15 et 16 septembre 2011 32 Symposium e NANTES - 15 et 16 septembre 2011 Symposium sur l’Hémofiltration La Grande Motte, 24-26 septembre 1981 Les Abords vasculaires en hémodialyse Paris, 18-19 juin 1982 Informatique et Dialyse Infection à virus de l’hépatite C (VHC) en néphrologie, dialyse et transplantation Saint-Etienne, 14-15 septembre 1995 Rein, cœur et vaisseaux Paris, 19-20 septembre 1996 Rein et Diabète Reims, 18-19 septembre 1997 Bordeaux, 3-4 juin 1983 Rein et Grossesse Aluminium et Insuffisance Rénale Paris, 25-26 mai 1984 Poitiers, 17-18 septembre 1998 Hémodialyse et Hémostase Paris, 27 septembre 1985 La survie à long terme de l’insuffisant rénal Chronique. Dialyse et Transplantation Néphrologie et Santé Publique Grenoble, 16-17 septembre 1999 Télématique, Informatique et Néphrologie Brest, 14-15 septembre 2000 Rein et Tube Digestif Lyon, 14-15 novembre 1986 Troyes, 13-14 septembre 2001 Arthropathies des dialysés et Amylose B2-M Rein et Système Nerveux Central Paris, 23-24 janvier 1987 Limoges, 19-20 septembre 2002 La pression artérielle chez l’urémique Nutrition en néphrologie : théorie et pratiques Marseille, 23-24 septembre 1988 Lyon, 18-19 septembre 2003 Peau et insuffisance rénale Journées annuelles de Néphrologie Rein et Cancer La Villette-Paris, 18-20 octobre 1989 L’infection chez le dialysé Nancy, 28-29 septembre 1990 Hématologie et Maladies Rénales La Baule, 20-21 septembre 1991 NANTES Poissy, 31 octobre-1er novembre 1980 Rein et Grossesse Rein et Grossesse Cardiocirculatory Function in renal Failure 32 Symposium e Caen, 14-15 octobre 2004 Rein, Artères et Cœur Strasbourg, 15-16 septembre 2005 Rein et Virus Tours, 14-15 septembre 2006 Imagerie en Néphrologie Conséquences métaboliques nutritionnelles et endocriniennes de l’insuffisance rénale chronique Bordeaux, 11-12 octobre 2007 Bordeaux, 2-3 octobre 1992 Marseille, 18-19 septembre 2008 NANTES Rein et Hématologie 15 et 16 septembre 2011 Amiens, 2-3 juillet 1993 Insuffisance rénale, dialyse et transplantation dans les maladies rénales héréditaires Versailles, 16-17 septembre 1994 Lille, 10-11 septembre 2009 Les nouveaux visages de l’insuffisance rénale chronique Versailles, 16-17 septembre 2010 Rein et Grossesse Nantes, 15-16 septembre 2011 Edité par GAMBRO SAS 1-3 bd Charles de Gaulle 92707 Colombes Cedex Dépôt légal : 3e trimestre 2011 A CAP ital - 01 47 50 41 85 Progression de l’insuffisance rénale Le sujet âgé en Néphrologie REIN ET GROSSESSE NANTES 15 - 16 septembre 2011 Présidé par le Professeur Maryvonne HOURMANT Comité Scientifique : F. BRIDOUX C. DELCROIX F. FAKHOURI C. VIGNEAU N. WINER Jeudi 15 septembre – après-midi 12 h 00 13 h 45 Buffet d’accueil INTRODUCTION M. HOURMANT – M. MORENO SESSION 1 Les complications rénales de la grossesse Modérateurs : F. Bridoux (Poitiers) – N. Winer (Nantes) 14 h 00 – 14 h 30 14 h 30 – 15 h 00 15 h 00 – 15 h 30 SESSION 2 Physiopathologie de la pré-éclampsie Aspects cliniques de la pré-éclampsie ADAMTS 13, complément et grossesse V. TSATSARIS, Paris O. POURRAT, Poitiers Y. DELMAS, Bordeaux Les complications de la grossesse Modérateurs : J.M. Halimi (Tours) – F. Fakhouri (Nantes) 15 h 30 – 16 h 00 Place de l’expectative dans la prise en charge de la pré-éclampsie 16 h 00– 16 h 30 pause 16 h 30 – 17 h 00 17 h 00 – 17 h 30 Le bilan de thrombophilie de C. TERNISIEN, Nantes la femme ayant présenté une éclampsie/pré-éclampsie au cours de la grossesse Les complications cardio-vasculaires A. HERTIG, Paris à long terme chez les femmes ayant présenté une pré-éclampsie B. HADDAD, Créteil SESSION 3 La grossesse au cours de la maladie rénale Modérateurs : F. Babinet (Le Mans) – Y. Caroit (Nantes) 17 h 30 – 18 h 00 La grossesse chez l’insuffisante rénale D. CHAUVEAU, Toulouse SESSION 3 La grossesse au cours de la maladie rénale – suite Modérateurs : S. Coupel (Nantes) – E. Thervet (Paris) 08 h 30 – 09 h 00 09 h 00 – 09 h 30 09 h 30 – 10 h 00 La grossesse en dialyse C. GAUDRY, Evry La grossesse après transplantation rénale M. HOURMANT, Nantes Grossesse et insuffisance rénale : A. BENACHI, Paris le point de vue de l’obstétricien 10 h 00 - 10 h 30Pause 10 h 30 - 11 h 00 La grossesse au cours des maladies auto-immunes 11 h 00 – 11 h 30 La grossesse au cours du diabète 11 h 30 – 12 h 00 Microchimérisme et grossesse A. MASSEAU, Nantes E. LARGER, Paris L. ALBANO, Nice Déjeuner 12 h 00 – 13 h30 Vendredi 16 septembre – après-midi SESSION 4 Les complications foetales Modérateurs : F.Lavainne (Nantes) S. Durault (St Nazaire) 13 h 30 – 14 h 00 14 h 00 – 14 h 30 14 h 30 – 15 h 00 15 h 00 Prématurité et capital néphronique : J.P. GUIGNARD, Lausanne Impact à long terme sur la fonction rénale Foetotoxicité des médicaments E. AIGRAIN, Paris pour le néphrologue Système rénine-angiotensine L. HEIDET, Paris et malformations foetales CONCLUSIONS PROGRAMME Vendredi 16 septembre – matin SESSION 1 Les complications rénales de la grossesse Physiopathologie de la pré-éclampsie Page 7 Page 13 Page 23 V. TSATSARIS Aspects cliniques de la pré-éclampsie O. POURRAT ADAMTS 13, complément et grossesse Y. DELMAS P Session 1 HYSIOPATHOLOGIE DE LA PRÉ-ÉCLAMPSIE Vassilis Tsatsaris - Groupe Hospitalier Cochin, AP-HP, Maternité Port-Royal, 75014 Paris, France Inserm Unité U767, Paris, F-75006, France, Université Paris Descartes, 75006 Paris, France Résumé : La prééclampsie est une complication de la grossesse associant une hypertension artérielle, une protéinurie et des oedèmes. Il s’agit d’une pathologie survenant au troisième trimestre de la grossesse et spécifique à la gestation humaine. Elle est secondaire à une dysfonction de la placentation qui est responsable de la libération dans la circulation maternelle de diverses substances responsables d’une activation voir d’une lésion de l’endothélium maternel, avec pour conséquences une hypertension artérielle, une néphropathie glomérulaire et une augmentation de la perméabilité vasculaire. De récents travaux ont permis de mieux comprendre la physiopathologie de cette pathologie avec l’espoir de mettre en place de nouveaux outils de dépistage et de possibles perspectives thérapeutiques. Mots Clés : Pré-éclampsie, placenta, grossesse, trophoblaste. La pré-éclampsie est une maladie de l’endothélium maternel dont l’origine est placentaire. Elle est spécifique à l’espèce humaine et à la gestation. En effet il n’existe pas de syndrome pré-éclamptique spontané chez l’animal ce qui ne facilite pas la compréhension de sa physiopathologie. La physiopathologie de la prééclampsie reste imparfaitement comprise. Cependant les données moléculaires récentes confrontées aux études anatomopathologiques plus anciennes orientent vers un schéma physiopathologique en 2 étapes : une première étape pré-clinique correspondant à insuffisance placentaire souvent en rapport avec un développement anormal du placenta dans ses phases très précoces. La deuxième phase et la clinique qui correspond à un dysfonctionnement de l’endothélium maternel lié à diverses substances libérées par le placenta dans la circulation maternelle (radicaux libres, lipides oxydés, cytokines, sVEGFR-1, endogline soluble). La phase préclinique : la dysfonction placentaire La placentation humaine est caractérisée par un processus d’invasion de la partie superficielle de l’utérus (decidue et myomètre) par des cytotrophoblastes extra-villeux. Cette invasion trophoblastique est orientée vers les artères spiralées de l’utérus. Il en résulte une invasion de la paroi artérielle qui conduit à une disparition totale de la tunique musculaire lisse artérielle et des cellules endothéliales maternelles qui sont remplacées par le trophoblaste extravilleux. La tunique de l’artère devient atone, insensible aux éléments vasoactifs permettant ainsi une perfusion facilitée de la chambre inter-villeuse. De plus, les cellules trophoblastiques, villeuses et extra-villeuses, produisent de puissants facteurs angiogéniques qui sont responsables d’un profond remodelage de toute l’architecture vasculaire de l’utérus. 7 Vassilis TSATSARIS Au cours de la prééclampsie, le remodelage vasculaire utérin est altéré avec notamment un défaut d’invasion trophoblastique. L’invasion de la portion interstistielle de l’utérus est relativement préservée, mais l’invasion endoet péri-vasculaire des artères utérines est fortement diminuée. À ce défaut d’invasion des artères maternelles s’ajoute un défaut de leur remodelage par les cytotrophoblastes extra-villeux. Les cellules endothéliales ne sont pas remplacées par les trophoblastes et la couche de cellules musculaires lisses n’est pas remaniée. Ainsi les artères utérines, lors de prééclampsie, ont un diamètre plus petit et conservent leur potentiel vasoconstricteur à l’origine de l’hypoxie placentaire. L’étude des facteurs responsables du défaut d’invasion trophoblastique est difficile car la prééclampsie n’est diagnostiquée qu’après le processus naturel d’invasion trophoblastique. Par conséquent, les anomalies observées en cas de prééclampsie ne permettent pas d’établir si elles sont la cause ou la conséquence de ce syndrome. Des études récentes ont exploité des fragments de villosités choriales obtenus lors de biopsies de trophoblastes et compatibles avec la poursuite de la grossesse. Ces villosités ont permis d’étudier l’expression de certains gènes chez des femmes ayant une grossesse normale et chez des femmes qui ont développé plus tard une pré-éclampsie. A 10 SA, 36 gènes sont exprimés différentiellement entres ces deux groupes de femmes. Trente et un de ces gènes sont sous-exprimés chez les femmes qui vont développer une pré-éclampsie et leur fonction est impliquée dans l’inflammation, la régulation immunitaire et la mobilité cellulaire. Ainsi les mécanismes permettant à la cellule trophoblastique semi-allogénique d’envahir les tissus maternels en déjouant les 8 processus maternels de reconnaissance du non-soi peuvent s’avérer défaillants. Une des hypothèses de l’étiologie de la prééclampsie repose sur l’activation des cellules immunitaires. En effet, au cours de la grossesse, la non-reconnaissance des trophoblastes par les cellules immunitaires limite l’activation de ces dernières et par conséquent la lyse des trophoblastes de la décidue. À l’inverse, au cours de la prééclampsie, le nombre de cellules immunitaires activées augmenterait. Une étude récente révèle une distribution inverse du nombre de trophoblastes et de macrophages au niveau de la paroi des artères utérines de patientes pré-éclamptiques par rapport aux patientes ayant une grossesse normale. Ainsi, les macrophages sont très peu présents lorsque l’invasion artérielle trophoblastique se déroule normalement et à l’inverse, le nombre de macrophages activés augmente dans la paroi artérielle utérine de patientes pré-éclamptiques où très peu de trophoblastes extravilleux sont présents. D’autre part, l’apoptose des cytotrophoblastes extravilleux augmente au voisinage du mur artériel en cas de prééclampsie. En effet, les macrophages de la décidue produisent et répondent à un large spectre de cytokines et seraient impliqués dans des mécanismes paracrines régulant l’invasion trophoblastique. Enfin, un autre système défectueux semble être impliqué dans le défaut d’invasion des artères spiralées par la cellule trophoblastique. C’est le système HLA et notamment l’expression de HLA-G. HLA-G et HLA-E protègent les cytotrophoblastes extravilleux de l’effet cytotoxique des cellules NK. Or il a été montré que l’expression de HLA-G par les cellules trophoblastiques extravilleuses était absente ou diminuée en cas de pré-éclampsie. La phase clinique : dysfonction endothéliale secondaire aux facteurs solubles d’origine placentaire. La diminution de la perfusion placentaire secondaire au mauvais remodelage vasculaire utérin engendre progressivement une dysfonction placentaire. La cause de cette dysfonction est actuellement mal connue et débattue. Il est classiquement admis qu’il s’agit d’une hypoxie placentaire mais il n’y a actuellement pas de preuve directe en faveur de cette hypoxie. Par ailleurs le placenta des grossesses compliquées de prééclampsie présente des marqueurs de stress oxydatif. En effet, des métabolites stables de la péroxydation lipidique générés par le stress oxydatif sont anormalement présents et produits dans les placentas pré-éclamptiques tels que des péroxydes lipidiques et l’isoprostane libre (8-iso-PGF2α), produit spécifique de la catalyse de l’acide arachidonique par les radicaux libres doté d’activités vasoconstrictrices et agrégantes plaquettaire. Le stress oxydatif placentaire semble être responsable en partie des changements physiopathologiques liés à la prééclampsie. En effet, il est responsable d’une augmentation de l’apoptose placentaire et de la libération de débris placentaires apoptotiques dans la circulation maternelle. Le syncytium se renouvelle au cours de la grossesse par libération de débris apoptotiques dans la circulation maternelle. Ces débris induisent une réponse inflammatoire systémique croissante mais normale au cours de la grossesse. Le stress oxydatif stimule l’apoptose du syncytium comme pour d’autres tissus, et augmente par conséquent la libération de membranes micro-villositaires syncytiales (STBM) et autres débris syncytiaux dans la circulation maternelle, comme observé en cas de pré-éclampsie. Huppertz rapporte que l’hypoxie favorise la libération de fragments de syncytium placentaire dans la circulation Session 1 Physiopathologie de la pré-éclampsie maternelle par nécrose plutôt que par apoptose. Le concept « d’aponécrose » du syncytium est proposé : en condition hypoxique, la formation du syncytium est bloquée de telle sorte que le syncytium, manquant d’ARN, de protéines et d’organelle « frais » ne peut terminer la cascade apoptotique et entame par conséquent une élimination secondaire par nécrose. Ces débris activeraient davantage la réponse inflammatoire et seraient impliqués dans l’activation endothéliale, caractéristique de la prééclampsie. En accord avec cette théorie, la déportation de cellules trophoblastiques et de fragments syncytiaux est supérieure dans les veines utérines maternelles pré-éclamptiques. Les membranes microvillositaires syncytiotrophoblastiques isolées de placentas normaux ou pré-éclamptiques détruisent et inhibent spécifiquement la prolifération de cellules endothéliales humaines en culture. Par ailleurs, la dysfonction placentaire génère d’autres facteurs qui sont libérés dans la circulation maternelle et qui sont impliqués dans les lésions endothéliales maternelles. Une liste non exhaustive de ces facteurs est présentée dans le tableau 1. Tableau n°1 : (page suivante)Parmi ceux-ci, deux molécules semblent jouer un rôle prépondérant dans la physiopathologie de la pré-éclampsie, ce sont le récepteur soluble au VEGF (sVEGFR-1 pu sFLT-1) et l’endogline soluble. De récents travaux ont montré que le VEGF joue un rôle important dans la physiopathologie de la dysfonction endothéliale au cours de la pré-éclampsie. Le VEGF et le PlGF sont des facteurs de croissance impliqués dans les processus d’angiogenèse et de vasculogenèse. Ce sont des facteurs indispensables à la survie des cellules endothéliales. Au cours de la grossesse normale, la cellule trophoblastique secrète une forme soluble du récepteur au 9 Par ailleurs, la dysfonction placentaire génère d’autres facteurs qui sont libérés dans la circulation maternelle et qui sont impliqués dans les lésions endothéliales maternelles. Une Vassilis TSATSARIS liste non exhaustive de ces facteurs est présentée dans le tableau 1. Facteurs de croissance Cytokines Enzymes Autres EGF VEGF TNF-�α PAI-1 Lipides oxydés IL-1 PAI-2 Phospholipides sVEGFR-1 IL-6 MMP-2 Acides gras sVEGFR-2 IL-10 MMP-9 Endothélines Endogline soluble IFN IGF-II LIF α/β TGF ��� Prostaglandines Tableau n°1 Facteurs sécrétés par le placenta dans la circulation maternelle Tableau n°1impliqués : Facteurs par le placenta