Groupe de recherche interdisciplinaire en santé Secteur santé publique Faculté de médecine Résesaux en convergence : Télécommunications de données cliniques et réseaux intégrés de soins Évaluation d'un système régional de coordination des soins de première ligne : Le système SI-PRSI. Un: système d'information soutenant la Étude comparée de la collaboration interorganisationnelle et de ses effets Programmation Régionale des Soins Intégrés (PRSI) de la région sociosanitaire de Laval Claude Sicotte Marie-Pierre Moreault Pascale Lehoux Lambert Farand R04-04 Février 2004 Dépôt légal – 2e trimestre 2004 Bibliothèque nationale du Québec ISBN 2–921954–80–X RÉSEAUX EN CONVERGENCE : TÉLÉCOMMUNICATIONS DE DONNÉES CLINIQUES ET RÉSEAUX INTÉGRÉS DE SOINS Évaluation d’un système régional de coordination des soins de première ligne : Le système SI-PRSI. Un système d’information soutenant la Programmation Régionale des Soins Intégrés (PRSI) de la région socio-sanitaire de Laval Claude Sicotte, PhD Marie-Pierre Moreault , M S c P a sca l e L e h o u x, PhD Lambert Farand , MD, PhD Département d’administration de la santé & Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS) Université de Montréal Rapport d’évaluation réalisé dans le cadre du programme PPICS (Programme de Partenariats de l’Inforoute canadienne en santé) Février 2004 Groupe de recherche Interdisciplinaire en santé Faculté de médecine Département d'administration de la santé Résumé Le système sous expérimentation Le SI-PRSI est un système informatisé qui vise à assurer un échange sécurisé de données cliniques entre des établissements différents de manière à réaliser une coordination régionale des soins et ainsi concrétiser un continuum de soins à l’intérieur d’un réseau régional de soins intégrés. Une recherche évaluative conduite en parallèle a étudié la seconde phase de ce projet pendant plus de deux ans. L’intérêt principal du projet SI-PRSI repose sur trois éléments majeurs qui ont marqué l’évolution de ce projet: la conception d’un système d’information novateur, l’établissement d’une infrastructure technologique régionale complexe et la délicate question de la protection de la vie privée. Le concept : Un outil de coordination d’un réseau régional de soins intégrés Un réseau de soins intégrés doit pouvoir compter sur des mécanismes d’échange d’informations qui permettent la coordination entre des organisations partenaires ainsi que les professionnels y oeuvrant. Cet échange d’informations vise à concrétiser le continuum de soins en remplaçant par une coordination électronique la coordination usuelle exercée à l’aide des systèmes conventionnels qui exige beaucoup de temps et d’efforts des professionnels et du personnel administratif de soutien. Dans cette perspective, le concept central du système SI-PRSI est à la fois : a) de permettre une coordination électronique des soins en appliquant des techniques qui s’apparentent à la gestion de cheminements critiques des trajectoires de patients. À ce titre, le SI-PRSI propose de faire une coordination électronique et automatisée pour diminuer le fardeau des intervenants qui doivent généralement assumer eux-mêmes cette responsabilité en communiquant entre eux par des moyens traditionnels de communication ; b)d’assurer la transmission des informations cliniques nécessaires à une prise en charge clinique individualisée en se substituant en partie au dossier médical du patient. L’objectif est alors d’éliminer la nécessité de transmettre des copies, partielles ou complètes, du dossier médical papier en rendant accessibles, sous format électronique, les données cliniques requises pour assurer la continuité des soins entre différents établissements et équipes de soins. Le SI-PRSI vise ainsi à soutenir, en temps réel, la gestion des trajectoires des patients au sein d’un réseau d’établissements cherchant à coordonner entre eux leur offre respective de soins au niveau administratif (le concept de fiche de liaison) et clinique (le concept de résumé du dossier médical). Le SI-PRSI est donc un système d’information hybride qui vise à se substituer à deux systèmes d’information différents : (a) la fiche de liaison administrative qui gère le flux des transferts de patients entre des établissements différents et (b) le dossier médical. Cette double conception implique que le SI-PRSI adopte une conception très novatrice en matière de systèmes d’information. La réalisation des bénéfices recherchés demeure cependant une opération difficile car un tel système informatisé se situe au coeur même des pratiques cliniques. Il implique nécessairement une transformation des pratiques professionnelles et son succès repose donc sur une conception soignée du système et sur une implantation qui saura prévoir ces changements organisationnels et adapter la solution informatique au contexte. Architecture technologique L’analyse de ce projet montre l’importance et la complexité des travaux qu’il est nécessaire de mener pour établir un environnement technologique apte à supporter ce modèle organisationnel novateur que représentent les réseaux de soins intégrés. Jusqu’à maintenant, les efforts d’informatisation dans l’industrie de la santé ont été principalement investis dans des développements intra-organisationnels. La mise en place de structures inter-organisationnelles commande un vaste travail de développements technologiques ; et ce, simplement pour créer les fondations de l’infrastructure réseau qui permettra à des systèmes d’information, comme le SI-PRSI, de devenir pleinement opérationnels. Une architecture technologique régionale représente un vaste arsenal de composantes techniques et logicielles. Sans une architecture régionale complète, apte à créer un environnement de support technique favorable, les systèmes d’échanges d’information en réseau ne peuvent atteindre leur plein potentiel. L’enjeu technologique est donc de taille pour la pérennité future du réseau de soins intégrés. En dehors de l’application SI-PRSI, qui demeure l’élément central du système régional d’information, trois composantes de l’architecture se sont révélés névralgiques à développer, compte tenu de leur nouveauté et des difficultés associées à leur réalisation : le système régional de messagerie, l’index régional et le système de gestion du consentement. I Protection de la vie privée Les aspects légaux en matière de protection de la vie privée et de gestion du consentement des patients demeurent des enjeux fondamentaux qui ne sont pas sans avoir des effets importants sur la conception et le déploiement des systèmes informatisés desservant des réseaux de soins intégrés. L’équipe de projet a investi des efforts importants et soutenus afin d’obtenir, au plan légal, l’approbation du modèle de gestion des données cliniques sous-jacent à la conception du SI-PRSI et de l’architecture technologique régionale. Ces négociations ont eu un impact important sur la conception du SI-PRSI et de l’architecture technologique régionale. Cet impact s’est manifesté bien au-delà de la seule dimension légale. Des effets importants sont manifestes à d’autres niveaux, aussi bien clinique que technologique. Cette observation est importante car elle permet de souligner l’interdépendance présente entre diverses logiques de conception d’un tel système d’information. Les développements faits au nom de considérations légales risque d’avoir des répercussions notables sur l’organisation du travail professionnel et administratif. Ces changements peuvent entraîner des effets positifs ou négatifs quant à l’adoption par les intervenants du nouveau système. La leçon à retenir ici est que tous les paramètres de conception d’un système d’information devraient être analysés à la lumière des diverses logiques en présence (clinique, administrative, légale). La viabilité et l’acceptation du nouveau système d’information repose en effet sur la qualité des compromis qui seront ainsi construits pour rendre le nouveau système opérationnel. Leçons apprises Ce projet nous a permis de formuler trois principes offrant une contribution significative à la conceptualisation et au déploiement de systèmes de partage de données cliniques aptes à soutenir la mise en place de réseaux de soins intégrés. Le premier principe concerne la gestion stratégique du projet de réseau de soins intégrés. Le second porte sur l’opérationnalisation de la solution technologique. Le troisième a trait au positionnement de la nouvelle solution parmi l’ensemble des moyens disponibles en matière de gestion de l’information. Le deuxième principe « Agir triangulairement en conciliant trois logiques divergentes : la logique technologique, la logique clinique et la logique externe » veut souligner un défi important : celui de parvenir à maintenir le cap, en préservant la logique fondamental du réseau, tout en demeurant flexible et imaginatif pour concilier de multiples logiques divergentes. Au-delà de la logique novatrice qui forme le cœur du projet, trois autres logiques fortes se manifestent et elles ne peuvent pas être ignorées. Le troisième principe « Agir informatiquement, penser papier » invite les équipes de projet à modifier leurs perceptions et leurs façons de faire de manière à délaisser une vision unilatéralisme, et seulement informatique, de déploiement de systèmes informatiques pour l’élargir vers le déploiement de systèmes hybrides électronique – papier. Cette orientation initiale permettra de développer des systèmes répondant mieux aux besoins informationnels des utilisateurs. Conclusion Le SI-PRSI, le Système d’Information de la Programmation Régionale des Soins Intégrés, est l’une des deux grandes initiatives de développement de systèmes d’information entreprises par la Régie régionale de Laval pour améliorer la circulation de l’information clinique sur son territoire. Une seconde initiative, menée concurremment, visait à déployer un système régional de Requêtes / Résultats desservant les cliniques médicales de Laval. À terme, ces deux systèmes d’information, qui sont conçus pour être déployés selon la même architecture technologique et sur le même réseau de télécommunications, formeront un système d’information régional intégré, apte à permettre la circulation de l’information entre toutes les catégories d’établissements de santé : de l’hôpital aux cliniques médicales en passant par les centres de soins primaires que sont les CLSC. Notre équipe de recherche était également responsable de l’évaluation de ce second système d’information régional et un rapport d’évaluation a également été produit sur cette seconde expérience. Le premier principe «Agir dialectiquement, à la fois collectivement et localement» met l’accent sur la nécessité de réaliser un alignement entre les logiques individuelles des établissements et la nouvelle logique réseau. Le défi est d’imaginer comment les nouvelles ressources générées par un tel projet peuvent être mobilisées de manière à résoudre à la fois des problèmes régionaux et locaux. Il faut en fait parvenir à agir simultanément au plan régional et local en favorisant simultanément des logiques divergentes : une logique-réseau et une logique-établissement. II TABLE DES MATIÈRES Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I Table des matières 1. