de délocalisation de l’informatique numérique, il est possible
d’éliminer les barrières temporelles et physiques à la
communication de l’information entre des établissements
différents. En effet, les intervenants n’ont plus besoin
d’être présents physiquement pour consulter le dossier
d’un patient ou mettre à jour leur plan d’intervention.
- Coordination automatisée et instantanée des
soins : Les données numériques peuvent être électroniquement transformées et mises automatiquement
en formes de manière à pouvoir mieux accomplir les
finalités d’un programme de soins. Dans le cas présent
d’une programmation régionale de soins, le système
informatisé, tout en répondant aux besoins informationnels des divers intervenants assurant les soins à
un même patient, peut permettre de gérer des trajectoires
de soins selon le modèle de soins intégrés en vigueur.
Cette coordination améliorée des processus pourrait
se traduire en des effets positifs sur l’organisation et
l’intégration des soins et, ultimement, sur la santé des
patients.
-Accès à une information plus riche : Grâce à
la capacité de communiquer à distance les informations
qui auront été recueillies dans d’autres établissements
de santé, l’information accessible à chaque professionnel
11
est plus riche et peut éviter la reprise inutile d’histoires
de cas, de tests de laboratoire et d’examens. La décision
clinique est ainsi accélérée et le confort et la sécurité
du patient pourraient être améliorés dans la mesure où
est évitée la répétition d’analyses et d’examens inutiles.
Un tel système peut donc permettre d’accélérer
la dispensation des soins, offrir une plus grande rigueur
dans leur organisation et assurer une meilleure intégration
de ceux-ci. Il est également possible d’offrir des soins
mieux personnalisés aux besoins individuels de chacun
des patients. Cette innovation pourrait donc assurer
la dispensation de soins complets et continus grâce à
une information plus riche et plus facilement retraçable.
De surcroît, dans la mesure où les patients sont adéquatement orientés dans un réseau de soins intégrés et qu’ils
reçoivent plus diligemment les soins requis, on peut
présumer que leur état de santé ne peut qu’en bénéficier.
On peut également présumer que la diminution
du fardeau administratif des équipes de soins permet
une augmentation correspondante de l’offre de soins
directs qui peut alors être consacrée à d’autres patients
améliorant l’accessibilité aux soins en diminuant
les listes d’attentes.
Dans le même esprit, l’analyse des effets pourrait
être élargie de manière à réaliser une analyse de la rentabilité économique. Cette analyse supplémentaire consisterait
à reprendre les effets que venons d’identifier, d’évaluer
leur valeur subjective et objective (en dollars) de façon
à estimer les bénéfices attribuables au nouveau système.
Par la suite, il faudrait comparer ces bénéfices aux coûts
associés au fonctionnement du nouveau système informatisé pour déterminer la viabilité économique d’un
tel système régional informatisé.
Malheureusement, compte tenu du court échéancier
accordé au projet, il est impossible de mener à terme
une analyse des effets et de la rentabilité économique.
Seule une analyse en contexte réel pourra permettre
de vérifier dans quelle mesure les effets recherchés se produisent et quelles sont les conditions d’usage qui
maximisent les bénéfices. Il faut comprendre que
la conception et le déploiement d’un tel système
demeurent fondamentalement complexes. Pour devenir
un succès et réaliser les bénéfices recherchés, un tel système
doit simultanément être bien conçu, être développé
adéquatement d’un point de vue technique (qualité des
interfaces, temps-réponse), être déployé convenablement
pour en favoriser l’acceptation par les utilisateurs et
être finalement utilisé adéquatement par ces derniers.
6. Architecture technologique
Les travaux de refonte du SI-PRSI ont également
porté sur la dimension technologique du système. En
cette matière, l’équipe de projet a entrepris plusieurs
initiatives. Il a été décidé que le nouveau système allait
délaisser la plate-forme initiale du SI-PRSA, développée
sur Lotus Notes, pour migrer vers un système de gestion
de base de données plus performant et mieux adapté
au traitement de larges volumes de données. Ultérieurement, il est envisagé de développer le système selon
une approche Web. Le recours à une interface de ce type
pourrait permettre de rehausser l’accessibilité en termes
du nombre de postes informatiques soutenant l’application
et d’améliorer la convivialité du système d’information
en proposant des normes de navigation et de présentation
des données éprouvées.
