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12/05/2017 Le monde politique manque-t-il d’imagination ?
« Imagination. C'est cette partie dominante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de
fausseté, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours, car elle serait règle infaillible de vérité,
si elle l'était infaillible du mensonge.
Mais, étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant du même
caractère le vrai et le faux. Je ne parle pas des fous, je parle des plus sages; et c'est parmi eux que
l'imagination a le grand don de persuader les hommes. La raison a beau crier, elle ne peut mettre le
prix aux choses.
Cette superbe puissance ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour
montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l'homme une seconde nature. Elle a ses
heureux, ses malheureux, ses sains, ses malades, ses riches, ses pauvres. Elle fait croire, douter, nier
la raison. Elle suspend les sens, elle les fait sentir. Elle a ses fous et ses sages. Et rien ne nous dépite
davantage que de voir qu'elle remplit ses hôtes d'une satisfaction bien autrement pleine et entière
que la raison. Les habiles par imagination se plaisent tout autrement à eux-mêmes que les prudents
ne se peuvent raisonnablement plaire. Ils regardent les gens avec empire, ils disputent avec
hardiesse et confiance - les autres, avec crainte et défiance - et cette gaiede visage leur donne
souvent l'avantage dans l'opinion des écoutants, tant les sages imaginaires ont de faveur auprès des
juges de même nature. Elle ne peut rendre sages les fous mais elle les rend heureux, à l'envi de la
raison qui ne peut rendre ses amis que misérables, l’une les couvrant de gloire, l'autre de honte.
Qui dispense la réputation, qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux
lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante. Toutes les richesses de la terre [sont] insuffisantes
sans son consentement. Ne diriez-vous pas que ce magistrat dont la vieillesse vénérable impose le
respect à tout un peuple se gouverne par une raison pure et sublime, et qu'il juge des choses par leur
nature sans s'arrêter à ces vaines circonstances qui ne blessent que l'imagination des faibles. Voyez-
le entrer dans un sermon, il apporte un zèle tout dévot, renforçant la solidité de sa raison par
l'ardeur de sa charité; le voilà prêt à l'ouïr avec un respect exemplaire. Que le prédicateur vienne à
paraître, si la nature lui [a] donné une voix enrouée et un tour de visage bizarre, que son barbier l'ait
mal rasé, si le hasard l'a encore barbouillé de surcroît, quelques grandes vérités qu'il annonce, je
parie la perte de la gravité de notre sénateur.
Le plus grand philosophe du monde sur une planche plus large qu'il ne faut, s'il y a au-dessous un
précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. Plusieurs n'en
sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer.
Je ne veux pas rapporter tous ses effets; qui ne sait que la vue de chats, de rats, l'écrasement d'un
charbon, etc. emportent la raison hors des gonds. Le ton de voix impose aux plus sages, et change un
discours et un poème de force.
L'affection ou la haine changent la justice de face, et combien un avocat bien payé par avance
trouve(-t-)il plus juste la cause qu'il plaide. Combien son geste hardi la fait-il paraître meilleure aux
juges, dupés par cette apparence. Plaisante raison qu'un vent manie, et à tous sens. Je rapporterais
presque toutes les actions des hommes qui ne branlent presque que par ses secousses. Car la raison
a été obligée de céder, et la plus sage prend pour ses principes ceux que l'imagination des hommes a
témérairement introduits en chaque lieu.
Nos magistrats ont bien connu ce mystère. Leurs robes rouges, leurs hermines dont ils
s'emmaillotent en chats fourrés, les palais ils jugent, les fleurs de lys, tout cet appareil auguste
était fort nécessaire, et si les médecins n'avaient des soutanes et des mules, et que les docteurs
n'eussent des bonnets carrés et des robes trop amples de quatre parties, jamais ils n'auraient dupé le
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monde qui ne peut résister à cette montre si authentique. S'ils avaient la véritable justice, et si les
médecins avaient le vrai art de guérir, ils n'auraient que faire de bonnets carrés. La majesté de ces
sciences serait assez vénérable d'elle-même, mais n'ayant que des sciences imaginaires il faut qu'ils
prennent ces vains instruments qui frappent l'imagination à laquelle ils ont affaire et par en effet,
ils s'attirent le respect.