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 2. Description du projet, de la technologie et de ses objectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 - Contexte général : La transformation de l’offre de soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 - Le projet de système d’information régional de la Régie régionale de Laval . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 3. Aperçu de la stratégie d’évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 4. Raison d’être & logique d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 - Le concept fondateur du SI-PRSI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 - Migration vers un environnement électronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 - Migration vers une logique « réseau » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 5. Analyse des effets : amélioration et intégration des services de santé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 6. Architecture technologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 7. Vie privée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 8. Leçons apprises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 - Agir dialectiquement, à la fois collectivement et localement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 - Agir triangulairement en conciliant trois logiques divergentes : la logique technologique, la logique clinique et la logique externe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 - Agir informatiquement, pensez papier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 1. Introduction E n 1997, le Conseil d'administration de la Régie régionale de Laval entérinait la proposition d’une démarche visant à augmenter la capacité de la région à satisfaire les besoins de soins et services de sa population en forte croissance. Cette proposition mettait notamment de l’avant une démarche de Programmation Régionale de Services Ambulatoires, la PRSA, axée vers une meilleure coordination des soins offerts par des établissements différents. Le projet s’appuyait alors sur deux éléments originaux : la création d’un hôpital ambulatoire, le CHARL (Centre Hospitalier Ambulatoire de la région de Laval), et le déploiement d’un système régional d’information. Le système d’information en question occupait une place névralgique en vue de la mise en place de la programmation régionale de services ambulatoires. C’est en fait en grande partie sur ce système que reposait la gestion efficace des trajectoires des patients au sein du réseau de soins. Ce système régional d’information visait en effet à assurer la circulation de l'information clinique concernant les patients de manière à permettre aux différents intervenants d’agir rapidement et adéquatement de façon à concrétiser le continuum de soins que cherchent à créer le réseau de soins intégrés de Laval. Une première version de ce système, dénommé alors SI-PRSA, le Système d’Information de la Programmation Régionale des Services Ambulatoires, fut déployée à l’échelle régionale dès 1998. Par la suite, le programme fédéral PPICS a permis la réalisation d’une seconde phase de ce projet. Cette phase visait une refonte importante du système précédent. Le nouveau système d’information porte le nom de SI-PRSI, le Système d’Information de la Programmation Régionale des Soins Intégrés. Ce document présente les résultats d’une recherche évaluative qui a été menée en marge de ce projet, et ce, dès son initiation, au printemps 2001, jusqu’à l’automne 2003. Cette recherche vise à produire une information utile apte à cerner les enjeux professionnels, organisationnels et technologiques associés au déploiement d’une telle solution informatique et à ainsi mieux éclairer les décisions futures de son déploiement à une plus large échelle. Le document s’attache d’abord à décrire les caractéristiques de ce projet novateur. Cette description est suivie d’une présentation sommaire des méthodes d’évaluation. Ensuite, le rapport examine le nouveau système informatisé selon les divers angles d’analyse. Ainsi, à tour de rôle, sont traités la raison d’être de ce système d’information, ses effets en termes d’amélioration et d’intégration des services de santé. L’architecture technologique et la délicate question de la protection de la vie privée sont ensuite examinées. Le document propose finalement une synthèse des leçons tirées de ce projet. D’entrée de jeu, il faut souligner que l’analyse des effets, susceptibles d’être produits par le nouveau système informatisé, le SI-PRSI, qui visait à remplacer le SI-PRSA en place depuis maintenant plus de cinq ans, n’a pu être pleinement réalisée. L’échéancier extrêmement court, proposé par le programme PPICS, a marqué la fin de l’évaluation avant même que la nouvelle solution informatique n’ait pu être déployée en contexte réel. Par conséquent, la section sur l’analyse des effets se limitera à présenter les effets théoriques qu’il est possible d’associer au système d’information SI-PRSI sans pouvoir en valider la véracité. En fait, l’intérêt principal de cette évaluation repose sur l’analyse des trois éléments majeurs qui ont marqué l’évolution de ce projet : la conception du SI-PRSI, un système très novateur ; l’établissement de l’infrastructure technologique régionale, une structure complexe ; et, la délicate question de la protection de la vie privée. 2. Description du projet, de la technologie et de ses objectifs Contexte général : La transformation de l’offre de soins Dans tous les pays industrialisés, la gestion de la santé est en profonde mutation. Les développements récents de la médecine moderne transforment l’offre traditionnelle de soins. Des innovations médicales, telle la miniaturisation des techniques diagnostiques et chirurgicales ou la commercialisation de nouveaux médicaments de dernière génération, introduisent de nouvelles formes de traitement privilégiant l’ambulatoire aux dépens de l’hospitalisation traditionnelle. Ainsi, ce que nous appelons communément le virage ambulatoire entraîne une transformation profonde de nos modèles traditionnels d’organisation des soins. Les épisodes de soins peuvent désormais être écourtés et tronqués en sous-épisodes offerts à des moments différents et en plusieurs points de services : hospitalisation, clinique externe, clinique spécialisée, urgence, CLSC, clinique médicale. Sous ce nouveau modèle de dispensation des soins, les patients reviennent à plusieurs occasions et passent alors sous la responsabilité d’équipes de soins différentes provenant de diverses organisations retenues pour leur structure d’interventions et de coûts financiers mieux adaptée à la gravité et la nature des cas traités (Clair, 2000 ; Fike, 2001 ; Mazankowski, 2001 ; Romanow, 2002). Ce modèle de dispensation des soins commande de nouveaux 5 modèles organisationnels axés sur la notion de réseaux. Ce concept de réseaux fait partie de ces nouveaux modèles organisationnels offrant un potentiel prometteur dans le domaine de la santé : les réseaux de soins intégrés. Un réseau de soins intégrés est un ensemble circonscrit, persévérant et structuré d’organisations autonomes impliquées dans la production commune de soins. Ces organisations interagissent de manière à offrir à leur clientèle un continuum de soins à la fois complets et continus (Leatt et coll., 1995; Provan & Milward, 1995; Sicotte et coll., 2001 ; Shortell et coll., 1996). Ce nouvel environnement a suscité en parallèle l’émergence d’une multitude de projets pilotes en matière de technologies de l’information de la communication. Ces projets sont destinés à expérimenter diverses solutions technologiques tel le dossier patient électronique, le dossier patient partageable, la télémédecine ou la carte santé à microprocesseur. Le potentiel de ces technologies s’exerce principalement au niveau de leur capacité à transmettre à distance des données électroniques sur des réseaux de télécommunications à haut débit communicationnel de type Internet. Ces solutions technologiques peuvent favoriser la mise en place de réseaux de soins intégrés en permettant aux professionnels de la santé de communiquer entre eux à distance, de s’échanger de l’information clinique sur les patients et de renforcer ainsi l’expertise accessible aux patients. La diffusion de ces technologies peut favoriser l’émergence de réseaux virtuels, un modèle organisationnel apte à coordonner auprès d’un même patient une offre de soins continus et intégrés provenant de partenaires ou fournisseurs différents. Le projet de système régional d’information de la Régie régionale de Laval Depuis 1998, des établissements de la région socio-sanitaire de Laval sont impliqués dans la réalisation d’un projet novateur de mise en place d’une Programmation Régionale des Soins Ambulatoires, la PRSA. Ce projet a été entrepris à l’initiative de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Laval et est animé par cette dernière. L’introduction du nouveau modèle d’organisation des soins repose en large partie sur le déploiement d’un système informatisé d’information et de communication. Ce système informatisé, le SI-PRSI, vise à assurer un échange sécurisé de données cliniques nominales entre des établissements différents de manière à réaliser une coordination régionale des soins et ainsi concrétiser un continuum de soins. Le SI-PRSI est le pilier central de cet effort de régionalisation et d’intégration des soins. Cet outil informatique vise à prendre le relais du SI-PRSA, mis en place dès 1998. Tout comme le SI-PRSA, le SI-PRSI vise à transmettre des données cliniques entre les différents établissements de santé de Laval partenaires dans la PRSA, à savoir trois hôpitaux, la Cité de la Santé de Laval – soins aigus spécialisés, le CHARL – soins ambulatoires spécialisés et l’Hôpital Juif – soins spécialisés en réadaptation ainsi que quatre CLSC (soins ambulatoires physiques et sociaux). À terme, ce réseau d’information sera élargi et intégré à un réseau de communication similaire réunissant l’ensemble des cliniques médicales de Laval. Dans cette perspective, plusieurs cliniques médicales de Laval participent actuellement à l’expérimentation d’un système d’information régional de Requêtes/Résultats. Ce second système régional a également fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont disponibles (Sicotte et coll., 2004). Le développement de ce type de système d’information est en émergence dans le domaine de la santé depuis quelques années. Ce concept, bien connu sous l’acronyme anglais de CHINs, Community Health Information Network (Wakerly, 