Histoire politique De la France Au XXème siècle IEP 1ère année / MMIII – MMIV 2ème Semestre Chapitre 1 : Le régime de Vichy. On étudiera les fondements politiques du régime, les choix fondamentaux, les équipes dirigeantes. Ce chapitre est axé sur le pouvoir central. I. De la IIIe République à l'État français. A. L'effondrement militaire de 1940. La France est entrée en guerre en 1939 pour soutenir la Pologne. Mais la France ne va pas commencer les combats tout de suite : l'état-major est en effet fidèle à la doctrine défensive ; on n’entreprend aucune action contre l'Allemagne, qui est pourtant occupée sur le front de l’Est, et on garde la frontière. L'Allemagne peut ainsi tranquillement finir l'invasion de la Pologne. C'est la « drôle de guerre » pendant les mois qui suivent la déclaration de guerre conjointe de la Grande-Bretagne et de la France. (La formule « drôle de guerre » est de Rolland Dorgelès). Du côté politique, l'immobilisme est accepté. Les partisans du pacifisme espèrent que la drôle de guerre va déboucher sur une issue pacifique, une paix négociée. Ce point de vue est notamment défendu par le ministre des affaires étrangères : George Bonnet. La drôle de guerre apparaît de l'autre côté favorable à la France pour les partisans de la fermeté : les usines d'armement tournent en effet à plein régime. Cependant, cette drôle de guerre a un effet non négligeable sur le moral des troupes mobilisées qui connaissent une crise profonde en janvier et février 1940. La vie politique est mise en sommeil à l'arrière. Les élections législatives prévues en 1940 sont repoussées à la fin du conflit. Le courant anticommuniste est renforcé ; on ne comprend pas le pacte germano-soviétique. Le PCF lui-même est divisée : un tiers du groupe communiste à l'assemblée se désolidarise du parti, et il y a de nombreuses démissions. Une répression interne est lancée ; le gouvernement Daladier décide de la dissolution de PCF qui passe alors dans la clandestinité en 1939. Mais le parti se ressoude autour d'une dénonciation de la guerre impérialiste et capitaliste qui ne concerne pas la classe ouvrière. Maurice Thorez, a peur d'être arrêté, et s'enfuit et se réfugie à Moscou jusqu'en 1944. En janvier 1940, tous les élus et tous les députés qui restaient solidaires avec l'URSS perdent leur mandat. Les divisions sont maintenues dans la majorité : Daladier s'oppose à Reynaud. Ce premier finit par démissionner de la présidence du conseil, est remplacé par Raynaud, mais celui-ci nomme Daladier au ministère de la guerre ; l'opposition entre ces deux personnages forts continue. La politique militaire française reposait sur la ligne Maginot (ensemble de fortifications construites sur le frontière terrestre). Pour éviter que l'Allemagne ne contourne la ligne Maginot par le Nord, les meilleures troupes françaises étaient massées sur la frontière belge. Mais, il se tourne une zone mal protégée entre ces deux points forts : les Ardennes. Les Allemands ont utilisé une double tactique pour attaquer la France : la première va consister en une attaque éclair par la Belgique, une attaque prévue par l'état-major français, mais le plan Allemand comprenait aussi une percée de divisions blindées au travers des Ardennes, qui prend les troupes françaises au dépourvu ; cette percée est réussie et contourne par le Sud les troupes françaises qui sont alors prises en étau et contrainte de se replier sur Dunkerque d’où on va tenter des les évacuer vers l’Angleterre. Ces revers militaires ont entraîné une véritable panique dans la classe politique. Paul Reynaud renvoie le commandant en chef de l’Armée, le général Gamelin est remplacé par le général Weygand, et Paul Reynaud demande aussi au maréchal Pétain d'entrer dans le gouvernement. Le général Weygand symbolise la victoire de 1918 (il était le bras droit du maréchal Foch) tandis que Philippe Pétain, est le chef le plus prestigieux de la guerre de 14-18, le vainqueur de Verdun. C'est le Histoire politique de la France au XXème siècle – Chapitre 1 : Le régime de Vichy. mécanisme de l'appel à l'homme providentiel (« mythes et mythologies politiques » Girardet) : c'est souvent un vieil homme qu'on va chercher dans sa retraite. Mais c'est un appel ambigu. Paul Reynaud voulait continuer la lutte, mais ces deux hommes vont bientôt appeler à l'armistice ! Weygand tente de reconstituer un front dans la Somme avec les troupes qui lui restent, mais c'est un échec. Le 10 juin, le gouvernement se retire à Bordeaux, le 14 juin, les Allemands entrent à Paris. C'est la panique chez les civils, l'exode des 1940 est lancé ; 4,5 millions de Français fuient vers le sud. La structure administrative s'effondre ; et la vie politique connaît une opposition entre ceux qui veulent continuer le combat et ceux qui refusent. Paul Reynaud envisage trois solutions pour pouvoir poursuivre la guerre : c’est d'abord le repli du gouvernement sur la Bretagne, qui constituerait le dernier bastion de la France (un syndrome Astérix avant l’heure). Jean Monnet propose une autre solution : c'est l'alliance politique de la France et de l'Angleterre qui irait jusqu'à la fusion des deux pays. La troisième solution, la plus réaliste, consiste en un repli sur l’empire, et à installer le gouvernement français à Alger... Reynaud peut compter sur certains de ses ministres, dont le ministre de l'intérieur et le jeune général de brigade, Charles De Gaulle, alors sous-secrétaire d'État à la guerre et qui est favorable à la poursuite de la lutte. Le président Lebrun était