dans la circulation maternelle et et possiblement dans sécrétés la physiopathologie de la prééclampsie possiblement impliqués dans la physiopathologie de la prééclampsie VEGF de type 1 appelée sFLT-1, qui est libéun rôle dans le développement et l’homéosrée dans la circulation maternelle. Le sFLT-1 tasie vasculaire en grande partie par le biasi fixe au deux VEGF molécules et au PlGFsemblent et se comporte l’activation de la NO synthase endothéParmiseceux-ci, jouer un rôledeprépondérant dans la physiopathologie donc comme un antagoniste compétitif de liale (eNOS). Comme pour le sFLT-1, le plade la ces pré-éclampsie, ce sont le récepteur soluble centa au VEGF (sVEGFR-1 pu sFLT-1) et molécules. L’affinité de sFLT-1 pour le VEGF humain produit une forme soluble de est plussoluble. importante que pour le PlGF, ce qui l’endogline qui est libérée dans la circulation l’endogline explique qu’au cours de la grossesse normale maternelle et dont les taux sont accrus en cas De récents travaux ont montré que le VEGF joue un rôle important dans la physiopathologie les taux sériques de VEGF libre sont effondrés de prééclampsie. L’endogline soluble potenalors que les taux sériques de PlGF sont relatialise la Le dysfonction de la dysfonction endothéliale au cours de la pré-éclampsie. VEGF et endothéliale le PlGF sontinduite des tivement préservés. En cas de prééclampsie, par sFLT-1, et a pour effets, une activation et facteurs de croissance impliqués dans les processus d’angiogenèse et de vasculogenèse. Ce probablement du fait de l’hypoxie placentaire, une lésion endothéliale ainsi que augmentasont des facteurs placentaire indispensables à laestsurvie Au cours de la la production de sFLT-1 consi- des cellules tion de laendothéliales. perméabilité vasculaire. L’endogline dérablement accrue ce qui entraîne un effonsoluble est également impliquée dans la surgrossesse normale, la cellule trophoblastique secrète une forme soluble du récepteur au VEGF drement des taux sériques de VEGF et PlGF. Il a venue du HELLP syndrome. L’augmentation de type appeléeque sFLT-1, qui esten libérée dans au été1montré cette carence VEGF et PlGFla circulation de sFLT-1maternelle. et de sEngLe estsFLT-1 précoceseetfixe survient est responsable de la dysfonction endothébien avant l’apparition des signes cliniques VEGF et au PlGF et se comporte donc comme un antagoniste compétitif de ces molécule.de liale maternelle systémique et de la néphroprééclampsie. Il ouvrent donc de nouveaux L’affinité de sFLT-1 pour le VEGF est plus importante que pour le PlGF, sérique ce qui précoce expliquede pathie glomérulaire. espoirs pour un dépistage d’envisager une qu’au cours de la grossesse normale les taux sosériquesladeprééclampsie VEGF librepermettant sont effondrés alors que Plus récemment le rôle de l’endogline prévention primaire de cette pathologie. luble, un autre récepteur a été mis les taux sériques de PlGF sont soluble, relativement préservés. En cas de prééclampsie, probablement en évidence dans la physiopathologie de la du faitdysfonction de l’hypoxie placentaire, production placentaire de sFLT-1 est considérablement Conclusion endothéliale de lalaprééclampsie. (Eng) un ou effondrement CD105 est undes récepaccrueL’endogline ce qui entraîne taux sériques de VEGF etest PlGF. Il a été montré La prééclampsie une pathologie materteur membranaire pour les isoformes 1 et 3 nelle, spécifique de la grossesse, secondaire que cette carence en VEGF PlGFβ est responsable de la dysfonction endothéliale maternelle du transforming growthetfactor (TGF β 1 et à une dysfonction placentaire. Les causes TGF β 3). Ce la récepteur est fortement exprimé systémique et de néphropathie glomérulaire. responsables de cette dysfonction placenau niveau des cellules endothéliales et au taire sont en fait très variables, ce qui rend niveau du syncytiotrophoblaste. L’Eng joue 10 l’approche expérimentale de cette pathologie très complexe. Cette dysfonction placentaire est responsable de la libération dans la circulation maternelle de substances responsables d’une dysfonction endothéliale caractérisée par une activation des cellules endothéliales et une augmentation de la perméabilité vas- Session 1 Physiopathologie de la pré-éclampsie culaire. Deux molécules produites par le placenta jouent un rôle crucial dans la physiopathologie de la prééclampsie ; ce sont le sFLT-1 et l’endogline soluble. Les travaux concernant ces deux molécules ouvrent de nouvelles voies de recherche sur le dépistage et probablement le traitement de la prééclampsie. 11 Vassilis TSATSARIS RÉFÉRENCES: 1. BENIRSCHKE K, KAUFMANN P. Nonvillous parts and trophoblast invasion. Pathology of the human placenta. New York: SpringerVerlag, 2000. 2. CANIGGIA I, GRISARU-GRAVNOSKY S, KULISZEWSKY M, POST M, LYE SJ. Inhibition of TGF-beta 3 restores the invasive capability of extravillous trophoblasts in preeclamptic pregnancies. J Clin Invest 1999;103:1641-50. 3. CANIGGIA I, MOSTACHFI H, WINTER J, et al. Hypoxia-inducible factor-1 mediates the biological effects of oxygen on human trophoblast differentiation through TGFbeta(3). J Clin Invest 2000;105:577-87. 4. EREMINA V, SOOD M, HAIGH J, et al. Glomerular-specific alterations of VEGF-A expression lead to distinct congenital and acquired renal diseases. J Clin Invest 2003;111:707-16. 5. FOUNDS SA, CONLEY YP, LYONS-WEILER JF, JEYABALAN A, HOGGE WA, CONRAD KP. Altered global gene expression in first trimester placentas of women destined to develop preeclampsia. Placenta. 2009 Jan;30(1):15-24. 6. GENBACEV O, ZHOU Y, LUDLOW JW, FISHER SJ. Regulation of human placental development by oxygen tension. Science 1997;277:1669-72. 7. HUBEL CA. Oxidative stress in the pathogenesis of preeclampsia. Proc Soc Exp Biol Med 1999;222:222-35. 8. HUNG TH, SKEPPER JN, CHARNOCK-JONES DS, BURTON GJ. Hypoxia-reoxygenation: a potent inducer of apoptotic changes in the human placenta and possible etiological factor in preeclampsia. Circ Res 2002;90:1274-81. 9. HUNG TH, CHARNOCK-JONES DS, SKEPPER JN, BURTON GJ. Secretion of tumor necrosis factor-alpha from human placental tissues induced by hypoxia-reoxygenation causes endothelial cell activation in vitro: a potential mediator of the inflammatory response in preeclampsia. Am J Pathol 2004;164:1049-61. 12 10. HUPPERTZ B, FRANK HG, KAUFMANN P. Apoptosis along the invasive trophoblastic pathway. Placenta 1998;19:A35. 11. LEVINE RJ, MAYNARD SE, QIAN C, et al. Circulating angiogenic factors and the risk of preeclampsia. N Engl J Med 2004;350:67283. 12. LEVINE RJ, LAM C, QIAN C, et al. Soluble endoglin and other circulating antiangiogenic factors in preeclampsia. N Engl J Med 2006;355:992-1005. 13. MAYNARD SE, MIN JY, MERCHAN J, et al. Excess placental soluble fms-like tyrosine kinase 1 (sFlt1) may contribute to endothelial dysfunction, hypertension, and proteinuria in preeclampsia. J Clin Invest 2003;111:649-58. 14. MEEKINS JW, PIJNENBORG R, HANSSENS M, MCFADYEN IR, VAN ASSHE A. A study of placental bed spiral arteries and trophoblast invasion in normal and severe pre-eclamptic pregnancies. Br J Obstet Gynaecol 1994;101:669-74. 15. REDMAN CW, SARGENT IL. Latest advances in understanding preeclampsia. Science.2005 Jun 10;308(5728):1592-4. Review. PubMed PMID: 15947178 16. TSATSARIS V, GOFFIN F, MUNAUT C, et al. Over expression of the soluble vascular endothelial growth factor receptor (sVEGFR-1) in preeclamptic patients: pathophysiological consequences. J Clin Endoc Metab 2003. 17. VENKATESHA S, TOPORSIAN M, LAM C, et al. Soluble endoglin contributes to the pathogenesis of preeclampsia. Nat Med 2006;12:642-649. 18. ZYGMUNT M, HERR F, KELLER-SCHOENWETTER S, et al. Characterization of human chorionic gonadotropin as a novel angiogenic factor. J Clin Endocrinol Metab 2002;87:5290-6. A Session 1 SPECTS CLINIQUES DE LA PRÉ-ÉCLAMPSIE Olivier POURRAT - Poitiers La pré-éclampsie (PE) n’est pas une maladie au sens strict, définie par une cause unique et des mécanismes physiopathologiques univoques (1). C’est un syndrome spécifique de la grossesse mais particulièrement complexe, dans lequel l’unité est liée à une atteinte endothéliale diffuse secondaire à un trouble circulatoire placentaire (2-3). Il est impossible de donner une définition unique de la PE (1). Elle est caractérisée par un très grand polymorphisme clinique, à la fois maternel et fœtal, de multiples facteurs étio-pathogéniques, une physiopathologie complexe, enfin l’impossibilité d’en prédire de façon fiable la survenue ainsi que la récidive des grossesses ultérieures. En définitive, le seul élément certain de définition de la PE est qu’elle est spécifique de la grossesse, due à la présence du placenta et guérie par l’ablation du celui-ci (1-3). Il existe de multiples définitions de la PE, y compris dans les critères de caractérisation de sa forme typique. Il en existe également des formes cliniques atypiques posant des problèmes parfois difficiles de diagnostic différentiel. Enfin, sa survenue expose à un risque de récidive. I.- DÉFINITIONS DE LA PRÉ-ÉCLAMPSIE rielle élevés avant 20 SA, ou bien persistant six semaines après la fin de la grossesse. Il existe de multiples définitions de la PE (4) et aucune ne suffit à elle seule (1). Chaque Société savante consacrée à l’étude de l’hypertension artérielle (HTA) au cours de la grossesse en a donné une. Les définitions présentées ici sont celles de la conférence d’experts de la Société Française d’Anesthésie-Réanimation de 2008 (5). ◆ la PE est définie de façon simpliste mais pragmatique : la simple association d’une HTAG à une protéinurie apparue après 20 SA et dépassant 0,3 g/24h suffit à affirmer une PE. ◆ l’HTA gravidique (HTAG) est définie par une pression artérielle systolique égale ou supérieure à 140 mm Hg et/ou une diastolique égale ou supérieure à 90 mm Hg, survenant après 20 semaines d’aménorrhée (SA) et disparaissant avant la fin de la 6ème semaine du postpartum. La coexistence de tous ces critères est indispensable pour distinguer la PE de l’HTA chronique : cette dernière doit être évoquée devant des chiffres de tension arté- ◆ La PE est qualifiée de sévère si elle s’accompagne d’au moins l’un des critères suivants : - HTA sévère (systolique ≥ 160 mm Hg et/ou diatolique ≥ 110 mm Hg), - atteinte rénale avec : oligurie (< 500 ml/24h) ou créatiniémie > 135µmol/L, ou protéinurie abondante (> 5 g/j), - œdème aigu du poumon, ou barre épigastrique persistante et/ou syndrome HELLP (association d’une hémolyse, une cytolyse hépatique et une thrombopénie) (6), 13 Olivier POURRAT - éclampsie (crise convulsive tonicoclonique dans un contexte de pathologie hypertensive de la grossesse), ou signes neurologiques graves (troubles visuels du type scotome, voire amaurose, vivacité des réflexes ostéotendineux, céphalées rebelles au traitement antalgique), aiguë), soit par l’apparition de signes extra-rénaux : CIVD, hémolyse (H) de type micro-angiopathique, cytolyse hépatique (EL), thrombopénie (LP), réalisant des tableaux complets de syndrome HELLP (6), définis par des critères variables selon les auteurs (7-8), voire dissociés (surtout ELLP, plus rarement HEL ou HLP). - thrombopénie (<100 G.L-1) 3°) La PE atypique non compliquée : la protéinurie peut manquer (forme non protéinurique) ou être très discrète (4-5). L’élévation tensionnelle peut ne pas atteindre les critères de définition précisés ci-dessus mais s’accompagner de signes qui, sans faire partie des critères de définition de la PE, sont très évocateurs de ce syndrome comme une hyperuricémie et une prise de poids brutale avec oedème diffus. - Hématome Rétro Placentaire (HRP) - retentissement fœtal (anomalie du doppler utérin, retard de croissance). Sur la base de ces définitions, on peut individualiser plusieurs formes cliniques de la PE : A.- Selon les signes : La PE est une maladie extraordinairement polymorphe mais que l’on peut regrouper sous forme de 4 tableaux maternels : 1°) la PE typique non compliquée : il s’agit de la forme rénale pure. Elle associe chez une femme qui n’a aucun antécédent d’HTA ni d’uronéphropathie et qui est en général, mais pas toujours, une primipare : une prise de poids rapide et brutale (supérieure à 1kg par semaine), des oedèmes qui ont pour principale caractéristique d’apparaître très brutalement et d’être diffus (touchant les membres supérieurs et occasionnant le classique «signe de la bague»), une HTAG, une protéinurie dépassant au moins 0,30g/j, une uricémie > 350µmol/l. Il s’agit donc d’un tableau de glomérulopathie, mais sans hématurie ni hypocomplémentémie. L’hospitalisation immédiate en unité de grossesses pathologiques s’impose dès qu’on évoque le diagnostic de PE. 2°) La PE typique compliquée, soit par accentuation du syndrome vasculo-rénal (syndrome néphrotique, insuffisance rénale 14 4°) La PE atypique compliquée : c’est la situation la plus difficile en pratique, représentée par exemple, par la survenue d’une thrombopénie tardive sans syndrome vasculo-rénal bien identifié, pouvant correspondre à une simple thrombopénie gestationnelle idiopathique bénigne mais également à un premier signe de PE dont les autres manifestations vont apparaître dans les jours suivants (9). Il peut s’agir d’une douleur épigastrique associée à une cytolyse hépatique, avec des plaquettes à la limite inférieure de la normale, conduisant à des égarements de diagnostic vers la sphère hépato-biliaire ou gastro-duodénale...Il peut encore s’agir d’une atteinte hépatique prédominante et grave, faisant envisager le diagnostic d’une stéatose hépatique aiguë gravidique (10). Il peut encore s’agir d’une insuffisance rénale aiguë avec thrombopénie, hémolyse et parfois troubles neurologiques, faisant évoquer un syndrome hémolytique urémique (11-12). Ces problèmes de diagnostic différentiel ne sont pas toujours aisés à résoudre en pratique (cf infra, chapitre II). B - Selon les circonstances d’apparition : 1°) d’après le numéro de la grossesse : de façon extrêmement typique, la PE «pure» est une affection de la primipare. Cette règle est loin d’être absolue, mais il n’en reste pas moins vrai que la survenue d’un syndrome vasculorénal au cours d’une deuxième ou d’une troisième grossesse chez une femme sans antécédent obstétrical, est suffisamment atypique, sauf en cas de changement de géniteur, pour justifier d’en chercher un facteur étiologique particulier (notamment néphropathie et/ou HTA chroniques méconnues). 2°) selon le terme d’apparition des signes : on différencie les PE précoces, survenant avant 32 SA, graves dans l’immédiat par les conséquences fœtales, et les PE tardives. Enfin, des syndromes vasculo-rénaux peuvent se manifester dans le post-partum : HTA isolée du post-partum, PE du postpartum immédiat avec protéinurie apparaissant dans les deux jours après l’accouchement, de valeur sémiologique délicate à apprécier si elle est de faible abondance ; syndrome HELLP apparu dans le post-partum, C - Selon l’évolution : 1°) selon la rapidité d’aggravation : dans le tableau habituel de la PE, il est rare de pouvoir prolonger la grossesse au-delà d’un délai qui va de quelques heures à quelques jours (13). Enfin, on a parfois, mais rarement, la bonne surprise de constater une stabilisation de la PE au repos, ne devant pas amener à relâcher la surveillance en raison d’une évolution classique en trois temps, avec aggravation brutale après une période d’accalmie. 2°) selon la rapidité de régression dans le post-partum : Dans l’immense majorité des cas, une crise polyurique survient dès la fin de la grossesse, la tension artérielle se normalise et la protéinurie disparaît dans les heures ou Session 1 Aspects cliniques de la pré-éclampsie les jours faisant suite à l’accouchement (13). Le traitement hypotenseur est très souvent arrêté dans les heures qui suivent la fin de la grossesse et le plus souvent avant la sortie de la Maternité, sauf en cas de PE surajoutée à une HTA pré-existante à la grossesse. L’absence de disparition de la protéinurie et/ou de l’hypertension en six mois doit amener à faire le bilan étiologique qui est habituel devant toute HTA chronique ou toute protéinurie inexpliquée (14). II.