Les seuls gens de guerre ne se sont pas déguisés de la sorte parce qu'en effet leur part est plus
essentielle. Ils s'établissent par la force, les autres par grimace.
C'est ainsi que nos rois n'ont pas recherché ces déguisements. Ils ne se sont pas masqués d'habits
extraordinaires pour paraître tels. Mais ils se font accompagner de gardes, de hallebardes. Ces
troupes armées qui n’ont de mains et de force que pour eux, les trompettes et les tambours qui
marchent au-devant et ces légions qui les environnent font trembler les plus fermes. Ils n’ont pas
l’habit, seulement ils ont la force. Il faudrait avoir une raison bien épurée pour regarder comme un
autre homme le grand seigneur environné dans son superbe sérail de quarante mille janissaires.
Nous ne pouvons pas seulement voir un avocat en soutane et le bonnet en tête sans une opinion
avantageuse de sa suffisance.
L’imagination dispose de tout; elle fait la beauté, la justice et le bonheur qui est le tout du monde.
Je voudrais de bon cœur voir le livre italien, dont je ne connais que le titre, qui vaut lui seul bien des
livres, dell’ opinione regina del mondo. J'y souscris sans le connaître, sauf le mal, s'il y en a.
Voilà à peu près les effets de cette faculté trompeuse qui semble nous être donnée exprès pour
nous induire à une erreur nécessaire.
Blaise PASCAL, Pensées, édition Lafuma 44 (1670)
« En quoi donc consiste la sagesse humaine ou la route du vrai bonheur ? Ce n'est pas précisément à
diminuer nos désirs ; car, s'ils étaient au-dessous de notre puissance, une partie de nos facultés
resterait oisive, et nous ne jouirions pas de tout notre être. Ce n'est pas non plus à étendre nos
facultés, car si nos désirs s'étendaient à la fois en plus grand rapport, nous n'en deviendrions que
plus misérables : mais c'est à diminuer l'excès des désirs sur les facultés, et à mettre en égalité
parfaite la puissance et la volonté. C'est alors seulement que, toutes les forces étant en action, l'âme
cependant restera paisible, et que l'homme se trouvera bien ordonné.
C'est ainsi que la nature, qui fait tout pour le mieux, l'a d'abord institué. Elle ne lui donne
immédiatement que les désirs nécessaires à sa conservation et les facultés suffisantes pour les
satisfaire. Elle a mis toutes les autres comme en réserve au fond de son âme, pour s'y développer au
besoin. Ce n'est que dans cet état primitif que l'équilibre du pouvoir et du désir se rencontre, et que
l'homme n'est pas malheureux. Sitôt que ses facultés virtuelles se mettent en action, l'imagination, la
plus active de toutes, s'éveille et les devance. C'est l'imagination qui étend pour nous la mesure des
possibles, soit en bien, soit en mal, et qui, par conséquent, excite et nourrit les désirs par l'espoir de
les satisfaire. Mais l'objet qui paraissait d'abord sous la main fuit plus vite qu'on ne peut le poursuivre
; quand on croit l'atteindre. il se transforme et se montre au loin devant nous. Ne voyant plus le pays
déjà parcouru, nous le comptons pour rien ; celui qui reste à parcourir s'agrandit, s'étend sans cesse.
Ainsi l'on s'épuise sans arriver au terme ; et plus nous gagnons sur la jouissance, plus le bonheur
s'éloigne de nous.