1994), a effectivement connu une certaine popularité aux Etats-Unis. Jusqu’à maintenant, l’application la plus commune du CHIN a été de traiter a posteriori des données administratives de manière à établir le remboursement des soins dans le cadre de contrats d’assurance. Le modèle s’étend maintenant vers le domaine clinique grâce à des applications comme les systèmes de Requêtes / Résultats. Le SI-PRSI se situe dans cette dernière catégorie des applications cliniques. Il vise à soutenir, en temps réel, la gestion des trajectoires des patients au sein d’un réseau d’établissements cherchant à coordonner entre eux leur offre respective de soins au niveau administratif et clinique. À cette fin, le nouveau système a adopté une double conception qui est très novatrice en matière de systèmes d’information. Le SI-PRSI vise d’abord à gérer en temps réel, selon un concept de fiche de liaison, de manière pré-programmée et automatisée, l’ensemble des trajectoires de soins des patients inscrits dans les divers programmes offerts par la PRSA. Le SI-PRSI vise ensuite, selon un concept de résumé du dossier médical, à fournir un système unique, standardisé et simplifié, qui permet de transmettre l’information clinique nécessaire aux professionnels qui doivent prendre en charge un patient suite à son transfert. En somme, le nouveau système vise à alléger et simplifier le travail administratif des professionnels qui devaient, dans le cadre du dispositif antérieur, assurer eux-mêmes le transfert des patients entre différents établissements par l’entremise d’une série de formulaires administratifs et divers moyens de communication : conversations téléphoniques, messages vocaux, télécopie, courriels et copies partielles ou complètes de dossiers médicaux. L’accessibilité aux soins 6 devrait, grâce au nouveau système, être améliorée et leur continuité assurée. Au plan organisationnel, le nouveau système projette une refonte importante du modèle initial adopté par le SI-PRSA. Sa conception a été revue de manière à être plus conforme aux pratiques des professionnels et à l’organisation clinique des soins des divers établissements participants. En se conformant mieux aux processus administratifs et cliniques en place, l’apprentissage et l’adoption du nouveau système devraient être facilités. Il est important de souligner à cet égard que ce processus de reconceptualisation des processus administratifs et des façons de faire autour du nouveau modèle de réseau intégré est névralgique pour pouvoir concevoir et opérationnaliser adéquatement l’architecture du nouveau système régional informatisé. Cette étape est essentielle pour s’assurer que les professionnels de la santé pourront assumer les nouvelles tâches de gestion de l’information et que la circulation de l’information sera adaptée au continuum de soins recherché. Soulignons également que cet effort de reconceptualisation et de renégociation de nouveaux processus de gestion de l’information électronique – qui doit être fait au niveau de plusieurs organisations différentes ; ce qui en démultiplie la complexité – est tout aussi important, sinon plus important, que l’énorme effort qui doit être investi dans la réalisation de la dimension technologique d’un tel projet. Au plan technologique, le SI-PRSI innove également. Le nouveau système abandonne la plate-forme technologique initiale du SI-PRSA pour migrer vers un système de gestion de base de données plus adapté au traitement des données associées à un volume élargi de clientèle. En outre, une infrastructure d’intégration régionale est développée pour permettre au SI-PRSI de fournir son plein potentiel. Cette architecture régionale vise notamment la mise en place de trois applications importantes pour le bon fonctionnement de réseaux de soins intégrés : un service de messagerie, un index régional et un système de gestion du consentement des patients. Finalement, au plan légal, le projet a investi des efforts importants afin d’obtenir l’aval de la Commission d’Accès à l’Information (CAI) du Québec et ce, avant même la conception finale du nouveau système et son déploiement au niveau des utilisateurs. 3. Méthodes d’évaluation Stratégie d’évaluation À la base, le devis de recherche s’appuie sur la synthèse des connaissances et l’analyse de cas multiple (Yin, 2003). Ces stratégies sont appropriées pour les recherches de nature exploratoire visant la modélisation de phénomènes complexes. Nous avons adopté une approche de cas multiple permettant une analyse spécifique de chacune des organisations différentes impliquées dans ce projet. Chaque cas a d’abord été analysé individuellement ; puis transversalement pour analyser les similitudes et différences entre les cas. Ces analyses successives permettent de produire des résultats valides et généralisables selon une logique de réplication théorique (Yin, 2003). La recherche a été initiée dès les débuts du projet, en mai 2001, et s’est poursuivie jusqu’au mois d’octobre 2003, moment où nous avons mis fin à nos efforts sur le terrain pour pouvoir réaliser le rapport de recherche selon l’échéancier exigé par le programme PPICS. Méthodes et sources des données Les données nécessaires aux analyses de cas ont été produites à l’aide de trois techniques : (a) une série d’entrevues menées auprès d’un échantillon d’utilisateurs du système d’information ainsi qu’auprès d’acteurs-clé impliquées étroitement dans la gestion du projet, (b) une analyse documentaire et (c) l’observation. Un total de 40 entrevues ont été réalisées. Treize entrevues ont été menées auprès des gestionnaires responsables du projet. Ces gestionnaires appartenaient à tous les établissements participants au programme de régionalisation des soins incluant la Régie régionale. Vingt-sept entrevues ont été réalisées auprès de professionnels de la santé et du personnel administratif qui opèrent le système actuel, le SI-PRSA. Ces utilisateurs directs du système offrent une source riche d’informations car ce sont eux qui gèrent au quotidien le transfert des patients entre les différents établissements de la PRSA et c’est à eux que le nouveau système informatisé est destiné. Les entrevues ont été menées de façon à identifier (a) les qualités et les défauts du SI-PRSA ainsi que (b) les caractéristiques que devraient offrir le nouveau système régional, le SI-PRSI. La répartition des personnes interviewées selon les établissements participant à la programmation régionale est la suivante:Cité de la santé de Laval et CHARL (7 personnes), Hôpital Juif de réadaptation (2) et les 4 CLSC (18). La répartition des mêmes 27 personnes interviewées selon leur statut professionnel est la suivante : 11 infirmières, 6 ergothérapeutes ou physiothérapeutes, 6 travailleurs sociaux et 4 commis. La durée moyenne des entrevues a varié de 30 à 60 minutes. L’analyse documentaire a porté sur l’ensemble des documents internes produits sur le SI-PRSI. Tous les documents produits jusqu’au mois d’octobre 2003 7 ont été inclus dans cette évaluation. Nous avons également eu recours aux évaluations antérieures, internes et externes, produites sur le système précurseur, le SI-PRSA. Ce matériel fut utile pour mieux comprendre et analyser la logique de la refonte mise de l’avant pour développer le nouveau système SI-PRSI. 4. Raison d’être et logique d’action Dans cette section, nous examinons le rôle prêté au SI-PRSI dans la réalisation de la programmation régionale ainsi que la logique des mécanismes mobilisés par le nouveau système. Cette analyse permet de mettre en lumière le caractère novateur de ce système et les enjeux associés à son développement et son déploiement au sein d’un réseau composé d’établissements différents. Le concept fondateur du SI-PRSI Un réseau de soins intégrés doit pouvoir compter sur des mécanismes d’échange d’informations qui permettent la coordination entre les organisations partenaires du réseau ainsi que les professionnels y oeuvrant. Le système d’information assurant cet échange d’informations se situe au cœur même du concept de réseaux de soins intégrés. Il permet de concrétiser le continuum de soins. Ce système d’information vise à remplacer par une coordination électronique la coordination usuelle qui exige beaucoup de temps et d’efforts des professionnels et du personnel administratif de soutien. Le déploiement d’un tel système d’information informatisé est un projet novateur qui demeure sans équivalent dans le système de santé québécois. Plus précisément, la raison d’être du SI-PRSI est de faciliter la circulation des informations cliniques requises par les différents cliniciens d’établissements différents afin que ceux-ci soient prévenus à l’avance des transferts de patients et puissent planifier en conséquence les soins qu’ils devront offrir en fonction d’une double contrainte : répondre aux besoins spécifiques de chaque patient et respecter des protocoles cliniques pré-établis propres aux divers programmes inter-établissement de la PRSA. De cette manière, l’intégration et la coordination des soins au niveau du réseau sont assurées. En effet, d’une part, les besoins spécifiques et l’état clinique du patient sont connus et cette information le suit tout au cours de la progression de sa trajectoire de soins au sein du réseau ; ce qui permet aux intervenants d’agir adéquatement. D’autre part, le système permet de réguler le flux des trajectoires des patients en fonction de trajectoires conçues et pré-programmées pour concrétiser la programmation régionale. Le système d’information permet par conséquent de concrétiser la programmation qui spécialise les offres de soins dispensés par les divers établissements et d’assurer l’intégration essentielle au cheminement du patient dans la gamme des services offerts. Le système d’information SI-PRSI est le moyen par lequel on s’assure que les trajectoires pré-programmées de soins sont respectées et qu’une information personnalisée suit chaque patient de manière à permettre à chaque intervenant de personnaliser les soins nécessaires au plan de leur variété (soins complets) et de leur continuité (soins continus). Ainsi, une coordination entre des équipes de soins différentes appartenant à des établissements différents devient possible. Autrement dit, le nouveau système permet de diriger la trajectoire de chaque patient à travers les méandres des services offerts par le réseau et d’offrir des soins adaptés à la condition de chacun réalisant ainsi une coordination efficiente entre les partenaires du réseau. En somme, le SI-PRSI doit permettre de résoudre un double problème fondamental auquel font face tous les réseaux de soins intégrés : a) l’orientation des patients au sein d’un réseau de soins selon des trajectoires balisées en fonction de protocoles cliniques concrétisant le continuum de soins ; b) la détermination des informations clinicoadministratives devant suivre les patients lors de leur transfert d’un établissement à l’autre. Cette