minorité mieux lotie). Les économies nationales de ces pays, y compris des plus pauvres d’entre eux,
sont en effet le plus souvent très dépendantes de la production et l’exportation d’un nombre
restreint de produits de base agricoles. Du coup, lorsque le secteur agricole va mal, c’est l’ensemble
de l’économie nationale qui boit la tasse. Pour des pays comme le Mali, le Burkina Faso, le Tchad et
le Togo, par exemple, le seul secteur du coton (presque totalement voué à l’exportation), représente
5 à 10 % du PIB.
La crise de l’agriculture présente encore de nombreux autres symptômes. Parmi ceux-ci figure le
recours à des pratiques culturales portant atteinte à l’environnement. L’utilisation massive de
pesticides chimiques, par exemple, engendre la pollution de cours d’eau, la mort d’insectes,
d’espèces végétales non nuisibles aux cultures ou de formes de vie animales (oiseaux, reptiles,…),
etc. La santé humaine, dont en premier lieu celle des agriculteurs et travailleurs agricoles, est
également touchée. Lorsque ces produits intrinsèquement nocifs sont utilisés sans équipements de
protection appropriés ni autres précautions d’usage élémentaires, ou sont stockés dans des
conditions de sécurité insuffisantes, leur usage favorise en effet l’apparition de nombreux problèmes
sanitaires : faiblesse, maux de tête, tremblements, affections des voies respiratoires, des reins,
affections du système nerveux, immunodéficience du foie, cancers divers,… Or dans une majorité de
PED, justement, les consignes élémentaires de sécurité ne sont pas appliquées (manque
d’information, coût prohibitif des équipements de protection, …). Dans la région malienne de Fana,
on estime qu’à peine 0,1 % des paysans les appliquent.
Les causes présidant à cette crise multiple de l’agriculture sont évidemment très nombreuses et
diverses. Une façon de s’y retrouver un peu dans cette diversité est de privilégier une approche
analytique à trois niveaux :
1. Référer aux conditions et aux mécanismes de marché, abstraction faite des politiques
agricoles et des pratiques d’acteurs de filières agroalimentaires. À ce niveau, on fait par
exemple le constat de l’instabilité extrême des prix des matières premières agricoles, et l’on
mobilise divers facteurs pour expliquer cette instabilité, dont ceux spécifiques au
fonctionnement même des marchés agricoles. L’un de ces facteurs est la forte « inélasticité
de la demande » caractéristique de ces marchés. De quoi s’agit-il ? Sur un marché
fonctionnant de manière optimale, producteurs (offre) et consommateurs (demande)
réadaptent constamment leurs comportements en fonction des variations de prix. Quand les
prix baissent, cela incite les consommateurs à acheter davantage. La demande augmente
donc, en même temps que diminue l’offre (la baisse des prix contraignant certains
producteurs à stopper la production). La demande augmentant et l’offre diminuant, la baisse
des prix est rapidement suivie de leur remontée. Et inversement, de sorte qu’au final, on
peut parler d’une relative « stabilisation naturelle » des prix. Mais pour que cette
stabilisation se produise, il faut entre autres que les consommateurs réagissent
suffisamment aux variations de prix. Or, ce n’est pas le cas pour les produits alimentaires de
base : les consommateurs n’en achètent pas beaucoup plus ou beaucoup moins lorsque leurs
prix baissent fortement (leur estomac a des limites) ou augmentent sensiblement (leur
organisme nécessite une quantité de nourriture relativement stable). Résultat, la
stabilisation naturelle des prix attendue n’a pas lieu et les prix sont donc plus instables.