Au contraire, plus l'homme est resté près de sa condition naturelle, plus la différence de ses facultés
à ses désirs est petite, et moins par conséquent il est éloigné d'être heureux. Il n'est jamais moins
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misérable que quand il paraît dépourvu de tout ; car la misère ne consiste pas dans la privation des
choses, mais dans le besoin qui s'en fait sentir.
Le monde réel a ses bornes, le monde imaginaire est infini ; ne pouvant élargir l'un, rétrécissons
l'autre ; car c'est de leur seule différence que naissent toutes les peines qui nous rendent vraiment
malheureux. Otez la force, la santé, le bon témoignage de soi, tous les biens de cette vie sont dans
l'opinion ; ôtez les douleurs du corps et les remords de la conscience, tous nos maux sont
imaginaires. Ce principe est commun, dira-t-on ; j'en conviens ; mais l'application pratique n'en est
pas commune ; et c'est uniquement de la pratique qu'il s'agit ici.
Quand on dit que l'homme est faible, que veut-on dire ? Ce mot de faiblesse indique un rapport, un
rapport de l'être auquel on l'applique. Celui dont la force passe les besoins, fût-il un insecte, un ver,
est un être fort ; celui dont les besoins passent la force, fût-il un éléphant, un lion ; fût-il un
conquérant, un héros ; fût-il un dieu ; c'est un être faible. L'ange rebelle qui méconnut sa nature était
plus faible que l'heureux mortel qui vit en paix selon la sienne. L'homme est très fort quand il se
contente d'être ce qu'il est ; il est très faible quand il veut s'élever au-dessus de l'humanité. N'allez
donc pas vous figurer qu'en étendant vos facultés vous étendez vos forces ; vous les diminuez, au
contraire, si votre orgueil s'étend plus qu'elles. Mesurons le rayon de notre sphère, et restons au
centre comme l'insecte au milieu de sa toile ; nous nous suffirons toujours à nous-mêmes, et nous
n'aurons point à nous plaindre de notre faiblesse, car nous ne la sentirons jamais.
Jean-Jacques ROUSSEAU, Émile ou de l'Éducation, Livre II, (1762)
« Le concept de bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme
d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que
véritablement il désire et il veut. La raison en est que tous les éléments qui font partie du concept du
bonheur sont dans leur ensemble empiriques, c’est-à-dire qu’ils doivent être empruntés à
l’expérience, et que cependant pour l’idée du bonheur un tout absolu, un maximum de bien-être
dans mon état présent et dans toute ma condition future, est nécessaire. Or il est impossible qu’un
être fini, si perspicace et en même temps si puissant qu’on le suppose, se fasse un concept
déterminé de ce qu’il veut ici véritablement. Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d’envie, que de
pièges ne peut-il pas par attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ?
Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour lui représenter d’une
manière d’autant plus terrible les maux qui jusqu’à présent se dérobent encore à sa vue et qui sont
pourtant inévitables, ou bien que charger de plus de besoins encore ses désirs qu’il a déjà bien assez
de peine à satisfaire. Veut-il une longue vie ? Qui lui répond que ce ne serait pas une longue
souffrance ? Veut-il du moins la santé ? Que de fois l’indisposition du corps a détourné d’excès
aurait fait tomber une santé parfaite, etc… Bref, il est incapable de déterminer avec une entière
certitude d’après quelque principe ce qui le rendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudrait
l’omniscience. On ne peut donc pas agir, pour être heureux, d’après des principes déterminés, mais
seulement d’après des conseils empiriques, qui recommandent, par exemple, un régime sévère,
l’économie, la politesse, la réserve, etc…, toutes choses qui, selon les enseignements de
l’expérience, contribuent en thèse [1] générale pour la plus grande part au bien être. Il suit de que
les impératifs de la prudence, à parler exactement, ne peuvent commander en rien, c’est-à-dire
représenter des actions de manière objective comme pratiquement nécessaires, qu’il faut les tenir
plutôt pour des conseils (consilia) que pour des commandements (praecepta) de la raison : le
problème qui consiste à déterminer d’une façon sûre et générale quelle action peut favoriser le
bonheur d’un être raisonnable est un problème tout à fait insoluble ».