information doit permettre aux équipes de soins d’assurer une coordination adéquate de leurs activités de manière à répondre aux besoins spécifiques de chaque patient de façon à produire une offre de soins complète et personnalisée concrétisant le continuum de soins au plan individuel. Ce modèle de gestion des trajectoires de soins se compare au modèle de Gestion des cas (case-management) que l’on retrouve dans certains hôpitaux afin de surveiller et réguler la durée de séjour des patients hospitalisés. Le SI-PRSI est toutefois beaucoup plus complexe. D’abord, il doit agir à un niveau régional pour coordonner une offre de soins offerts par plusieurs établissements autonomes. Ensuite le système est pré-programmé et vise à assurer la coordination des transferts de patients en fonctions des trajectoires définies dans la PRSA. De plus, ce système de case-management régional doit fonctionner en temps réel, au moment où les patients sont sur le point d’être transférés. Finalement il doit, et c’est là que se situe le défi le plus important, devenir la source de référence unique contenant les informations cliniques suffisantes et nécessaires à l’équipe de soins d’un autre établissement qui est responsable de prendre le relais de manière à assurer la continuité des soins. À ce titre, le nouveau système doit contenir des informations cliniques qui 8 sont généralement contenues dans un autre système d’information : le dossier médical du patient. Le SI-PRSI est donc un système d’information hybride qui vise à se substituer à deux systèmes d’information différents : (a) la fiche de liaison administrative qui gère le flux des transferts de patients entre des établissements différents et (b) le dossier médical. Ce caractère hybride confère au SI-PRSI une complexité supérieure à celle d’un autre type de système d’information informatisé que l’on associe souvent aux réseaux de soins intégrés : le dossier patient partageable. Le dossier patient partageable demeure un dossier, parcellaire ou complet, qui est échangé par transmission électronique entre des professionnels et des établissements différents. Le concept du SI-PRSI va plus loin car il cherche à être à la fois ce dossier partageable et, de plus, un système automatisé de gestion des trajectoires de soins visant à réguler le flux de patients au sein d’un réseau de soins. De surcroît, un tel système d’information vise à être utile pour assurer la gestion du réseau à un niveau macro. Le système contient effectivement les informations permettant de surveiller la demande totale de soins de tout le réseau incluant notamment la durée des listes d’attentes et la manifestation de goulots d’étranglement. Un tel système peut ainsi permettre de gérer l’offre globale de soins d’un réseau en améliorant l’accessibilité et la continuité et tout en minimisant les temps d’attente. En somme, le concept central au système SI-PRSI, qui vise à concrétiser le continuum de soins, est à la fois : a) de permettre une coordination électronique des interventions en appliquant des techniques qui s’apparentent à la gestion de cheminements critiques des trajectoires de patients. À ce titre, le SI-PRSI propose de faire une coordination électronique et automatisée pour diminuer le fardeau des intervenants qui doivent généralement assumer eux-mêmes cette responsabilité en communiquant entre eux par des moyens traditionnels de communication ; b) d’assurer la transmission des informations cliniques nécessaires à une prise en charge clinique individualisée en exerçant ainsi un rôle de dossier médical partiel. L’objectif est alors d’éliminer la nécessité de transmettre des copies, partielles ou complètes, du dossier médical papier en rendant accessibles, sous format électronique, les données cliniques requises pour assurer la continuité des soins entre différents établissements. La conception et le développement d’un tel système, à la fois novateur et complexe, ne se réalisent pas sans difficultés. À ce titre, il est utile de rappeler les problèmes auxquels a été confronté le système SI-PRSA, le précurseur du nouveau système. Cette analyse rétrospective vise un double objectif. Elle permet d’abord de cerner les écueils que doit surmonter le SI-PRSI et d’analyser ensuite la pertinence des solutions mises de l’avant dans le cadre de la refonte entreprise sous le programme PPICS. Les écueils ont été regroupés sous deux thèmes : (a) les difficultés associées à la migration d’un mode de fonctionnement papier vers un mode électronique ; (b) l’apprentissage d’un fonctionnement en réseau, une logique nouvelle et différente des logiques internes aux établissements. Migration vers un environnement électronique Cette migration entraîne plusieurs problèmes. Premièrement, il faut comprendre que le SI-PRSA, tout comme le SI-PRSI, ne remplace pas le dossier médical du patient qui demeure l’outil principal utilisé par les équipes de soins de chacun des établissements. Deuxièmement, le dossier médical demeure en place et sous sa forme traditionnelle de dossier papier. Le SI-PRSA n’est utilisé qu’au moment du transfert des patients. Et, comme il s’agit d’un système électronique, il faut procéder à une saisie d’informations qui s’ajoute à celle nécessaire au dossier papier traditionnel. Le dédoublement de la saisie des informations nécessaire au dossier médical papier et son résumé électronique est perçu par les professionnels comme un accroissement superflu des tâches administratives. C’est là un premier obstacle important dans la mesure où les professionnels y voient une perte de temps d’autant plus irritante que le SI-PRSA avait été introduit avec la prétention de diminuer les retranscriptions d’informations. Encore plus difficile est la conception d’une solution informatique qui offre aux intervenants un résumé utile du dossier médical du patient. C’est seulement si toutes les informations nécessaires sont réunies dans le système électronique que les professionnels, prenant le relais dans la poursuite d’un programme de soins, pourront se fier uniquement au nouveau système et ainsi délaisser complètement leurs moyens usuels de communication:conversation téléphonique, boîte vocale, télécopie, transmission de copies du dossier médical. Cette difficulté de conception est exacerbée du fait que le système informatisé doit pouvoir répondre à une large variété de besoins informationnels variant selon les clientèles, les professionnels concernés et les divers programmes offerts par la programmation régionale. Le système informatisé doit donc être à la fois suffisamment flexible pour pouvoir transmettre divers formats de données tout en étant suffisamment standardisé pour permettre à ceux qui saisissent l’information et à ceux qui doivent la consulter de pouvoir le faire rapidement et adéquatement. 9 La convivialité d’un tel système demeure un enjeu majeur et un objectif extrêmement complexe à rencontrer. Cette situation entraîne un défi supplémentaire pour le système d’information et les intervenants qui l’alimentent dans la mesure où les professionnels de l’établissement référant deviennent responsables de fournir la totalité des informations névralgiques requises. Cette tâche est difficile dans la mesure où les professionnels référant ne sont pas toujours conscients des besoins informationnels de leurs collègues, compte tenu de leur familiarité plus ou moins grande avec les modes de fonctionnement des autres établissements partenaires du réseau. La stratégie, suivie jusqu’ici, a été de tenter de définir a priori les besoins informationnels et de préprogrammer les interfaces du système de manière à obtenir l’information nécessaire à chacune des mesures composant les programmes régionaux. Cette stratégie est, d’une part, difficile à exécuter, compte tenu de l’énorme effort de systématisation des processus de soins exigé initialement (et de façon continue afin de pouvoir maintenir à jour le système face à l’évolution inévitable des programmes de soins). Cette stratégie de pré-programmation a, d’autre part, eu l’effet d’augmenter substantiellement le nombre de formulaires manipulés par les professionnels. Cette caractéristique a considérablement réduit la convivialité du système du point de vue des utilisateurs tant au niveau de la saisie des données que de leur consultation. Consciente de ce problème, l’équipe de projet privilégie maintenant une refonte de la conception du nouveau système, le SI-PRSI, qui vise à réduire le nombre de formulaires – les interfaces – nécessaires à la coordination des soins et de simplifier la présentation des contenus. Alors que le SI-PRSA compte plus de 136 formulaires cliniques électroniques différents, la nouvelle conception du SI-PRSI a permis de diminuer ce nombre à 22 formulaires électroniques différents. De surcroît, il a été décidé de simplifier et de développer le nouveau système en meilleure conformité avec les formulaires existants qui sont souvent approuvés par le Ministère de la santé et des services sociaux et les ordres professionnels. Cette dernière décision permet de développer un système informatisé qui contient des outils avec lesquels les intervenants sont familiers et d’éviter des doubles saisies lorsque certains formulaires sont exigés à des fins provinciales par exemple. Ainsi, le formulaire DSIE (Demande de services inter-établissement), un outil provincial de référence inter-établissements existant sous format papier, sera développée sous format électronique et intégrée au nouveau système. De même, il est envisagé de développer en format électronique une série d’outils d’évaluation provinciaux ainsi qu’un ensemble de formulaires cliniques élaborés par les professionnels des établissements du réseau de la santé de Laval pour pouvoir les utiliser au sein du nouveau SI-PRSI. Les professionnels pourraient alors réaliser leurs demandes de transferts de patients en utilisant la DSIE électronique et y joindre les formulaires électroniques supplémentaires qu'ils jugent pertinents. Finalement, à terme, il est envisagé que le SI-PRSI devienne un dossier clinique régional intégrant toutes les informations concernant un même patient. Migration vers une logique réseau Le nouveau système doit également surmonter un effet pervers associé à la PRSA : la répartition inégale des tâches administratives au sein du réseau. Un déséquilibre entre les intervenants qui assument la saisie des données et ceux qui en bénéficient a été créé dans la mesure où la majorité des trajectoires de soins se déroulent séquentiellement sans retour vers le point d’origine. En effet, les patients débutent le plus souvent leur trajectoire de soins à l’hôpital de soins aigus pour ensuite être transférés vers l’hôpital de soins ambulatoires, vers un CLSC pour des soins à domicile, ou vers l’hôpital de réadaptation. Il en résulte que ce sont généralement les mêmes intervenants qui sont aux prises avec la tâche la plus lourde, la saisie des