De surcroît, des efforts énormes ont été investis afin
de mettre en place une infrastructure technologique
régionale qui permettra au SI-PRSI de donner son plein
rendement. L’élaboration de cette architecture régionale
a représenté le second enjeu majeur auquel a été confronté
ce projet. Elle a donc fait l’objet d’une analyse particulière
dont nous présentons maintenant les résultats.
D’abord, il est utile de décrire cette architecture
régionale et de faire l’analyse particulière de chacune
de ses composantes. Cette analyse montre bien l’importance et la complexité des travaux qu’il est nécessaire
de mener pour établir un environnement technologique
apte à supporter ce modèle organisationnel novateur
que représentent les réseaux de soins intégrés. Jusqu’à
maintenant, les efforts d’informatisation dans l’industrie
de la santé ont été principalement investis dans des développements intra-organisationnels. La mise en place
de structures inter-organisationnelles commande un vaste
travail de développements technologiques; et ce, simplement pour créer les fondations de l’infrastructure réseau
qui permettra à des systèmes d’information, comme
le SI-PRSI, de devenir pleinement opérationnels. En
ce domaine, il faut rappeler que les données confiées
aux systèmes informatisés sont des données cliniques
personnelles nécessaires aux décisions cliniques. Il s’agit
donc de données névralgiques tant du point de vue
de la qualité et de la continuité des soins que d’un point
de vue légal en matière de protection de la vie privée.
Ces deux aspects complexifient d’autant la rigueur et
les efforts qu’il faut investir dans la réalisation d’une
infrastructure technologique régionale.
L’architecture technologique régionale en conception comporterait les composantes informatiques et
communicationnelles suivantes :
• Un réseau de télécommunications interétablissements. Ce système doit être performant
(temps-réponse) et sécuritaire. En cette matière, la région
de Laval peut bénéficier d’un système de télécommunications existant:le RTSS (Réseau de Télécommunications
Socio-Sanitaire). Il s’agit d’un intranet propriétaire,
12
sécurisé, desservant exclusivement les établissements
de santé du Québec. Ce système existe depuis quelques
années et son fonctionnement est maintenant bien rodé.
L’équipe de projet pourra donc bénéficier dès le départ
d’un réseau sécurisé de télécommunications interétablissements performant qui lui offrira les liens
communicationnels permettant l’échange d’informations entre tous les établissements de la région.
• Le parc d’équipements informatiques. Cette
composante d’un réseau se réfère à l’ensemble des
équipements et des logiciels disponibles dans l’ensemble
des établissements participants au réseau. Sur ce plan,
la région de Laval pourra bénéficier de décisions éclairées
prises par le passé qui lui assureront une grande
homogénéité de son parc d’équipements informatiques.
Cette compatibilité est un atout pour le déploiement
d’une infrastructure régionale. Cet état de fait est
en partie attribuable à la politique suivie par la région
de Laval qui a été de systématiquement s’aligner sur
les normes provinciales en matière de choix technologiques. En cette matière, la qualité de l’infrastructure
technologique planifiée a été avalisée par une étude
réalisée en 2002 par la firme Gartner.
• Un service intégrateur de messagerie réseau.
Ce dispositif permet un échange de messages et de données
entre les applications associées au projet de réseau
de soins intégrés. Cette solution informatique vise à assurer
l’intégration des applications du projet de manière à
garantir l’intégrité et la sécurité des données. L’équipe
de projet a eu recours à l’expertise de firmes réputées
(IBM, Gartner, Sogique) pour mener des analyses en
profondeur sur la qualité du réseau informatique et
le choix du service de messagerie d’échange de données.
Le choix définitif du système intégrateur de messagerie
a été arrêté au printemps 2003. La solution choisie
est maintenant en voie d’implantation. Il s’agit d’une
solution développée par IBM Limitée. Ce système
assure au niveau des communications échangées entre
les partenaires du réseau de soins les six fonctions
suivantes : la gestion de la transmission des messages
d’une source de données à un destinataire unique ;
la gestion de la transformation syntaxique des messages,
des fonctions de publication et de souscription; la gestion
de l’authentification par certificat des applications
source et cible et des droits d’accès ; la signature et
le chiffrement des messages ; le suivi des accusés
de réception et la garantie de transmission ; et, l’adaptation des protocoles de communication et de conversion.