également favorable à un départ pour Alger. Mais le camp des partisans pour l'amnistie grossit. Weygand est le premier à la proposer, suivi par la maréchale Pétain qui préfère l'amnistie à une capitulation. Pétain refuse par ailleurs de quitter la métropole, pour ne pas priver la France de ses « élites naturelles ». Le 16 juin 1940, Reynaud, qui estime être minoritaire dans son gouvernement, démissionne. Pétain est alors chargé de former un nouveau gouvernement dans la soirée. Le lendemain est formulé une demande armistice, mais qui est mal interprétée par beaucoup de combattants qui déposent les armes dès le 17 juin (ce qui va augmenter le nombre de prisonniers de guerre). L'Italie s'est également lancée dans la bataille dans les derniers jours. Un armistice est signé le 21 juin à la fois avec l'Allemagne et avec l'Italie. Ces armistices seront effectifs le 25 juin. L'Allemagne est le véritable vainqueur et impose de très dures conditions à la France. L'armistice est signé à Rethondes dans le même wagon qu’en 1918. L'armistice comprend 25 articles : les prisonniers de guerre ne sont pas libérés, la France doit payer des indemnités d'occupation à hauteur de 400 millions de francs par jour, le territoire français est démantelé entre une zone occupée et une zone libre, la totalité de la façade atlantique passe sous zone occupée, l'Alsace et la Lorraine sont annexés au Reich, des territoires au Nord et à l'Est constituent une zone réservée sous contrôle allemand. L'armée est réduite à 100 000 hommes, la conscription supprimée, et la marine doit être désarmée. Le trafic maritime avec l'empire est également placé sous le contrôle de l'occupant. De plus la France doit livrer des réfugiés politiques allemands... L'Italie obtient une zone d'occupation dans le sud-est de la France. De commissions d'armistices sont créées, l’une à Wiesbaden et l'autre à Turin. B. La fin de la IIIe République. Selon Pétain, un nouvel ordre doit commencer, nouvel ordre incompatible avec le système de la IIIe République. Les partisans de Pétain veulent un changement de régime. Le gouvernement français s'installe à Vichy le 29 juin 1940. On a choisi Vichy parce qu’il y a de nombreux hôtels, et qu'il est plus facile d'y assurer la sécurité que dans une grande ville comme Lyon ou Toulouse. Les parlementaires sont convoqués et on leur propose un projet de révision constitutionnelle. Cette opération de révision va être menée par Pierre Laval, un des chefs de la droite parlementaire. Laval a 57 ans en 1940, sa carrière politique a commencé à gauche, à la SFIO, pour finalement évoluer vers la droite. On lui a beaucoup reproché son opportunisme, c’est l’un des vaincus de 1936, et il est écarté du pouvoir depuis quatre ans. Il estime qu'il aurait pu, lui, éviter la guerre. Il entend bien prendre sa revanche sur le Front populaire, et il veut mettre en place un régime d'autorité. Il connaît Pétain depuis 1934 du gouvernement Domergue, et même si les deux hommes ne s’entendent pas si bien que ça, ils font cause commune. Laval entre au gouvernement avec le titre de ministre d'État. Il mène les débats au début de juillet 1940. Aucun parlementaire ne remet en cause la légitimité du maréchal, tous veulent lui conférer des pouvoirs importants. La question qui se pose est celle de la fin de la république. Certains voulaient faire de Pétain un chef d'État gouvernant par décrets-lois, mais ceux-ci sont très minoritaires. Laval joue sur la menace d'un coup d'état militaire, et sur le sentiment de culpabilité des parlementaires exprimés notamment par Charles Spinasse, ministre sous le Front populaire ultra pacifiste de la SFIO. Selon lui, le parlement doit porter les conséquences de la défaite. Les pleins pouvoirs sont votés au maréchal Pétain à 569 voix pour et 80 voix contre. Ces voix contre sont des hommes de gauche : 36 SFIO, 27 radicaux, trois anciens PCF plus six gauche indépendante et un de 2 Histoire politique de la France au XXème siècle – Chapitre 1 : Le régime de Vichy. droite. D'autre part, 27 parlementaires favorables à la poursuite de la guerre étaient déjà partis à Alger, dont Massilia. Le 11 juillet, le maréchal Pétain va user des pouvoirs constitutionnels et rédige les premiers actes constitutionnels qui définissent le nouveau régime. Ils sont rédigés dans un style presque monarchique (« Nous, Philippe Pétain, Maréchal de France… »). La république française devient l'État français. Philippe Pétain cumule les rôles de chef de l'État et de chef du gouvernement. Il cumule les pouvoirs exécutifs et législatifs. Les assemblées sont mises en sommeil, les lois sont rédigées et proclamées par le chef de l'État celui-ci, conformément à l'acte de quatre, désigne son successeur (Pétain a 84 ans) : ce sera Laval, surnommé le « dauphin » du maréchal. II. Les fondements du nouveau régime : le poids des choix initiaux. La France de 1940 est dévastée est complètement désorganisée. L'État et l'administration sont également déstabilisés par l'exode. La première chose à faire pour l'État français est d'affirmer son autorité et de reconstruire un réseau administratif qui lui est soumis. A. L'affirmation du nouveau pouvoir. Ce régime est très personnalisé. À partir du 18 juin 1940, tous les pouvoirs procèdent du chef de l'État. En 1940, Philippe Pétain a 84 ans, alors que l'espérance de vie est de 57 ans. Il est né en 1856, c'est un homme enraciné dans le XVIIIe siècle. Il a fait une carrière militaire relativement modeste jusqu'en 1914. A l’aube de la première guerre mondiale, il