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CHAPITRE MONNAIE ET FINANCES 2015 2016
I) LA MONNAIE
A) QU’EST-CE QUE LA MONNAIE ?
1) Fonctions économiques et non économiques de la monnaie
Document 1 : Les fonctions économiques de la monnaie
La monnaie est l'un des instruments les plus utilisés dans notre vie quotidienne. En effet, dans une
économie d'échange complexe et décentralisée comme la nôtre, la monnaie remplit une triple fonction de
calcul économique, de paiement et de réserve de valeur.
La monnaie sert, en premier lieu, à évaluer le prix de tous les biens, c'est une unité de compte qui permet
de mesurer la valeur de biens hétérogènes. Elle ramène les multiples évaluations possibles d'un bien en
termes d'autres biens (prix réels ou relatifs) à une seule évaluation en monnaie (prix nominal ou absolu).
L'utilisation de la monnaie permet une économie d'information et de calcul, grâce à la simplification du
système de prix.
La monnaie est ensuite un bien directement échangeable contre tous les autres biens, un instrument de
paiement qui permet d'acquérir n'importe quel bien ou service, y compris le travail humain. On dit qu'elle
est un « équivalent général ». C'est, en effet, un instrument admis partout et par tout le monde, en toutes
circonstances, et dont le simple transfert entraîne de façon définitive l'extinction des dettes. Nos
économies sont monétaires dans la mesure les produits ne s'échangent pas contre des produits, mais
contre de la monnaie qui, à son tour, s'échange contre des produits. Cela suppose évidemment qu'il existe
un consensus social et la croyance que l'on peut obtenir à tout moment n'importe quel bien en échange de
monnaie. Cette confiance peut être renforcée par l'autorité de l'Etat et de la banque centrale qui oblige
l'ensemble des acteurs économiques à accepter la monnaie en lui donnant un pouvoir libératoire et légal.
(...).
La monnaie, enfin, est une réserve de valeur, elle est une des formes de la richesse - un actif de
patrimoine - qui présente la particularité de pouvoir à la fois être conservée et rester parfaitement liquide,
c'est-à-dire de garder sa valeur et d'être immédiatement utilisable pour l'échange de biens et services.
Dominique Plihon, “La monnaie et ses mécanismes”, La Découverte, 5ème Edition, 2008
Document 2
Dans le paiement de l’impôt, il n’y a pas de contrepartie monétaire si ce n’est celle, éventuelle et noncessaire,
d’une redistribution ultérieure sans rapport direct avec le montant de l’imt ; la seule contrepartie est un devoir
de protection, sans garantie d’exécution (autre que par la médiation du processus degitimation de l’État), et le
tarif fiscal n’est pas fixé en fonction de cette contrepartie (sauf pour les économistes libéraux qui, afin de réduire
l’État à un simple producteur marchand, violent le réel en faisant comme si l’impôt était le prix des services
que l’État fournit). L’impôt est en fait un paiement unilaral qui témoigne d’une soumission à une souveraine.
Il ouvre certes le droit de bénéficier, dans certaines circonstances, de prestations sociales ou corporatives, mais
celles-ci sont établies selon leur propre logique de protection, indépendamment de la contribution fiscale de
chacun. Aucune logique d’équivalence et de libération du lien ne joue ici.
(Bruno Théret
: « Monnaie et dettes de vie » -
L'Homme -
2009/2 - 190)
Document 3
Simmel nous dépeint un tableau qui n’est pas sans rappeler les analyses classiques du passage de la
Communauté à la Société car l’argent a des effets à la fois créateurs et destructeurs pour les liens sociaux.
Il favorise les échanges sociaux où l’on n’a pas besoin d’engager la totalité de sa personnalité et permet
donc l’association entre personnes différentes mais, parallèlement, il tend à détruire les relations fondées
sur l’investissement de la totalité de la personnalité des individus en ne sauvegardant, du moins Simmel le
croyait il, que les rapports individuels amicaux et familiaux et les grandes communautés comme la Patrie.