• Un index régional. La décision a été prise de
développer une architecture informationnelle permettant
au SI-PRSI de relier entre eux les différents index locaux
des établissements; ce qui est impossible avec le SI-PRSA
actuel. Cette application, l’index régional, vise à intégrer
l’ensemble des informations disponibles pour un même
patient. Seules les données des patients qui recevront
des services du réseau intégré seront transmises à l’index
régional. Cet index permettra d’associer entre eux les
différents numéros de dossiers des différents établissements
où un même patient a été traité et d’ainsi repérer
les informations utiles à la gestion des épisodes de soins.
Cet index régional est en voie d’implantation. Il s’agit
d’une solution développée par IBM dans le cadre de
son système HNS (Health Network Solution).
• Un système informatisé de gestion du consentement des patients. Cette application permettra de recueillir
et d’enregistrer le consentement de chaque patient.
Ainsi, il sera possible de permettre la circulation de l’information clinique entre les partenaires du réseau en
conformité avec la nature du consentement donné
par chaque patient. Cette application permettra de
respecter le code déontologique des divers intervenants
en matière de secret professionnel ainsi que le cadre
juridique provincial en matière de confidentialité des
données et de protection de la vie privée.
Comme on peut le constater, l’architecture technologique régionale représente un vaste arsenal de composantes
techniques et logicielles dont le rôle demeure névralgique.
Sans une architecture régionale complète, apte à créer
un environnement de support technique favorable,
les systèmes d’échanges d’information en réseau,
comme le système SI-PRSI, ne peuvent fonctionner et
atteindre leur plein potentiel. L’enjeu technologique est
donc de taille pour la pérennité future du réseau
de soins intégrés. En dehors de l’application SI-PRSI,
qui demeure l’élément central du système régional
d’information, trois composantes de l’architecture sont
particulièrement névralgiques à développer, compte
tenu de leur nouveauté et des difficultés associées à
leur réalisation:le système régional de messagerie, l’index
régional et le système de gestion du consentement.
La valeur stratégique de ces trois composantes
n’a pas échappé au Ministère de la santé et des services
sociaux du Québec qui a eu tôt fait de reconnaître
le rôle crucial de ce type d’applications pour l’ensemble
du système québécois de santé. Plusieurs des réorganisations en cours, tant dans le système de santé québécois
que ceux d’autres provinces canadiennes, font en effet
appel à des modèles organisationnels qui dépendent
d’échanges d’informations entre des établissements
différents. Mentionnons simplement, à titre d’exemples,
les réseaux de soins intégrés qui font l’objet de plusieurs
développements au Québec ainsi que les Groupes
de Médecine de famille (GMF). Ce contexte a entraîné
une intervention ministérielle demandant à l’équipe
de projet de Laval de développer des solutions, non
plus simplement régionales et expérimentales, mais
nationales, aptes à satisfaire l’ensemble du système de
santé québécois. Le projet de Laval s’est ainsi vu confier
13
la responsabilité provinciale du système régional
de messagerie et de l’index patient alors que le projet
de Dossier Patient Partageable, mené par l’Hôpital
Ste-Justine, se voyait confié la responsabilité du système
de gestion du consentement. L’importance stratégique
ainsi prise par le projet de Laval a entraîné une
surenchère des enjeux qui a obligé l’équipe de projet
à fournir un effort imprévu initialement. Les enjeux
sont effectivement devenus plus complexes commandant
la consultation et l’intervention d’un plus grand nombre
d’intervenants ainsi que la nécessité de réaliser une série
d’analyses et de contre-expertises afin de s’assurer de
la qualité des solutions retenues. Ces événements
imprévus ont passablement retardé l’échéancier prévu
et finalement reporté le déploiement du système SI-PRSI.
Par contre, nous pouvons affirmer que ces efforts
ont porté fruits dans la mesure où la conception, incluant
les choix technologiques et logiciels spécifiques, de l’infrastructure technologique régionale qui a été produite
présente maintenant de bien meilleures garanties de succès en matière de performance et robustesse techniques
ainsi que de sécurité et d’intégrité des données.