n'a que le grade de colonel, et il allait prendre sa retraite. Il a un caractère fortement anticonformiste : il est partisan de la tactique défensive alors que l'état-major dans son ensemble est favorable à une stratégie offensive, il se trouve donc marginalisé. Mais en 1914, ses pronostics annonçant une guerre de tranchées se réalise ; il connaît alors une ascension fulgurante qui provoquera chez lui un sentiment de supériorité. En 1916, il est nommé commandant de Verdun, et en 1917 chef de l'armée. C'est un homme qui prend soin de ses soldats (permissions généralisées), ce qui le rend très populaire au sein des troupes. Néanmoins, certains membres de la classe politique se méfient de lui (Clemenceau dira de lui qu’il est défaitiste). En 1918, Philippe Pétain est le plus jeune des maréchaux vainqueurs. Il restera le chef de l’armée française jusqu'en 1930, il est vice-président du conseil supérieur de la guerre. De Gaulle dira de Pétain que c'est un grand homme mort en 1925, en effet, sa vanité et son goût des honneurs vont provoquer son déclin. Son intérêt pour la politique est tardif, il est membre d'un club de pensée, « le redressement français », qui regroupe hommes politiques de droite et académiciens. Pétain y rencontre Raphaël Alibert qui devient son mentor. Alibert est très proche de l’action française, c'est un candidat malheureux aux législatives, mais aussi un professeur de droit constitutionnel. Il va aider Pétain à formaliser ses idées. En 1934, Pétain va participer au gouvernement Doumergue, il y assume les fonctions de ministre de la guerre. C'est dans ce gouvernement qu'il fera la rencontre de Pierre Laval. Il commence à faire connaître ses points de vue politiques. Dans un entretien à la revue « les deux mondes » il se prononce contre le système d'enseignement de la IIIe République, qui est un système d'enseignement selon lui trop individualiste, et contre les instituteurs qui seraient trop pacifistes. Il explique par ailleurs qu'il aurait préféré le ministère de l'éducation au ministère de la guerre. Il prononce un autre discourt important à l'occasion d'une inauguration d'un monument aux morts, où il fait l'éloge de la paysannerie qui n'est pas dépravée comme le reste de la France. Son nom devient de plus en plus cité à droite. Mais Pétain reste toujours dans un cadre légal, il ne participera pas, par exemple, au complot de la cagoule. Il apparaît comme un militaire républicain respectueux des institutions. En 1939, Daladier nomme Pétain ambassadeur en Espagne auprès de Franco ; Pétain observera la défaite de la France depuis Madrid. À la défaite de 1940, il est rappelé et est favorable à l'armistice. La défaite lui permet d'arriver au pouvoir et d'imposer ses choix. Contrairement à ce qu'on a pu dire ou croire, Pétain n'est pas manipulé ; c'est lui-même qui choisit les grandes lignes du gouvernement et les hommes qui l'entourent. Dans son entourage, on trouve beaucoup de membres de la droite antirépublicaine : Alibert (ministre de la justice). Parmi ceux qui rédigeaient les discours du maréchal, on va trouver des membres de l'action française comme Massis et Gillouin. Mais on retrouvait également à ses côtés des hommes 3 Histoire politique de la France au XXème siècle – Chapitre 1 : Le régime de Vichy. issus de la droite parlementaire : Pierre Laval, Ybarnogaray (adjoint du maréchal La Roque). On trouve aussi des hommes de gauche comme Bergery (parti radical) où René Belin (ancien secrétaire général de la CGT) qui sera ministre de travail. En général, Pétain se méfie des hommes politiques de la IIIe République. Il va choisir pour occuper les postes clés essentiellement des technocrates et des hauts fonctionnaires qui servent de simples exécutants : Yves Bouthillier sera ministre des finances jusqu'en 1942 ; Marcel Peyrouton sera ministre de l'intérieur... Le gouvernement fonctionne comme un véritable état-major : les ministres ne sont que des relais, aux ordres du maréchal. Ce gouvernement est opérationnel dès septembre 1940. Le 10 octobre 1940, à l'occasion d'un message radiodiffusé, le maréchal Pétain définit la nouvelle politique du régime autour de deux axes : le régime entend se libérer de ses amitiés et inimitiés traditionnelles (éloignement d'avec la Grande-Bretagne et collaboration avec l'Allemagne) ; et en matière de politique intérieure, Pétain entend mettre en place un système hiérarchique et social : c'est la « révolution nationale ». Le régime de Vichy entend refonder la politique intérieure et extérieure, et instaurer un état fort et répressif, censé permettre à la France de trouver une place dans une Europe dominée par l'Allemagne. B. Vichy : la recherche de la collaboration. L’historiographie de ces questions a évolué. Le premier livre de référence à ce sujet est « l'histoire de Vichy », écrit en 1954 par Robert Aron. Celui-ci avait eu accès à des papiers privés, et donne une vision plutôt magnanime du régime, disant que la collaboration avait été imposée à la France par l'Allemagne. Mais en 1974, le livre de Paxton « la France de Vichy » va démontrer le contraire : la collaboration n’avait en rien été imposée, mais recherchée par Vichy. Ce livre poursuit ainsi la lignée tracée par l'ouvrage de Jackhel en 1966 : « la France dans l’Europe d’Hitler ». Ce qui a poussé Vichy à collaborer : La collaboration permet à Vichy d'exercer son autorité et sa souveraineté sur l'ensemble du territoire français, même sur la zone occupée... Il a néanmoins besoin de l'accord de l'occupant, l'armistice