données, alors que ce sont d’autres intervenants qui bénéficient le plus souvent des avantages du système. Ces derniers reçoivent effectivement une information numérique qui leur permet de planifier leurs activités et qu’ils peuvent imprimer et réutiliser pour constituer le dossier médical de leur établissement. Cette situation rend difficile l’adoption du système chez les utilisateurs qui ne retirent pas de bénéfices directs, à savoir ceux qui doivent faire la saisie des données. Soulignons au passage que ce phénomène entraîne des conséquences plus larges. La distribution inégale des tâches administratives représente également des coûts différents pour les établissements participant au réseau en terme du temps de personnel nécessaire à la gestion de l’information suscitée par le système informatisé. Cet élément représente un écueil dans la mesure où les logiques financières internes des établissements entrent en conflit avec la logique du réseau. Au plan stratégique, ce phénomène a un impact sur « l’enthousiasme » des établissements à participer au projet de réseau de soins, tout particulièrement en cette période de restrictions budgétaires. Le faible volume de patients pouvant bénéficier du système SI-PRSA pose également un défi. Même si ce volume de patients atteint 10 % de la clientèle totale traitée annuellement dans la région, il correspond aux yeux des intervenants à un nombre réduit de patients lorsqu’on le compare à l’ensemble des patients qui font l’objet de transferts entre les établissements du réseau. Il s’ensuit que, du point de vue des intervenants, le nombre de patients nécessitant un recours au nouveau système 10 informatisé est réduit. Cette situation est, d’une part, positive car le fardeau de tâche exigé des intervenants est diminué. Par contre, cette situation entraîne un impact négatif dans la mesure où l’utilisation du système SI-PRSI demeure sporadique. Cette situation n’est pas idéale pour favoriser l’apprentissage, l’adoption et l’insertion du nouveau système informatisé dans les habitudes de travail. Le nouveau système a ainsi de la difficulté à prendre sa place en regard des moyens traditionnels de communication d’autant que les professionnels ont l’impression, compte tenu de la nécessité de maintenir le dossier médical papier, de subir un accroissement de leur tâche découlant d’un dédoublement de la saisie des données. Afin de palier à cette difficulté, la décision a été prise d’élargir l’usage du SI-PRSI à l'ensemble de la clientèle de la région nécessitant un transfert. Cette judicieuse décision peut permettre d’accroître l’utilité du système qui est maintenant confiné à la clientèle de la PRSA. Cette décision est également cohérente avec la décision d’informatiser le formulaire provincial DSIE et de l’inclure au SI-PRSI. Ainsi, le nouveau système sera plus conforme aux pratiques usuelles ; ce qui devrait contribuer à son adoption et à une utilisation élargie. 5. Analyse des effets : amélioration et intégration des services de santé Comme nous l’avons signalé en introduction, le SI-PRSI est encore en phase de conception et de développement. Il n’a pas été expérimenté auprès d’utilisateurs en contexte réel d’opération. Dans ce contexte, il est impossible de pouvoir évaluer la véracité des effets qui sont associés à ce type de système d’information. Cette section se limite donc à présenter les mécanismes selon lesquels le nouveau système pourrait produire les effets espérés. Seule l’expérimentation en contexte réel pourra permettre de vérifier (a) si la réalisation de ces effets est possible ; (b) dans quelle mesure elle est possible ; et (c), sous quelles conditions. En théorie, les effets déclenchés par l’usage judicieux d’un système d’information comme le SI-PRSI sont de diverses natures. Dans le texte qui suit, nous présentons les divers mécanismes susceptibles d’être enclenchés par le nouveau système. Ces mécanismes visent à améliorer les processus administratifs de gestion de l’information clinique qui, si tel était le cas, pourraient subséquemment avoir des effets positifs sur l’amélioration des services de santé et, ultimement, l’état de santé des patients : -Communication instantanée : Dès que l’information est saisie dans un système informatisé, tel le SI-PRSI, cette information peut être instantanément communiquée à distance aux différents cliniciens intervenant auprès du même patient éliminant ainsi les barrières temporelles usuelles à la communication de l’information entre des établissements différents. Au-delà d’une circulation plus rapide de l’information, le système informatisé permet d’éliminer les erreurs de retranscription et de classement de données dans les dossiers. En effet, l’intervention humaine, associée aux mécanismes cléricaux usuels de communication interprofessionnels et inter-établissements, est remplacée par une gestion informatisée et automatisée du traitement et de la transmission de l’information. Il en résulte une diminution du travail clérical au plan de la saisie, de la transformation, de la communication et du classement de l’information. Conséquemment, un tel système devrait favoriser une meilleure coordination du travail clinique et ainsi améliorer la continuité des soins. -Automatisation de la mise en forme et de la transformation des données : Un système informatisé, tel le SI-PRSI, permet de transformer l’information et de mieux l’adapter selon les besoins informationnels spécifiques à chaque type d’intervenants. Ainsi, la décision clinique est mieux soutenue et, ultimement, il pourrait en résulter des effets positifs sur l’état de santé des patients concernés. -Capacité d’être informé et d’intervenir à distance sans intermédiaires humains : Grâce au potentiel de délocalisation de l’informatique numérique, il est possible d’éliminer les barrières temporelles et physiques à la communication de l’information entre des établissements différents. En effet, les intervenants n’ont plus besoin d’être présents physiquement pour consulter le dossier d’un patient ou mettre à jour leur plan d’intervention. - Coordination automatisée et instantanée des soins : Les données numériques peuvent être électroniquement transformées et mises automatiquement en formes de manière à pouvoir mieux accomplir les finalités d’un programme de soins. Dans le cas présent d’une programmation régionale de soins, le système informatisé, tout en répondant aux besoins informationnels des divers intervenants assurant les soins à un même patient, peut permettre de gérer des trajectoires de soins selon le modèle de soins intégrés en vigueur. Cette coordination améliorée des processus pourrait se traduire en des effets positifs sur l’organisation et l’intégration des soins et, ultimement, sur la santé des patients. -Accès à une information plus riche : Grâce à la capacité de communiquer à distance les informations qui auront été recueillies dans d’autres établissements de santé, l’information accessible à chaque professionnel 11 est plus riche et peut éviter la reprise inutile d’histoires de cas, de tests de laboratoire et d’examens. La décision clinique est ainsi accélérée et le confort et la sécurité du patient pourraient être améliorés dans la mesure où est évitée la répétition d’analyses et d’examens inutiles. Un tel système peut donc permettre d’accélérer la dispensation des soins, offrir une plus grande rigueur dans leur organisation et assurer une meilleure intégration de ceux-ci. Il est également possible d’offrir des soins mieux personnalisés aux besoins individuels de chacun des patients. Cette innovation pourrait donc assurer la dispensation de soins complets et continus grâce à une information plus riche et plus facilement retraçable. De surcroît, dans la mesure où les patients sont adéquatement orientés dans un réseau de soins intégrés et qu’ils reçoivent plus diligemment les soins requis, on peut présumer que leur état de santé ne peut qu’en bénéficier. On peut également présumer que la diminution du fardeau administratif des équipes de soins permet une augmentation correspondante de l’offre de soins directs qui peut alors être consacrée à d’autres patients améliorant l’accessibilité aux soins en diminuant les listes d’attentes. Dans le même esprit, l’analyse des effets pourrait être élargie de manière à réaliser une analyse de la rentabilité économique. Cette analyse supplémentaire consisterait à reprendre les effets que venons d’identifier, d’évaluer leur valeur subjective et objective (en dollars) de façon à estimer les bénéfices attribuables au nouveau système. Par la suite, il faudrait comparer ces bénéfices aux coûts associés au fonctionnement du nouveau système informatisé pour déterminer la viabilité économique d’un tel système régional informatisé. Malheureusement, compte tenu du court échéancier accordé au projet, il est impossible de mener à terme une analyse des effets et de la rentabilité économique. Seule une analyse en contexte réel pourra permettre de vérifier dans quelle mesure les effets recherchés se produisent et quelles sont les conditions d’usage qui maximisent les bénéfices. Il faut comprendre que la conception et le déploiement d’un tel système demeurent fondamentalement complexes. Pour devenir un succès et réaliser les bénéfices recherchés, un tel système doit simultanément être bien conçu, être développé adéquatement d’un point de vue technique (qualité des interfaces, temps-réponse), être déployé convenablement pour en favoriser l’acceptation par les utilisateurs et être finalement utilisé adéquatement par ces derniers. 