(Thierry Rogel : « La légitimité monétaire - quels enseignements tirer de la Philosophie de l’argent de Georg
Simmel ? » - Revue Portique n°19 2007 - Philosophies de l’argent)
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Document 4
(…) l’argent est d’abord un moyen : on désire posséder de l’argent dans le but de se procurer des biens
dont on tire une satisfaction. Mais sa particularité est d’être un moyen absolu : il permet d’acquérir tout ce
qui est à vendre. La valeur d’un outil étant déterminée par ce à quoi il sert, cet outil universel est le plus
valorisé de tous. Ainsi une somme d’argent vaut-elle plus que la somme des biens qu’elle permet
d’acheter car elle apporte à son possesseur quelque chose de plus : la liberté de choix. Cela explique
aussi, dans une transaction, l’avantage de l’acheteur, qui détient l’argent, sur le vendeur, qui n’offre qu’un
bien particulier. (…) Il a partie liée avec l’individualisme en ce qu’il offre la possibilité de se désengager
des relations familiales ou communautaires et suscite un sentiment d’indépendance : dans une économie
monétaire on dépend de tout le monde en général, mais de personne en particulier. L’argent « refroidit »
les relations : elles sont dépersonnalisées, deviennent purement utilitaires ou fonctionnelles(…)
(Pascal Combemale, Thierry Rogel : « L'argent, une passion moderne » - Alternatives Economiques n° 288 - février
2010 )
Document 5 : les fonctions de la monnaie en BD
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(Michel Greg : « L’archipel de Sanzunron »- Dargaud- BD créée pour le journal interne du Crédit Lyonnais)
(NB : cette histoire selon laquelle la monnaie serait née des difficultés liées au troc est souvent racontée, y compris
par des économistes. Elle a le mérite de montrer les avantages de l’utilistion de la monnaie mais elle est
historiquement fausse. C’est ce qu’on appelle « la fable du troc »)
2) Formes monétaires
Document 6
La monnaie est traditionnellement définie comme lintermédiaire des échanges par excellence () Ceci signifie
aussi que, bien que nous supposions habituellement qu'il existe une distinction claire entre ce qui est
monnaie et ce qui n'en est pas et la législation s'efforce géralement de poser une telle démarcation , cette
dichotomie n'existe pas dès lors que l'on considère les propriétés qui confèrent à un bien la qualité de mon-
naie. Ce que nous observons est bien davantage un continuum dans lequel des biens dotés de
différents degrés de liquidité, ou dont les valeurs fluctuent indépendamment les unes des autres, se
confondent partiellement par le degré auquel ils peuvent être utilisés en tant que monnaie.
(Friedrich Hayek « Pour une vraie concurrence des monnaies » - PUF 2015)
Document 7
Document 8 : les composantes de la masse monétaire
Masse Monétaire
Ensemble des moyens de paiement effectivement ou potentiellement en circulation dans une économie
nationale donnée. Se mesure habituellement soit par M1(liquidités) soit par M3(liquidités+placements
liquides).
M1 : Agrégat monétaire comprenant l'ensemble des moyens de paiement directement utilisables dans une
transaction: monnaie fiduciaire (argent liquide, c'est-à-dire pièces et billets ayant cours légal) et monnaie
scripturale (dépôts à vue mobilisables par chèque, virement ou carte bancaire).
M1 désigne les moyens de paiement (ou disponibilités monétaires) au sens strict du terme: la monnaie
utilisable pour un paiement. Mais, de plus en plus fréquemment, les agents économiques disposent
également de placements suffisamment liquides (c'est-à-dire transformables en monnaie) pour que l'on ne
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limite pas leurs avoirs monétaires au seul agrégat M1. Par exemple, si je dispose d'un compte-chèques et
d'un compte d'épargne sur livret et que, dans la convention que j'ai passée avec le gestionnaire de mes
comptes, il est prévu que, dès que mes dépenses excèdent le montant de mon compte de dépôt, un
virement automatique transfère de l'argent de mon compte d'épargne à mon compte de dépôt, la monnaie
dont je dispose ne se limite pas, à l'évidence, à ces avoirs sur le compte de dépôt. D'où le calcul d'autres
agrégats monétaires, qui ajoutent à M1 d'autres éléments qui peuvent facilement se transformer en
monnaie.
