REFLEXION D’UNE EQUIPE DE SOINS
EN SOUFFRANCE AU CMP DE SAINT GEREON
Depuis de longs mois, nous, équipe soignante, ne cessons d’interpeller nos cadres, cadre supérieur
et chef de pôle, sur les dysfonctionnements et la désorganisation du travail en CMP qui ne nous
permettent plus d’accueillir avec humanité et professionnalisme les patients.
Devant l’afflux des nouvelles demandes de suivis et l’impossibilité d’y répondre, les « solutions »
proposées par notre encadrement sont inadaptées et relèvent plus du «bricolage» que de véritables
réponses, exemples :
Demande est faite aux patients de se présenter avec un courrier de leur médecin traitant
pour accéder au CMP (alors que les soins en psychiatrie sont hors parcours coordonné).
orientation de plus en plus systématique vers le privé, des personnes qui ont fait le choix
du service public ou qui n’ont pas la possibilité financière d’accéder à des soins en libéral.
Les orientations peuvent même se faire en première intention, sur simple appel
téléphonique, sans que nous ayons une connaissance suffisante de la situation de la personne.
Que sont devenus les 3 entretiens d’accueil et d’orientation préconisés ??? Ce travail génère
un malaise pour le personnel qui voit son rôle de soignant réduit à une fonction de "gare de
triage".
Proposition d’affilier chaque infirmier à un sous secteur du sous secteur (avoir chacun un
secteur géographique et répondre aux demandes de soins en fonction de ce sous secteur n),
ce qui reviendrait à se retrouver individuellement dans l’incapacité à répondre aux
demandes au lieu d’être confronté à ce problème collectivement.
Rappeler les personnes ayant fait des demandes de soins toutes les 3 semaines sans pouvoir
leur proposer de RDV avant des mois. Cela incombe à l’infirmier(e) ayant reçu la demande.
L’équipe infirmière se sent complètement isolée face à cette problématique.
Différer les hospitalisations en multipliant les partenaires du parcours de soins du patient,
ce qui entraine souvent une embolisation du réseau, de mauvaises orientations, un recours
trop fréquent aux UMP, aux urgences et favorise le décrochage du patient vis-à-vis du soin
(sentiment pour lui d’être «balloté » d’un endroit à un autre sans pouvoir s’y inscrire).
Par ailleurs, nous sommes les témoins impuissants de situations de patients qui, faute d’être pris en
compte à temps, se dégradent : détresse, souffrance, incurie, syndrome délirant, passage à l’acte
suicidaire...
Même pour les personnes en SDT (programme de soins), les réintégrations en hospitalisation sont
beaucoup trop tardives pour une grande majorité d’entre elles, faute de lit, faute de personnel
pour aller chercher ces personnes qui sont en rupture de soins.
Nous assistons même maintenant, à des levées de SDT au moment même cette mesure prend
tout son sens à savoir quand le patient est en rupture de soins, ces décisions allant à l’encontre de
l’intérêt du patient.
Difficultés aussi à obtenir une consultation médicale à moins de deux mois : sortie d’hospitalisation
mi Avril, RDV médical mi Juin. Les médecins du CMP ne sont pas en nombre suffisant et croulent
sous une charge de travail importante.
Des infirmiers en congé maladie, maternité ne sont pas remplacés. Ce sont aux agents de trouver
des solutions au détriment de la qualité des soins.
Cet état de fait conduit à l’épuisement professionnel important et dangereux des médecins, des
infirmiers, des secrétaires, des assistants sociaux... et ce, sans aucune perspective d’amélioration,
bien au contraire.
La pénurie actuelle de médecins vient encore renforcer les difficultés auxquelles nous sommes
confrontées.
Léquipe fait le constat d’être de plus en plus ciblée individuellement face à des situations de «non
soin» ou de «mauvais soin» dénoncées par les familles auprès de l’ARS ou d’associations de familles
(telles que l’UNAFAM) qui demandent des comptes.
Chacun d’entre nous repère que nous pratiquons l’auto censure quand il s’agit de présenter un
patient en clinique, de demander un RDV médical ou de solliciter un partenaire institutionnel,
connaissant la surcharge de travail des uns et des autres.
Nous sommes confrontés régulièrement à un double discours de l’institution :
Pour le public, l’institution véhicule le fait que le patient soit au centre du dispositif de soins
et des préoccupations des soignants (ce qui devrait être le cas).
Pour les professionnels de santé, l’institution ne nous parle que de maîtrise des coûts, de
courbes, de statistiques, de la quantité d’actes pratiqués, de rentabilité...
Nous avons affaire en permanence à un décalage entre le discours habité de valeurs de soins et en
même temps, la mise en place de directives qui sont contraires à ces mêmes valeurs.
Nous assistons à des fermetures de structures (CMP, HDJ...), des restrictions de personnel. Nous
nous trouvons dans l’impossibilité d’exercer nos missions correctement, nous sommes en
permanence dans l’urgence, nous privant ainsi de la réflexion nécessaire pour exercer des soins « de
qualité», des soins personnalisés.
Nous devons faire face en permanence à de nouvelles organisations qui, à peine nous sont-elles
annoncées, qu’elles sont déjà modifiées……
Devant la crainte que nous ressentons pour la vie des patients en souffrance et à force de rogner
sur nos valeurs, nous craignons, nous même, pour notre propre santé psychique.
Nous souffrons de l’insécurité dans laquelle nous travaillons, du manque de considération de la
part de nos supérieurs hiérarchiques.
Nous nous sentons en permanence en tension, irritables, agacé(e)s, pressé(e)s, nous sommes souvent
tristes, résigné(e)s, fatigué(e)s avec l’impression de ne pas pouvoir récupérer, même après des
périodes de repos.
Nous avons de plus en plus de difficultés à mettre le travail à distance et beaucoup d’entre nous font
des insomnies.
Il nous est difficile d’accueillir des personnes en souffrance au travail, situations de plus en plus
fréquentes rencontrées en CMP.
Nous devons recevoir l’agressivité des patients, de plus en plus fréquemment, du fait des délais trop
longs pour accéder à un RDV, des reports de RDV trop fréquents...
La perte de confiance en soi s’installe insidieusement et génère du stress.
Pour les plus jeunes de l’équipe, une réelle remise en question de leur pérennité professionnelle se
pose au point de réfléchir à un autre projet professionnel.
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