6. Architecture technologique Les travaux de refonte du SI-PRSI ont également porté sur la dimension technologique du système. En cette matière, l’équipe de projet a entrepris plusieurs initiatives. Il a été décidé que le nouveau système allait délaisser la plate-forme initiale du SI-PRSA, développée sur Lotus Notes, pour migrer vers un système de gestion de base de données plus performant et mieux adapté au traitement de larges volumes de données. Ultérieurement, il est envisagé de développer le système selon une approche Web. Le recours à une interface de ce type pourrait permettre de rehausser l’accessibilité en termes du nombre de postes informatiques soutenant l’application et d’améliorer la convivialité du système d’information en proposant des normes de navigation et de présentation des données éprouvées. De surcroît, des efforts énormes ont été investis afin de mettre en place une infrastructure technologique régionale qui permettra au SI-PRSI de donner son plein rendement. L’élaboration de cette architecture régionale a représenté le second enjeu majeur auquel a été confronté ce projet. Elle a donc fait l’objet d’une analyse particulière dont nous présentons maintenant les résultats. D’abord, il est utile de décrire cette architecture régionale et de faire l’analyse particulière de chacune de ses composantes. Cette analyse montre bien l’importance et la complexité des travaux qu’il est nécessaire de mener pour établir un environnement technologique apte à supporter ce modèle organisationnel novateur que représentent les réseaux de soins intégrés. Jusqu’à maintenant, les efforts d’informatisation dans l’industrie de la santé ont été principalement investis dans des développements intra-organisationnels. La mise en place de structures inter-organisationnelles commande un vaste travail de développements technologiques; et ce, simplement pour créer les fondations de l’infrastructure réseau qui permettra à des systèmes d’information, comme le SI-PRSI, de devenir pleinement opérationnels. En ce domaine, il faut rappeler que les données confiées aux systèmes informatisés sont des données cliniques personnelles nécessaires aux décisions cliniques. Il s’agit donc de données névralgiques tant du point de vue de la qualité et de la continuité des soins que d’un point de vue légal en matière de protection de la vie privée. Ces deux aspects complexifient d’autant la rigueur et les efforts qu’il faut investir dans la réalisation d’une infrastructure technologique régionale. L’architecture technologique régionale en conception comporterait les composantes informatiques et communicationnelles suivantes : • Un réseau de télécommunications interétablissements. Ce système doit être performant (temps-réponse) et sécuritaire. En cette matière, la région de Laval peut bénéficier d’un système de télécommunications existant:le RTSS (Réseau de Télécommunications Socio-Sanitaire). Il s’agit d’un intranet propriétaire, 12 sécurisé, desservant exclusivement les établissements de santé du Québec. Ce système existe depuis quelques années et son fonctionnement est maintenant bien rodé. L’équipe de projet pourra donc bénéficier dès le départ d’un réseau sécurisé de télécommunications interétablissements performant qui lui offrira les liens communicationnels permettant l’échange d’informations entre tous les établissements de la région. • Le parc d’équipements informatiques. Cette composante d’un réseau se réfère à l’ensemble des équipements et des logiciels disponibles dans l’ensemble des établissements participants au réseau. Sur ce plan, la région de Laval pourra bénéficier de décisions éclairées prises par le passé qui lui assureront une grande homogénéité de son parc d’équipements informatiques. Cette compatibilité est un atout pour le déploiement d’une infrastructure régionale. Cet état de fait est en partie attribuable à la politique suivie par la région de Laval qui a été de systématiquement s’aligner sur les normes provinciales en matière de choix technologiques. En cette matière, la qualité de l’infrastructure technologique planifiée a été avalisée par une étude réalisée en 2002 par la firme Gartner. • Un service intégrateur de messagerie réseau. Ce dispositif permet un échange de messages et de données entre les applications associées au projet de réseau de soins intégrés. Cette solution informatique vise à assurer l’intégration des applications du projet de manière à garantir l’intégrité et la sécurité des données. L’équipe de projet a eu recours à l’expertise de firmes réputées (IBM, Gartner, Sogique) pour mener des analyses en profondeur sur la qualité du réseau informatique et le choix du service de messagerie d’échange de données. Le choix définitif du système intégrateur de messagerie a été arrêté au printemps 2003. La solution choisie est maintenant en voie d’implantation. Il s’agit d’une solution développée par IBM Limitée. Ce système assure au niveau des communications échangées entre les partenaires du réseau de soins les six fonctions suivantes : la gestion de la transmission des messages d’une source de données à un destinataire unique ; la gestion de la transformation syntaxique des messages, des fonctions de publication et de souscription; la gestion de l’authentification par certificat des applications source et cible et des droits d’accès ; la signature et le chiffrement des messages ; le suivi des accusés de réception et la garantie de transmission ; et, l’adaptation des protocoles de communication et de conversion. • Un index régional. La décision a été prise de développer une architecture informationnelle permettant au SI-PRSI de relier entre eux les différents index locaux des établissements; ce qui est impossible avec le SI-PRSA actuel. Cette application, l’index régional, vise à intégrer l’ensemble des informations disponibles pour un même patient. Seules les données des patients qui recevront des services du réseau intégré seront transmises à l’index régional. Cet index permettra d’associer entre eux les différents numéros de dossiers des différents établissements où un même patient a été traité et d’ainsi repérer les informations utiles à la gestion des épisodes de soins. Cet index régional est en voie d’implantation. Il s’agit d’une solution développée par IBM dans le cadre de son système HNS (Health Network Solution). • Un système informatisé de gestion du consentement des patients. Cette application permettra de recueillir et d’enregistrer le consentement de chaque patient. Ainsi, il sera possible de permettre la circulation de l’information clinique entre les partenaires du réseau en conformité avec la nature du consentement donné par chaque patient. Cette application permettra de respecter le code déontologique des divers intervenants en matière de secret professionnel ainsi que le cadre juridique provincial en matière de confidentialité des données et de protection de la vie privée. Comme on peut le constater, l’architecture technologique régionale représente un vaste arsenal de composantes techniques et logicielles dont le rôle demeure névralgique. Sans une architecture régionale complète, apte à créer un environnement de support technique favorable, les systèmes d’échanges d’information en réseau, comme le système SI-PRSI, ne peuvent fonctionner et atteindre leur plein potentiel. L’enjeu technologique est donc de taille pour la pérennité future du réseau de soins intégrés. En dehors de l’application SI-PRSI, qui demeure l’élément central du système régional d’information, trois composantes de l’architecture sont particulièrement névralgiques à développer, compte tenu de leur nouveauté et des difficultés associées à leur réalisation:le système régional de messagerie, l’index régional et le système de gestion du consentement. La valeur stratégique de ces trois composantes n’a pas échappé au Ministère de la santé et des services sociaux du Québec qui a eu tôt fait de reconnaître le rôle crucial de ce type d’applications pour l’ensemble du système québécois de santé. Plusieurs des réorganisations en cours, tant dans le système de santé québécois que ceux d’autres provinces canadiennes, font en effet appel à des modèles organisationnels qui dépendent d’échanges d’informations entre des établissements différents. Mentionnons simplement, à titre d’exemples, les réseaux de soins intégrés qui font l’objet de plusieurs développements au Québec ainsi que les Groupes de Médecine de famille (GMF). Ce contexte a entraîné une intervention ministérielle demandant à l’équipe de projet de Laval de développer des solutions, non plus simplement régionales et expérimentales, mais nationales, aptes à satisfaire l’ensemble du système de santé québécois. Le projet de Laval s’est ainsi vu confier 13 la responsabilité provinciale du système régional de messagerie et de l’index patient alors que le projet de Dossier Patient Partageable, mené par l’Hôpital Ste-Justine, se voyait confié la responsabilité du système de gestion du consentement. L’importance stratégique ainsi prise par le projet de Laval a entraîné une surenchère des enjeux qui a obligé l’équipe de projet à fournir un effort imprévu initialement. Les enjeux sont effectivement devenus plus complexes commandant la consultation et l’intervention d’un plus grand nombre d’intervenants ainsi que la nécessité de réaliser une série d’analyses et de contre-expertises afin de s’assurer de la qualité des solutions retenues. Ces événements imprévus ont passablement retardé l’échéancier prévu et finalement reporté le déploiement du système SI-PRSI. Par contre, nous pouvons affirmer que ces efforts ont porté fruits dans la mesure où la conception, incluant les choix technologiques et logiciels spécifiques, de l’infrastructure technologique régionale qui a été produite présente maintenant de bien meilleures garanties de succès en matière de performance et robustesse techniques ainsi que de sécurité et d’intégrité des données. 7. Vie privée Les aspects légaux en matière de protection de la vie privée et de gestion du consentement des patients demeurent des enjeux fondamentaux qui ne sont pas sans avoir des effets importants sur la conception et le déploiement des systèmes informatisés desservant des réseaux de soins intégrés. Le projet SI-PRSI s’est révélé être un exemple particulièrement intéressant en cette matière. L’équipe de projet a investi des efforts importants et soutenus afin d’obtenir, au plan légal, l’approbation du modèle de gestion des données cliniques sous-jacent à la conception du SI-PRSI et de l’architecture technologique régionale. Cette approbation a été recherchée tout au long du projet ; et ce, avant même le parachèvement de la conception finale et du déploiement du nouveau système. Dans ce chapitre, nous rappelons le contexte et le fil des évènements ainsi que les points de litige entre l’équipe de gestion de projet et l’organisme réglementaire québécois en matière de protection des renseignements personnels. Ce matériel permet de tirer des enseignements fort utiles. L’Internet et la redéfinition des enjeux en matière de protection de la vie privée sensibles concernant l’état de santé de personnes. Même s’il s’agit d’un Intranet, un réseau propriétaire hautement protégé, les risques d’atteinte à la vie privée demeurent. Cette question a pris une place importante ces dernières années et elle occupe l’avant-scène politique et sociale. Un tel environnement a favorisé une intervention externe forte et contraignante des autorités politiques et gouvernementales qui cherchent à contrôler le développement des systèmes d’information traitant des données personnelles. En cette matière, le Québec s’est doté d’une commission indépendante investi de pouvoirs d’enquête importants, la Commission d’accès à l’information (CAI). Depuis plusieurs années, cette commission québécoise s’est révélé être un organisme très actif qui fait preuve d’une application particulièrement rigoureuse des règles touchant la protection des renseignements sur les personnes. Le caractère novateur des systèmes d’information SI-PRSA et SI-PRSI en matière d’échanges de données cliniques entre des établissements différents a su attirer l’attention de la Commission. Dès décembre 2000, des experts de la Commission entreprenaient un examen du système SI-PRSA qui s’est, à