M2 : Agrégat monétaire composé de M1 (disponibilités monétaires, monnaie au sens strict du terme) et
de l'ensemble des placements mobilisables à vue et sans incertitude sur le montant mobilisable.
livret d'épargne : ce type de placement ne comporte aucun risque. Quant à la liquidité, c'est-à-dire la
capacité de transformer le placement en monnaie, elle est totale pour un certain nombre de livrets (livrets
d'épargne, livrets développement durable, comptes d'épargne logement). C'est pourquoi ces placements
sans risque et mobilisables à vue (c'est-à-dire transformables sans délai en monnaie) sont ajoutés à M1
pour composer le deuxième agrégat monétaire, M2.
M3 : Agrégat monétaire qui comprend, outre M2 (disponibilités monétaires, placements sur livrets à vue),
les placements mobilisables sans délai (c'est-à-dire qui peuvent être liquidés et transformés quasi
instantanément en monnaie utilisable pour un paiement), mais comportant une incertitude quant à leur
valeur de liquidation.
M3 comprend les placements immédiatement mobilisables, mais comportant un élément d'incertitude. Par
exemple, si je détiens des devises, elles font partie de M3: je peux les revendre sans délai dans n'importe
quelle banque, mais le cours est variable. De même, les Sicavet les FCP (Fonds commun de
placement)font partie de M3, parce qu'il s'agit de titres de placement dont le marché est suffisamment
important et animé pour qu'une décision de mise en vente puisse être exécutée immédiatement. En
revanche, comme le cours dépend de l'offre et de la demande, il peut changer, ce qui crée un élément
d'incertitude. Les actions et les obligations pourraient, à la rigueur, faire partie de M3, mais il a été décidé
de les exclure car, s'il est possible de les revendre sans délai, il s'agit malgré tout de titres à longue durée
de vie et l'élément d'incertitude est plus fort. A fortiori, une maison ou un terrain sont des formes de
placement, mais fort peu liquides: le délai pour les vendre exclut qu'on puisse comptabiliser ces formes de
placements dans M3. Cet agrégat est donc caractérisé par la rapidité de la mobilisation de monnaie et par
la faible incertitude quant à la valeur de liquidation des titres qui en font partie. Dans la plupart des pays,
M3 est considéré comme l'agrégat monétaire le plus significatif, celui qui mesure le mieux la liquidité
effective et potentielle des agents.
(Lexique Alternatives Economiques)
3) Qu’est ce qui fait monnaie ?
Document 9
(…) une monnaie ne peut être utilisée largement que si ses utilisateurs font assez confiance à celui qui l'a
émise pour ne pas devoir vérifier constamment sa valeur. Ainsi, les pièces d'argent qui ont longtemps
servi de monnaie en Europe étaient acceptées sans que tous les utilisateurs vérifient leur poids et leur
teneur en métal. D'ailleurs, si la vérification du poids était assez simple (à condition d'avoir une balance et
un poids de référence dans lesquels on ait confiance...), celle de la teneur en métal ne pouvait être réalisée
précisément qu'en... fondant la pièce ! Certains rois ont abusé de cette confiance en émettant des pièces
aux teneurs métalliques faibles, mais un certain nombre de spécialistes (les orfèvres) étaient capables de
le détecter. La confiance diminuait une fois que l'information se diffusait. Elle revenait quand les rois
s'engageaient à produire des pièces de qualité et que l'on pouvait le vérifier. La confiance est devenue plus
difficile à obtenir quand on est passé de la monnaie métallique à la monnaie fiduciaire pure, c'est-à-dire
dont la valeur ne repose pas sur un contenu intrinsèque mais uniquement sur la confiance que l'on fait à
l'émetteur. Longtemps (jusqu'en 1914 en France), les billets émis par les banques centrales furent
convertibles à volonté en pièces métalliques qui avaient une valeur intrinsèque, ce qui rassurait les
détenteurs de billets. Quand la confiance en ces billets fut bien établie, on put imposer leur cours forcé