laisse l'administration française en place en zone occupée, mais elle est sous la tutelle des forces d’occupation. La législation de Vichy s'applique en zone occupée, sous réserve d'acceptation par l'occupant. La collaboration s'explique aussi par une erreur d'appréciation sur la poursuite du conflit. Les dirigeants français pensent que l'Allemagne va gagner la guerre. On espère que l'armistice sera vite suivi d'un traité de paix ; dans cette perspective, la France a tout intérêt à avoir de bonnes relations avec le vainqueur. On ne parie en aucun cas sur la Grande-Bretagne, d'ailleurs, les relations avec l’outre-manche se dégradent très vite à partir du 18 juin 1940. L'armistice signé par la France viole en effet une clause d'un traité stipulant qu'aucun arrangement séparé ne serait signé avec l'Allemagne. Le principal problème est posé par la flotte : les Anglais voulaient que la flotte française rejoigne la Grande-Bretagne, les Anglais ont en effet peur de voir la flotte française se retourner contre elle et servir à un débarquement allemand. En juillet 1940, l'état-major de la marine anglaise lance « l'opération catapulte » dont le but est de neutraliser tous les navires français qui ne sont pas dans les ports métropolitains. Elle se déroule sans trop de difficultés en Grande-Bretagne et en Égypte, mais à Mers El-Kébir, en Algérie, aucun arrangement n’est trouvé entre l'escadre française et l’escadre anglaise, et le 4 juillet 1940, les anglais ouvrent le feu ; 1300 marins français vont trouver la mort. Winston Churchill voulait démontrer que la Grande-Bretagne n'entendait pas arrêter la guerre, mais en France, l'opération catapulte provoque une vague d’anglophobie dont va se servir Vichy. En 1940, Vichy dispose de plusieurs moyens pour mettre en oeuvre la collaboration : la commission d'armistice tout d'abord, composée d'une délégation française et d'une délégation allemande. Cette commission a pour vocation de régler des problèmes issus de l'armistice. C'est ainsi qu'après juillet 1940, l'Allemagne permet à la France d'engager des représailles contre la Grande-Bretagne. Ensuite, il y a les liens avec les autorités d'occupation à Paris. Il y a notamment le Haut commandement militaire allemand qui s'installe à Paris, et dont le but est de diriger les troupes d'occupations, mais aussi de surveiller l'administration française. Le haut commandement militaire allemand entretient des relations étroites avec le régime de Vichy. Mais il y a aussi un pôle politique à Paris : le ministère allemand des affaires étrangères envoie un représentant à Paris : Otto Abetz, qui dispose de nombreux contacts dans la capital, notamment dans les cercles cultivés. Pierre Laval établit des l’été 1940 des relations amicales avec Abetz. Vichy tâtonne et essaie d'établir par tous les moyens des 4 Histoire politique de la France au XXème siècle – Chapitre 1 : Le régime de Vichy. contacts pour favoriser la collaboration et lancer la « grande négociation » qui permettrait la signature d'un traité de paix. Alors qu'il traverse la France pour rendre visite à Franco, Hitler rencontre Laval le 22 octobre 1940. Au retour, le 24 octobre 1940, il rencontre le maréchal Pétain. Le 30 octobre 1940, Pétain rend compte de cette entrevue avec Hitler et annonce qu'il entre dans la voie de la collaboration dans l'honneur (discours à la radio). Hitler prépare déjà l'invasion de l'URSS et il est nécessaire pour lui de maintenir la front Ouest stable. La France cherche à défendre son empire colonial contre la Grande-Bretagne, mais Hitler n'entend pas alléger le régime d'armistice ni traiter la France en alliée. La France fait des concessions toujours plus importantes, mais sans obtenir les avantages qu'elle attendait. La « révolution nationale » est annoncée dès le 21 juin 1940 : c'est un programme en faveur d'un redressement intellectuel et moral de la France. Il s'agit d'une véritable révolution culturelle dans l'esprit du régime. La « révolution nationale » est une idéologie de synthèse qui emprunte à toutes les traditions de la droite française. Elle s'inspire aussi des réflexions des milieux non conformistes des années 30. Pour beaucoup, c'est la transposition de la pensée maurassienne et de l’action française. Cette idéologie est fondée sur le rejet de la pensée des lumières, il s'inspire également des idées libérales : gouvernement des élites ; mais aussi de la tradition bonapartiste : culte du chef. Par ailleurs, la volonté de trouver une troisième voie s'inspire du non conformiste. La devise « liberté, égalité, fraternité » disparaît des documents officiels. Elle représenterait en effet des valeurs abstraites héritées des lumières. Cette pensée abstraite a provoqué l'individualisme que rejette Pétain. Dans un entretien à la revue « les deux mondes », Pétain dit ne pas croire à la bonté naturelle des hommes et déclare que la contrainte est une nécessité. L'égalité est également rejetée : l'idée d'égalité naturelle entre les hommes est fausse et débouche sur l'anarchie. Pétain prône une vision hiérarchisée de la société. La fraternité a eu pour conséquence de diviser le pays et la lutte des classes. On assiste alors à l'instauration de la devise : « travail, famille, patrie » qui sont des termes concrets. C'est toujours le travail rural qui est mise en avant dans la propagande du régime. Le travail de la terre est présenté comme une source d'enrichissement certain. Le régime encourage le retour à la terre, celui-ci est en effet nécessaire dans la situation de