- LES FORMES CLINIQUES ATYPIQUES DE LA PRE-ECLAMPSIE ET DU SYNDROME HELLP A la fin des années 80 a été remarquée la similitude entre les signes du SH et ceux du SHU et du PTT (11-12), mais également de la stéatose hépatique aiguë gravidique (SHAG) également appelée syndrome de Sheehan (10). Les signes sont en effet extrêmement voisins : dans ces quatre types de situation existent des degrés divers d’hémolyse, de cytolyse hépatique, de thrombopénie, d’HTA et d’insuffisance rénale. Bien que parfois les différences soient très difficiles à établir sur le terrain, on peut cependant remarquer une prédominance différente des signes cliniques et biologiques selon l’organe atteint (Tableau I), en relation avec des lésions histologiques des reins et du foie différentes dans leur nature et leur intensité (Tableau II). Ainsi, le syndrome HELLP se manifeste avant tout par un tableau de ELLP, le PTT par un HLP de façon sévère ainsi que des signes neurologiques mais peu de EL et peu de signes rénaux, le SHU par un HLP de façon sévère, pas ou peu de EL mais surtout une anurie, la SHAG par EL avec un ictère, une insuffisance hépatique, des signes peu marqués de HLP, une baisse du taux d’antithrombine III. De plus, la fréquence des quatre pathologies est diffé- 15 Olivier POURRAT rente : le syndrome HELLP est loin d’être exceptionnel puisqu’il se voit dans une grossesse sur 500 et dans 15 % des PE (7), alors que la SHAG ne s’observe que dans une grossesse sur 7.000 (10). Quant au PTT et au SHU, on évalue leur prévalence à un pour 25.000 grossesses (1112). Sur le plan clinique, la constatation d’une pâleur avec fièvre, signes neurologiques du type convulsion ou déficit moteur, thrombopénie et hémolyse très sévères et discrétion des signes rénaux évoque un PTT, alors que les mêmes signes associés à une anurie sont en faveur d’un SHU. Une prise de poids brutale, de l’ordre de 3 à 5 kg en une semaine, une sévérité de l’HTA et le caractère massif de la protéinurie associés à une créatininémie normale ou peu élevée sont en faveur d’un syndrome HELLP (6-7). Certaines données anamnestiques sont très suggestives d’une SHAG : perte récente de poids, polyuro-polydipsie récente, vomissements, ictère, chute du taux de prothrombine, insuffisance rénale nette et de profil fonctionnel (urée sanguine proportionnellement beaucoup plus élevée que la créatininémie, baisse rapide de la créatininémie sous remplissage vasculaire, discrétion de la protéinurie), le caractère modéré de la thrombopénie et de l’hémolyse, enfin le manque de sensibilité et de spécificité de l’imagerie du foie. Le problème pratique est le suivant : eston certain devant une patiente ayant ce type de troubles graves que le syndrome HELLP ne révèle pas une microangiopathie thrombotique (MAT) qui représente à l’heure actuelle une indication reconnue d’échanges plasmatiques quotidiens à commencer de façon urgente dès le diagnostic évoqué, comme cela a pu être proposé [15]. En effet, le syndrome HELLP tout autant que le SHU et le PTT ont en commun une atteinte endothéliale diffuse (15) : le syndrome HELLP correspond à une micro-angiopathie gravidique spécifique et le SHU et le PTT à une MAT. Deux examens complémentaires peuvent permettre d’affirmer le 16 diagnostic de la MAT et donc de poser une indication d’échanges plasmatiques : la ponction-biopsie rénale (PBR) (15) et le dosage de la protéase clivant le facteur von Willebrand appelée ADAMTS 13 (16). La PBR permet de visualiser directement les lésions de la MAT, mais elle est de réalisation technique difficile, souvent contre-indiquée formellement du fait de la thrombopénie (15). Elle représente pourtant le moyen le plus sûr d’affirmer un diagnostic de SHU ou PTT en rapport avec une affection, la MAT, dont la définition est histologique ; il a été montré que le tableau clinique et biologique d’un syndrome HELLP peut simuler tout à fait un SHU ou PTT (15). Les principales lésions anatomopathologiques observées dans le syndrome HELLP et ses principaux diagnostics différentiels figurent sur le tableau II. Le syndrome HELLP est bien une micro-angiopathie gravidique mais le terme de MAT nécessite la preuve histologique de thromboses caractéristiques, ce qui n’a jamais été démontré dans le syndrome HELLP [16]. D’autre part, la découverte en 1998 de l’effondrement du taux plasmatique de la protéase ADAMTS 13 dans la MAT, secondaire à la présence d’un auto-anticorps spécifique, a permis d’écarter la nécessité, qui avait été mise en avant, de confirmer une indication des échanges plasmatiques par une PBR (17). Il a été montré que le syndrome HELLP s’accompagne, au même titre que la MAT, d’une baisse significative de l’activité ADAMTS 13 par rapport au taux de fin de grossesse normale mais de façon bien plus modérée que dans la MAT : 31 % en moyenne dans le SH (12 à 43 %) contre 71 % en fin de grossesse normale et inférieure à 5 % dans la MAT (18). De plus, il n’est pas décelé d’auto-anticorps anti-ADAMTS 13 dans le syndrome HELLP, à l’opposé de ce qui est constaté couramment dans le PTT (16). Le principal problème est que cette recherche d’activité ADAMTS 13 qui permet tout à fait de différencier un syndrome HELLP d’une MAT ne peut s’obtenir à l’heure actuelle dans le délai compatible avec la nécessité d’une décision thérapeutique immédiate que dans très peu d’hôpitaux. Un PHRC en cours (« HELLP Physiopath ») vise à étudier dans le syndrome HELLP complet du postpartum le taux d’activité ADAMTS13 immédiatement après l’accouchement et son évolution à la sortie de la Maternité en comparaison avec le taux d’activité ADAMTS13 chez des femmes sans antécédent pathologique et hospitalisées pour un accouchement au terme d’une grossesse normale, ainsi que les corrélations entre l’évolution des paramètres biologiques du syndrome HELLP (paramètres de l’hémolyse, de la cytolyse hépatique et de la thrombopénie) et celles des taux d’activité ADAMTS13 et des marqueurs anti-angiogéniques (sFlt1 et endogline). Cette étude pourrait apporter des arguments permettant de confirmer que le syndrome HELLP complet du postpartum n’est pas une forme clinique de la microangiopathie thrombotique (MAT) si le taux d’activité ADAMTS13 n’est pas trouvé effondré, et ainsi d’écarter l’idée que le syndrome HELLP complet du postpartum puisse relever d’un traitement par échanges plasmatiques intensifs, traitement qui n’est pas dénué de risques (utilisation de grandes quantités de plasma d’origine humaine). En pratique courante, on est donc conduit à faire un diagnostic de probabilité en fonction des nuances cliniques et biologiques précisées plus haut et d’appliquer dans l’immédiat le traitement symptomatique adapté à la situation rencontrée (contrôle hémodynamique et de l’hémostase, hémodialyse ou hémofiltration, ventilation mécanique, sédation…). Il n’est justifié en fait de n’entreprendre des échanges plasmatiques que de façon très exceptionnelle, en particulier dans le cas d’une hémolyse franche caractérisée par un sérum et des urines de couleur rouge porto, une forte schizocytose et l’absence des prodromes qui sont très caractéristiques de la pré-éclampsie (prise de poids récente très Session 1 Aspects cliniques de la pré-éclampsie rapide avec œdèmes diffus). Le plus souvent, une amélioration se dessine après trois jours de cap critique et permet le plus souvent d’éviter les échanges plasmatiques intensifs qui avaient été proposés il y a une quinzaine d’années (19). En ce qui concerne le diagnostic différentiel entre syndrome HELLP et la SHAG, il n’est pas étonnant qu’il soit parfois difficile de différencier sur le plan clinique et biologique les deux tableaux (11-12). Il a en effet été suggéré qu’il puisse s’agir de deux affections ayant une parenté physiopathologique : une étude a en effet montré que la ponction biopsie du foie (PBF) pratiquée chez 41 femmes ayant une PE, dont 13 PE sans cytolyse hépatique, 19 PE avec cytolyse hépatique (dont 4 avec SH complet) et 9 stéatoses dont le diagnostic était fait sur des critères cliniques (24), révélait dans tous les cas des lésions de stéatose (20). La PBF n’est donc à l’heure actuelle faite que de façon rare, d’autant que la thrombopénie peut occasionner des difficultés techniques même par voie transjugulaire : de toute façon, la suspicion de SHAG, surtout quand existe un ictère marqué avec début d’insuffisance hépatique et insuffisance rénale, impose une interruption immédiate de la grossesse et la prise en charge en réanimation (10, 11-12). III.- RISQUE DE RÉCIDIVE Pronostic après une PE Alors que l’incidence des récidives lors des grossesses ultérieures dans les PE en général est considérée comme relativement faible, elle est par contre élevée dans les PE sévères, jusqu’à 47% dans une série (21). Un groupe particulier présente un risque de récidive particulièrement élevé : il s’agit de femmes ayant présenté une PE sévère avec une hypertension et une protéinurie présentes dès le second trimestre (21-24). Dans une cohorte de 125 patientes ayant présenté une PE avant 27 semaines d’aménorrhée (SA) et suivies 17 Olivier POURRAT pendant une durée moyenne de 5 ans (21), la PE récidivait dans 65% des 169 grossesses ultérieures ; de plus, cette récidive survenait de façon précoce (32% dès le deuxième trimestre). La mortalité fœtale périnatale était également élevée (16 %) (21). Des études plus récentes ont confirmé ce risque élevé, de l’ordre de 25% (24) à 34% (22). Dans une large étude cas-témoins, ce risque relatif de récidive était d’autant plus élevé que la PE était apparue précocément : il était de 15 si la PE était apparue à la grossesse précédente entre 20 et 33 SA, 10 si elle était apparue entre 33 et 36 SA et 8 si elle était apparue après 37 SA (22). Dans une étude de 120 femmes ayant déjà eu une PE avant 34 SA, le taux de récidive de la PE était de 25 % (23). Ainsi, les patientes développant une PE sévère dans le deuxième trimestre d’une première grossesse ont un risque élevé de récidive lors des grossesses ultérieures. Pronostic après une éclampsie. Dans une série de 366 grossesses faisant suite à une grossesse compliquée d’éclampsie, une PE était observée dans 22% des cas (25). La précocité de la survenue de l’éclampsie (avant 30 SA) était un facteur notable de risque de récidive de la PE et de complications obstétricales (25). Pronostic obstétrical après un syndrome HELLP Après un syndrome HELLP sévère marqué par un taux de plaquettes inférieur à 100.000 /mm3, près de la moitié des femmes présente une récidive de pathologie vasculorénale sous forme de PE ou de syndrome HELLP (27). Cette fréquence des récidives semble particulièrement élevée si le premier épisode survient avant 32 SA. La précocité et la sévérité des signes de HELLP syndrome peuvent donc être considérés comme mar- 18 queurs pronostiques indiscutables du risque de récidive. Le risque de complications obstétricales (hématome rétro-placentaire, RCIU, prématurité, mort périnatale) chez les parturientes ayant développé un syndrome HELLP lors d’une grossesse précédente apparaît multiplié par un facteur deux, et ce d’autant qu’une hypertension est présente lors de la seconde grossesse (28). Chez les patientes hypertendues chroniques qui avaient eu un syndrome HELLP, le pourcentage de PE au cours des grossesses ultérieures atteignait 75% (28). Une étude plus récente de la même équipe a retrouvé chez 697 femmes une récidive du syndrome HELLP dans 6% des cas seulement, mais une PE dans 55% des cas, avec 53% de prématurité et 11% de mortalité périnatale (29). Au total, on peut retenir en pratique que le risque de récidive dépend plus du caractère précoce que de la sévérité de la PE et/ou du syndrome HELLP, et qu’il est d’autant plus élevé que la précocité a été grande : il est de l’ordre d’un risque sur quatre, pouvant monter à un risque sur deux en cas de PE avant 32 SA, et même de deux sur trois en cas de PE avant 28 SA. CONCLUSION Toute PE sévère nécessite une analyse rigoureuse dans le post-partum afin de rechercher une affection sous-jacente ayant pu favoriser son apparition. Le risque de récidive doit être particulièrement évalué en fonction de la précocité d’apparition de la pathologie gravidique. Enfin, la survenue d’une PE sévère et précoce représente un évènement vasculaire qu’un nombre de plus en plus élevé d’études relie à des complications rénales et vasculaires à long terme (30). Session 1 REFERENCES 1.- REDMAN CWG. Preeclampsia : a multi-stress disorder. Rev Med Interne. 2011;32 Suppl 1:S41-44. 2.- ROBERTS J.M., TAYLOR R.N., MUSCI T.J., RODGERS G.M., HUBEL C.A., McLAUGHLIN M.K. Pre-eclampsia : an endothelial cell disorder. Am J Obstet Gynecol, 1989;161:1200-4. 3.- ROBERTS J.M., REDMAN C.W. Pre-eclampsia : more than pregnancy-induced hypertension. Lancet, 1993;341:1447-51. 4.-BEAUFILS M. Hypertension artérielle gravidique. Rev Med Interne 2002;23:927-38. 5.-BERKANE N. Recommandations formalisées d’experts. Définitions et conséquences des hypertensions artérielles de la grossesse. Ann Fr Anesth Reanim 2010 ;29 :e1-e6. 6.- WEINSTEIN L. Syndrome of hemolysis elevated liver enzymes, and low platelet count : a severe consequence of hypertension in pregnancy. 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Session 1 Tableau I : lntensité des principaux signes biologiques et sanction thérapeutique du syndrome HELLP et de ses principaux diagnostics différentiels. SH PTT SHU SHAG H + à ++ ++ à +++ +++ +/- EL + à +++ 0 0 + à ++ LP + à ++ +++ +++ +/- facteur V N ou ↓ N N ↓↓ + + +++ arrêt de la échanges échanges arrêt de la grossesse plasmatiques plasmatiques grossesse Bilirubine totale Traitement ++ SH : syndrome HELLP, PTT : Purpura Thrombotique Thrombocytopénique, SHU : Syndrome Hémolytique et Urémique, SHAG : Stéatose Hépatique Aiguë Gravidique. 21 Olivier POURRAT Tableau II : Les lésions rénales et hépatiques du syndrome HELLP et de ses principaux diagnostics différentiels. HELLP SHU/PTT SHAG Rein ++ +++ (MAT) 0 (IRF) Glomérules +++ +++ 0 0* ++ à +++ 0 ++ à +++ +++ 0 + (fibrine) 0à+ +++ (stéatose) Artérioles Tubules Foie SH : syndrome HELLP, PTT : Purpura Thrombotique Thrombocytopénique, SHU : Syndrome Hémolytique et Urémique, SHAG : Stéatose Hépatique Aiguë Gravidique, MAT : Microangiopathie Thrombotique, IRF : Insuffisance Rénale Fonctionnelle * sauf en cas de SH compliquant une PE surajoutée à une néphropathie chronique. 