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(supprimer cette convertibilité). Les billets étaient alors acceptés parce que l'on pouvait les convertir en
biens ou en monnaies étrangères pour des prix raisonnablement stables, parce que les banques centrales
n'en émettaient (en général) pas trop. Dans certains cas, l'émission de billets devint exagérée (les assignats
lors de la Révolution, ou les billets allemands après la première Guerre Mondiale), les utilisateurs
perdirent confiance, et exigèrent de grandes quantités de monnaie en échange de tout bien réel: c'était
l'hyperinflation (les prix des biens devenaient très élevés en termes de monnaie). Aujourd'hui, les
utilisateurs de monnaie la détiennent parce qu'ils ont confiance dans la capacité des banques centrales de
contrôler la production de monnaie (leurs billets mais surtout les dépôts bancaires) en maintenant une
certaine stabilité des prix. Quand ce n'est pas le cas, l'inflation - au moins lorsqu'elle dépasse un certain
seuil - mine la confiance dans la monnaie. D'autres monnaies peuvent alors circuler: on parle ainsi de
dollarisation pour certains pays le dollar est utilisé à défaut d'une monnaie nationale suffisamment
acceptée.
(Pierre-Cyrille Hautcoeur entretien dans le manuel « sesame » -
http://sesame.apses.org/index.php?option=com_content&view=article&id=245:entretien-avec-pierre-cyrille-
hautcoeur-et-bruno-theret&catid=23:dou-vient-la-monnaie-
Document 10
L'extension de l'argent à l'ensemble de la société a été rendue possible grâce à une dématérialisation de la
monnaie se traduisant par la diffusion de la monnaie, fiduciaire et scripturale, les paiements par virement
et, surtout, les différentes formes de monnaie-crédit. Cette dématérialisation confère à l'argent une
signification relativiste : sa valeur n'est plus liée à une substance, généralement un métal précieux, mais à
la mise en relation des objets, des hommes et de leurs désirs. Autrement dit, l'argent est devenu
l'expression de la dépendance réciproque des hommes. La valeur économique émerge en raison de leur
complémentarité et de leur capacité à échanger grâce à la monnaie. L'État centralisateur a joué dans ce
processus un rôle essentiel, à travers l'exercice d'un monopole sur la frappe des monnaies. La garantie
politique est ainsi devenue le fondement de la confiance dans la monnaie, laquelle a permis à son tour de
renforcer la centralisation étatique grâce à la systématisation du prélèvement fiscal qu'elle a rendue
possible.
(Cusin Benamouzig : « Sociologie et Economie » - PUF)
Document 11
On oppose souvent monnaie de métal pcieux et monnaie dite fiduciaire. Nous apercevons maintenant
que toute monnaie est « fiduciaire ». L'or, à ce jour, n'est que la première des monnaies fiduciaires : il n'est pas
plus. Mais il n'est pas moins.
(François Simiand : « Critique sociologique de l’économie »-(1934) PUF -2006)
B) LA CREATION MONETAIRE
Document 12 : le conte de la dame de Condé
« Nous sommes à Condé-sur-Gartempe. Son hôtel de la Gare est réputé pour ses ortolans et pour sa
discrétion ! Un vendredi après-midi débarque une jeune femme, d'apparence convenable, bien qu'un peu
trop fardée.
Elle réserve une chambre à un grand lit pour la nuit et, comme elle n'a pas de bagage, elle laisse en
acompte un billet de 500 F, tout neuf. Puis, elle s'en va visiter la vieille ville.
Le pâtissier qui a vu la scène dit au patron: "Ça fait 6 semaines que vous me devez 500 F pour la pièce
montée que j'ai livrée à l'occasion de la communion de votre fille". Le patron lui donne le billet de bonne
grâce.
Comme cette scène a été vue par d'autres, elle se reproduisit 5 nouvelles fois car le pâtissier devait aussi
500 F au minotier,.., qui en devait autant au garagiste,... lui-même débiteur de cette somme au boucher,...
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