pénurie, mais ce mouvement exprime également une vision agrarienne de la France. Le régime, voulant aussi en finir avec la ligue des classes, instaure un système corporatiste. La corporation est un organisme professionnel qui regroupe à la fois les patrons et les ouvriers, sur le modèle de l’ancien régime, de l'Italie fasciste et du Portugal de Salazar. Cette refonte du monde social fera l'objet de la « charte du travail » de 1941, mais celle-ci a beaucoup de mal à se mettre en pratique ; il s'agira plutôt d'une mise au pas du syndicalisme. La famille est présentée comme la cellule de base la société. C’est par la famille que la patrie va se relever ; le régime est favorable à une politique nataliste. La France doit redresser sa démographie. C'est une vision très traditionaliste : la législation renforce l'autorité paternelle et pousse les femmes à rester au foyer. Cette politique explique également la grande importance accordée à la fête des mères et à l’image de la mère au foyer dans la propagande (notamment les affiches). La patrie elle est présentée comme étant un imbrication de plusieurs ensembles naturels. Le régime de Vichy a une vision déterministe de la patrie, elle est basée sur la terre et sur l’héritage, et non pas sur la volonté, le « vouloir vivre ensemble ». Dès 1940, on promulgue une loi sur les naturalisations. Vichy entend revenir sur toutes les naturalisations intervenues après 1927. La loi prévoit également que les fonctionnaires doivent être français, né de père français. Cette « révolution nationale » s'est mise véritablement en place grâce notamment à de nombreux relais destinés à permettre le contact avec l'opinion publique, les élections étant suspendues. Des parlementaires qui avaient voté pour Pétain en juin 1940 défendaient l'idée de la création d'un parti unique, véritable soutien du gouvernement. Cette idée est notamment défendue par Déat et Bergery. Mais le régime va plutôt s'appuyer sur les mouvements des anciens combattants. Xavier Vallat va ainsi créer « la légion française des combattants » mouvement issu de la fusion forcée de tous les mouvements des anciens combattants (ceux de 14-18 mais aussi ceux de 39-40) une loi fixe les objectifs de cette organisation : l’entraide entre les anciens combattants, mais elle devient aussi la principale force de la « révolution nationale ». Des sections locales sont créées, ce seront les yeux et les oreilles du maréchal. La légion française des combattants joue un rôle de surveillance des administrations locales. Elle doit aussi informer le régime sur l'opinion publique ; elle est interdite en zone occupée, mais connaît un grand succès en zone libre et dans l'empire (surtout en Afrique du Nord), et à son apogée, elle regroupe environ 1 500 000 adhérents. Elle donnera lieu en 1943 à la formation d'une milice. D'autre part, il y a des organisations d'encadrement de la jeunesse, qui est un enjeu prioritaire pour le régime. On assiste à la création de trois nouveaux services : 5 Histoire politique de la France au XXème siècle – Chapitre 1 : Le régime de Vichy. Un secrétariat général de la jeunesse dirigé par Georges Laminand, dont l'objectif est de surveiller les mouvements de jeunesse existants. Vichy n'a pas voulu aller jusqu'à la fusion de ces différents mouvements pour ne pas contrarier l'église catholique. Le secrétariat général est chargé à la fois du contrôle de ces mouvements et de la formation des cadres de ces différents mouvements (scoutisme, etc..). Le secrétariat général du sport est confié à Jean Borotra (ancien tennisman, vainqueur de la coupe Davis, l'un des quatre mousquetaires) : il doit développer le sport à l'école est réorganiser le monde sportif en défendant les valeurs de l'amateurisme... Le secrétariat général aux chantiers de la jeunesse est dirigé par un militaire : le général de La Porte du Theil. Pour remplacer le service militaire interdit par l'armistice, on organise des stages civils (formation physique et formation politique). Le nouveau régime se présente comme régime de rassemblement national, qui unit la nation autour du chef de l'État. Mais unifier, c'est aussi exclure, désigner des boucs émissaires pour renforcer la coalition : c'est la lutte contre « l'antifrançais », responsable de la défaite. De nombreux hommes politiques d'avantguerre vont être arrêtés, surtout ceux de gauche. Paul Reynaud, Georges Mandel, Léon Blum, sont arrêtés dès l'été 1940. Vichy annonce aussitôt un procès, qui ne s'ouvrira qu'en 1942, et qui sera arrêté très vite. « L'anti-France », ce sont aussi les mauvais fonctionnaires. Le 17 juillet 1940 est promulguée une loi d'épuration de l'administration qui permet de suspendre des fonctionnaires ; c'est ainsi qu'au printemps 1941, près de 10 000 fonctionnaires sont suspendus. Les autres adversaires désignés du régime sont les francs-maçons. Une loi interdit toutes les sociétés secrètes en 1940. Mais ce sont surtout les populations Juives qui font partie de « l'anti-France ». La législation sur les Juifs de 1940 a été voulue par Vichy, et n’a pas été imposée par les nazis. Le « statut des Juifs » d'octobre 1940 entend exclure les Juifs de la patrie. Elle impose un numerus clausus pour les Juifs dans les professions libérales, proclame l'exclusion totale des Juifs des métiers du journalisme et du cinéma ainsi que la fonction publique. III. L'évolution du régime. A. L’ère Darlan (décembre 1940, avril 1942). L'année 1940 se termine sur une crise politique, une révolution de palais qui aboutit à la démission