l’économie mondiale. Elle entraîne dans un premier temps une dégradation du capital de
production, notamment des ressources naturelles qui sont les facteurs de production des
paysans (couvert forestier, biodiversité, fertilité du sol, qualité des eaux). Le paysan, qui doit
normalement capitaliser, est obligé au contraire dans ces situations de dénuement de
décapitaliser. Elle entraîne souvent un endettement, voire une hypothèque sur les terres, si le
producteur est petit propriétaire. Elle aboutit enfin à l’exclusion. Une bonne partie des 1,2
milliards d’exclus, à moins de un dollar/jour selon la Banque mondial, a suivi ce chemin qui
conduit à l’exclusion. Aujourd’hui, le jeu en s’internationalisant s’est durci et les paysans sont
exposés sans défense à la bataille économique, nous pouvons craindre, si l’évolution des prix
agricoles ne se renverse pas, de véritables hémorragies dans les dix ou quinze années qui
viennent.
4 – Vers quel pourcentage de la population agricole se dirige-t-on, si la libéralisation se
poursuit en l’état ? Les statistiques concernant les pays développés et les pays du « nouveau
monde » montrent que la population agricole ne représente plus que 2 à 4% de la population
totale et que nous sommes toujours dans une tendance baissière. En Europe, la population
agricole est passé de 70 à 4% en un siècle : A noter que 80 millions d’européens ont émigré
vers les pays du nouveau monde, que deux guerres mondiales ont tué 17 et 51 millions
d’européens, dont un grand nombre de paysans, que la croissance économique a été créatrice
d’emploi dans les secteurs secondaire et tertiaire et que des politiques publiques ont facilité le
départ des agriculteurs. Même si l’exode agricole n’a pas été le plus souvent vécu comme un
choix positif par les intéressés, ce n’est qu’à la fin des années 70 qu’est apparu en Europe de
l’ouest un chômage structurel. Dans les pays du nouveau monde de colonisation portugaise,
hispanique et anglaise – les français, de ce point de vue, ont été en retard d’une colonisation et
d’une indépendance -, le colonisateur a récupéré les terres les a distribué à un petit nombre de
serviteurs de la colonisation. Les colons de ces pays (Canada, Etats-Unis, pays d’Amérique
centrale et d’Amérique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Zimbabwe…)
ont négocié ou conquis l’indépendance et gardé la structure foncière en l’état. Les paysans,
éleveurs, cueilleurs indigènes - Indiens, Maoris, Aborigènes…- ont été priés, dans le meilleur
des cas, de rejoindre des régions improductives ou des réserves. Ils n’ont jamais été dans la
statistique. Dans ces pays le chiffre de 4% a été établi dès la colonisation.
5 – Que signifie cet objectif de 2 à 4% de population agricole ? Passer de 50% à 4%, cela
signifie l’exclusion de 2,6 à 2,8 milliards de personnes de l’activité agricole. Le taux
d’exclusion est encore supérieur dans les pays à forte majorité paysanne (Inde ; 66%, Chine ;
70%, Afrique ; 70%). C’est donc par centaines de millions que les paysans risquent de devoir
quitter les agricultures indiennes et chinoises. A noter que ces 2,7 milliards d’exclus viendront
s’ajouter aux 1,2 milliards de déjà exclus et qu’une bonne partie des 3 milliards de personnes
provenant du croît démographique, que l’on nous annonce pour les décennies à venir,
grossiront le chiffre des exclus.
6 – Cette baisse drastique de la population agricole est-elle un progrès comme l’affirme les
théoriciens classiques ? Ces raisonnements ne sont plus aujourd’hui très sonores mais ils
restent dans les têtes de la plupart des experts qui indirectement orientent les négociations.
Mais ces experts peuvent-ils nous dire ce qu’ils comptent proposer à ces milliards d’exclus ?
Envisagent-ils la création de milliards d’emplois salariés ou la création grâce au microcrédit,
dont la contribution est néanmoins précieuse, de milliards de microentreprises ? Sont-ils prêts
à proposer - mais avec quels financements publics ? – la mise en place d’un revenu minimum
universel et de politiques publiques et sociales mondiales pour tous ces exclus ?