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Quant aux effets de débordement de la politique économique, en cas de choc symétrique, telle que l’a été la crise
récente, ils se sont avérés plutôt positifs, suscitant un regain d’intérêt pour l’analyse keynésienne. Ainsi, la politique
monétaire commune menée par la Banque Centrale Européenne, avec des taux d’intérêt proches de zéro, et les
politiques budgétaires de relance ont permis d’éviter une récession plus forte et durable.
Mais, en l’absence de véritable gouvernance de la zone, ces politiques budgétaires n’ont pas été suffisamment
coordonnées, et certains États ont été tentés de se comporter en passager clandestin : l’Irlande, par exemple, en
menant une politique de rigueur en 2008-2009, a cherché à tirer parti des politiques de relance des autres pays de
la zone, en limitant ses propres déficit et dette.
3. Quelle politique budgétaire aujourd’hui ?
Trois problèmes se posent : le premier concerne l’accroissement des déficits et dettes. La Banque Centrale craint
quant à elle une résurgence de l’inflation, qui aurait l’avantage pour les États notamment d’éroder leur dette. Pour
leur part, les marchés financiers redoutent le risque de défaut d’un État quant à sa dette.
Concernant les solutions, a été envisagé un renforcement des règles du P.S.C, par exemple la réduction progressive
de l’écart entre le niveau effectif de la dette et le critère de 60% du P.I.B défini dans le P.S.C, ou encore une
hausse des dépenses publiques identique au rythme de croissance pour stabiliser la part des dépenses dans le P.I.B.
Se pose alors la question de la légitimité démocratique de telles règles.
Mais plus que le respect d’un ratio stabilisé et commun à l‘ensemble des membres de la zone, c’est plutôt de la
soutenabilité de la dette dont il faut se préoccuper, elle-même dépendant de l’écart critique entre le taux d’intérêt
nominal de la dette et le rythme de croissance : ainsi, si un effet « boule de neige » apparaît si le taux nominal est
supérieur au taux de croissance de l’économie, dans le cas contraire, par exemple lors des Trente Glorieuses, la
dette reste soutenable.
La question se pose alors, notamment pour les « PIGS » (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne), de savoir comment
rendre la dette soutenable et convaincre les marchés financiers d’acquérir des titres de dette à des taux
raisonnables, sans prime de risque excessive.
- Il faut aussi à ce sujet envisager le rôle de la spéculation : les marchés financiers se trompent-ils en faisant
payer une prime de risque aux États en difficulté ?
- S’il faut rassurer les marchés financiers, le problème se pose toujours du délai nécessaire à la stabilisation
de la dette : dans une optique keynésienne et si l’on s’en réfère à l’exemple actuel de la Grèce, est-il
opportun de mener une politique budgétaire restrictive alors que la croissance n’est pas consolidée ?
Deux arguments, selon lesquels la politique budgétaire aurait plutôt des effets anti-keynésiens, suggèrent
d’apporter une réponse négative à cette dernière question :
- Selon le premier de ces arguments, qui s’appuie sur des expériences récentes, notamment au Canada, ce
serait plutôt la baisse des dépenses, des déficits et dettes qui serait source de croissance.
Cet argument présente lui-même certaines limites : des expériences isolées, dans des pays de petite taille,
la possibilité pour les États d’user de l’arme de la dévaluation pour compenser les effets négatifs de la
baisse des dépenses sur la demande intérieure par des gains de compétitivité.
- Ensuite, selon le principe d’équivalence ricardienne, la hausse des déficits et dettes aboutirait, plus qu’à la
stimulation de la demande, à la hausse de l’épargne, les agents économiques anticipant de futures hausses de
prélèvements obligatoires.
Or, cet argument ne semble tenir que dans des situations extrêmes, et seuls des taux d’endettement
particulièrement élevés, supérieurs à 90% du P.I.B, semblent corrélés avec une croissance ralentie.
Finalement, si le choix de l’austérité budgétaire est généralisé à l’ensemble de la zone, le risque de récession, donc
de nouveau gonflement des déficits et dettes, ne réapparaît-il pas ? Ces effets récessifs de la baisse des
dépenses, des déficits et dettes ne sont-ils pas d’autant plus forts que les États ne disposent plus des autres outils