L'estime de soi UE 7 – P. Desrumeaux Le premier à parler du soi est James en 1890 dans La Conscience de Soi. Il est en rupture avec les approches philosophiques de l'époque et appréhende le soi dans sa dimension sociale. Il distingue soi objet et soi agent : le soi objet est la connaissance et l'évaluation de nous même le soi agent est la structure exécutive qui dirige nos expériences, pensées et acte Ainsi que plusieurs significations du soi : le soi matériel : le corps le soi social (reconnaissance de nos amis) le soi connaissant (conscience momentanée) Le soi social est au cœur de la personnalité. Baldwin (1897) a une approche plus radicale, plus sociologique. Il propose la théorie du socius, dans laquelle le soi se développe comme un produit social et culturel. Il y a deux aspects au socius : l'ego : pensées que nous avons sur nous mêmes l'alter : les pensées que nous avons sur autrui Mead étudie de façon approfondie le soi et le milieu. Le soi d'un individu se développe à partir des jugements qu'autrui émet sur lui dans un contexte d'interaction. Il distingue : le je : aspect créateur du soi qui répond aux attitudes d'autrui le moi : ensemble organisé de jugements d'autrui que le soi assume Cooley développe le concept de soi en évoquant le soi miroir/réfléchi. De la même façon que nous voyons notre visage dans le miroir et que nous nous y intéressons parce qu'il est notre, nous percevons quelques idées de notre apparence dans l'esprit d'autrui et en sommes affectés. En 1970, le concept de soi ré-émerge avec deux grandes perspectives : interactionniste et cognitive. La perspective interactionniste est une perspective socio psychologique dans laquelle on accorde une attention à la part jouée par les interactions sociale et les communications sur la formation du soi. L'individu et la société sont des unités inséparables, interdépendantes se construisant réciproquement. Le soi et la société interagissent mutuellement, chacun n'étant compréhensible que dans le contexte de ses rapports avec l'autre. Un personne acquiert ses caractéristiques au cours de son interaction avec l'environnement social, sur la base de ses rôles professionnels, familiaux, sociaux, et va éprouver un sentiment de soi et s'apercevoir que les autres réagissent en fonction de ses qualité et actes. Goffman, dans ce mouvement de pensée, définit le concept de soi comme une structure cognitive qui nait de l'interaction de la personne et de l'environnement. La perspective phénoménologique est intermédiaire. Elle considère le soi comme un ensemble de perceptions individualisées des diverses caractéristiques personnelles, ressenties et vécues par la personne comme étant siennes, comme faisant partie d'elle même. Pour Lecuyer, l'aspect affectif occupe une place centrale. Le soi est multidimensionnel : experienciel, social, cognitif, organisé hiérarchiquement, comportant des niveaux d'importance différents, actif, adaptatif, évolutionnel et différenciateur. (p10). Le soi n'est pas figé, il est dynamique malgré sa relative stabilité. Le degré d'importance des constituants va varier en fonction de l'âge, des besoins spécifiques des personnes. La perspective cognitive est basée sur les recherches sur le traitement de l'information (encodage, organisation, stockage et récupération). Dans cette optique, les représentations de soi sont appelées conceptions de soi, certaines étant plus centrales que d'autres. Les représentations du soi seraient cognitives et ou affectives. Ces dernières correspondent aux auto évaluations positives et négatives. Les représentations seraient passées ou futures. Composante cognitive (concept de soi) Markus, Greenwald Connaissances accessibles sur soi, croyances sur soi, soi de travail. C'est la façon dont les individus décident ce qu'ils sont, dont ils traitent les évaluations de soi. C'est l'attention que nous prêtons aux caractéristiques qui nous distinguent d'autrui. Composante affective (estime de soi) Baumeister, Kunda, Rosenberg, Brown C'est la façon dont les individus s'estiment, c'est la tendance à se comparer à autrui de manière avantageuse. Composante conative (auto présentation) Schlenker, Ruvola C'est la façon dont les individus sont conscients d'eux même et de la manière sont ils se présentent à autrui. Ce sont les efforts que nous faisons pour contrôler l'impression que nous allons donner à autrui. Composante cognitive : le soi n'est pas seulement un stimulus social mais l'objet le plus important de notre attention. Le soi est une structure stable mais en même temps malléable. Le soi de travail reflète des contenus temporaires provoqués par des circonstances particulières. Toutes les représentations de soi ne sont pas accessibles au même moment, et si globalement le soi est stable il y a des modifications notables locales quand l'individu répond à l'environnement. Il y a des conceptions de soi centrales et des conceptions provisoires. C'est une collection d'auto représentations accessibles à un moment donné. Deux techniques permettent d'accéder à la conception de soi : le rappel autobiographique (Ross) : c'est un processus reconstructif médiatisé par les croyances des individus. La mémoire autobiographique est un processus de reconstruction guidé par des théories implicites, des croyances sur le changement et sur la stabilité de soi. Quand un individu se remémore son propre passé il évalue ses connaissances et croyances à partir de ses connaissances et croyances