de Laval, qui, depuis juillet 1940, apparaissait comme le numéro deux du régime, et qui était le dauphin désigné du maréchal. Laval a suscité beaucoup d'hostilités dans l'équipe gouvernementale tout d'abord parce que c'était un parlementaire, ce qui déplaisait au maurassiens, ensuite on lui reprochait de monopoliser la politique de collaboration (Laval est le seul à pouvoir se rendre à Paris, et dispose de nombreux contacts avec les occupants, et notamment avec Otto Abetz). Plusieurs ministres remarquent par ailleurs l'impopularité de Laval dans l'opinion publique, ce qui était le cas depuis 1935 et la compression des salaires qu'il avait proposée. Pour ces ministres, cette impopularité risque de détacher sur le maréchal Pétain. Le 13 décembre, le maréchal demande la démission du gouvernement, mais seule celle de Laval sera retenue. De plus, il est placé en résidence surveillée, ce qui provoque la colère d'Abetz qui vient le délivrer avec une escorte militaire et ramène Laval à Paris. Cet épisode ne fait qu'augmenter la pression sur le régime de Vichy. On fait alors appel à Pierre Étienne Flandin pour remplacer Laval. Flandin est un homme de la IIIe République, et il a incarné dans les années 30 la tendance pacifiste à droite. Flandin avait d'ailleurs envoyé un télégramme de félicitations à Hitler à l'occasion de la conférence de Munich... Il va proposer la mise en place d'une assemblée consultative, il cherche à libéraliser le régime. Cette assemblée sera le conseil national, qui est chargé d'aider le maréchal Pétain dans la rédaction de la nouvelle constitution. Ce conseil est composé de 213 membres désignés par le pouvoir en place. Il y a 70 parlementaires, choisis parmi ceux qui avaient voté les pleins pouvoirs, et pour le reste, ce sont des représentants des milieux sociaux (patronat, paysans, syndicalistes anticommunistes...). L'impact de ce conseil national est néanmoins très faible, puisqu'il n’a presque aucun pouvoir et qu’il est très peu réuni. Cette assemblée apparaît aux yeux de l’opinion comme une assemblée domestiquée. Flandin veut continuer la politique de collaboration, mais Otto Abetz refuse de discuter avec lui. Le 9 février 1941, Flandin est obligé de démissionner. L'amiral Darlan devient alors le véritable numéro deux du régime. Darlan, 60 ans en 1941, est le chef de la marine. Il a la réputation d'être un amiral républicain, et il a fait une grande carrière militaire, essentiellement dans les ministères de la marine. Il a contribué à reconstituer la flotte (la France a la troisième flotte mondiale en 1939). C'est le Front populaire qui l’a nommé chef d'état-major de la 6 Histoire politique de la France au XXème siècle – Chapitre 1 : Le régime de Vichy. Marine. Dès 1940, il est l'un des hommes clés à Vichy, et il y est respecté : il n'a pas été battu en 1940. Après Mers El-Kébir, Darlan évolue vers l’anglophobie. Le 19 février, il est désigné comme numéro deux et dauphin. Il dirige le ministre des affaires étrangères, conserve le ministre de la marine et ajoute le ministre de l'intérieur et de l'information. Il va écarter un certain nombre de maurassiens de son équipe, et notamment Alibert. Darlan se méfie un peu de l'entourage du maréchal, qu’il trouve par trop clérical (ils les appellera des « puceaux de sacristie »). Il fait entrer de nombreux jeunes dans le gouvernement, issus des milieux d'affaires : Pierre Pucheu, secrétaire d'État à la production industrielle puis plus tard au ministère de l'intérieur en juillet 1941. Avant-guerre, Pucheu avait eu un parcours brillant, c'était un normalien, agrégé de lettres, mais qui a choisi de faire carrière dans l'industrie, notamment sidérurgique, et dans la finance. Il a milité avant-guerre dans plusieurs groupes d'extrême droite comme les croix de feu du Colonel La Rocque, puis au RPF de Doriot. Darlan nomme aussi François Lehideux qui lui aussi vient de l'industrie, il est le neveu de Louis Renault. Ses responsabilités comprennent : la lutte contre le chômage et l'équipement national. Lehideux récupérera la production industrielle en juillet 1941. Darlan nomme aussi Benoist Méchin qui est un journaliste fasciné par la culture allemande. Il avait publié avant-guerre une histoire de l’armée allemande. Capturé puis libéré lors de la campagne de France, il est un ultra collaborationniste. Ces jeunes ministre ont tous la même vision politique : (1) une réforme radicale de l'état qui va dans le sens d'une rationalisation et d'une planification, et ils veulent réformer les structures. (2) Ils désirent aussi intégrer la France dans une Europe allemande, et cette intégration doit se faire notamment sur le plan économique : la France et l’Allemagne sont complémentaires et doivent travailler de paire. Darlan veut reconstruire la collaboration. En avril 1941, il va avoir l'occasion de relancer cette politique. En effet, l'Allemagne a besoin de la France sur le théâtre de Moyen-Orient. Les Allemands favorisent un coup d'état en Irak, qui était sous influence britannique. Ils ont besoin, pour aider ce gouvernement favorable à l'axe en Irak, des aérodromes français en Syrie et au Liban. En mai 1941, Darlan est reçu par Hitler en Allemagne et accepte que les Allemands utilisent ces aérodromes. Mais Hitler veut aussi utiliser des bases de l'empire colonial notamment en Afrique du Nord (Tunisie) et en Afrique occidentale (Hitler veut construire une base de sous-marins à Dakar). On sort alors des cadres de l'armistice pour entrer dans celui d'une coopération militaire. Des