22 D Session 1 ÉRÉGULATION DU COMPLÉMENT, ADAMTS13 ET GROSSESSE Y. DELMAS, Néphrologie - CHU Pellegrin, BORDEAUX Introduction : les microangiopathies de la grossesse Les microangiopathies (MAT) observées durant la grossesse ou dans la période post-partum regroupent plusieurs entités différentes, leur socle commun étant une atteinte de l’endothélium des petits vaisseaux avec ischémie d’aval de degré variable. Chacune de ces entités renvoie à une définition qui repose sur un ensemble de caractéristiques cliniques et biologiques qui se recoupent. Au cours des quinze dernières années, de grandes avancées ont été réalisées en matière de compréhension des mécanismes de ces syndromes : ceux-ci doivent être recherchés car la prise en charge thérapeutique préventive ou curative peut être diamétralement opposée ; l’arrêt de la grossesse n’étant pas toujours la règle. Le présent chapitre a pour but de résumer ce que l’on sait à ce jour sur la place des voies de régulation du complément d’une part, du déficit fonctionnel en activité ADAMTS13 d’autre part dans les microangiopathies observées en contexte obstétrical. Il sera abordé les éléments de discussion qui en découlent pour la pratique clinique. Prééclampsie (PE): la prééclampsie est l’association d’une HTA (pression artérielle ≥ 140 mmHg de systolique et/ou ≥ 90 mmHg de diastolique) et d’une protéinurie (>0,3 g/24h) survenant après 20 semaines d’aménorrhée (SA). La PE complique 5 à 10% des grossesses mais ce sont les formes précoces et/ou sévères qui s’accompagnent de morbi-mortalité materno-fœtale. L’éclampsie, crise convulsive tonico-clonique de type grand mal complique moins de 1% des PE. Hemolysis Elevated Liver enzyme Low Platelet syndrome (HELLP) : association d’une hémolyse mécanique avec thrombopénie de consommation et cytolyse hépatique. Le HELLP syndrome touche environ 0,5% des grossesses. La grande majorité se déclare entre 28 et 36 SA. Les critères diagnostic les plus répandus (1) sont les suivants : • • • • Anémie hémolytique mécanique : avec présence de schizocytes LDH>600 UI/L ou bilirubine>1,2 mg/dL Thrombopénie <100 G/L. ASAT>70 UI/L Le syndrome de HELLP s’accompagne de microthrombi des sinusoïdes hépatiques, d’une nécrose hépatocytaire périportale avec dépôts de fibrine. Il peut se compliquer entre autre d’insuffisance rénale aigue, d’hématome sous capsulaire, de CIVD et récidiver lors de grossesses ultérieures (2). Un diagnostic différentiel à ne pas méconnaitre est la Stéatose Hépatique Aigue Gravidique (SHAG): entité très rare estimée à 1/10000 grossesses, due à une stéatose microvésiculaire, survenant au troisième trimestre avec certaines caractéristiques clinico-biologiques distinctes du HELLP (3): vomissements, ictère, diabète insipide central, polynucléose, cholestase et ictère à bilirubine conjuguée, insuffisance rénale aigue plus marquée. A un stade plus avancé une insuffisance hépatocellulaire : hypoglycémie, baisse du TP et facteur V, antithrombine III et du fibrinogène. Le pronostic vital de la mère et de l’enfant est engagé, une extraction fœtale urgente est indiquée, (4). La physiopathologie est a priori différente du HELLP avec parfois une anomalie de la béta oxydation des acides gras fœtale à rechercher, il ne s’agit pas d’une MAT au sens anatomopathologique. 23 Y. DELMAS Purpura Thrombotique Thrombocytopénique (PTT) : tableau associant de façon variable fièvre, signes neurologiques focaux, avec hémolyse mécanique et thrombopénie de consommation. L’atteinte neurologique et les atteintes viscérales (rein, cœur notamment) en font une entité engageant rapidement le pronostic vital en l’absence de thérapeutique spécifique et notamment dans les formes auto-immunes. La transfusion plaquettaire est dans le PTT un facteur d’aggravation majeur. Syndrome Hémolytique et Urémique atypique (SHUa) : microangiopathie à tropisme rénal avec hémolyse mécanique, thrombopénie de consommation et insuffisance rénale aigue au premier plan, à diurèse variables, avec classiquement protéinurie, hématurie et HTA. L’atteinte rénale peut être associée à une atteinte cardiaque, neurologique, digestive ou d’autres organes cibles. Le caractère atypique renvoie au contexte de survenue en dehors de toute infection entéro-invasive à Escherichia Coli producteur de shiga-toxine ou infection à pneumocoque et hors cancer, médicament, VIH ou MAT secondaire. Syndrome des AntiPhosphoLipides (SAPL) : il est caractérisé par des épisodes de thromboses artérielles ou veineuses ou des complications obstétricales avec la présence d’anticorps dirigés contre des protéines liées à des phospholipides anioniques. Les complications obstétricales comportent thrombose vasculaire chez la mère, mort fœtale tardive, PE sévère et précoce, retard de croissance intra utérin sévère et fausses couches répétées. Physiopathologie : place des dérégulations du complément et du déficit en ADAMTS 13 dans les MAT de la grossesse 1 - La prééclampsie Au cours des dix dernières années, de grandes avancées ont été effectuées dans la physiopathologie de la PE (5). On peut citer : • Le défaut d’invasion trophoblastique et les anomalies de remodelage des artères spiralées. (illustré de façon très claire par S Ananth Karumanchi dans une revue du journal Kidney international en 2005, (6)). • Un déséquilibre de la balance anti/pro angiogénique en faveur d’un état antiangiogénique. Rôle prépondérant du récepteur soluble du VEGF sFlt1 qui séquestre le VEGF et le PLGF ; l’endogline soluble sENG qui diminue le TGFβ1 biodisponible (7), pouvant expliquer la dysfonction endothéliale systémique de la fin de grossesse. Les mécanismes en amont de cette libération accrue de facteurs anti-angiogéniques n’étant cependant pas clairement élucidés. • La place du métabolisme placentaire des hormones sexuelles : le déficit en 2-méthyloestradiol avec un modèle de PE chez la souris transgénique cathécolamines o methyl transférase -/- (8). Les travaux récents d’Alexandre Hertig proposant un rôle des aromatases placentaires avec déficit de la stéroïdogénèse dans la PE, proportionnel à la sévérité clinique (9). 2 - Similitude SHUa, HELLP et PTT Il n’est pas clairement établi que le HELLP soit une forme sévère de PE ou une entité séparée, notamment sur les mécanismes physiopathologiques. En effet, l’hypertension et/ou la protéinurie ne sont pas des éléments constants 24 du tableau de HELLP par définition et sur les cas observés en pratique clinique, 25% des HELLP ne sont pas protéinuriques et environ la moitié sont normotendus (10). Sous l’entité HELLP, il est possible que soient regroupées des MAT de physiopathologies distinctes, on pourrait parler des HELLP syndromes. Au cours de la grossesse, le HELLP, le PTT et le SHUa ont des modes de présentation clinique très similaires (11). Les lésions anatomopathologiques rénales ne sont pas spécifiques : celles-ci, lors des rares biopsies rénales dans des cas de HELLP retrouvent outre parfois une nécrose tubulaire, des caractéristiques de MAT identiques à celles du SHUa : turgescence, décollement des cellules endothéliales glomérulaires, lumière artériolaires diminuées, occlusion capillaire (12). Des dépôts de fibrine intraglomérulaires peuvent aussi être observés en immunofluorescence dans le HELLP. Indépendamment de la grossesse, les travaux des dernières années ont permis d’établir parmi les MAT, un parallélisme entre la présentation clinique SHUa ou PTT et des mécanismes physiopathologiques distincts, dérégulation du complément dans le SHUa, déficit en ADAMTS13 dans le PTT. Du fait de la similitude du HELLP avec les SHUa et PTT, d’autres études ont amené un éclairage nouveau sur la physiopathologie des HELLP où tout comme dans les SHUa-PTT, il semble y avoir une implication dans certains cas du complément et dans certains autres un déficit en ADAMTS13. 3 - Complément et grossesse Jusqu’à deux-tiers des cas de SHUa s’accompagnent d’une susceptibilité génétique avec la présence de mutation sur les protéines impliquées dans la voie alterne du complément. Le système du complément qui comprend des molécules solubles et membranaires joue un rôle majeur dans l’immunité innée et dans la réponse inflammatoire. Il existe trois voies Session 1 Dérégulation du complément, ADAMTS13 et grossesse d’activation du complément, la voie classique, la voie alterne et la voie des lectines (Figure 1). Une étape clef de l’activation du complément est la formation de la C3 convertase de la voie alterne, complexe bimoléculaire constitué du fragment de C3 activé et du facteur B (C3bBb) permettant une amplification exponentielle de l’activation initiale du complément. La voie alterne a la particularité de ne pas nécessiter la présence d’anticorps ou le contact avec une surface bactérienne pour s’activer. Le C3 est en permanence clivé à bas bruit par la C3 convertase alterne et cela génère du C3b à faible taux : cette activation est rapidement amplifiée en présence de bactérie, altération cellulaires de l’hôte ou d’anomalie des protéines de régulation. La régulation de la C3 convertase alterne est ainsi essentielle pour le maintien de l’homéostasie du complément dans le plasma et la protection des cellules de l’organisme de l’agression par le complexe d’attaque membranaire (le C5b-9), phase finale de l’activation du complément, qui forme un pore dans la paroi des membranes plasmiques cellulaires. L’endothélium est particulièrement exposé aux conséquences de l’activation incontrôlée du complément. Les protéines régulatrices de l’activation de la voie alterne du complément sont solubles et/ou membranaires. Les mutations des protéines du complément associées au SHUa sont principalement le facteur H, le CD46 (ou MCP pour membrane cofactor protein), le facteur I dans les protéines régulatrices (perte de fonction) et le C3 et le facteur B de la C3 convertase alterne qui sont des mutations gain de fonction qui vont stabiliser la convertase et favoriser l’emballement du complément. Une revue de 2011 par Véronique Frémeaux-Bacchi et Col. fait la synthèse de ces mécanismes physiopathologique dans le SHUa (13). Il existe également un mécanisme acquis auto-immun, avec la mise en évidence d’anticorps anti facteur H, décrit 25 Y. DELMAS essentiellement chez l’enfant, avec une association forte à une délétion homozygote des gènes des « factor H related protein », CFHR1 à 3 situés à proximité du gène dudit facteur H. Ceci souligne la susceptibilité génétique des gènes régulateurs du complément dans le SHUa. La pénétrance est cependant incomplète, de l’ordre de 50% et la présence d’une ou plusieurs mutations n’entraîne pas obligatoirement la maladie. Il existe des facteurs déclenchants retrouvés de façon inconstante dans les poussées de SHUa, avec ou sans susceptibilité génétique : infection, contexte hormonal et notamment la grossesse. Au sein du placenta, le rôle du complément est d’empêcher l’invasion de pathogène pour protéger la mère et le fœtus, mais parallèlement, le fœtus doit être protégé de l’attaque allo-immune maternelle. A l’interface materno-fœtale, trois protéines membranaires inhibitrices de l’activation du complément sont stratégiquement présentes : le CD55, CD46 et le CD59 (14). Dans un travail original rapporté en 2010 par Fadi Fakhouri et Col. (15), au sein de la cohorte française de SHUa génotypée pour les protéines de la voie alterne du complément, 100 femmes ont été identifiées. Parmi elles, une série de 21 patientes ayant présenté une poussée de SHUa en contexte obstétrical a été retrouvée et comparée à 35 femmes non nullipare ayant présenté un SHUa en dehors de tout contexte obstétrical. Parmi les 21 patientes « SHUa obstétrical », 18 d’entre elles (86%) présentaient une ou plusieurs mutation(s) des protéines régulatrices ou composant la C3 convertase alterne, 3 ne présentaient pas de mutation des facteurs H, I, CD46 ou de C3 ou B. Aucune ne présentait d’anticorps anti facteur H. La proportion globale et la répartition des anomalies génétiques sur la voie alterne du complément était similaire dans le groupe SHUa non lié à 26 la grossesse. La très grande majorité des SHUa obstétricaux sont survenus en post-partum (79%) et la survie rénale globalement très mauvaise avec 76% d’insuffisance rénale terminale, évolution péjorative indépendante du moment de survenue de la poussée par rapport à la grossesse. Cette évolution péjorative était du même ordre dans les SHUa des 35 patientes survenus hors contexte obstétrical (74% d’insuffisance rénale terminale). En considérant dans cette même cohorte 105 grossesses chez 44 patientes avec anomalie génétique de la voie alterne du complément, la survenue d’une poussée de SHUa en lien avec une grossesse était de l’ordre de 20% des grossesses, la seconde grossesse étant la plus représentée. Des complications obstétricales autres que le SHUa ont été documentées avec 4,8% de perte fœtales et 7,7% de PE, soit une proportion possiblement supérieure à celle de la population générale. Ce travail souligne entre autre l’importance de la grossesse comme facteur déclenchant du SHUa puisque retrouvé dans 21% des SHUa de la femme en France. La période critique est sans conteste le post-partum, pouvant aller jusqu’à 3 voire 4 mois. L’incidence du SHUa et du PTT est indéterminée, il s’agit dans tous les cas de pathologies très rares, une étude rétrospective sur 25 ans par une équipe de Dallas a estimé cette incidence à 1 sur 25000 grossesses (16). Du fait de la similitude de présentation du HELLP et du SHUa et des possibles chevauchements dans leur physiopathologie, Fadi Fakhouri et Col. se sont penchés sur l’existence de mutation prédisposant au SHUa parmi 11 femmes ayant présenté un HELLP avec créatinine>70µM (17). Quatre patientes sur 11 présentaient une mutation hétérozygote de protéine de la voie alterne du complément : une mutation du facteur H, deux mutations du facteur I et une mutation de CD46. Les gènes des consti- tuants de la convertase alterne n’avaient pas été étudiés. Malgré qu’il s’agisse d’une petite série et de HELLP particuliers (avec atteinte rénale), cette étude appui l’hypothèse d’un socle commun dans les mécanismes du SHUa et du HELLP syndrome ; elle ouvre le débat sur une nouvelle classification des MAT de la grossesse basée sur la physiopathologie. Le complément intervient également dans une autre MAT de la grossesse, le SAPL. Il a été montré sur des modèles murins que l’activation du complément avait un rôle effecteur clef dans le SAPL par une activation de la cellule endothéliale et l’induction d’un état prothrombotique. (18). Par ailleurs, des marqueurs d’activation du complément in situ ont été retrouvés de façon spécifique sur les anatomopathologies de placenta de femmes présentant un SAPL (19). Une étude systématique des gènes MCP, facteur H et I chez 40 femmes présentant un lupus et/ou SAPL compliqué de PE a montré une prévalence de 7 mutations hétérozygote sur 40 patientes (20), une autre étude du même groupe d’auteurs chez des patientes exemptes de maladie auto-immune mais ayant présenté également une PE a montré une proportion de mutation de 5 sur 59. Cela laisse supposer que la susceptibilité à la dérégulation de l’activation du système du complément joue un rôle dans la physiopathologie de la PE. Le rôle des héparines standard ou de bas poids moléculaire passerai entre autre par un effet régulateur sur l’activation du complément indépendamment de leur action anti coagulante (21, 22). 14% des 21 SHUa obstétricaux de la série détaillée précédemment ont été précédés de PE. On sait que le VEGF est nécessaire au maintient trophique de l’endothélium fenêtré et que les thérapies anti VEGF donnent des SHUa. Le climat anti-angiogénique de la PE participe sans doute au déclenchement de Session 1 Dérégulation du complément, ADAMTS13 et grossesse la poussée de SHUa via l’activation-altération endothéliale. Guillermina Girardi et Col. ont montré depuis plusieurs années au travers d’études fondamentales un lien entre la dérégulation du complément et le déséquilibre de la balance pro/antiangiogénique au cours de la grossesse. L’inhibition de l’activation du complément dans des modèles murins de perte ou retard de croissance du fœtus par anticorps anti-C5 ou antagoniste du récepteur C5a empêche l’augmentation de sFlt-1 et permet une grossesse non compliquée. Le facteur tissulaire, initiateur cellulaire de la cascade de la coagulation joue un rôle effecteur clef en aval de l’activation du complément. Les statines ayant la propriété de diminuer l’expression du facteur tissulaire induit par le C5a préviennent la PE dans des modèles murins : une étude est en cours chez la femme pour évaluer l’effet potentiellement favorable des statines pendant la grossesse (voir revue Girardi et Col. (23)). Les plaquettes, comme les cellules endothéliales et les polynucléaires, sont activées par plusieurs protéines ou complexes du complément dont C3a, C5a et C5b-9 (24). La frontière entre hémostase, activation cellulaire et inflammation est très étroite et tout porte à croire que le complément est une des pierres angulaires des MAT de la grossesse. 