7. Vie privée
Les aspects légaux en matière de protection de la vie
privée et de gestion du consentement des patients
demeurent des enjeux fondamentaux qui ne sont pas
sans avoir des effets importants sur la conception et
le déploiement des systèmes informatisés desservant
des réseaux de soins intégrés. Le projet SI-PRSI s’est
révélé être un exemple particulièrement intéressant en
cette matière. L’équipe de projet a investi des efforts
importants et soutenus afin d’obtenir, au plan légal,
l’approbation du modèle de gestion des données cliniques
sous-jacent à la conception du SI-PRSI et de l’architecture
technologique régionale. Cette approbation a été
recherchée tout au long du projet ; et ce, avant même
le parachèvement de la conception finale et du déploiement du nouveau système. Dans ce chapitre, nous
rappelons le contexte et le fil des évènements ainsi
que les points de litige entre l’équipe de gestion de projet et l’organisme réglementaire québécois en matière
de protection des renseignements personnels. Ce matériel
permet de tirer des enseignements fort utiles.
L’Internet et la redéfinition
des enjeux en matière de protection
de la vie privée
sensibles concernant l’état de santé de personnes.
Même s’il s’agit d’un Intranet, un réseau propriétaire
hautement protégé, les risques d’atteinte à la vie privée
demeurent. Cette question a pris une place importante
ces dernières années et elle occupe l’avant-scène politique
et sociale. Un tel environnement a favorisé une intervention externe forte et contraignante des autorités
politiques et gouvernementales qui cherchent à contrôler le développement des systèmes d’information
traitant des données personnelles. En cette matière,
le Québec s’est doté d’une commission indépendante
investi de pouvoirs d’enquête importants, la Commission
d’accès à l’information (CAI). Depuis plusieurs années,
cette commission québécoise s’est révélé être un organisme très actif qui fait preuve d’une application
particulièrement rigoureuse des règles touchant la protection des renseignements sur les personnes.
Le caractère novateur des systèmes d’information
SI-PRSA et SI-PRSI en matière d’échanges de données
cliniques entre des établissements différents a su attirer
l’attention de la Commission. Dès décembre 2000,
des experts de la Commission entreprenaient un examen
du système SI-PRSA qui s’est, à la demande de la Régie
régionale de Laval, étendu au SI-PRSI. En mai 2002,
la Commission d’accès à l’information déposait son
rapport sur le SI-PRSI. Ce rapport contenait une série
de recommandations précises auxquelles la Régie de Laval
se devait de répondre si elle voulait se conformer au cadre
législatif québécois. Suite à de longs échanges entre
la Régie et la Commission, les efforts de l’équipe de projet
ont finalement été fructueux. En juin 2003, la Commission
écrivait aux autorités de la Régie :
« Lors de sa dernière assemblée, la Commission
a constaté que les propositions et les avenues
de solutions soumises par la Régie régionale
de la santé et des services sociaux de Laval sont
valables et lui permettent de poursuivre avec
efficience la PRSA tout en respectant la législation applicable en matière de confidentialité
et de vie privée ».
Ainsi, avant même son déploiement, le SI-PRSI
est assuré de sa conformité aux règles juridiques en
vigueur. Ce résultat important représente un double
atout. La caution de la CAI devrait favoriser l’adhésion
des futurs utilisateurs ainsi que des patients qui s’inquiètent de ces questions de protection de la vie privée.
De plus, l’architecture du système sera stable lors
du déploiement dans la mesure où des modifications
ne seront pas exigées pour rendre le système SI-PRSI
conforme d’un point de vue légal ; situation qui a déjà
été vécue précédemment avec les coûts humains et financiers conséquents.
Le système SI-PRSI permet de transmettre sur un
réseau de télécommunications des données nominatives
14
Il est important de souligner que ces négociations
entre la CAI et l’équipe de projet ont eu un impact
important sur la conception du SI-PRSI et de l’architecture
technologique régionale. Cet impact s’est manifesté
bien au-delà de la seule dimension légale. Des effets
importants sont manifestes à d’autres niveaux, aussi
bien clinique que technologique. Cette observation est
importante car elle permet de souligner l’interdépendance présente entre diverses logiques de conception
d’un tel système d’information. Une modification faite
au nom de considérations légales risque d’avoir des
répercussions notables sur l’organisation du travail
professionnel et administratif. Ces changements peuvent
entraîner des effets positifs ou négatifs quant à la réceptivité des intervenants face au nouveau système. La leçon
à retenir ici est que tous les paramètres de conception
d’un système d’information devraient être analysés à
la lumière des diverses logiques en présence (clinique,
administrative, légale). La viabilité et l’acceptation
du nouveau système d’information reposent en effet
sur la qualité des compromis qui seront ainsi construits
pour rendre le nouveau système opérationnel.