négociations en lieu à Paris fin mai, et aboutissent aux protocoles de Paris le 22 mai 1941, qui donnent satisfaction à l'Allemagne sur tous les points, mais qui accordent aussi un certain nombre d'assouplissements de l'armistice, avec notamment une diminution des frais d'occupation, et la libération de certaines catégories de prisonniers. Mais ces textes ne sont pas ratifiés par les deux parties : du côté de Vichy, en craint la guerre avec l'Angleterre, c'est notamment le cas du général Weygand en Afrique française. Il explique que l'application de ce protocole peut provoquer la dissidence de l'empire. Du côté allemand, on ne ratifie pas ces textes par manque d’intérêt. La Grande-Bretagne a en effet rétabli la situation en Irak, et, avec les forces gaullistes, elle a pris le contrôle de la Syrie et du Liban. Darlan est confronté à une dégradation de la situation intérieure du pays : il s'agit à la fois d'une dégradation de la situation matérielle, car l'économie française tourne au ralenti (il y a plus d’1.5 millions de prisonniers) et les frais d'occupation massifs étouffent l'économie. Depuis l’hiver 19401941, la France connaît une situation de pénurie chronique, ce qui provoque le rationnement et le marché noir. Cette situation matérielle a une grande importance pour l'opinion publique qui s'était ralliée à Pétain. L'effet négatif de Montoire avait été compensé par le départ de Laval, mais il y a un décrochage de plus en plus grand entre la population et le pouvoir, surtout en zone Nord, où on assiste à des grèves dans les bassins miniers, grèves réprimées très violemment par l'occupant. On assiste aussi aux premières manifestations de la résistance, renforcée en juin 1941 par l'entrée en résistance du parti communiste dans son ensemble. Les premiers attentats contre l'occupant ont lieu pendant l'été 1941. Le 12 août 1941, le maréchal Pétain prend acte de cette situation dans un discours radiodiffusé, et déclare qu'il entend durcir le régimes face au « vent mauvais » qui souffle sur le pays : un serment de fidélité est demandé à tous les fonctionnaires et militaires, prêté à la personne du maréchal Pétain. L'aspect répressif se renforce, incarné par Pucheu qui met en route une réforme de la police, intégrant les polices municipales à la police nationale. Dans chaque région, un intendant de police qui dirige tous les services est nommé. Sont mises en place également les brigades spéciales pour lutter contre la résistance, et on procède à la création d'un groupe d'élite dans la gendarmerie : « les groupes mobiles de réserve ». Ces réformes concernent aussi la justice : on met en place des juridictions d'exception. Ce sont des sections spéciales dans les cours d'appel, dit de « lutte contre le terrorisme ». Elles sont caractérisées par leur façon expéditive de rendre justice. Vichy accepte la politique des otages, mise en place de l'occupant allemand : pour chaque assassinat d'un officier allemand, plusieurs prisonniers sont exécutés... Et Pucheu va collaborer jusque dans cette politique des otages. 7 Histoire politique de la France au XXème siècle – Chapitre 1 : Le régime de Vichy. En matière d'antisémitisme d'État, le régime durcit sa politique. Un nouveau statut des juifs est promulgué en juin 1941. Il renforce les interdictions professionnelles. Par ailleurs, une loi de juin 1941 obligeait les Juifs à se faire recenser, ce qui servira à la politique ultérieure de déportation. Il y a aussi une politique d’areynisation de l'économie : on va mettre en place des administrateurs provisoires pour les entreprises et commerces juifs. La position de Darlan se trouve fragilisée à la fin de l’année 1941. Son gouvernement est confronté à une impopularité croissante, et en matière de politique extérieure, l'échec des protocoles de Paris ont mis fin aux espoirs d'une « grands négociation ». Darlan est par ailleurs hésitant quant à la politique à mener, et en avril 1942, Laval revient aux affaires... B. Le retour de Pierre Laval. Laval revient dans le cadre d'un compromis avec Darlan. Laval devient chef du gouvernement, mais Darlan reste le dauphin, et conserve la direction des forces armées. Laval a tiré les leçons du 13 décembre 1940, et pour ne pas être victime de nouvelles disgrâces, il exige des garanties. Il obtient le titre de « chef du gouvernement » et cumule à la fois le ministère des affaires étrangères et le ministères de l'intérieur où il s'appuie sur Georges Hilaire, secrétaire général à l'administration, qui dirige le corps préfectoral, et René Bousquet, secrétaire général à la police (Bousquet a 35 ans en 1941, il est issu de la gauche radicale, et c’était le plus jeune préfet de la IIIe République). Laval n'a pas les hésitations de Darlan en matière de politique étrangère. Il pense que ses relations avec l'occupant vont permettre une amélioration des conditions d'armistice. Il se prononce, le 22 juin 1942, en faveur d'une victoire allemande et d'une collaboration complète, seul moyen de lutter contre le bolchevisme qui menace de dominer l’Europe. Mais Laval s'illusionne sur sa marge de manoeuvre. La guerre mondiale apparaît désormais comme une guerre longue, en effet, la guerre éclair en Russie a échoué, et l'Allemagne entend exploiter beaucoup plus les économies occupées, et les exigences sont de plus en plus lourdes. À partir de 1942, l'Allemagne, non contente de détourner la plus grande partie de la production française, veut aussi une partie de la main-d'oeuvre. On demande alors à Laval un contingent de 250 000 