4 - ADAMTS 13 et grossesse Dès les années 80, Moake avait montré l’existence de multimères de très haut poids moléculaire du facteur Willebrand VWF dans le sérum de patients atteints de PTT (25). A la fin des années 90, des équipes de chercheurs ont mis en évidence un déficit fonctionnel de l’enzyme de clivage des multimères du VWF, A Disintegrin And Metalloprotease with ThromboSpondin type 1 domain 13 ou ADAMTS13 dans les PTT, selon un mécanisme congénital ou acquis (26, 27). La forme congénitale est autosomique récessive et survient chez des sujets homozygotes 27 Y. DELMAS ou hétérozygotes composites, la forme acquise est médiée par un anticorps inhibiteur de l’activité d’ADAMTS13 (28). Le déficit de l’enzyme de clivage du VWF va entrainer dans les petits vaisseaux où la force de cisaillement est élevée, une agrégation plaquettaire avec microthrombi obstruant les lumières artériolaires et aboutissant à une thrombopénie de consommation et une lyse mécanique par fragmentation des globules rouges au contact des thrombi : voir figure 2. Tous les organes peuvent être touchés mais la cible privilégiée est le cerveau, avec le rein et le cœur. La causalité de la déficience en ADAMTS13 dans le PTT a été démontrée chez le babouin par le déclenchement d’un tableau clinico-biologique de PTT en leur administrant un anticorps anti-ADAMTS13 bloquant (29). Cependant il est admis que l’on retrouve de façon régulière un facteur déclenchant aux poussées de PTT : infection et grossesse étant les plus incriminés. Il existe au cours de la grossesse une décroissance physiologique de l’activité ADAMTS13 à partir de la fin du premier trimestre (30, 31). Cette diminution est plus marquée chez les nullipares comparée aux autres (activité respective 65% vs 83%). Cela est lié en partie à l’augmentation du taux de VWF de l’ordre de 170% chez des femmes témoins au cours de la grossesse (32). L’activité ADAMTS13 a été étudiée chez des patientes souffrant de HELLP syndrome, comparée à des patientes prééclamptiques et femmes témoins (32). Les auteurs ont trouvé des taux de VWF significativement plus importants chez les patientes HELLP versus témoins à 339% de médiane vs 168%. Inversement, l’activité ADAMTS13 était plus basse à 74% vs 90% pour les PE et 105% chez les témoins, en restant dans la norme de 61-142%. Un travail précédent avait trouvé une médiane à 31% dans le HELLP contre 71% dans les grossesses 28 normales, 101% chez femmes non enceintes (33). La baisse de l’activité ADAMTS13 en deçà de 5% à la phase aigue semble très spécifique du PTT, en dehors des contextes de défaillance multiviscérale. Le PTT a une incidence inconnue au cours de la grossesse. Le PTT se révèle en contexte obstétrical dans 10 à 25% des cas et l’incidence de survenue prédomine aux deuxième et troisième trimestres selon les études. Dans un travail réalisé par l’équipe d’Agnès Veyradier où le diagnostic de PTT reposait sur une activité ADAMTS13 < 10% (abstract 1059 SFH 2011), Marie Moatti a montré qu’aucune caractéristique biologique ne permettait de distinguer le HELLP (n=40) du PTT (n=45) en dehors d’une hémoglobine un peu plus basse dans le PTT (7,3 vs 9,2 g/dl). Par contre, sur le plan clinique, la fièvre était plus souvent présente dans les PTT vs HELLP (24% vs 9%). Le taux de LDH et les transaminases n’étaient pas significativement différents. Dans plus de 50 cas documentés de la littérature de déficits profonds en ADAMTS13 avec poussée de PTT obstétrical, le nadir plaquettaire le plus haut sur était de 64 G/L. Sébastien Hélou (abstract 3636 SFD & SN 2011) a réalisé une étude rétrospective sur la maternité du CHU de Bordeaux où toute femme en contexte obstétrical ayant présenté une thrombopénie < 75 G/L était éligible pour un dépistage en déficit en ADAMTS13. Cette étude aboutie pour 2008 montre sur une activité de 4292 accouchements, 43 patientes avec une thrombopénie<75 G/L. Onze patientes avaient une cause établie autre qu’une MAT de thrombopénie, 6 perdues de vue. 26 dosages d’ADAMTS13 ont été réalisés et 4 patientes se sont révélées déficitaires (activité <5%) en péripartum : 3 patientes primipares (étiquetées HELLP syndrome initialement) avec un déficit constitutif et qui ont dû accoucher prématurément. Leurs enfants présentaient un retard de croissance intrautérin et les anatomopathologies placentaires montraient des lésions d’ischémie majeure. La 4ème patiente a présenté un épisode de PTT au 5ème jour du post partum avec mise en évidence d’auto-anticorps anti ADAMTS13 (taux deux fois supérieur au seuil de positivité) et des anticorps anti-noyaux au 1/500ème. Les 4 patientes ont eu une résolution spontanée de leur poussée de MAT sans aucune plasmathérapie. Les enfants de deux patientes avec déficit constitutif sont décédés en période néonatale sans stigmate de MAT. Deux patientes avec déficit constitutif ont pu à l’occasion de leur seconde grossesse recevoir avec succès une substitution par plasmathérapie pour corriger le déficit en ADAMTS13 et prévenir ainsi un nouvel épisode. Les patientes ayant un PTT avaient un nadir de plaquettes significativement plus bas à 23 G/L comparativement aux patientes thrombopéniques non déficitaires à 53 G/L (n = 22). Penser à doser l’ADAMTS13 devant une MAT obstétricale d’autant plus que thrombopénie profonde (<50 G/L), fièvre, lésions d’ischémies sévères sur le placenta, retard de croissance du bébé, à fortiori si MAT du deuxième trimestre. Dépister : les anomalies du complément si MAT avec atteinte rénale non rapidement résolutive en post-partum. En pratique aujourd’hui : quelles implications ? Traiter : la prise en charge thérapeutique curative du SHUa en climat obstétrical n’est pas différente du SHUa en général avec en premier lieu, la plasmathérapie (perfusion, échanges). La place des inhibiteurs du complément tels que l’eculizumab ou les thérapies de substitution comme le facteur H recombinant n’a pas été abordée dans le SHUa obstétrical, sachant qu’un passage transplacentaire est plausible bien qu’il s’agisse de thérapies prometteuses hors grossesse. Le débat reste ouvert quand à la prise en charge des femmes porteuses ou apparentées à un/une patient(e) porteur d’une mutation sur les gènes codant pour les protéines de la voie alterne du complément et qui souhaitent un enfant, qu’elles aient ellemême déjà un antécédent de complication vasculorénale de la grossesse ou non. Une information individualisée et la surveillance accrue tout au long de la grossesse des paramètres d’hémolyse, plaquettes, de la fonction rénale et de la protéinurie semblent indiquées. Il n’existe pas aujourd’hui de recommandation pour une plasmathérapie préventive en postpartum qui n’est pas sans risque (procédure et produits sanguins labiles) pour un bénéfice hypothétique. Les travaux sur les troubles de la régulation du complément et portant sur les déficits en activité ADAMTS13 au cours de la grossesse sont récents et n’ont pas assez de recul pour que des recommandations collégiales aient vu le jour. On peut cependant aborder quelques points ouverts à discussion. Prévention : Si déficit en ADAMTS13 acquis, il est recommandé d’attendre une rémission avec normalisation de l’ADAMTS13 et de se situer à distance du traitement par rituximab pour envisager une grossesse (CNR MAT). La ciclosporine A ou l’azathioprine ont pu être Il semble au vu de notre expérience et des cas rapportés dans la littérature que dans les formes de déficit congénital en ADAMTS13, le PTT survient dans une forme plus ou moins sévère dans 100% des cas (34). La prévalence du déficit en ADAMTS13 est sans doute sous estimée. La prédominance parmi les PTT de la forme auto-immune ne fait aucun doute chez l’adulte mais elle n’est peut-être pas aussi massive qu’on le croit jusqu’à présent (90%). Session 1 Dérégulation du complément, ADAMTS13 et grossesse 29 Y. DELMAS utilisé dans la littérature (35) et chez une de nos patiente avec succès. La plasmathérapie substitutive en prophylaxie sera systématiquement indiquée si déficit en ADAMTS13 congénital. Le protocole de substitution en plasma a été suivi à Bordeaux avec succès chez deux patientes sur le mode suivant: 1er trimestre: 20 ml/kg/14j_2e trimestre: 20 ml/ kg/7j_3e trimestre: 30 ml/kg/7j ou échanges_ Post partum: 10 à 20 ml/kg J1, J2. Surveillance rapprochée de l’hémogramme, des paramètres d’hémolyse, transaminases et de la protéinurie en plus du suivi classique obstétrical. Conclusion Le HELLP est bien un syndrome avec des mécanismes physiopathologiques différents faisant intervenir les voies de régulation du 30 complément, l’hémostase primaire avec l’ADAMTS13, avec encore beaucoup de zones d’ombres. Le PTT et le SHUa nécessitent la mise en place rapide d’une plasmathérapie, la délivrance n’étant a priori pas le traitement de première intention si cela survient précocement. En dehors du dosage d’ADAMTS13 il n’existe pas de moyen discriminant solide pour distinguer un PTT d’un HELLP. La résolution spontanée du tableau au décours de la délivrance placentaire ne doit pas faire éliminer un déficit congénital voire acquis en ADAMTS13, sur une forme frustre. La consultation du post-partum joue un rôle déterminant dans les dépistages d’anomalie du complément ou déficit en ADAMTS13 dans la mesure où la prophylaxie et la mise en place d’une plasmathérapie très précoce avec une surveillance étroite peut transformer le pronostic des grossesses de ces patientes. 1. Sibai BM. The HELLP syndrome (hemolysis, elevated liver enzymes, and low platelets): much ado about nothing? Am J Obstet Gynecol 1990; 162: 311-316. 2. Sibai BM, Ramadan MK, Usta I, Salama M, et al. Maternal morbidity and mortality in 442 pregnancies with hemolysis, elevated liver enzymes, and low platelets (HELLP syndrome). Am J Obstet Gynecol 1993; 169: 1000-1006. 13. 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En l’absence d’ADAMTS13, l’agrégation plaquettaire médiée par le VWF s’amplifie jusqu’à obstruer les microvaisseaux et entrainer le PTT. 33 NOTES NOTES NOTES NOTES NOTES SESSION 2 Les complications de la grossesse Place de l’expectative dans la prise en charge de la pré-éclampsie Page41 B. HADDAD Le bilan de thrombophilie de la femme ayant présenté une éclampsie/pré-éclampsie au cours de la grossesse Page 43 C. TERNISIEN Les complications cardio-vasculaires à long terme chez les femmes ayant présenté une pré-éclampsie A. HERTIG Page 51 P LACE DE L’EXPECTATIVE DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA PRÉÉCLAMPSIE B. Haddad - CHI Créteil, université Paris 12, Fondation PREMUP Résumé Session 2 Très peu d’études sont disponibles pour juger de l’utilité et la faisabilité de l’expectative dans le cadre d’une prééclampsie, particulièrement lorsqu’elle est sévère et précoce ; et encore moins pour établir des critères clairs d’arrêt de la grossesse chez une patiente ayant une prééclampsie. La grande majorité des études est soit rétrospective, soit observationnelle. L’analyse des données de la littérature et les avis d’experts permettent de suggérer des critères d’arrêt de la grossesse, leurs absences suggérant le maintien de la grossesse. Ces critères s’intéressent essentiellement à la PE sévère. Certaines des indications de l’arrêt de la grossesse sont maternelles : une hypertension sévère non contrôlée, une éclampsie, un oedème aigu du poumon, un hématome rétroplacentaire, une oligurie (< 100 mL / 4 heures) persistante malgré un remplissage vasculaire, des signes d’imminence d’une crise d’éclampsie (céphalées ou troubles visuels persistants), une douleur épigastrique persistante, un HELLP syndrome, une insuffisance rénale de novo, ou un terme inférieur à 24 ou supérieur à 34 semaines d’aménorrhée. D’autres indications sont fœtales : la présence de décélérations prolongées ou variables sévères ou une variabilité à court terme < 3 ms, un score de Manning ≤ 4 à 2 reprises, un oligoamnios sévère, une estimation du poids fœtal < 5ième percentile, au-delà de 32 semaines d’aménorrhée, une diastole ombilicale artérielle inversée, au-delà de 32 semaines d’aménorrhée. Très récemment, nous avons pu établir que les patientes ayant une PE sévère associée à une hypotrophie fœtale sévère à moins de 26 SA avaient un pronostic fœtal catastrophique, suggérant une abstention de l’expectative dans cette situation. En cas de PE peu sévère, l’arrêt de la grossesse doit être envisagé au-delà de 36 SA. 41 L A THROMBOPHILIE BIOLOGIQUE EST –ELLE UN FACTEUR DE RISQUE DE PRÉ-ÉCLAMPSIE ? Dr Catherine Ternisien - CRTH/Laboratoire d’Hématologie, CHU Nantes La thrombophilie biologique désigne un ensemble d’anomalies moléculaires constitutionnelles ou acquises entraînant un risque accru de thromboses veineuses et/ou artérielles. Parmi les thrombophilies constitutionnelles, on distingue les déficits en inhibiteurs de la coagulation (Antithrombine, Protéines C et S), la résistance à la protéine C activée par mutation du F V Leiden (R506Q), la mutation G20210A du gène de la prothrombine et l’hyperhomocystéinémie impliquant un variant homozygote de la MTHFR. La fréquence de ces anomalies est variable dans la population générale et chez des patients avec maladie thromboembolique veineuse (1). La thrombophilie biologique acquise est essentiellement représentée par le syndrome des antiphospholipides (SAPL). Si les thrombophilies biologiques majorent sans aucun doute le risque de thrombose veineuse au cours de la grossesse, elles pourraient également repré- senter un facteur de risque de pathologie vasculaire au cours desquelles sont fréquemment décrites les lésions placentaires thrombotiques et ischémiques. Cette hypothèse a fait l’objet de nombreux travaux. Session 2 Les pathologies vasculaires placentaires (PVP) dont la pré- éclampsie regroupent les pathologies obstétricales supposées liées à une origine ischémique placentaire. La Prééclampsie (PE), définie par l’association chez une femme enceinte d’une hypertension artérielle et d’une protéinurie, a une incidence d’environ 3% en population non sélectionnée. Les travaux la concernant sont nombreux cependant la physiopathologie de cette entité reste encore incertaine. Son origine est probablement multifactorielle. Plusieurs FDR sont actuellement reconnus comme l’HTA et certaines maladies de système en particulier lorsqu’il existe une atteinte rénale. D’autres telles que les thrombophilies biologiques ont largement été explorées au cours de ces dernières années mais restent sujet à controverse. Durant les 20 dernières années, plus de 70 études incluant plusieurs méta-analyses ont été menées pour essayer de définir l’association entre thrombophilie et PE. La première étude rapportant cette association est celle de Dekker en 1995 (2). Une étape importante fut ensuite la parution de l’article de Kupferminc en 1999 (3) où l’auteur conclut que la thrombophilie prédispose aux PVP. Il s’agit d’une étude rétrospective dans laquelle on compare la prévalence de la thrombophilie constitutionnelle ou acquise chez 110 femmes présentant une PVP par rapport à un groupe témoin de 110 femmes avec grossesse normale. Une thrombophilie est retrouvée chez 65% des grossesses compliquées d’une PVP et chez 18% des femmes enceintes du groupe contrôle (OR = 8,2 IC 95% (4.4-15.3). Dans une autre étude cas contrôle publiée par le même groupe (4) l’incidence des thrombophilies constitutionnelles (V leiden, gène prothrombine, MTHFR) est de 56% dans le groupe PE sévère et de 19% dans le groupe contrôle ; l’incidence des thrombophilies constitutionnelles et acquises est respectivement de 67% et 20% suggérant un risque multiplié par 8. En conclusion, les auteurs recommandent de faire un dépistage de la thrombophilie chez toute patiente ayant eu une PVP. Depuis le report de ces études, la thrombophilie biologique dans le domaine de la PE a largement été associée dans des études cas – témoin ou prospectives (5). Dans les études supportant l’association thrombophilie et PE au moins 43 Catherine TERNISIEN une thrombophilie biologique est retrouvée chez 40 à 72% des patientes avec PE versus 8 à 20% chez les femmes avec grossesse normale (6). Une revue