la demande de la Régie régionale de Laval, étendu au SI-PRSI. En mai 2002, la Commission d’accès à l’information déposait son rapport sur le SI-PRSI. Ce rapport contenait une série de recommandations précises auxquelles la Régie de Laval se devait de répondre si elle voulait se conformer au cadre législatif québécois. Suite à de longs échanges entre la Régie et la Commission, les efforts de l’équipe de projet ont finalement été fructueux. En juin 2003, la Commission écrivait aux autorités de la Régie : « Lors de sa dernière assemblée, la Commission a constaté que les propositions et les avenues de solutions soumises par la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Laval sont valables et lui permettent de poursuivre avec efficience la PRSA tout en respectant la législation applicable en matière de confidentialité et de vie privée ». Ainsi, avant même son déploiement, le SI-PRSI est assuré de sa conformité aux règles juridiques en vigueur. Ce résultat important représente un double atout. La caution de la CAI devrait favoriser l’adhésion des futurs utilisateurs ainsi que des patients qui s’inquiètent de ces questions de protection de la vie privée. De plus, l’architecture du système sera stable lors du déploiement dans la mesure où des modifications ne seront pas exigées pour rendre le système SI-PRSI conforme d’un point de vue légal ; situation qui a déjà été vécue précédemment avec les coûts humains et financiers conséquents. Le système SI-PRSI permet de transmettre sur un réseau de télécommunications des données nominatives 14 Il est important de souligner que ces négociations entre la CAI et l’équipe de projet ont eu un impact important sur la conception du SI-PRSI et de l’architecture technologique régionale. Cet impact s’est manifesté bien au-delà de la seule dimension légale. Des effets importants sont manifestes à d’autres niveaux, aussi bien clinique que technologique. Cette observation est importante car elle permet de souligner l’interdépendance présente entre diverses logiques de conception d’un tel système d’information. Une modification faite au nom de considérations légales risque d’avoir des répercussions notables sur l’organisation du travail professionnel et administratif. Ces changements peuvent entraîner des effets positifs ou négatifs quant à la réceptivité des intervenants face au nouveau système. La leçon à retenir ici est que tous les paramètres de conception d’un système d’information devraient être analysés à la lumière des diverses logiques en présence (clinique, administrative, légale). La viabilité et l’acceptation du nouveau système d’information reposent en effet sur la qualité des compromis qui seront ainsi construits pour rendre le nouveau système opérationnel. En terminant ce chapitre, nous présentons les principales pierres d’achoppement qui ont parsemé le déroulement des négociations entre la Régie et la Commission. Cette analyse illustre bien la nature des divergences existant entre diverses logiques : a) Archivage centralisé. L’archivage des données cliniques devait initialement se faire sur un serveur unique localisé dans un des établissements de la PRSA, l’hôpital ambulatoire. Ce serveur devait emmagasiner l’ensemble des données des patients admis au sein de la programmation régionale. Il s’agit d’une solution technique qui minimise les coûts d’équipement et facilite la gestion de la base de données qui est alors unique. Du point de vue légal, cette option est problématique car elle implique que des données cliniques sont fréquemment conservées à l’extérieur de l’établissement de santé où le patient a reçu ses soins, une disposition contraire à la loi actuelle. La solution a été de confirmer, par des ententes formelles, le statut particulier de l’établissement accueillant le serveur unique réunissant toutes les données cliniques. Cet hôpital qui est l’établissement pivot de toute la PRSA depuis les tous débuts verra donc officialiser son rôle par des ententes formelles signées par toutes les parties. Ainsi, tous les patients bénéficiant de la PRSA seront admis dans cet établissement pivot et les soins reçus des autres établissements appartenant à la PRSA seront dispensés sous un mandat de soins confié par l’établissement pivot aux établissements partenaires. Des ententes formelles seront donc signées à cet effet entre les établissements. La conséquence de cette disposition est de permettre l’échange d’informations entre les établissements (sous conditions, bien sûr, d’obtenir un consentement éclairé de la part du patient) et de donner à l’hôpital pivot la responsabilité de conserver le dossier des patients de la PRSA. Grâce à cette solution, l’intégrité du modèle d’échange de données cliniques proposé par le SI-PRSI sera viable. b) Conservation des données. La position initiale de la Commission d’accès à l’information était de demander à ce que soient détruites toutes les données cliniques colligées dans le SI-PRSI dès que le patient obtenait son congé de soins. Selon l’interprétation de la Commission, ces données cliniques étaient simplement une copie de données originales conservées dans les dossiers médicaux originaux des divers établissements impliqués dans un épisode de soins. Cette copie étant constituée à des fins temporaires de gestion des cas, le temps du transfert des patients, elle ne pouvait donc pas être conservée suite au congé du patient. Cette disposition entraînait un impact important sur la perception des intervenants quant à l’utilité d’un tel système et leur propension à vouloir saisir des données. En rendant éphémères les données numériques saisies aux fins du SI-PRSI, est éliminée la possibilité de ré-utiliser ces données lorsque le patient revient dans le système de la programmation régionale pour recevoir d’autres soins. Cette disposition aurait éliminé un avantage important du nouveau système informatisé : le partage des mêmes informations entre des établissements et la diminution des coûts liés à la retranscription des données. La solution relève encore une fois de la signature de mandats formels de soins décrits précédemment. Ceux-ci ont l’effet légal de redéfinir les relations entre les établissements participant à la PRSA et de permettre la préservation du dossier électronique constitué par le SI-PRSI. Ainsi, la pérennité des données est assurée ainsi que leur ré-utilisation éventuelle lors d’épisodes ultérieurs de soins. c) Conservation des données de l’index régional. Ce litige est similaire au précédent. Selon la Commission, les données cliniques contenues dans l’index régional devaient être détruites dès que le patient obtenait son congé de soins. L’interprétation repose ici aussi sur le fait que cette information n’est nécessaire que pendant l’épisode de soins et que seules les données originales contenues dans les index locaux des établissements peuvent être conservées. Une telle disposition aurait encore une fois grandement diminué l’utilité de développer un index régional dans la mesure où cet index sert précisément à vérifier si les patients possèdent déjà un dossier au sein du réseau. Ce mécanisme permet alors de récupérer ces données et de mieux informer les intervenants sur la condition de leurs patients et d’éviter les retranscriptions ou les copies de dossiers. 15 Encore ici, la solution relève de la signature de mandats formels de soins qui, en redéfinissant la nature de la PRSA, permettent de conserver les informations de l’index et leur ré-utilisation ultérieure. 8. Leçons apprises Le projet SI-PRSI est un projet complexe et novateur. Il est riche d’enseignements en matière de technologies de l’information apte à favoriser l’établissement d’un continuum de soins au sein d’un réseau de soins intégrés. Avant tout, faut-il le rappeler, l’introduction de technologies de l’information au sein d’organisations complexes, comme les organisations de santé, représente des défis majeurs d’autant que ces transformations concernent le cœur de ces organisations : la production des soins. Cette complexité émerge du fait que ces technologies ne se limitent pas à de simples dispositifs techniques. Elles englobent les connaissances, les normes, les valeurs et les façons de faire des professionnels qui les utilisent. Ainsi, l’introduction de telles innovations ne peut faire autrement que de modifier, d’une façon ou l’autre, les pratiques professionnelles et organisationnelles au sein desquelles elles s’insèrent. À leur tour, les pratiques professionnelles et organisationnelles doivent pouvoir modifier ces technologies qui ne peuvent, malgré tous les plans préliminaires, être conçues sans adaptations ultérieures. En fin de compte, le succès réside dans la recherche de compromis mettant à profit la flexibilité des technologies et des contextes où elles s’insèrent. La résolution de tensions divergentes demeure le fil conducteur qui rassemble les enseignements issus du projet SI-PRSI. Nous avons regroupé sous trois principes les éléments-clés qui contribuent au succès de l’implantation de technologies de l’information (TI) aptes à soutenir la coordination des soins au sein d’un réseau de soins. Nous les résumons ainsi : • Agir dialectiquement, à la fois collectivement et localement •Agir triangulairement en conciliant trois logiques divergentes : la logique technologique, la logique clinique et la logique externe • Agir informatiquement, penser papier Le premier principe concerne la gestion stratégique du projet de réseau de soins intégrés. Le second porte sur l’opérationnalisation de la solution technologique. Le troisième a trait au positionnement de la nouvelle solution parmi l’ensemble des moyens disponibles en matière de gestion de l’information. Agir dialectiquement, à la fois collectivement et localement La conception du SI-PRSI et son déploiement ont été menés à l’initiative d’un organisme central, la régie régionale. Cette approche a été fort utile. Elle a permis de créer une vision cohérente du réseau de soins intégrés et d’insuffler au projet la détermination suffisante pour amener les établissements à modifier dans le sens du nouveau modèle d’organisation des soins leurs façons de faire usuelles. Ainsi, la vision collective d’un réseau de soins intégrés a pu émerger et se propager. À l’opposé, chacun des établissements du réseau doit assumer sa fonction fondamentale et poursuivre ses activités usuelles. Dans cet exercice de vouloir agir en réseau, chaque établissement demeure confronté à une série d’impératifs de production et de gestion interne auxquels il peut difficilement se soustraire. Le projet novateur de réseau intégré doit demeurer sensible à cet état de fait. En conséquence, le projet collectif doit contribuer et fournir un appui tangible à l’accomplissement des missions individuelles des établissements tout en poursuivant ses propres fins : l’établissement du réseau. Les partenaires du réseau doivent pouvoir imaginer des solutions qui visent à résoudre à la fois des problèmes locaux et collectifs. Cette recherche de solutions est difficile et produit le plus souvent des solutions imparfaites qui souffrent inévitablement de tensions constantes entre les niveaux d’actions collectives et locales. D’où la nécessité d’adopter dans la gestion de ces projets une perspective de nature dialectique ; ce qui implique que l’évolution, la transformation des façons de faire, se réalise par l’affirmation de mouvements contraires que l’on tente de surpasser. L’alignement entre les logiques individuelles d’établissements et la nouvelle logique régionale demeure complexe et difficile à réaliser. Il est donc important que les besoins et les problèmes des établissements et des professionnels soient activement pris en compte dans le déploiement du nouveau système. Dans cette perspective, l’innovation, tout en offrant un projet collectif de transformation vers un réseau, doit également offrir des solutions adaptées aux besoins locaux ainsi que des ressources favorisant ces solutions. En d’autres termes, une gestion au niveau régional risque d’être insuffisante, si elle ne suscite pas l’émergence de relais forts dans chacun des établissements partenaires. Ces relais sont essentiels pour maintenir la dynamique de changement. Ces relais doivent également posséder du pouvoir de manière à agir comme des contrepoids à la régionalisation en valorisant les dynamiques locales. 