travailleurs français. Laval tente de négocier et propose le système de la relève : pour trois volontaires français, un prisonnier de guerre sera libéré. Un gros effort de propagande va être fait pour promouvoir cette politique, mais le système de volontariat la donne pas de satisfaction, très peu de travailleurs français acceptent de partir travailler en Allemagne. Les pressions vont alors se faire de plus en plus importante : on va parler de « volontariat forcé ». Vichy adopte ainsi une loi sur le travail obligatoire qui concerne les Français de 18 à 50 ans et les Françaises célibataires de 21 à 35 ans. L’Etat déclare qu'il peut répartir la main-d'oeuvre selon les besoins de l'économie, et dès 1943, ce système sera utilisé pour envoyer de la main-d'oeuvre en Allemagne. La coopération policière est également renforcée. La Gestapo s'installe en avril 1942 en France, et le maintien de l'ordre est confié à un général SS : Karl Oberg. Il va négocier avec Bousquet sur la coopération en juin 1942. La signature de l'accord a lieu en juillet 1942. Les deux polices, la française et celle de l'occupation, vont collaborer dans la lutte contre la résistance. Ces accords vont aussi permettre de mettre en oeuvre la politique déportation raciale. Au printemps 1942, le port de l'étoile jaune en zone occupée est obligatoire et on étudie la mise en place de la solution finale. Il est convenu dans les accords Oberg-Bousquet que la police française participera aux grandes rafles qui concerneraient essentiellement les Juifs étrangers, et Vichy accepte également de livrer des Juifs étrangers réfugiés en zone libre. Les 16 et 17 juillet 1942, c'est la rafle du vélodrome d’Hiver. 40 000 personnes vont être déportés. Ces déportations finissent néanmoins par alerter la population française. C. La satellisation du régime de Vichy. En novembre 1942, le gouvernement de Vichy peut encore se prévaloir de quelques atouts : ils disposent de la zone libre, de l'armée d'armistice et de la flotte, regroupée en rade de Toulon, et enfin de l'empire, qui reste dans l'ensemble sous l'autorité de Vichy. Mais en novembre 1942, Vichy va perdre progressivement ses atouts. Dans la nuit du 8 novembre 1942 a lieu un débarquement anglo-américain au Maroc et en Algérie, débarquement dont l'objectif est d'ouvrir un second frontal ouest. Les alliés disposent de quelques contacts dans la résistance locale, et 400 résistants prennent la ville d'Alger. Vichy ordonne aux 8 Histoire politique de la France au XXème siècle – Chapitre 1 : Le régime de Vichy. troupes françaises de résister aux alliés, et un peu plus tard autorise les Allemands et les Italiens à s'installer en Tunisie. Néanmoins, malgré l'opposition française, ce débarquement est une réussite. La situation est néanmoins très compliquée du point de vue politique : le pouvoir aurait dû être confié, au moment du débarquement, au général Giraud, seul général à s'être enfui d'Allemagne après sa capture. Mais par hasard, Darlan se trouve à Alger ce mai 1942 (il était au chevet de son fils gravement malade) : il va devenir l'interlocuteur des anglo-saxons et finit par retourner sa veste : il devient haut-commissaire d'Afrique et appelle l'armée d'Afrique à combattre aux côté des alliés. Darlan est néanmoins cantonné dans un poste militaire, et il sera assassiné le 24 décembre 1942 par un jeune résistant, Bonnier la Chapelle... Du côté de Vichy, ces événements vont avoir de grandes conséquences : le régime de Vichy a clairement choisi son camp, mais le 11 novembre 1942, les Allemands occupent la zone libre. L'armée d'armistices ne s'oppose pas à cette invasion, et l'empire se détache de Vichy (sauf l'Indochine, sous occupation japonaise) et reconnaît l'autorité de l'amiral Darlan. Quand les Allemands tentent de prendre possession de la flotte à Toulon, celle-ci se saborde. L'hiver 1942-1943 va constituer un tournant dans la guerre : le débarquement d’Afrique du Nord, la victoire de Stalingrad, les victoires américaines dans le Pacifique font que le pari de Vichy sur une victoire allemande paraît être le mauvais choix : un certain nombre de hauts fonctionnaires démissionnent d’ailleurs et prennent leurs distances. C'est le cas entre autres de Couve de Murville, qui démissionne et par en Afrique du Nord, tout comme Pucheu, mais lui sera jugé et fusillé. Le régime n'est plus que soutenu par les ultras. En janvier 1943 est créée la milice, qui est un mouvement paramilitaire composé de volontaires soutenant le régime. C'est l'aboutissement des services d'ordre de la légion française des combattants. Joseph Darnand, secrétaire général de l'ordre au ministère de l'intérieur, commande cette milice. Elle mène une véritable politique de terreur, recourant même aux assassinats politiques (c'est ainsi que Michel Sarraut, directeur de la dépêche à Toulouse est assassiné en 1943, mais sont également assassinés Bash, Zay et Mandel). La milice se bat également aux côtés de la Gestapo contre la résistance : ils mènent conjointement l'assaut contre le maquis des Ylières... Vichy apparaît de plus en plus comme un état terroriste. Les prélèvements de main-d'oeuvre sont de plus en plus importants, le STO obligeait les jeunes français des années 1920, 1921 et 1922 d'aller travailler en Allemagne. Pierre Laval et Philippe Pétain se maintiennent au pouvoir jusqu'à la libération, puis partent avec les Allemands en 1944 et restent en Allemagne jusqu'à la fin de la guerre à Sigmaringen, où ils forment un « gouvernement d’exil » collaborationniste. 9