de la littérature incluant 25 études (n = 11 183) publiées de 1995 à 2002 (7) trouve que le risque de PE est significativement associé au facteur V Leiden, à la mutation du gène de la prothrombine, à la MTHFR, à la présence d’ac anticardiolipine et à l’hyperhomocystéinémie; cependant on note une grande hétérogénéité dans les études sur le V leiden où PE modérées et sévères ont été inclues. Depuis 2002, des résultats contradictoires ont été publiés (8- 11). Alfirevic (12) à partir de 18 études rapporte une prévalence significativement augmentée de la mutation du facteur V Leiden, de la mutation du gène de la prothrombine et du polymorphisme MTHFR avec cependant un sur - risque faible (OR respectifs : 1.6, 2.4 et 1.7) ; le risque lié à la protéine C et S est plus net (OR respectifs : 21.5 et 12.7) ; les auteurs soulignent cependant un test d’hétérogénéité significatif entre les études. Quant à Morrison et al (13), ils analysent 404 grossesses compliquées de PE à partir du registre d’Aberdeen et 26 études précédemment publiées : aucun des marqueurs génétiques étudiés n’est un facteur de risque de PE ; cependant lorsque sont analysés séparément les PE sévères, la mutation du facteur V Leiden et le polymorphisme MTHFR ont une prévalence significativement augmentée ; le risque relatif induit par chacune de ces deux thrombophilie est très comparable au risque rapporté par Alfirevic (V Leiden : OR 2.84 ; MTHFR : OR = 1.5). Une méta - analyse publiée par Lin en 2005 (14) regroupant des études cas contrôles conclut que la mutation du F V leiden est associée à une augmentation significative du risque de PE ; l’OR est de 1.81 pour toutes les PE confondues et de 2.24 pour les PE sé44 vères. En revanche la mutation du gène de la prothrombine et le polymorphisme de la MTHFR ne sont pas associés de manière significative. Les auteurs soulignent également un test d’hétérogénéité significatif entre les études. Une grande étude observationnelle prospective (13) ne trouve aucune association entre la prévalence du F V Leiden (3.7%) et la survenue d’une PE comparés aux contrôles (3% ; RR : 1.3 ; IC 95% 0.4-2.8, p = 0.60). Une augmentation de la prévalence du polymorphisme homozygote de la MTHFR et d’une hyperhomocystéinémie avait été rapportée dans des études antérieures (16) mais non confirmé par la suite (17). La plus grande étude cas contrôle publiée par Mello (18) avait pour but de déterminer si la thrombophilie augmentait le risque de PE ou interférait sur son évolution. L’étude a porté sur 808 patientes de race blanche avec PE et 808 contrôles appariés en âge et parité. Les patientes avec PE sévère ont un risque élevé (OR : 4.9 ; IC 95% : 3.5–6.9) d’être porteuses d’une thrombophilie constitutionnelle ou acquise (à l’exception d’un déficit en AT, PC ou PS). Chez les patientes avec PE modérée, seule la prévalence du gène de la prothrombine et celle de la MTHFR sont significativement plus élevées que celles des contrôles. Les patientes avec PE sévère porteuse d’une thrombophilie sont à risque augmenté de développer une IR aiguë (OR 1.8), une CIVD (OR : 2.7), un HRP (OR 2.6) par rapport aux patientes avec PE mais sans thrombophilie. De plus la survenue d’une PE précoce avant 28 semaines de gestation est plus fréquente chez les patientes avec thrombophilie. Au total, 50.7% des patientes avec PE sévères ont une thrombophilie constitutionnelle (37.9%) ou acquise (12.8%) comparé à 17.2% du groupe contrôle (thrombophilie constitutionnelle : 13.5%, acquise 3.7%). La Thrombophilie biologique est–elle un facteur de risque de pré-éclampsie ? Au total, les études recherchant une association entre thrombophilie constitutionnelle et PE rapportent des résultats contradictoires. On peut cependant remarquer que les études positives sont les plus anciennes. Souvent rétrospectives elles ont surtout évalué l’influence de la mutation du F V Leiden sur des cohortes de PE de faible taille. La discordance des résultats est en fait liée à plusieurs facteurs qui dépendent de la qualité méthodologique des études, des populations recrutées, des différences de prévalence des thrombophilie en fonction de l’origine géographique des patientes et des critères d’inclusion essentiellement. En conclusion, la thrombophilie constitutionnelle n’apparait pas un facteur de risque de PE. En revanche, elle majore le risque de PE sévère et précoce (18). Session 2 L’association thrombophilie et PE a récemment été réévaluée dans une méta - analyse d’études prospectives de cohorte (8, 9). Le facteur V leiden n’augmente pas de manière significative le risque de PE (OR : 1.23) de même que la mutation du gène de la prothrombine à l’état hétérozygote ou homozygote (OR : 1.25). Il n’existe pas d’hétérogénéité statistiquement significative entre les études. Enfin, dans une étude récente canadienne prospective, la « Montreal pre-eclampsie study » incluant 5337 patientes (19), 113 patientes ayant développé une PE ont été comparées à 443 patientes sans PE ni HTA gravidique. Les thrombophilies (Facteur V leiden, mutation du gène de la prothrombine et MTHFR) ne sont pas plus fréquentes chez les patientes avec PE par rapport à la population contrôle examinées de façon collective (patients : 14.3%, contrôles 20.6% ; OR : 0.6 ; IC 95% 0.3-1.3) ou de façon individuelle. Des résultats similaires sont retrouvés chez les patientes avec une PE précoce ou sévère. Une hypoperfusion placentaire attestée par l’examen anatomopathologique est présente chez 63% des patientes versus 46% des contrôles et n’est pas associé à une thrombophilie ; les limites de cette étude sont représentées par la définition de la PE, l’absence de stratification de la population sur l’ethnie et le non dépistage des autres thrombophilies constitutionnelles ou acquises. De même, il n’a pas été retrouvé de lien de causalité entre le Facteur V Leiden, la mutation du gène de la prothrombine et la MTHFR et la PE dans une grande étude épidémiologique brésilienne portant sur 3020 patientes (20). Thrombophilie et risque de récidive Un taux de récidive de PE est rapporté entre 13 et 65% dans la littérature. Il existe très peu d’études s’intéressant à la fréquence des récidives après un premier épisode de PVP chez les patientes porteuses d’une thrombophilie. Dans une étude récente observationnelle de cohorte l’impact de la thrombophilie constitutionnelle ou acquise sur le taux de récidive a été étudiée (21). 172 femmes de race blanche avec antécédent de PE ont été suivies pour une grossesse ultérieure. 60 patientes (34,9%) présentaient une thrombophilie et 112 contrôles (65.1%) ne présentaient pas de thrombophilie. Une thrombophilie était associée de manière significative à une récidive de PE (46.7% versus 25.9%, p = 0.01). Alors que la forme modérée de PE survient de façon indépendante à une thrombophilie, ce n’est pas le cas pour les PE sévères (OR 6.5). Dans la sous population de patientes avec antécédent de PE sévère le taux de récidives était 5 fois supérieur chez les patientes porteuses d’une thrombophilie comparé aux patientes non thrombophiliques (44.4% versus 9.3%, OR 7.35). A noter que 52 des 172 patientes recevait une prophylaxie par aspirine ou HBPM ou les deux. A l’inverse une étude française (22) et hollandaise (23) ne retrouve pas d’association entre récidive de PE et thrombophilie. Ces discordances peuvent s’expliquer par la faible puissance des études, par le rôle possible de 45 Catherine TERNISIEN l’aspirine et la non recherche de la mutation du gène de la prothrombine et de la MTHFR dans l’étude hollandaise. SAPL et PE Il n’est plus aujourd’hui question de remettre en cause la relation directe entre anticorps antiphospholipides (apl) et complications obstétricales. La définition internationale du SAPL (24) comporte de fait : l’association d’un critère biologique persistant sur deux prélèvements séparés de 12 semaines (Lupus anticoagulant, ac anticardiolipine, ac anti β2 Glycoprotéine I) et d’un critère clinique (thrombose micro ou macro vasculaire veineuse et/ou artérielle ou pathologies obstétricales). Les accidents obstétricaux du SAPL sont définis par une ou plusieurs pertes fœtales après 10 semaines de grossesse d’un fœtus de morphologie normale, une ou plusieurs naissances prématurées avant 34 semaines liées à une PE ou à une PE sévère ou à une PVP, enfin au moins 3 fausses couches spontanées avant la 10ème semaines en l’absence d’anomalies chromosomique parentale ou d’anomalie anatomique ou hormonale maternelle. L’analyse des femmes de la cohorte européenne regroupant 820 patientes ayant un SAPL, soit 590 femmes ayant eu au moins une grossesse, indique cependant que 437 d’entre-elles soit 74.1% ont eu un enfant vivant (25). Les principales complications maternelles étaient la PE (9.5%), l’éclampsie (4.4%), l’hématome rétro-placentaire (2%). Les principales complications fœtales étaient des pertes fœtales précoces (35.4% des grossesses), des pertes fœtales tardives (16.9% des grossesses) et des accouchements prématurés (10.6% des enfants vivants). Dans la majorité des études, la présence d’apl est significativement plus fréquente chez les patientes pré-éclamptiques (11-17%) que dans les grossesses normales (26, 27). Plusieurs études de 46 cohorte rapportent que le risque de PE est augmenté chez la femme en présence d’apl. Son incidence est d’autant plus élevée que la PE est sévère et précoce (28,29). Cependant Dreyfus (30), dans son étude cas témoin de puissance suffisante ne retrouve pas de caractère prédictif sur la survenue de la PE à la présence d’apl (Or : 0.95, IC 95% : 0.45-2.62). Par ailleurs, la valeur prédictive des apl vis-à-vis de la récidive d’accidents vasculo - placentaires graves a été analysée par Branch (31) chez 317 femmes ayant développé une PE lors d’une grossesse précédente. Les différents apl étaient dosés sur de prélèvements réalisés entre la 13ème et 26ème semaine de grossesse. 20% des femmes ont eu une récidive de PE, 6% une PE sévère et 5.8% un RCIU. Branch conclut que les apl détectés ne sont pas associés avec un risque de récidive de PE et qu’il n’est pas intéressant de les rechercher afin de prédire une récidive de PE. Ces données parfois contradictoires peuvent être expliquées par les aléas des définitions anciennes du SAPL, selon en autre le titre d’anticorps ce qui a conduit à repréciser la définition. Faut-il faire un bilan de thrombophilie en cas de survenue d’une PE ? Cette question est difficile et reste aujourd’hui non tranchée. Il faut noter qu’en l’absence d’ATCD thrombotique veineux la nécessité de ce bilan est discutable. Tout d’abord parce que les résultats publiés dans la PE sont discordants et donc leur rentabilité est contestée ; ensuite parce qu’aucune étude n’a permis d’affirmer qu’une thrombophilie entrainera des attitudes thérapeutiques permettant de réduire le risque de récidive. Seule la découverte d’apl à des taux significatifs débouche, en revanche, de façon consensuelle sur la prescription d’une prophylaxie antithrombotique +/- aspirine lors d’une grossesse ultérieure. La Thrombophilie biologique est–elle un facteur de risque de pré-éclampsie ? Au total, un bilan de thrombophilie apparait souhaitable si la PE a été précoce ou récidivante ou bien s’il existe de ATCDs personnels ou familiaux de maladie thrombo-embolique veineuse. La découverte d’une thrombophilie constitutionnelle ou acquise justifie les précautions habituelles dans les situations connues pour augmenter le risque thrombotique. La positivité du bilan impose un avis spécialisé pour délivrer les consignes de prophylaxie. Conclusion Les faibles prévalences dans la population générale des anomalies biologiques caractérisant la thrombophilie constitutionnelle et des pathologies obstétricales telle que la PE entraînent une certaine difficulté à prouver une relation statistique significative entre une anomalie biologique héréditaire et la PE. Les thrombophilies constitutionnelles prises isolément ne sont pas des facteurs de risque de PE mais majorent le risque de PE sévère. En revanche, les anticorps antiphospholipides sont des FDR indépendants de complications obstétricales dont la PE. Le dépistage de ces anomalies reste actuellement controversé. Les résultats d’études prospectives seront indispensables pour réévaluer les données actuellement disponibles et guider la prise en charge de ces patientes. Session 2 Les recommandations anciennes de l’ANAES publiées en 2003 (32) ainsi que la 7ème conférence de l’ACCP de 2004 (33) recommandaient un bilan de thrombophilie à la recherche d’anomalies constitutionnelles ou acquises aux patientes aux ATCDs de PE précoce ou sévère ou bien récidivante. En revanche, la 8ème conférence de consensus publiée par l’ACCP en 2008 (34) recommande uniquement la recherche d’apl chez une patiente avec ATCD de PE sévère ou récidivante. Le Groupe de travail « Grossesse et thrombose » (35) soutient, en revanche, la réalisation d’un bilan complet de thrombophilie chez les patientes aux ATCDs de PE sévère avant 34 semaines. 47 Catherine TERNISIEN BIBLIOGRAPHIE 1.Benedetto C, Marozio L, Tavella AM et al. Coagulation disorders in pregnancy: acquired and inherited thrombophilias. Ann N Y Acad Sci. 2010; 106-117. 2.Dekker GA, de Vries JI, Doelitzsch PM et al. Underlying disorders associated with severe early-onset preeclampsia. 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Am J Obstet Gynecol 2007; 197 (5): 457, e1-e21. 49 50 L ES COMPLICATIONS CARDIO-VASCULAIRES A LONG TERME CHEZ LES FEMMES AYANT PRESENTÉ UNE PREECLAMPSIE Introduction Les faits La préeclampsie est un syndrome maternel à trois temps. D’abord (vers la douzième semaine d’aménorrhée) un défaut toujours incompris d’invasion des artères utérines par les trophoblastes extravilleux induit une ischémie subintrante du placenta, parfaitement silencieuse. Ensuite (après la vingtième semaine) vient le temps de l’expression clinique du syndrome, expliqué par la circulation à une concentration excessive de facteurs dits anti-angiogéniques produits justement par le placenta ischémique, et perturbant fortement l’organe endothélial maternel jusqu’au terme – souvent précipité - de la grossesse. Enfin, comme après une parenthèse enchantée qui est souvent de plusieurs années, surviennent plus souvent qu’attendu des complications cardiovasculaires. C’est un véritable éventail, qui va de l’hypertension artérielle à la mort, en passant par la claudication des grands axes artériels : accident vasculaire cérébral, insuffisance coronarienne, et artérite oblitérante des membres inférieurs. On ignore toujours si ce risque cardiovasculaire précède (et pourquoi pas explique) la préeclampsie, ou si au contraire la préeclampsie laisse une empreinte définitive et morbide sur l’endothélium de la mère. C’est au sens littéral la question de l’oeuf et de la poule. Ce n’est pas le moindre des mystères que cette souffrance endothéliale se répercute jusque chez l’enfant né en contexte de préeclampsie. Lui aussi présentera un taux inhabituel de complications cardio-vasculaires. L’analyse rétrospective et parfois prospective de cohortes en population générale, comparant le plus souvent des patientes ayant accouché dans un contexte normal, à celles ayant accouché dans un contexte de préeclampsie, avec un recul supérieur à 10 ans, montre qu’un antécédent de préeclampsie est associé à un surrisque significatif d’hypertension artérielle (x3.7), d’artérite oblitérante (x3), de cardiopathie ischémique (x2.16), d’accident vasculaire cérébral (<1.19), et de mort toutes causes confondues (x1.49). Ce surrisque concerne aussi bien les patientes caucasiennes qu’africaines. Il est particulièrement élevé chez les patientes ayant une préeclampsie précoce et/ou récidivante. L’âge moyen du premier évènement cardiovasculaire, dans la cohorte la plus large (1.03 million de patientes suivies au Canada) était de 38.3 ans. Session 2 Alexandre Hertig - Urgences Néphrologiques et Transplantation Rénale, Hôpital Tenon, Paris Une seule étude (européenne et rétrospective) a établi le pronostic cardiovasculaire à long terme des enfants nés dans un contexte de préeclampsie. Il y apparait que la préeclampsie sévère est un facteur de risque d’hypertension artérielle (x1.5) et d’accident vasculaire cérébral ischémique (x2.5) pour la descendance. La préeclampsie non sévère est egalement associé à un surrisque d’accident vasculaire cérébral, mais hémorragique (x3.2). L’hypertension artérielle gravidique isolée (sans protéinurie) est un facteur de risque d’hypertension artérielle (x1.3) et d’accident vasculaire cérébral ischémique (x1.5). Cette étude ne montre pas de lien entre la préeclampsie et la cardiopathie ischémique (seulement une tendance). 