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dessin représentait cinq malheureux dollars ne sachant pas où aller, tandis que le second dépeignait
l'heureux dénouement : « cinq petits dollars filant joyeusement vers le portefeuille de Maman ». Pour
compléter ce présent, elle avait composé une « ode au dollar » dont le vers final suggérait que, parfois,
Savoir ramasser des shekels est la seule chose à faire, Voilà ce que le coeur de cette mère ne se lassait pas de
répéter]. Chaque fois qu'elle recevait des dollars qui faisaient du bien à sa bourse'. (p127) »
« Un « traité pratique de gestion ménagère » publié au début du XXè siècle rapporta une
anecdote particulièrement révélatrice : considérant que la pièce d'or de cinq dollars que sa grand-mère
lui avait offerte « lui appartenait en propre et qu'elle pouvait donc en faire ce qu'elle voulait », une petite
fille avait décidé de donner la moitié de cette somme à son frère et de dépenser le reste à sa guise,
alors que sa mère « voulait lui dicter quoi acheter» ; lorsque sa grand-mère lui avait conseillé d'«
obéir à sa maman », cette fillette lui avait rendu ce cadeau! Les jeunes « n'ont pas besoin qu'on leur
dise comment ils doivent dépenser leurs deniers », avaient proclamé les tout premiers défenseurs
des droits de l'enfance : malgré ces recommandations, la plupart des parents supervisaient étroitement
les dépenses de leur progéniture, que l'argent en question ait été offert ou non". » (p183)
On peut utiliser un exemple pour illustrer une recherche et on peut l’utiliser également, dans le cadre
pédagogique pour déclencher une réflexion
Margaux Osenda et Alain Beitone ne semblent pas apprécier le recours à des documents « ludiques »
ou « comiques » : la phrase (« qui plus est à partir d’une séquence de film comique) » est à cet égard
assez parlante. Pourtant d’autres ont pu utiliser de semblables supports pour illustrer leur propos ou
développer une thèse. Qu’on songe à cet auteur : « À Paris, où le Code civil napoléonien
s'applique avec toute sa rigueur depuis 1804 et où l'inégalité ne peut être mise sur le
compte des aristocrates britanniques ou de la reine d'Angleterre, le centile supérieur de la
hiérarchie des fortunes détient en 1913 plus de 70 % du patrimoine total, c'est-à-dire encore
plus qu'au Royaume-Uni. La réalité est tellement frappante qu'elle a même atteint le monde du dessin
animé : dans Les Aristochats, dont l'action se déroule à Paris en 1910, le montant de la fortune
de la vieille dame n’est pas précisé ; mais si l'on en juge par la splendeur de l'hôtel particulier, et
par l'énergie que met le majordome Edgar pour se débarrasser de Duchesse et de ses trois
chatons, 1a somme doit sans doute être conséquente. » (Thomas Piketty : « Le capital au 21ème
siècle » - p.580 – Seuil - 2013).
On pourrait également citer « La foule solitaire » (best seller de 1950) dans laquelle David Riesman
s’appuie sur l’histoire pour enfant qui met en scène la petite locomotive Tootle .
A lire Alain Beitone et Margaux Osenda, j’ai eu le sentiment qu’il existe des « objets indignes » (Mon
dieu ! Un film comique !) ; c’est vraiment adresser un camouflet à l’esprit même de la sociologie.
Margaux Odensa et Alain Beitone voient dans l’utilisation d’un document (« la folie des
grandeurs ») un recours au normatif et à l’opinion. C’est là, à mon avis, une mauvaise interprétation
des usages possibles du document et des idées de Georg Simmel. Je ne vais pas revenir en détail sur la
notion de « chaine téléologique » chez Simmel mais disons simplement qu’elle permet de mettre en
évidence les dispositions psychologiques à l’égard de l’argent (ce qui montre que l’argent n’est pas un
simple instrument d’échange) : rejet, avarice, cupidité, prodigalité et surtout « fait d’être blasé » et
cynisme (le cynique se plait à tout mettre sur le même plan grâce à l’argent : « tout s’achète »). Ce
dernier comportement est, pour Simmel, typique de la société de marché puisqu’il va jusqu’à écrire
que « le prix de marché (…) est l’objectivation achevée de la subjectivité cynique ». Simmel fait alors
le lien entre psychologie et économie (mais Simmel a l’immense défaut de « tout mélanger »). En
effet, ces divers comportements relèvent de comportements « normaux » (il ya par exemple une
certaine proximité entre l’avarice et l’épargne ou entre la prodigalité et la consommation, entre le
cynisme et la rationalité économique) mais peuvent prendre des proportions pathologiques (le terme
« pathologies monétaires » est utilisé par Simmel ainsi que le rappellent Blic et Lazarus dans
« sociologie de l’argent). Parler de ces pathologies , ce n’est pas seulement parler de comportements
extravagants ; c’est ce que pense le sociologue François Cusin : « Ainsi, l'étude de ce que Simmel
appelle les « pathologies monétaires » dépasse largement le cas de conduites extravagantes : elle
permet à la fois de mieux comprendre les différentes logiques à l'oeuvre dans les pratiques les plus
courantes d'accumulation et de dépense d'argent, et de montrer comment ces logiques s'articulent