Cet état de fait conduit à l’épuisement professionnel important et dangereux des médecins, des
infirmiers, des secrétaires, des assistants sociaux... et ce, sans aucune perspective d’amélioration,
bien au contraire.
La pénurie actuelle de médecins vient encore renforcer les difficultés auxquelles nous sommes
confrontées.
L’équipe fait le constat d’être de plus en plus ciblée individuellement face à des situations de «non
soin» ou de «mauvais soin» dénoncées par les familles auprès de l’ARS ou d’associations de familles
(telles que l’UNAFAM) qui demandent des comptes.
Chacun d’entre nous repère que nous pratiquons l’auto censure quand il s’agit de présenter un
patient en clinique, de demander un RDV médical ou de solliciter un partenaire institutionnel,
connaissant la surcharge de travail des uns et des autres.
Nous sommes confrontés régulièrement à un double discours de l’institution :
Pour le public, l’institution véhicule le fait que le patient soit au centre du dispositif de soins
et des préoccupations des soignants (ce qui devrait être le cas).
Pour les professionnels de santé, l’institution ne nous parle que de maîtrise des coûts, de
courbes, de statistiques, de la quantité d’actes pratiqués, de rentabilité...
Nous avons affaire en permanence à un décalage entre le discours habité de valeurs de soins et en
même temps, la mise en place de directives qui sont contraires à ces mêmes valeurs.
Nous assistons à des fermetures de structures (CMP, HDJ...), des restrictions de personnel. Nous
nous trouvons dans l’impossibilité d’exercer nos missions correctement, nous sommes en
permanence dans l’urgence, nous privant ainsi de la réflexion nécessaire pour exercer des soins « de
qualité», des soins personnalisés.
Nous devons faire face en permanence à de nouvelles organisations qui, à peine nous sont-elles
annoncées, qu’elles sont déjà modifiées……
Devant la crainte que nous ressentons pour la vie des patients en souffrance et à force de rogner
sur nos valeurs, nous craignons, nous même, pour notre propre santé psychique.
Nous souffrons de l’insécurité dans laquelle nous travaillons, du manque de considération de la
part de nos supérieurs hiérarchiques.
Nous nous sentons en permanence en tension, irritables, agacé(e)s, pressé(e)s, nous sommes souvent
tristes, résigné(e)s, fatigué(e)s avec l’impression de ne pas pouvoir récupérer, même après des
périodes de repos.
Nous avons de plus en plus de difficultés à mettre le travail à distance et beaucoup d’entre nous font
des insomnies.
Il nous est difficile d’accueillir des personnes en souffrance au travail, situations de plus en plus
fréquentes rencontrées en CMP.
Nous devons recevoir l’agressivité des patients, de plus en plus fréquemment, du fait des délais trop
longs pour accéder à un RDV, des reports de RDV trop fréquents...
La perte de confiance en soi s’installe insidieusement et génère du stress.
Pour les plus jeunes de l’équipe, une réelle remise en question de leur pérennité professionnelle se
pose au point de réfléchir à un autre projet professionnel.