51 Alexandre HERTIG Les pistes physiopathologiques Il faut, avant toute discussion, tenir compte de deux limites majeures dans l’interprétation de ce surrisque cardiovasculaire associé à la préeclampsie. D’une part les études de référence n’ont pas inclus un groupe contrôle important, celui des femmes n’ayant pas eu d’enfants. Si une grossesse normale diminue le risque cardiovasculaire, alors les préeclamptiques auront été comparées à une population qui comporte un biais et surestime le risque. D’autre part il n’y a pas d’étude qui ait, en population générale, ajusté le risque cardiovasculaire aux facteurs de risque cardiovasculaires présents avant la conception. Par conséquent il est aujourd’hui impossible de distinguer la poule de l’œuf. Ces réserves émises, on constate que les patientes ayant des facteurs de risque cardiovasculaires traditionnels avant la grossesse sont – par rapport à la population générale, et à l’exception du tabagisme, toujours protecteur – plus à risque de développer une préeclampsie : c’est ainsi vrai du surpoids (x1.2 à 1.8 avec un effet « dose-dépendant »), de la pression artérielle systolique (x2.1 à 9, là aussi avec un effet dose), diastolique (x1.9 à 6.5, idem), de l’hypercholestérolémie non HDL (x1.7 à 2.7, idem), et du diabète (x2). Il est donc tentant de proposer que la préeclampsie survient sur ou est favorisée par un terrain maternel de dysfonction endothéliale au sens large, que la grossesse révèle, comme le ferait une sorte d’épreuve de stress. Il existe une alternative, à première vue intriguante mais qui est soutenue par le suivi au long cours des enfants nés en contexte préeclamptique. C’est que la préeclampsie impose un stress qui laisse une empreinte durable, et transmissible, au réseau vasculaire de la mère et de l’enfant. Il est ainsi possible que des modifications épigénétiques soient induites 52 dans les cellules maternelles et fœtales par la préeclampsie. Les conséquences à en tirer dans le suivi des femmes préeclamptiques et de leurs enfants En l’absence de données physiopathologiques claires sur le risque cardiovasculaire au long cours, et d’études interventionnelles sur ce risque particulier, force est de s’en tenir à une approche traditionnelle, qui vise à dépister – et bien sûr à éradiquer le cas échéant – les facteurs de risque habituels. Il est ainsi, a priori, utile qu’une consultation du post-partum ait lieu, d’abord pour délivrer une information : la préeclampsie témoigne d’une « fragilité » vasculaire qui justifie un suivi simple mais prolongé. Il faut expliquer que si le tabac diminue le risque de préeclampsie, il est à terme la source d’une grande morbidité vasculaire. Rechercher une dyslipidémie, un diabète, ou une hypertension artérielle persistante, et enfin donner des conseils hygiéno-diétetiques, visant notamment au maintien d’un indice de masse corporelle normal. Il n’y a pas de recommandations précises des sociétés savantes sur la fréquence de ce suivi. Nous avons proposé que la pression artérielle soit surveillée de façon annuelle, et les facteurs de risque métaboliques tous les cinq ans. Pour l’enfant, la conduite à tenir est beaucoup plus difficile à définir. On ignore si le surrisque cardiovasculaire est de nature génétique ou épigénétique. Mais la théorie dite de Barker (« Developmental Origin of Health and Disease ») a été vérifiée : plus généralement, chez les enfants nés prématurément et hypotrophes, une adaptation a eu lieu pendant la vie embryonnaire qui a des conséquences dramatiques si l’enfant est placé dans un environnement de type pléthorique. Il est donc peut-être utile de préconiser, pour les Les complications cardio-vasculaires a long terme chez les femmes ayant presenté une preeclampsie Conclusion Les patientes accouchant prématurément d’un enfant hypotrophe dans un contexte de préeclampsie sont à haut risque de complications cardiovasculaires plus tard dans leur existence. Dans l’ignorance où nous sommes, le minimum que l’on puisse proposer est un dépistage des facteurs de risque traditionnels, au premier rang desquels l’hypertension artérielle, ainsi que des recommandations de nature hygiéno-diététique. Les enfants quant à eux doivent être autant que possible tenus à l’écart de la suralimentation. Que les mécanismes en jeu soient de nature génétique ou épigénétique, la préeclampsie soumet l’endothélium de la mère et de l’enfant à un stress qui est beaucoup moins réversible qu’il n’y parait. Session 2 mères ayant accouché dans un contexte de préeclampsie sévère compliquée de retard de croissance intra-utérin, une alimentation « saine » pour l’enfant, et d’insister sur la prévention du surpoids. 53 NOTES NOTES NOTES SESSION 3 La grossesse au cours de la maladie rénale La grossesse en dialyse Page 59 La grossesse après transplantation rénale Page 67 Grossesse et insuffisance rénale : le point de vue de l’obstétricien Page 75 La grossesse au cours des maladies auto-immunes Page 83 La grossesse au cours du diabète Page 91 Microchimérisme et grossesse Page 95 C. GAUDRY M. HOURMANT A. BENACHI A. MASSEAU E. LARGER L. ALBANO L A GROSSESSE CHEZ LA FEMME DIALYSEE Dr Catherine GAUDRY, Centre Hospitalier Sud Francilien, 91014 EVRY L'augmentation de fréquence des grossesses est probablement liée en partie à l'amélioration de son pronostic, qui la rend plus acceptable, et conduit à un recours moins fréquent à l'interruption thérapeutique. Mais c'est surtout l'amélioration des conditions de dialyse qui en est responsable, en permettant la réapparition de cycles ovulatoires, ce qui rend possible la survenue d'une grossesse. Il est donc essentiel d'en parler avec les patientes en dialyse, afin de leur prescrire une contraception si elles ne souhaitent pas de grossesse. Si une grossesse est envisagée, on modifiera le traitement en arrêtant si c'est possible tous les médicaments contre-indiqués pendant la grossesse (médicaments du système rénineangiotensine notamment, mais aussi antivitamines K ou statines). Il est en particulier essentiel de stabiliser la pression artérielle avec des médicaments qui pourront être poursuivis en cas de grossesse (inhibiteurs calciques et certains bêta-bloquants notamment). La fréquence des fausses-couches spontanées, précoces ou tardives, est importante ; elle est sans doute sous-estimée au premier trimestre, car le diagnostic de grossesse reste souvent tardif, même dans les publications récentes. Chez ces femmes qui n'ont pas de règles régulières et qui ne pensent pas pouvoir être enceintes, chez lesquelles des nausées sont banales, c'est parfois une prise de poids inexpliquée ou une soudaine mauvaise tolérance des dialyses qui permet le diagnostic. Celui-ci sera fait sur le dosage des bêta HCG, qu'il ne faut pas hésiter à demander au moindre doute, et bien sûr l'échographie. Les tests urinaires sont évidemment sans valeur. Session 3 40 ans se sont écoulés depuis que Confortini (1) a rapporté pour la première fois une grossesse survenue chez une femme dialysée. Depuis, les publications se sont multipliées, y compris dans des pays où le développement de la dialyse est récent (2,3). On constate une nette augmentation de la fréquence de cet événement, mais surtout une amélioration très importante de son pronostic : le pourcentage de grossesses aboutissant à la naissance d'un enfant vivant est passé de 40 % en 1993 à 80 % dans les publications les plus récentes (414). De plus, la naissance à terme d'un enfant de poids normal est maintenant loin d'être exceptionnelle, alors que il y a 20 ans, tous les enfants étaient prématurés et hypotrophes. Des grossesses ont été décrites quels que soient le temps passé depuis la mise en route de la dialyse, la méthode de dialyse (hémodialyse, hémodiafiltration ou dialyse péritonéale), la pathologie responsable de l'insuffisance rénale, et qu'il existe ou non une diurèse résiduelle. Complications maternelles La plus fréquente est l'hypertension artérielle, qui peut être sévère en particulier chez des femmes hypertendues avant la grossesse. Elle est souvent très volodépendante, et sera très difficile à stabiliser en cas de participation d'une surcharge hydrosodée. Les possibilités thérapeutiques au cours de la grossesse sont assez limitées, puisqu'on ne peut utiliser que certains inhibiteurs calciques (Nicardipine et Nifédipine notamment), certains bêtabloquants (Labétalol, Propranolol et Oxprénolol notamment), certains antihypertenseurs centraux (Méthyldopa en particulier). Les médicaments du système rénine 59 Catherine GAUDRY angiotensine (inhibiteurs de l'enzyme de conversion, antagonistes des récepteurs de l 'angiotensine II et probablement inhibiteur de la rénine) sont formellement contre-indiqués pendant toute la grossesse, car responsables d'oligoamnios voire d'anamnios, et d'atteintes de l'appareil urinaire foetal, avec anurie néonatale pas toujours réversible. Ils ont également été accusés d'un effet tératogène. L'anémie a tendance à se majorer et nécessite pour sa correction une augmentation des apports en fer et une augmentation des doses d'érythropoïétine. L'apport de fer est généralement intraveineux en hémodialyse ; il est habituellement oral en dialyse péritonéale, mais l'augmentation des besoins en fer pendant la grossesse peut rendre nécessaire le recours à un traitement intraveineux. L'apparition des agents stimulant l'érythropoïèse a été l'un des facteurs de l'amélioration du pronostic des grossesses en dialyse, et la fréquence des transfusions dans cette situation a été très nettement diminuée par leur utilisation. Des complications graves peuvent se voir, même si elles sont peu fréquentes, surtout H.T.A. sévère ou oedème pulmonaire, en particulier dans le post-partum immédiat ; la survenue brutale d'une H.T.A. doit bien sûr faire évoquer une prééclampsie surajoutée, dont le risque de survenue est élevé sur ce terrain. Le diagnostic en est difficile, et pourtant essentiel, et toute H.T.A. importante d'apparition brutale est suspecte, si on a vérifié l'absence de surcharge hydrosodée. Il faut alors mettre en place une surveillance foetale et surtout maternelle intensive, afin de dépister un éventuel Hellp syndrome qui peut conduire à une décision d'extraction foetale. Quelques thromboses de l'accès vasculaire ont également été mentionnées, ainsi que des problèmes infectieux, septicémie en hémodialyse et péritonite en dialyse péritonéale, 60 qui peuvent être à l'origine de menaces d'accouchement prématuré. Enfin l'une des complications à long terme est le risque d'immunisation au décours de la grossesse, qui peut poser problème pour une transplantation rénale ultérieure. Complications obstétricales Elles sont essentiellement au nombre de deux : hydramnios et menace d’accouchement prématuré (MAP). La survenue d’un hydramnios est très fréquente chez la femme dialysée. Il est en général précoce, survenant en moyenne à 24 SA et noté parfois dès 13 SA. Il s’explique par la charge osmotique provoquée par l’insuffisance rénale, qui bien sûr est la même dans le sang fœtal, et induit chez le fœtus une augmentation de la diurèse par diurèse osmotique, d'où une augmentation du volume de liquide amniotique. On peut donc logiquement penser que l’augmentation de la quantité de dialyse délivrée à la patiente peut éviter la survenue de cet hydramnios, ou en limiter l’importance. C'est d'ailleurs le cas dans les publications où la dose de dialyse est très importante, et qui mentionnent une fréquence d'hydramnios faible, voire nulle (10). Un mauvais contrôle de la volémie participe sans doute également à la survenue de cette complication, d'où l'importance d'une réévaluation hebdomadaire du poids sec de la patiente, la prise de poids hebdomadaire étant évaluée, selon les auteurs, entre 200 et 500 g par semaine aux deuxième et troisième trimestres. La seconde complication est la menace d'accouchement prématuré, responsable de la prématurité non iatrogène fréquente sur ce terrain. La mise en route prématurée du travail est bien sûr favorisée par l'existence d'un hydramnios, et directement liée à son importance, avec un risque surajouté de rupture La grossesse chez la femme dialysée Quelques cas d'hématome rétro placentaire ont été décrits, sans qu'on puisse préciser si ils sont survenus dans un contexte de prééclampsie ou sans cause particulière. Ils sont évidemment de très mauvais pronostic foetal. Les morts foetales in utero ne sont pas exceptionnelles, sans doute dues le plus souvent à des hypotrophies foetales extrêmes avec troubles de la perfusion placentaire. On ne peut pas éliminer le rôle éventuel des baisses de pression artérielle par variation brutale de la volémie lors d'une déplétion trop rapide en hémodialyse Enfin des hémorragies de la délivrance ont été rapportées, surtout en hémodialyse. Leur risque de survenue peut être diminué en limitant l'utilisation des anticoagulants au cours des séances lorsque la fin de la grossesse semble imminente, et en utilisant plutôt des héparines de bas poids moléculaire. Le taux de naissances par césarienne est extrêmement élevé, entre 33 et 80 %. Caractéristiques néonatales Il y a 20 ans, tous les enfants nés de mère dialysée étaient prématurés et hypotrophes, tant dans la littérature que dans l'enquête nationale que nous avions menée. Dans les dernières publications, la prématurité est encore fréquente, ce qui n'est pas étonnant compte tenu des complications, tant obstétricales que maternelles, dont nous venons de parler. Une hypotrophie foetale s'y associe dans un nombre de cas important, sans doute favorisée par une volémie variable, mais parfois basse, responsable d'une hypoperfusion placentaire. L'augmentation des résistances vasculaires placentaires joue également un rôle important. Enfin il n'est pas impossible que la dénutrition maternelle et un apport protéique insuffisant puissent être en cause dans certains cas, comme le suggère un auteur qui propose d'avoir recours à une alimentation parentérale en dialyse pendant la grossesse (15). Session 3 prématurée des membranes. Les variations ioniques importantes et brutales que peut provoquer l'hémodialyse, notamment sur la calcémie, jouent sans doute également un rôle. Certains auteurs ont également incriminé une baisse du taux de progestérone par épuration au cours de la séance d'hémodialyse. La diminution de fréquence de l'hydramnios obtenue avec une dialyse très intensive va de pair avec une réduction importante du nombre d'accouchements prématurés spontanés. La survenue fréquente d'une menace d'accouchement prématuré est peut-être un argument pour utiliser en priorité des inhibiteurs calciques pour traiter l'H.T.A., puisqu'ils ont également un effet tocolytique, à l'inverse des bêta-bloquants qui pourraient, au moins en théorie, avoir l'effet contraire. Dans les dernières publications, on note un nombre croissant d'enfants nés à terme et de poids sensiblement normal. Néanmoins, un grand nombre de grossesses aboutissent encore à la naissance de grands prématurés, avec un risque de décès chez les enfants nés avant 30 semaines. La fréquence du retard de croissance intra utérin varie, dans les articles publiés au cours des 10 dernières années, de 15 à 80 %. Pour les enfants nés très prématurément ou de très petit poids, l'amélioration du pronostic immédiat est liée aux progrès de la prise en charge néonatale, mais le risque de séquelles, notamment neurologiques, est loin d'être négligeable, et le pronostic à très long terme est encore inconnu. Il a été signalé chez ces enfants, en plus des problèmes habituels liés à la prématurité et à l’hypotrophie, la survenue à la naissance d’une diurèse osmotique, qui peut exposer à un risque de déshydratation si elle n’est pas compensée. 