Les trois ordres chez Pascal.
Nous disions que le système sportif est composé de sous-ensembles – finance, réglementation,
éthique – dont on suppose qu’ils sont indépendants. Cette idée reprend la notion des trois
ordres pascaliens considérés eux-aussi comme indépendants et donc source de
disfonctionnement quand on pense que c’est l’éthique qui doit gouverner la totalité.
Pascal distingue trois ordres:
- la justice, le cœur et la charité qui représente l’ordre de l’éthique,
- la puissance et la force qui représente l’ordre du politique,
- la vérité qui représente l’ordre de l’esprit et de la raison,
Pascal fait le constat que si on sort du caractère indépendant de ces trois ordres on risque le
ridicule ou la tyrannie. On ne peut imposer l’amour, par exemple, ni par la loi, ni par la
raison. On ne peut imposer la vérité, ni par la politique, ni par amour. Autrement dit, pour lui,
la science, la politique et la charité sont définitivement scindées.
Sur le même modèle on peut considérer que le sport de haut niveau comporte trois ordres :
1- L’ordre éthique du sport :
• Les valeurs universelles de l’Olympisme
• Le pacifisme, la fraternité, le respect de l’autre, la solidarité, l’amitié
• But de cet ordre : considérer l’autre comme un « prochain », porteur de tous les
traits caractéristiques de l’humain dans l’homme.
2- L’ordre politique de la réglementation sociale et culturelle du sport :
• Les règles du jeu, le respect de la règle (le fair-play)
• Les réglementations nationales et internationales
• But de cet ordre : vaincre l’adversaire (parfois en lui faisant mal, physiquement
ou psychologiquement).
3- L’ordre médiatico-économique du sport :
• La collusion médiatico-économique : sponsoring, image et profit
• But de cet ordre : faire du profit en instrumentalisant l’athlète.
On constate que l’ordre 2 et l’ordre 3 reposent sur des logiques qui entrent en contradiction
avec l’ordre 1. Car si l’ordre éthique est celui de la générosité, du respect de l’autre (le
« prochain » au sens religieux du terme) et de l’altruisme, les deux autres sont mus
essentiellement par une logique de la rivalité et de la victoire (ordre 2) et une logique du profit
(ordre 3).
Actuellement on constate que c’est l’ordre 3 (médiatico-économique) qui exerce la plus forte
pression sur les deux autres. Bref, c’est l’argent qui semble régner sur le sport. Peut-on
renverser l’ordre des prévalences et donner à l’éthique le rôle directeur ?
Peut-il y avoir un « pilotage » éthique du système sportif ?
• Trop d’éthique dans la réglementation du sport détruit son principe d’existence : la
rivalité, le record, la prouesse, le spectacle. L’adversaire n’est pas le « prochain », il
faut le vaincre.
• Trop d’éthique dans l’économie du sport est un contresens : le client n’est pas le
« prochain » il est celui qui doit acheter le produit sportif (images, vêtements, athlètes,
produits légaux ou illégaux de l’entraînement etc…).
Par contre :
• Pas suffisamment d’éthique (trop de triche, trop de « business », trop d’atteintes à
l’intégrité physique) décrédibilise le sport et risque de l’anéantir.
Quelles solutions ?
• Réduire l’éthique à la « réglementation » et accentuer les sanctions pour les
contrevenants ? Dans ce cas il faut continuer à accepter la plupart des violences
générées par le sport (physiques et psychologiques).