En terminant ce chapitre, nous présentons
les principales pierres d’achoppement qui ont parsemé
le déroulement des négociations entre la Régie et
la Commission. Cette analyse illustre bien la nature
des divergences existant entre diverses logiques :
a) Archivage centralisé. L’archivage des données
cliniques devait initialement se faire sur un serveur
unique localisé dans un des établissements de la PRSA,
l’hôpital ambulatoire. Ce serveur devait emmagasiner
l’ensemble des données des patients admis au sein
de la programmation régionale. Il s’agit d’une solution
technique qui minimise les coûts d’équipement et facilite
la gestion de la base de données qui est alors unique.
Du point de vue légal, cette option est problématique
car elle implique que des données cliniques sont
fréquemment conservées à l’extérieur de l’établissement
de santé où le patient a reçu ses soins, une disposition
contraire à la loi actuelle.
La solution a été de confirmer, par des ententes
formelles, le statut particulier de l’établissement
accueillant le serveur unique réunissant toutes les données
cliniques. Cet hôpital qui est l’établissement pivot
de toute la PRSA depuis les tous débuts verra donc
officialiser son rôle par des ententes formelles signées
par toutes les parties. Ainsi, tous les patients bénéficiant de la PRSA seront admis dans cet établissement
pivot et les soins reçus des autres établissements appartenant à la PRSA seront dispensés sous un mandat
de soins confié par l’établissement pivot aux établissements
partenaires. Des ententes formelles seront donc signées
à cet effet entre les établissements. La conséquence de cette
disposition est de permettre l’échange d’informations
entre les établissements (sous conditions, bien sûr,
d’obtenir un consentement éclairé de la part du patient)
et de donner à l’hôpital pivot la responsabilité de conserver le dossier des patients de la PRSA. Grâce à cette
solution, l’intégrité du modèle d’échange de données
cliniques proposé par le SI-PRSI sera viable.
b) Conservation des données. La position initiale
de la Commission d’accès à l’information était de
demander à ce que soient détruites toutes les données
cliniques colligées dans le SI-PRSI dès que le patient
obtenait son congé de soins. Selon l’interprétation
de la Commission, ces données cliniques étaient simplement une copie de données originales conservées dans
les dossiers médicaux originaux des divers établissements
impliqués dans un épisode de soins. Cette copie étant
constituée à des fins temporaires de gestion des cas,
le temps du transfert des patients, elle ne pouvait donc
pas être conservée suite au congé du patient.
Cette disposition entraînait un impact important
sur la perception des intervenants quant à l’utilité d’un tel
système et leur propension à vouloir saisir des données.
En rendant éphémères les données numériques saisies
aux fins du SI-PRSI, est éliminée la possibilité de ré-utiliser
ces données lorsque le patient revient dans le système
de la programmation régionale pour recevoir d’autres
soins. Cette disposition aurait éliminé un avantage
important du nouveau système informatisé : le partage
des mêmes informations entre des établissements et
la diminution des coûts liés à la retranscription des données.
La solution relève encore une fois de la signature
de mandats formels de soins décrits précédemment.
Ceux-ci ont l’effet légal de redéfinir les relations entre
les établissements participant à la PRSA et de permettre
la préservation du dossier électronique constitué par
le SI-PRSI. Ainsi, la pérennité des données est assurée
ainsi que leur ré-utilisation éventuelle lors d’épisodes
ultérieurs de soins.
c) Conservation des données de l’index régional.
Ce litige est similaire au précédent. Selon la Commission,
les données cliniques contenues dans l’index régional
devaient être détruites dès que le patient obtenait
son congé de soins. L’interprétation repose ici aussi sur
le fait que cette information n’est nécessaire que pendant
l’épisode de soins et que seules les données originales
contenues dans les index locaux des établissements
peuvent être conservées. Une telle disposition aurait
encore une fois grandement diminué l’utilité de développer
un index régional dans la mesure où cet index sert précisément à vérifier si les patients possèdent déjà un dossier
au sein du réseau. Ce mécanisme permet alors de récupérer
ces données et de mieux informer les intervenants sur
la condition de leurs patients et d’éviter les retranscriptions
ou les copies de dossiers.
15
Encore ici, la solution relève de la signature de
mandats formels de soins qui, en redéfinissant la
nature de la PRSA, permettent de conserver les informations de l’index et leur ré-utilisation ultérieure.
8. Leçons apprises
Le projet SI-PRSI est un projet complexe et novateur.