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KANT, Fondements de la métaphysique de mœurs (1785)
« Ce qui nous plaît dans la beauté artistique, c'est précisément le caractère de liberté de sa
production et de ses formes qui nous soustrait, semble-t-il, par la production et par l'intuition
mêmes, aux liens de la règle et du réglé. Face à la rigueur de ce qui subit le joug des lois et face à la
sombre intériorité de la pensée, nous cherchons l'apaisement et l'animation dans les figures de l'art ;
face au royaume ténébreux des idées, une réalité animée et pleine de vie. Enfin, la source des
œuvres d'art est la libre activité de l'imagination qui, dans ses images mêmes, est plus libre que la
nature. Non seulement l'art dispose de l'entièreté du royaume des formes de la nature, dans leur
paraître multiple et bigarré, mais l'imagination créatrice se montre inépuisable dans les productions
qui lui sont propres. Face à cette plénitude démesurée de l'imagination et de ses libres réalisations, il
semble donc que la pensée doive renoncer au projet hardi de saisir intégralement de pareilles
réalisations, de les juger et de les ordonner sous ses formules universelles. [...] Il est vrai qu'il y a des
cas dans lesquels l'art peut être considéré comme un jeu éphémère destiné à l'amusement et à la
distraction, comme un ornement qui sert à enjoliver l'aspect extérieur des rapports de la vie ou à
mettre en relief, en les ornant, d'autres objets. Sous ce point de vue, il ne s'agit pas d'un art
indépendant et libre, mais d'un art asservi. Mais ce que nous proposons d'étudier, c'est
l'art libre dans sa fin et dans ses moyens. [...] L'art beau n'est véritablement art qu'en cette liberté
propre. »
HEGEL, Esthétique (1818-1829)
« Dans le cours de l'histoire, le moment de la conservation d'un peuple, d'un Etat, des sphères
subordonnées de sa vie, est un moment essentiel. C'est ce qui est assuré par l'activité des individus
qui participent à l'œuvre commune et concrétisent ses différents aspects. Mais il existe un autre
moment : c'est le moment où l'ordre existant est détruit parce qu'il a épuisé et complètement réalisé
ses potentialités, parce que l'histoire et l'Esprit du Monde sont allés plus loin. Nous ne parlerons pas
ici de la position de l'individu à l'intérieur de la communauté, de son comportement moral et de ses
devoirs. Ce qui nous intéresse, c'est seulement l'Esprit avançant et s'élevant à un concept supérieur
de lui-même. Mais ce progrès est intimement lié à la destruction et la dissolution de la forme
précédente du réel, laquelle a complètement réalisé son concept. Ce processus se produit selon
l'évolution interne de l'Idée, mais, d'autre part, il est lui-même produit par les individus qui
l'accomplissent activement et qui assurent sa réalisation. C'est le moment justement où se
produisent les grands conflits entre les devoirs, les lois et les droits existants et reconnus, et les
possibilités qui s'opposent à ce système, le lèsent, en détruisent le fondement et la réalité, et qui
présentent aussi un contenu pouvant paraître également bon, profitable, essentiel et nécessaire. Ces
possibilités deviennent dès lors historiques ; elles contiennent un universel d'une autre espèce que
celui qui est à la base de l'existence du peuple ou de l'Etat. Cet universel est un moment de l'Idée
créatrice, un moment de l'élan de la vérité vers elle-même. »
HEGEL, La Raison dans l'histoire (1822 -1830)
« A l'encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur la terre, c'est de la terre au ciel
que l'on monte ici. Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s'imaginent, se
représentent, ni non plus de ce qu'ils sont dans les paroles, la pensée, l'imagination et la
représentation d'autrui, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en os; non, on part des
hommes dans leur activité réelle, c'est à partir de leur processus de vie réel que l'on représente aussi
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le développement des reflets et des échos idéologiques de ce processus vital. Et même les
fantasmagories dans le cerveau humain sont des sublimations résultant nécessairement du
processus de leur vie matérielle que l'on peut constater empiriquement et qui repose sur des bases
matérielles. De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l'idéologie, ainsi que
les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d'autonomie.
