
copies des Idées. La technique aussi, mais d’autres seront catastrophiques, comme les arts,
incapables de fixer une vérité, imprécis, ne feront que de « mauvais simulacres ».
Moralité, il faut renvoyer les artistes de la cité, ces menteurs, et ne retenir que les langages
dignes de la précision rationnelle nécessaire à la connaissance des Idées…. Et l’on comprend
ainsi le discrédit jeté depuis par les institutions scolaires envers les choses de l’art. Et ceci me
semble s’être poursuivi bien après. Par exemple, au début du XXème siècle, E. Durkheim
écrivit dans son Education morale que l’art est dangereux parce qu’il détourne de la vie réelle
et donc de la vie morale » il ne fait que des rêveurs et non des citoyens actifs.
C’est bien, vous l’avez deviné, contre ce modèle du parallélisme platonicien que cette série de
conférences sera prononcée. Il s’agira, en s’appuyant sur quelques exemples, de suivre une
autre perspective : celle non seulement, comme l’aurait dit Baudelaire, de
« correspondances », mais encore de croisements tant des arts entre eux, que des arts avec le
pensée propre au logos de la philosophie, puis des sciences humaines.
Le postulat de ces conférences est celui d’un gros maillage entre les différents langages, dont
ceux des arts et de la pensée philosophique qui se coalimenteraient en réciprocité, l’ensemble
formant ce qu’U Eco qualifie de « système sémantique global », à savoir ce qu’on désigne
comme la « culture. »
On peut par exemple se souvenir de l’influence du romantisme sur la philosophie du XIXème
siècle, où le sujet, seul face à la nature déchaînée, se replie sur lui-même pour trouver une
force intérieure, aveugle, dont s’empareront des philosophes comme A. Schopenhauer ou Carl
Gustav Carus, qui reprendra le vocable d’inconscient en ouvrant la voie aux interrogations
freudiennes. Inversement, on se souvient de l’impact qu’eut la psychanalyse auprès, pour citer
l’exemple le plus connu, peut-être un peu forcé par A. Breton, du surréalisme. Tout se passe
comme si ce qu’un artiste déposait en culture pouvait être repris par une pensée
philosophique, voire scientifique, ou inversement.
Mais qu’est-ce qu’un artiste dépose en culture ? Le sculpteur Jaccometti disait « une façon de
mordre dans le réel », une façon nouvelle de voir les choses, de faire surgir ce qui n’avait pas
encore été vu comme cela, une façon de dévoiler un invu, de faire entendre un inouï, une
nouvelle façon de se positionner dans le monde. Et cette façon, parce qu’elle est nouvelle,
inédite, interroge, étonne, et l’on se rappelle du célèbre postulat d’Aristote qui voyait dans
l’étonnement la source de la philosophie. Mais qu’est-ce qu’un philosophe dépose en culture ?
On dira des concepts. Mais comment naît un concept ? Là aussi dans une nouvelle façon de
penser le monde. Le philosophe n’invente pas vraiment un monde nouveau, nous ne cessons
de penser sur les mêmes choses depuis Parménide. Mais ce que la philosophie inaugure ce
sont des nouvelles façons de penser le monde, de se positionner dans le réel que nous ne
pourrons jamais saisir totalement. Et cette nouvelle façon de penser, de se positionner peut à
son tour alimenter le travail artistique, lui offrir de nouvelles perspectives… Il en va de même
pour la science, les techniques…
C’est bien sous cet angle de la posture, de la façon d’entendre, de regarder ou de penser le
monde que je propose de décliner mes interactions ou correspondances entre les arts, la
philosophie…
Ceci, en suivant quelques étapes de l’histoire occidentale pour lesquelles je renvoie au
document de présentation des conférences.