Il est riche d’enseignements en matière de technologies
de l’information apte à favoriser l’établissement d’un
continuum de soins au sein d’un réseau de soins intégrés.
Avant tout, faut-il le rappeler, l’introduction de technologies de l’information au sein d’organisations
complexes, comme les organisations de santé,
représente des défis majeurs d’autant que ces transformations concernent le cœur de ces organisations :
la production des soins. Cette complexité émerge du fait
que ces technologies ne se limitent pas à de simples
dispositifs techniques. Elles englobent les connaissances,
les normes, les valeurs et les façons de faire des professionnels qui les utilisent. Ainsi, l’introduction de telles
innovations ne peut faire autrement que de modifier,
d’une façon ou l’autre, les pratiques professionnelles
et organisationnelles au sein desquelles elles s’insèrent.
À leur tour, les pratiques professionnelles et organisationnelles doivent pouvoir modifier ces technologies
qui ne peuvent, malgré tous les plans préliminaires,
être conçues sans adaptations ultérieures.
En fin de compte, le succès réside dans la recherche
de compromis mettant à profit la flexibilité des technologies et des contextes où elles s’insèrent. La résolution
de tensions divergentes demeure le fil conducteur qui
rassemble les enseignements issus du projet SI-PRSI.
Nous avons regroupé sous trois principes les éléments-clés
qui contribuent au succès de l’implantation de technologies de l’information (TI) aptes à soutenir la coordination
des soins au sein d’un réseau de soins. Nous les résumons
ainsi :
• Agir dialectiquement, à la fois collectivement
et localement
•Agir triangulairement en conciliant trois logiques
divergentes : la logique technologique, la logique
clinique et la logique externe
• Agir informatiquement, penser papier
Le premier principe concerne la gestion stratégique
du projet de réseau de soins intégrés. Le second porte
sur l’opérationnalisation de la solution technologique.
Le troisième a trait au positionnement de la nouvelle
solution parmi l’ensemble des moyens disponibles en
matière de gestion de l’information.
Agir dialectiquement, à la fois
collectivement et localement
La conception du SI-PRSI et son déploiement ont
été menés à l’initiative d’un organisme central, la régie
régionale. Cette approche a été fort utile. Elle a permis
de créer une vision cohérente du réseau de soins intégrés et d’insuffler au projet la détermination suffisante
pour amener les établissements à modifier dans le sens
du nouveau modèle d’organisation des soins leurs
façons de faire usuelles. Ainsi, la vision collective d’un
réseau de soins intégrés a pu émerger et se propager.
À l’opposé, chacun des établissements du réseau
doit assumer sa fonction fondamentale et poursuivre
ses activités usuelles. Dans cet exercice de vouloir agir
en réseau, chaque établissement demeure confronté
à une série d’impératifs de production et de gestion
interne auxquels il peut difficilement se soustraire.
Le projet novateur de réseau intégré doit demeurer
sensible à cet état de fait. En conséquence, le projet
collectif doit contribuer et fournir un appui tangible
à l’accomplissement des missions individuelles des
établissements tout en poursuivant ses propres fins :
l’établissement du réseau. Les partenaires du réseau
doivent pouvoir imaginer des solutions qui visent à
résoudre à la fois des problèmes locaux et collectifs.
Cette recherche de solutions est difficile et produit
le plus souvent des solutions imparfaites qui souffrent
inévitablement de tensions constantes entre les niveaux
d’actions collectives et locales. D’où la nécessité
d’adopter dans la gestion de ces projets une perspective
de nature dialectique ; ce qui implique que l’évolution,
la transformation des façons de faire, se réalise par l’affirmation
de mouvements contraires que l’on tente de surpasser.
L’alignement entre les logiques individuelles
d’établissements et la nouvelle logique régionale
demeure complexe et difficile à réaliser. Il est donc
important que les besoins et les problèmes des établissements et des professionnels soient activement pris en compte
dans le déploiement du nouveau système. Dans cette
perspective, l’innovation, tout en offrant un projet
collectif de transformation vers un réseau, doit également
offrir des solutions adaptées aux besoins locaux ainsi
que des ressources favorisant ces solutions. En d’autres
termes, une gestion au niveau régional risque d’être
insuffisante, si elle ne suscite pas l’émergence de relais
forts dans chacun des établissements partenaires.
Ces relais sont essentiels pour maintenir la dynamique
de changement. Ces relais doivent également posséder
du pouvoir de manière à agir comme des contrepoids à
la régionalisation en valorisant les dynamiques locales.