actuelles. Écriture autobiographique : technique utilisée dans le cadre d'entretiens d'analyse autobiographique, il s'agit d'un récit rétrospectif que le sujet va faire de sa propre existence qui met l'accent sur sa vie individuelle, l'histoire de sa personnalité et ses réussites et echecs. Deux conditions : c'est une narration qui décrit une durée suffisamment longue pour représenter une existence dans son déroulement temporel c'est un récit rétrospectif : le recul temporel est le condition nécessaire pour l'autobiographie COURS MANQUANT Kellehals étudie l’impact de type de cohésion familiale et du style éducatif sur l’estime de soi des enfants. Il distingue quatre types de cohésion. Style parallèle : groupe casanier, vivant replié sur soi, mais à l’intérieur chacun a son territoire, les rôles sont différenciés et les domaines d’intérêt ne se regroupent pas. Style bastion : le repli est souhaitable ; les contacts extérieurs sont perçus comme frustrants et les membres du groupe échangent un minimum d’opinions. Style compagnon : les contacts avec l’extérieur sont nombreux mais cette ouverture est rapportée au groupe et a pour but d’enrichir les relations internes. Style association : spécificité et indépendance des individus avec une importance des contacts individualisés à l’extérieur. Il distingue trois styles éducatifs. Statutaire : fort accent sur l’accommodation, les individus doivent se plier au rythme, sont contraints et il y a une distance importante entre les parents et les enfants. Maternaliste : il y a de l’accommodation et du contrôle, mais aussi de la communication. Les activités enfant-parent sont importantes. Contractualiste : l’autorégulation de l’enfant et sa créativité sont mise en avant. Self efficacy : sentiment de compétence personnel, on mesure l’évaluation que le sujet donne de ses aptitudes à réussir. Self worth : sentiment de valeur personnelle, on mesure l’évaluation comparative que fait le sujet de sa personnalité. On distingue : l’achievement (qualités intellectuelles, capacité à travailler) ; l’expressivité (imagination, sensibilité, sens artistique) et la sociabilité. Kellehals fait des mesures de ces deux estimes auprès de gros échantillons âgés de 11 à 14 ans. Il ne trouve pas de lien entre le type de cohésion et l’estime. Par contre, la relation est toujours significative entre l’estime et le style éducatif. Le type statutaire est celui qui donne une bonne estime. On remarque également que l’estime des garçons est plus corrélée avec le style éducatif que l’estime des filles, et cet effet est d’autant plus marqué lorsqu’il s’agit de la mesure du self worth. Ainsi, seuls 35% des garçons avec un style éducatif statutaire ressentent un sentiment de forte compétence contre 53% pour ceux avec un style contractualiste. 60% des enfants éduqués avec un mode contractualiste ont une bonne estime de soi. Estime de soi des jeunes On peut distinguer : - soi émotionnel : maîtrise de soi, représentation et contrôle des émotions - soi social : représentation des interactions avec autrui, sentiment d’être reconnu - soi scolaire : perception des compétences, représentation des comportements et performances dans le cadre scolaire - soi physique : image corporelle, représentation vis-à-vis du regard d’autrui, représentation des aptitudes physiques et sportives - soi futur : projets, qu’ils soient sociaux, scolaires, professionnels (joue un rôle dans l’affirmation de soi). Les filles sont plus affectées au niveau du soi physique et émotionnel, les garçons sont plus affectés au niveau du soi futur et sur l’ensemble des dimensions. Ils ont plus de mal à exprimer leur mal être. On peut distinguer deux périodes de chutes possibles de l’estime de soi : à 12 ans, souvent en lien avec le physique, et à 15ans, pendant la construction de l’identité, en lien avec le futur. Estime de soi des chômeurs Les recherches sur le sujet sont nombreuses. L’estime de soi augmente avec le temps pour ceux qui retrouvent un emploi. Cf schéma Dans certaines études on ne trouve pas de différences entre l’estime de soi des chômeurs et celle des non chômeurs, bien que chez les femmes salariées on trouve une EdS inférieure. O’Brian repère que les sujets qui font des attributions externes pour expliquer le chômage et que cela a une fonction de préservation de l’EdS. Beugré trouve que globalement les sujets évoquent plus de causes qu’internes pour expliquer le chômage, cependant les chômeurs recourent davantage aux explications externes. Cette tendance est corrélée avec l’EdS chez les chômeurs. L’EdS est en lien avec l’anxiété et la dépression. Les populations les plus touchées sont les jeunes, les chômeurs, et les plus de 50 ans. On remarque un lien entre EDS et burn out chez les plus de 50ans. Rosse et al (91) ont montré que des individus dont l’EDS est faible sont moins efficaces dans les relations inter personnels, ils seraient prédisposés à la dépersonnalisation et à expérimenter un sentiment d’incompétence dans leurs relations avec autrui. Ils peuvent avoir moins de ressources pour gérer leurs sentiments. Les individus a haute estime sont considérés comme moins happés par les jobs stressors et moins touchés par les conséquences des stressors. La survenue du brun out implique un processus d’auto évaluation et d’auto conceptualisation. Les individus a faible estime sont plus vulnérables, ils interagissent moins adéquatement. Deux études mettent en lien EDS et épuisement professionnel ; dans le burn out il y a l’épuisement, la dépersonnalisation, un faible sentiment d’accomplissement personnel, les trois sont corrélés avec EDS. A l’entrée dans la vie de travail, Super a montré le rôle primordial des premières activités de travail dans le développement du concept de soi chez les jeunes. Il montre comment se réalise une double exploration du monde professionnel et du soi comme sujet jouant un rôle précis dans la vie active. Grace à une multiplicité de ces essaie de rôles se construit une maturité vocationnelle. Cette maturité se fonde sur la perception directe d’intérêt pour certaines catégories d’activité et sur l’expérience de réussite et d’échec. Le développement professionnel et de l’image de soi se fait aussi par le biais d’évaluations qui font partie de l’activité professionnelle. On va se percevoir à travers les comportements que l’on a adopté, particulièrement dans les situations qui posent problème, à travers les appréciations positives ou négatives d’autrui. Levy Leboyer montre comment une fois passé le plaisir d’avoir réussi, chaque promotion conduit à une perception différente de soir, de ses possibilités de carrière et des chances qui recèlent dans l’environnement, ce qui relance l’ambition. Brendton dit que la condition première pour réussir est d’avoir réussi. L’estime de soi n’est pas fixé, les expériences professionnelles jouent un rôle diversifiés sur deux plans : le contenu du travail et le contexte du travail. Pour le contenu, les caractéristiques du post occupé ont un lien avec l’EDS, plus le travail est varié plus il nécessite de compétences, plus il permet d’être autonome, de participer aux décisions, de se perfectionner plus il sera générateur d’EDS. Pour le contexte, les relations avec les collègues, la hiérarchie et le salaire favorisent l’EDS. C’est plus le contenu que le contexte qui est générateur d’EDS. Le fait de se voir attribuer par la hiérarchie des buts exigeants contribue à augmenter l’EDS. L’influence est d’autant plus nette que les personnes notées ont une opinion positive de ceux qui les notent, et que les évaluations sont personnalisées. Une image de soi positive a longtemps été considérée comme une composante essentielle de la santé mentale. Les recherches montrent des liens forts entre de nombreux domaines de la santé et l’estime de soi. L’estime de soi est aussi associée a la manière dont les personnes ressentent, pensent et à la manière dont elles se comportent (notamment vis-à-vis des évaluations). Elle est aussi reliée aux contenus et à la structure des croyances sociales. Les individus à haute estime de soi peuvent parfois être contre productifs, car narcissiques, enclin à la violence inter personnelle, ou à des réponses destructrices lors de menaces. Les individus à faible estime accepteraient plus facilement les renforcements négatifs, ont des difficultés à combattre une menace exercée par une décision erronée, modifient plus facilement les structures centrales cognitifs et sont plus affectés par les situations publiques. L’estime de soi agit comme une ressource, elle empêche de déprimer, permet d’activer plus rapidement les techniques de coping, et permet de se protéger contre la dépression. C’est aussi un déterminant de la motivation : les sujets à haute estime sont plus satisfaits de leur relations avec les collègues, évaluent plus positivement leur profession, considèrent plus l’utilisation de leur compétences comme importante et prennent des prises de responsabilité. Les individus à faible estime considère plus importante les relations avec la hiérarchie. Nous effectuons souvent des évaluations en nous comparant à autrui. Les gens ont toujours tendance à s’estimer supérieurs aux autres. 25% des étudiants pensent qu’ils font partie des 1% capables de diriger les autres ; 90% des professeurs s’estiment meilleurs que leurs collègues. L’auto présentation A l’origine de ces travaux c’est la perspective interactionniste qui a introduit la notion d’auto régulation de l’impression comme impliquant nécessairement une dimension inter personnelle. C’est ainsi que la régulation d’impression a pu être définie par certains comme un type de comportement qui se produit sous des conditions particulières et qui est employée en priorité par certains types de population. Pour Goffman, l’auto présentation est essentiellement un instrument d’interaction. Pour interagir les personnes doivent définir la situation : sélectionner les scripts cognitifs, les rôles de chacun. Auto présentation fait référence à des stratégies plus ou moins intentionnelles et plus ou moins contrôlées d’une personne pour se décrire, se présenter dans des contextes variés (défensif, connaissance de soi, d’approbation sociale, professionnels). La question de l’auto présentation ne peut être posée sans aborder celle des enjeux, d’atteintes d’objectifs, de recherches de récompenses et du destinataire. Il existe plusieurs dynamiques de présentation : individuel ou face à un groupe. L’auto présentation va varier selon les statuts, l’ancienneté, les apprentissages de stratégies interlocutoires (LOC)… Des sessions ont été proposées par l’ANPE pour permettre aux gens d’apprendre à se présenter. On utilise la clairvoyance normative : on fait passer un questionnaire d’internalité avec consigne standard, en demandant de se faire bien voir ou mal voir. On peut alors évaluer la conscience qu’a la personne de ce qui est valorisé socialement (être interne).