16 Enseignement Parvenir à agir simultanément au plan régional et local en appuyant simultanément des logiques divergentes : une logique réseau et une logique établissement. Le défi est d’imaginer comment les nouvelles ressources générées par un tel projet peuvent être mobilisées de manière à résoudre à la fois des problèmes régionaux et locaux. Agir triangulairement de manière à concilier trois logiques divergentes : la logique technologique, la logique clinique et la logique externe Le défi est de parvenir à maintenir le cap, en préservant le caractère fondamental du projet, tout en demeurant flexible et imaginatif pour concilier de multiples logiques divergentes. Au-delà de la logique novatrice qui forme le cœur du projet, nous avons observé trois autres logiques fortes qui ne peuvent être ignorées. Ces logiques présentent à la fois des écueils et des opportunités qu’il faut capturer ou surmonter. Une première logique forte est la logique technologique. Elle est la partie la plus visible du projet et elle peut devenir – ce que l’on observe trop souvent – celle qui accapare toute l’attention et tous les efforts. Lorsque c’est le cas, la logique technologique évacue les autres logiques qui, inévitablement, referront surface lorsque les utilisateurs tenteront de s’approprier le nouveau système en contexte réel. Tout le défi ici est de parvenir à maintenir l’innovation technologique dans son rôle accessoire. Les technologies de l’information doivent demeurer des moyens et ne pas devenir des buts. Le glissement des buts s’explique souvent par la complexité technique du projet qui accapare toutes les énergies au dépend de la transformation organisationnelle qui doit demeurer le centre du projet. Ainsi, par exemple, l’objectif primordial du projet devient celui d’implanter le nouveau système régional d’information alors qu’il devrait être celui d’améliorer la coordination des soins au sein du réseau. Une seconde logique névralgique est celle des utilisateurs du système d’information. Un système informatique est un système technique qui va au-delà du simple dispositif informatique. Le SI-PRSI, comme la plupart des nouvelles technologies de l’information, est une innovation entraînant des transformations profondes au sein d’une organisation. Cette innovation informatique n’est pas sans créer de fortes tensions avec une série de logiques professionnelles et organisa- tionnelles pré-existantes et cruciales pour permettre au système en place de fonctionner. Les intervenants professionnels font face à une série de contraintes dans leurs responsabilités quotidiennes de traiter les patients. Si la nouvelle solution technologique ne parvient pas à susciter le changement tout en respectant un certain nombre d’exigences et de contraintes auxquelles les professionnels sont confrontés dans l’accomplissement de leurs tâches, elle sera rejetée. Le défi est de transformer les logiques en place dans le sens du projet novateur tout en préservant la logique fondamentale de ce dernier. Selon cette perspective, la logique technologique initiale doit faire l’objet de modifications pour s’adapter au contexte. La troisième logique forte est celle des organismes externes qui ont une responsabilité et des intérêts eu égard à la façon dont le projet va se développer. Dans le cas présent, deux organismes ont été particulièrement présents : le Ministère de la santé et des services sociaux et la CAI. La légitimité du premier relevait de son intérêt à titre de bailleur de fonds et d’organisme planificateur qui recherche l’établissement de standards communs à travers l’ensemble du système de santé. La légitimité du second relève de sa responsabilité en matière de protection de la vie privée. La rationalité juridique est sûrement celle qui propose les règles de fonctionnement les plus éloignées de la santé et qui peut donc entraîner des dysfonctions importantes. En terminant, il faut souligner que ces trois logiques s’interpénètrent les unes les autres et que la rationalité dominante pourra varier pendant le déroulement d’un projet risquant de miner à chaque fois la logique fondamentale propre au nouveau système et l’équilibre recherché entre les logiques. La gestion attentive de cette triangulation est essentielle dans la mesure où c’est la viabilité même du projet qui est en cause. Enseignement Une gestion de projet nécessite d’abord un travail important de planification de manière à choisir et concevoir une conception de système d’information qui prévoit le meilleur ajustement possible en fonction de trois logiques fortes:technologique, clinique et externe. Mais nul plan ne peut tout prévoir. Par la suite, en cours de projet, il faudra faire preuve d’une grande flexibilité de manière à s’adapter aux aléas imprévus. Cette capacité de s’adapter en cours de route est possiblement le défi le plus difficile à surmonter dans ce type de projet extrêmement complexe. Maintenir le cap grâce à une vision bien articulée et bien communiquée, tout en se montrant flexible dans la reformulation des moyens d’y parvenir de manière à réagir adéquatement aux circonstances, sont des facteurs-clés essentiels à la réussite de projets aussi complexes. 17 Agir informatiquement, penser papier Les nouvelles technologies de l’information, tel le système SI-PRSI, offrent des solutions intéressantes à des problèmes importants de gestion de l’information auxquels sont confrontées les organisations de santé. Les bénéfices, que sont techniquement capables de réaliser ces technologies grâce à leurs mécanismes de traitement et d’échanges d’information, sont impressionnants mais demeurent illusoires sans une conception de système qui tiennent compte du contexte où cette technologie est déployée. Il ne faut pas perdre de vue que les établissements de santé demeurent des univers organisationnels qui sont encore très dépendants de systèmes d’information papier, notamment au niveau de la dispensation des soins où le dossier médical papier demeure omniprésent. En l’absence d’un dossier médical informatisé, les systèmes informatisés d’échange d’information demeurent des systèmes secondaires, du point de vue des professionnels. Il faut donc concevoir ces nouveaux systèmes informatisés en tenant compte de cette réalité. Trop souvent, on conçoit le nouveau système informatisé en ne misant que sur les capacités de la technologie sans adapter cette conception à l’inéluctable réalité. Il ne faut jamais perdre de vue le contexte au sein duquel les utilisateurs, eux, devront utiliser le nouveau système. Or, dans le domaine de la santé, ce contexte demeure un environnement hybride:papier et numérique. Tous les systèmes informatisés, comme le SI-PRSI, qui sont fondés sur des concepts de résumé de dossier médical ou de dossier patient partageable, rencontrent cet écueil de devoir être utilisés en complémentarité avec le dossier médical papier. Dans ce contexte, la meilleure stratégie de développement d’une solution informatique est de concevoir, dès le début du projet, une solution informatique complémentaire, apte à être utilisée avec les systèmes conventionnels papier. Il faut donc rechercher à concevoir un système d’information hybride papier et numérique. L’objectif doit être de tirer le maximum de bénéfices des fonctions informatiques offertes par le nouveau système mais en s’attachant à ce que les nouvelles fonctions proposées soient bien adaptées au contexte de travail où le système d’information papier demeure présent. Il est donc important de développer le plus possible les fonctions novatrices proposées par le système informatisé – c’est là que réside tout l’intérêt de ces innovations – tout en étant conscient qu’il est tout aussi important de s’assurer que les fonctions informatiques soient harmonieusement intégrées aux fonctions qui devront être réalisées à l’aide du système conventionnel papier. Sans cette double recherche d’un équilibre entre les fonctions informatiques et papiers, le nouveau système informatisé demeure incomplet et difficile à insérer dans les routines professionnelles et organisationnelles. Enseignement Une erreur fréquente est de concevoir l’usage d’un nouveau système informatique à partir d’une vision unilatérale et biaisée reposant sur les seules fonctionnalités offertes par la solution informatique. Cette approche présente la faiblesse de ne pas prendre suffisamment en compte la nature du travail clinique et les besoins informationnels qui y sont associés. Sachant qu’à l’heure actuelle, la plus grande partie des besoins informationnels des équipes de soins est comblée par des systèmes d’information papier et que les nouveaux systèmes informatiques ne peuvent combler tous ces besoins ni à court, ni moyen terme, il faut concevoir des systèmes informatiques qui sont complémentaires aux systèmes papier. Le système informatique doit pouvoir s’intégrer harmonieusement aux processus de gestion de l’information en place. En fait, les équipes de projet devraient modifier leurs perceptions et leurs façons de faire de manière à délaisser cette vision unilatéralisme de déploiement de systèmes informatiques pour l’élargir vers le déploiement de systèmes hybrides électronique – papier. Cette orientation permettra de développer des systèmes répondant mieux aux besoins informationnels des utilisateurs. 18 Références Clair – Commission d'étude sur les services de santé et les services sociaux (2000), Les solutions émergentes. Québec. Canada. 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