16
Enseignement
Parvenir à agir simultanément au plan régional
et local en appuyant simultanément des logiques divergentes : une logique réseau et une logique établissement. Le défi est d’imaginer comment les nouvelles
ressources générées par un tel projet peuvent être
mobilisées de manière à résoudre à la fois des problèmes régionaux et locaux.
Agir triangulairement de manière
à concilier trois logiques divergentes :
la logique technologique, la logique
clinique et la logique externe
Le défi est de parvenir à maintenir le cap, en
préservant le caractère fondamental du projet, tout
en demeurant flexible et imaginatif pour concilier
de multiples logiques divergentes. Au-delà de la logique
novatrice qui forme le cœur du projet, nous avons
observé trois autres logiques fortes qui ne peuvent être
ignorées. Ces logiques présentent à la fois des écueils et
des opportunités qu’il faut capturer ou surmonter.
Une première logique forte est la logique technologique. Elle est la partie la plus visible du projet
et elle peut devenir – ce que l’on observe trop souvent –
celle qui accapare toute l’attention et tous les efforts.
Lorsque c’est le cas, la logique technologique évacue
les autres logiques qui, inévitablement, referront
surface lorsque les utilisateurs tenteront de s’approprier le nouveau système en contexte réel. Tout le défi
ici est de parvenir à maintenir l’innovation technologique
dans son rôle accessoire. Les technologies de l’information doivent demeurer des moyens et ne pas devenir
des buts. Le glissement des buts s’explique souvent par
la complexité technique du projet qui accapare toutes
les énergies au dépend de la transformation organisationnelle qui doit demeurer le centre du projet. Ainsi,
par exemple, l’objectif primordial du projet devient celui
d’implanter le nouveau système régional d’information
alors qu’il devrait être celui d’améliorer la coordination
des soins au sein du réseau.
Une seconde logique névralgique est celle des
utilisateurs du système d’information. Un système
informatique est un système technique qui va au-delà
du simple dispositif informatique. Le SI-PRSI, comme
la plupart des nouvelles technologies de l’information,
est une innovation entraînant des transformations profondes au sein d’une organisation. Cette innovation
informatique n’est pas sans créer de fortes tensions
avec une série de logiques professionnelles et organisa-
tionnelles pré-existantes et cruciales pour permettre
au système en place de fonctionner. Les intervenants
professionnels font face à une série de contraintes dans
leurs responsabilités quotidiennes de traiter les patients.
Si la nouvelle solution technologique ne parvient pas
à susciter le changement tout en respectant un certain
nombre d’exigences et de contraintes auxquelles les
professionnels sont confrontés dans l’accomplissement
de leurs tâches, elle sera rejetée. Le défi est de transformer les logiques en place dans le sens du projet
novateur tout en préservant la logique fondamentale
de ce dernier. Selon cette perspective, la logique technologique initiale doit faire l’objet de modifications
pour s’adapter au contexte.
La troisième logique forte est celle des organismes
externes qui ont une responsabilité et des intérêts eu
égard à la façon dont le projet va se développer. Dans
le cas présent, deux organismes ont été particulièrement
présents : le Ministère de la santé et des services sociaux
et la CAI. La légitimité du premier relevait de son
intérêt à titre de bailleur de fonds et d’organisme planificateur qui recherche l’établissement de standards communs
à travers l’ensemble du système de santé. La légitimité
du second relève de sa responsabilité en matière
de protection de la vie privée. La rationalité juridique
est sûrement celle qui propose les règles de fonctionnement les plus éloignées de la santé et qui peut donc
entraîner des dysfonctions importantes.
En terminant, il faut souligner que ces trois logiques
s’interpénètrent les unes les autres et que la rationalité
dominante pourra varier pendant le déroulement d’un
projet risquant de miner à chaque fois la logique
fondamentale propre au nouveau système et l’équilibre
recherché entre les logiques. La gestion attentive
de cette triangulation est essentielle dans la mesure où
c’est la viabilité même du projet qui est en cause.