Elles n'ont pas d'histoire, elles n'ont pas de développement; ce sont au contraire les hommes qui, en
développant leur production matérielle et leurs rapports matériels, transforment, avec cette réalité
qui leur est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n'est pas la conscience qui
détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. Dans la première façon de considérer les
choses, on part de la conscience comme étant l'individu vivant, dans la seconde façon, qui
correspond à la vie réelle, on part des individus réels et vivants eux-mêmes et l'on considère la
conscience uniquement comme Leur conscience.
Cette façon de considérer les choses n'est pas dépourvue de présuppositions. Elle part des prémisses
réelles et ne les abandonne pas un seul instant. Ces prémisses, ce sont les hommes, non pas isolés et
figés, de quelque manière imaginaire, mais saisis dans leur processus de développement réel dans
des conditions déterminées, développement visible empiriquement. Dès que l'on représente ce
processus d'activité vitale, l'histoire cesse d'être une collection de faits sans vie, comme chez les
empiristes, qui sont eux-mêmes encore abstraits, ou l'action imaginaire de sujets imaginaires,
comme chez les idéalistes.
C'est là où cesse la spéculation, c'est dans la vie réelle que commence donc la science réelle, positive,
l'analyse de l'activité pratique, du processus, de développement pratique des hommes. Les phrases
creuses sur la conscience cessent, un savoir réel doit les remplacer. »
Marx, L’idéologie allemande (1845-1846)
« Dans ces derniers temps nous avons entendu dire de mille manières différentes : « Copiez la
nature ; ne copiez que la nature. Il n’y a pas de plus grande jouissance ni de plus beau triomphe
qu’une copie excellente de la nature. » Et cette doctrine, ennemie de l’art, prétendait être appliquée
non seulement à la peinture, mais à tous les arts, même au roman, même à la poésie. A ces
doctrinaires si satisfaits de la nature un homme imaginatif aurait certainement eu le droit de
répondre : « Je trouve inutile et fastidieux de représenter ce qui est, parce que rien de ce qui est ne
me satisfait. La nature est laide, et je préfère les monstres de ma fantaisie à la trivialité positive. »
Cependant il eût été plus philosophique de demander aux doctrinaires en question, d’abord s’ils sont
bien certains de l’existence de la nature extérieure, ou, si cette question eût paru trop bien faite pour
réjouir leur causticité, s’ils sont bien sûrs de connaître toute la nature, tout ce qui est contenu dans la
nature. Un oui eût été la plus fanfaronne et la plus extravagante des réponses. Autant que j’ai pu
comprendre ces singulières et avilissantes divagations, la doctrine voulait dire, je lui fais l’honneur de
croire qu’elle voulait dire : l’artiste, le vrai artiste, le vrai poète, ne doit peindre que selon qu’il voit et
qu’il sent. Il doit être réellement fidèle à sa propre nature. Il doit éviter comme la mort d’emprunter
les yeux et les sentiments d’un autre homme, si grand qu’il soit ; car alors les productions qu’il nous
donnerait seraient, relativement à lui, des mensonges, et non des réalités. Or, si les pédants dont je
parle (il y a de pédanterie même dans la bassesse), et qui ont des représentants partout, cette
théorie flattant également l’impuissance et la paresse, ne voulaient pas que la chose t entendue
ainsi, croyons simplement qu’ils voulaient dire : « Nous n’avons pas d’imagination, et nous décrétons
que personne n’en aura. »
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