Enseignement
Une gestion de projet nécessite d’abord un travail
important de planification de manière à choisir et concevoir
une conception de système d’information qui prévoit
le meilleur ajustement possible en fonction de trois
logiques fortes:technologique, clinique et externe. Mais nul
plan ne peut tout prévoir. Par la suite, en cours de projet,
il faudra faire preuve d’une grande flexibilité de manière
à s’adapter aux aléas imprévus. Cette capacité de
s’adapter en cours de route est possiblement le défi
le plus difficile à surmonter dans ce type de projet
extrêmement complexe. Maintenir le cap grâce à une
vision bien articulée et bien communiquée, tout en
se montrant flexible dans la reformulation des moyens
d’y parvenir de manière à réagir adéquatement aux
circonstances, sont des facteurs-clés essentiels à la réussite
de projets aussi complexes.
17
Agir informatiquement,
penser papier
Les nouvelles technologies de l’information, tel
le système SI-PRSI, offrent des solutions intéressantes
à des problèmes importants de gestion de l’information
auxquels sont confrontées les organisations de santé.
Les bénéfices, que sont techniquement capables de réaliser
ces technologies grâce à leurs mécanismes de traitement et
d’échanges d’information, sont impressionnants mais
demeurent illusoires sans une conception de système
qui tiennent compte du contexte où cette technologie
est déployée.
Il ne faut pas perdre de vue que les établissements
de santé demeurent des univers organisationnels qui
sont encore très dépendants de systèmes d’information
papier, notamment au niveau de la dispensation des soins
où le dossier médical papier demeure omniprésent.
En l’absence d’un dossier médical informatisé, les systèmes informatisés d’échange d’information demeurent
des systèmes secondaires, du point de vue des professionnels. Il faut donc concevoir ces nouveaux systèmes
informatisés en tenant compte de cette réalité. Trop
souvent, on conçoit le nouveau système informatisé
en ne misant que sur les capacités de la technologie
sans adapter cette conception à l’inéluctable réalité.
Il ne faut jamais perdre de vue le contexte au sein
duquel les utilisateurs, eux, devront utiliser le nouveau
système. Or, dans le domaine de la santé, ce contexte
demeure un environnement hybride:papier et numérique.
Tous les systèmes informatisés, comme le SI-PRSI,
qui sont fondés sur des concepts de résumé de dossier
médical ou de dossier patient partageable, rencontrent
cet écueil de devoir être utilisés en complémentarité
avec le dossier médical papier. Dans ce contexte, la
meilleure stratégie de développement d’une solution
informatique est de concevoir, dès le début du projet,
une solution informatique complémentaire, apte à être
utilisée avec les systèmes conventionnels papier. Il faut
donc rechercher à concevoir un système d’information
hybride papier et numérique. L’objectif doit être de tirer
le maximum de bénéfices des fonctions informatiques
offertes par le nouveau système mais en s’attachant à
ce que les nouvelles fonctions proposées soient bien
adaptées au contexte de travail où le système d’information papier demeure présent. Il est donc important
de développer le plus possible les fonctions novatrices
proposées par le système informatisé – c’est là que
réside tout l’intérêt de ces innovations – tout en étant
conscient qu’il est tout aussi important de s’assurer
que les fonctions informatiques soient harmonieusement
intégrées aux fonctions qui devront être réalisées à l’aide
du système conventionnel papier. Sans cette double
recherche d’un équilibre entre les fonctions informatiques
et papiers, le nouveau système informatisé demeure
incomplet et difficile à insérer dans les routines professionnelles et organisationnelles.
Enseignement
Une erreur fréquente est de concevoir l’usage
d’un nouveau système informatique à partir d’une vision
unilatérale et biaisée reposant sur les seules fonctionnalités offertes par la solution informatique. Cette approche
présente la faiblesse de ne pas prendre suffisamment
en compte la nature du travail clinique et les besoins
informationnels qui y sont associés. Sachant qu’à l’heure
actuelle, la plus grande partie des besoins informationnels
des équipes de soins est comblée par des systèmes d’information papier et que les nouveaux systèmes
informatiques ne peuvent combler tous ces besoins ni
à court, ni moyen terme, il faut concevoir des systèmes
informatiques qui sont complémentaires aux systèmes
papier. Le système informatique doit pouvoir s’intégrer
harmonieusement aux processus de gestion de l’information en place. En fait, les équipes de projet devraient
modifier leurs perceptions et leurs façons de faire
de manière à délaisser cette vision unilatéralisme de
déploiement de systèmes informatiques pour l’élargir
vers le déploiement de systèmes hybrides électronique
– papier. Cette orientation permettra de développer
des systèmes répondant mieux aux besoins informationnels des utilisateurs.
18
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19
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Groupe de recherche interdisciplinaire en santé
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