61 Catherine GAUDRY Stratégie de grossesse dialyse pendant la Tous les auteurs s'accordent pour conseiller une augmentation aussi précoce que possible de la dose de dialyse. Même si aucune étude n'a été menée, on peut constater que les deux séries qui rapportent les meilleurs résultats sont celles où la dose de dialyse était la plus importante : des séances de 7 à 8 heures, 5 à 7 nuits par semaine pour l'une (10), et plus de 24 h par semaine en hémodialyse pour l'autre (16). Cet auteur compare les grossesses réussies et celles qui ont échoué, et note comme seules différences significatives un taux d'hémoglobine un peu plus élevé dans le premier groupe, et surtout un taux d'urée (et de créatinine) plus bas dans le premier groupe. Il rejoint d'autres auteurs pour recommander de maintenir le taux d'urée en dessous de 8 mmol/l pendant la grossesse. Le but est de diminuer l'importance de l'hydramnios, dû probablement à une diurèse osmotique chez le foetus, dont les reins reçoivent le sang maternel, chargé de toutes les substances non épurées chez la mère. En hémodialyse, l'idéal est la réalisation de séances quotidiennes (6 jours sur 7 le plus souvent), en maintenant une durée relativement longue pour chaque séance (3 à 4 heures). En effet, les deux éléments importants sont la dose de dialyse, avec des valeurs de Kt/V au moins voisines de 3, et une dialyse suffisamment longue pour permettre une déplétion satisfaisante sans entrainer d'hypovolémie, afin que la perfusion de l'unité foeto-placentaire reste correcte. Par ailleurs, les systèmes actuels de contrôle de la volémie en cours de dialyse sont tout à fait intéressants sur ce terrain, afin d'éviter les chutes tensionnelles délétères pour le foetus. Dans le même but d'obtenir une meilleure tolérance hémodynamique, on n'utilisera que des bains bicarbonate, certains auteurs recommandant même les bains sans acétate. 62 Il a également été conseillé d'utiliser un bain pauvre en calcium, en y associant si nécessaire une supplémentation calcique par voie orale. Le but est d’éviter les hypercalcémies de fin de dialyse, qui joueraient un rôle dans la survenue prématurée de contractions utérines. De même certaines publications préconisent un débit de dialysat plus faible, pour éviter de créer un déséquilibre osmotique entre les milieux intra et extra cellulaires. Il est essentiel de réévaluer le poids sec de la patiente très régulièrement : si il est sous-estimé, la survenue d’épisodes hypovolémiques en fin de dialyse peut être très préjudiciable pour le fœtus ; si il est surestimé, il peut apparaître une H.T.A. sévère, qui résiste aux antihypertenseurs utilisables sur ce terrain. Il a aussi été recommandé de diminuer l'héparinisation du circuit, mais cela ne semble pas indispensable, surtout avec l'utilisation des héparines de bas poids moléculaires, qui exposent à un risque hémorragique moins important, et dont l'utilisation reste possible pendant la grossesse. Quelques observations ont été rapportées avec un traitement par hémodiafiltration (17) et, là encore, la dialyse a été intensifiée avec réalisation de 6 séances par semaine, et une durée moyenne de dialyse de 28 h par semaine. Enfin, depuis de nombreuses années ont également été rapportées des observations en dialyse péritonéale (18). L'une des difficultés est que l’augmentation de la dose de dialyse ne peut se faire qu’en augmentant le nombre de cycles ou d’échanges, le volume intra-péritonéal toléré étant limité surtout vers la fin de la grossesse. Il est souvent proposé d'associer une dialyse automatisée la nuit et des poches dans la journée. La dialyse fluctuante a également été recommandée (19). Des problèmes de dysfonction du cathéter ont été signalés, qu'on peut éviter grâce à un La grossesse chez la femme dialysée L’avantage de la dialyse péritonéale est de permettre une épuration continue, sans risque d’hypovolémie brutale, et sans déséquilibre osmotique entre les différents secteurs hydriques. Par contre il peut être difficile d’assurer une déplétion hydro-sodée suffisante, avec survenue d’une H.T.A., parfois difficile à contrôler. Plusieurs cas de péritonite ont été rapportés, parfois responsables d'une mise en route prématurée du travail. Un cas a été publié d'hémopéritoine avec déglobulisation lié à un saignement de l'utérus par ulcération de sa paroi sur le cathéter (20). Après une césarienne, la reprise de la dialyse péritonéale peut habituellement être très rapide, dans les 24 à 48 heures. Alors que les diurétiques sont habituellement contre-indiqués pendant la grossesse, en raison de la diminution de la volémie qu'ils entrainent, on peut poursuivre le traitement par le furosémide, qui n'est pas tératogène, et qui risque peu sur ce terrain d'entrainer une hypovolémie. Au contraire, en diminuant la surcharge hydrosodée, il limitera le risque de survenue d'une H.T.A. ou sa sévérité. On peut poursuivre les traitements par calcium et vitamine D, et il est recommandé d'y associer un apport en acide folique. De même, comme on l'a déjà dit, la correction de l'anémie nécessite en général une augmentation des apports en fer et des doses d'érythropoïétine plus importantes. Tous les traitements que la patiente reçoit habituellement seront réévalués, pour ne conserver que ceux qui sont sans risque pour le foetus et indispensables pour la mère. La surveillance obstétricale de la patiente sera faite par des examens cliniques, échographiques et dopplers répétés, pour vérifier l'état du col utérin et la contractilité de l'utérus, la croissance foetale, le volume de liquide amniotique, les indices de résistance au niveau des artères utérines et des vaisseaux du cordon ombilical. On réalisera aussi des enregistrements cardiotocographiques, si possible pendant les séances d'hémodialyse, pour dépister une souffrance foetale ou la survenue d'une contractilité utérine anormale. Enfin il est recommandé d'hospitaliser la patiente à partir du terme où l'enfant est viable, donc vers 26 à 28 semaines d'aménorrhée, à la fois pour permettre à la patiente un repos maximum et pour pouvoir intensifier la surveillance obstétricale. Session 3 positionnement latéral de l'extrémité du cathéter. Ils ont conduit certains auteurs à avoir recours à l’hémodialyse pendant les derniers mois de la grossesse. Certains ont même proposé d’associer les deux techniques, hémodialyse et dialyse péritonéale, pour obtenir une dose de dialyse satisfaisante. En conclusion Malgré les progrès qui ont été faits ces dernières années, notamment en matière de thérapeutique maternelle et de prise en charge néonatale, le pronostic de la grossesse chez une patiente dialysée reste encore mauvais. Il est donc essentiel que toute femme jeune en dialyse sache qu’elle reste féconde, et qu’une contraception lui soit proposée. De même il est souhaitable d’aborder le problème de la maternité, pour que la patiente connaisse les risques d’échec que comporte une grossesse, les complications qu’elle peut entraîner, et les contraintes thérapeutiques nécessaires pour que les chances de succès soient optimales. Même si son pronostic s'est beaucoup amélioré au fil des années, la grossesse chez une femme en dialyse reste une aventure à très haut risque, qui nécessite une mobilisation aussi précoce que possible de tous les intervenants médicaux et paramédi63 Catherine GAUDRY caux pour un suivi attentif, au jour le jour, de la patiente. L'idéal est que la patiente soit prise en charge par une maternité de niveau 3 d'un établissement disposant également d'une unité de dialyse. Une parfaite coordination entre les équipes néphrologique, obstétricale et pédiatrique est indispensable. La meilleure connaissance des causes d’échec de la grossesse chez la dialysée, les progrès 64 réalisés en matière de techniques de dialyse et de thérapeutique, devraient permettre au cours des années à venir d’améliorer encore le pronostic de ces grossesses. Ainsi les femmes en dialyse pourraient garder un espoir raisonnable d’envisager une maternité, même si, à l'heure actuelle, il est encore préférable d’attendre qu’une transplantation rénale ait été réalisée pour mettre en route une grossesse. BIBLIOGRAPHIE 2 - Al-Wadei K.H., Abu-Asba N.W., Donia A.F. The first reported case of successful pregnancy in a hemodialysis patient in Yemen Nephrol. Dial. Transpl. 2004, 19, 264 3 – Raharivelina C.A., Narindra Randriamanantsoa L., Vololontiana D., Ralaifonenana J., Rakotomanga M., Rabenantoandro R. Hémodialyse et grossesse : à propos d'une observation Nephrologie 2003, 24, 6, 283-286 4 - Registration. Committee of the E.D.T.A. Successful pregnancies in women treated by dialysis and kidney transplantation Brit. J. Obst. Gyn. 1980, 87, 839-845 5 - Hou S. Frequency and outcome of pregnancy in women on dialysis Am. J. Kidney Dis. 1994, 23, 1, 60-63 6 - Bagon J.A., Vernaeve H., De Muylder X., Lafontaine J.J., Martens J., Van Roost G. 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Kidn. Dis. 2010, 56, 1, 77-85 65 L A GROSSESSE APRÈS TRANSPLANTATION RÉNALE Professeur Maryvonne Hourmant. Service de Néphrologie-immunologie clinique. Hôtel-Dieu. - Nantes Recommandations pour planifier une grossesse Il existe des recommandations anciennes pour la planification d’une grossesse, dérivant des travaux de Davison, et qui ont été reprises par les recommandations européennes en 2002 (4) ou nord-américaines en 2009 (5) - Etre à au moins 2 ans post-greffe. Bien que des grossesses aient été menées à terme chez des femmes ayant moins de un an post-greffe, le risque d’avortement spontané et les risques maternels et fœtaux sont plus élevés. Il semble que plus la greffe est ancienne, plus l’évolution de la greffe est bonne et le délai moyen entre la transplan- Session 3 Un des objectifs d’une femme insuffisante rénale jeune demandant une inscription pour une transplantation rénale est de pouvoir mener une grossesse. La fertilité est effectivement restaurée dans les 6 mois qui suivent la greffe (1) et la transplantation atteignant un état stable, en terme de fonction rénale, de risque de rejet et de complications infectieuses, après un an, la grossesse est généralement alors autorisée. Il s’agit cependant d’une grossesse à risque à double titre: risque lié au niveau de fonction rénale plus moins altérée de la patiente transplantée et risque lié au traitement immunosuppresseur. Contrairement à ce qui pourrait être attendu au regard de l’augmentation de la survie du greffon ces 20 dernières années, le nombre de grossesses chez les femmes transplantées diminue. Une étude nordaméricaine publiée en 2009 a répertorié, en se basant sur des données du Medicare, 16 195 femmes de 15 à 45 ans porteuses d’un transplant rénal entre 1990 et 2003 et rapporte une diminution du taux de grossesse pour 1000 femmes de 59 en 1990 à 20 en 2000 (2). Cette évolution a suivi celle constatée dans la population générale américaine mais elle a été plus marquée et plus rapide. Le registre australo-néozélandais (ANZDATA) qui souligne la relative rareté des grossesses chez les femmes transplantées (20% seulement du taux de fertilité de la population générale) note la même tendance mais elle n’apparaît pas significative (3). L’étude américaine notait aussi que malgré un taux d’avortements thérapeutiques en décroissance, le nombre de grossesses n’arrivant pas à terme était stable ce qui traduit une fréquence augmentée d’avortements spontanés (2). La grossesse chez la femme greffée reste donc une grossesse difficile. tation et la grossesse est de plusieurs années dans les registres (6 ans dans le registre britannique par exemple) - Avoir une fonction rénale stable avec une créatininémie < 177 ùmol/l (20 mg/l) mais de préférence < 133 ùmol/l (15 mg/l). Au dessous de ce seuil, l’évolution de la grossesse est presque toujours simple. - Pas d’épisode de rejet aigu récent ou évolutif - Pression artérielle normale ou HTA minime (un seul hypotenseur), l’HTA multipliant le risque de pré-éclampsie par 5 et ayant un impact négatif sur le devenir foetal 67 Maryvonne HOURMANT - Absence de protéinurie ou une protéinurie < 0,5 gr/j (1 gr/j pour les recommandations américaines). L’intérêt d’une biopsie du greffon à visée pronostique n’est pas abordé. - Echographie du greffon normale (pas de dilatation des cavités pyélo-calicielles) - Traitement immunosuppresseur Prednisone < 15 mg/j Azathioprine <= 2 mg/kg/j Cyclosporine et tacrolimus à niveaux thérapeutiques Le Mycophénolate Mofetil et le Sirolimus sont contrindiqués et doivent être interrompus 6 semaines avant la conception Ces critères demandent certainement à être affinés. Généralités sur la grossesse après transplantation rénale Toutes nos connaissances sur les grossesses des transplantées sont issues de registres internationaux, nord-américain (National Transplant Pregnancy Registry), britannique (UK Transplant Registry) et ANZDATA., basés sur la libre déclaration des évènements et de ce fait non exhaustifs. Leurs données sont relativement superposables et elles font l’objet de revues et rapports réguliers (3, 6, 7, 8). Ainsi, le taux d’avortement thérapeutique qui a diminué avec le temps est dans les années 2000 de l’ordre de 6% et le taux d’avortements spontanés de 9-11% sauf aux Etats-Unis où il est de 15-19%. Les grossesses qui dépassent les 3 premiers mois iront à leur terme et ce sont donc 76-79% du nombre total qui aboutiront à la naissance d’un enfant vivant. Les résultats de l’étude américaine déjà citée reprenant des données du Medicare sont moins optimistes et font état d’un taux d’avortements spontanés de 47.5%, atteignant 55% si la grossesse survient dans la première année post-greffe (2). 68 Un à 3% des grossesses se termineront par une mort in utero et le même pourcentage par la naissance d’un enfant non viable. Cinquante % des femmes vont accoucher avant terme et le pourcentage de césariennes va, suivant les registres, de 46 à 72% (contre 14% dans la population générale). Le registre britannique a recherché les facteurs qui pouvaient être associés au succès de la grossesse défini par la naissance d’un enfant vivant (7). Sur une population de 176 transplantées et de 193 grossesses, l’analyse statistique a retrouvé une influence négative significative de l’HTA systolique et d’une créatininémie > 150 ùmol/l avant la grossesse. Les auteurs de l’étude justifient le seuil de créatininémie par les données d’études antérieures tout en reconnaissant qu’il est certainement trop élevé. Par contre, l’age de la mère, qui augmente avec les années (32 ans dans la dernière décennie contre 29 ans auparavant) et l’ancienneté de la transplantation n’avait pas d’impact. La créatininémie ainsi que le type de la néphropathie responsable de l’IRC (effet protecteur de la néphropathie de reflux) sont aussi retrouvés comme facteurs prédictifs du succès de la grossesse par le registre ANZDATA (3) Il faut enfin noter que le registre NTPR a colligé des grossesses chez des femmes ayant une transplantation combinée de rein et pancréas dont l’évolution est peu différente de celles ayant une transplantation rénale seule 6). Sont aussi rapportées chez les femmes ayant une transplantation rénale des grossesses multiples (jumeaux et triplets), ou survenant après procréation assistée. Les grossesses successives sont relativement courantes (6). Le risque maternel Chez les femmes transplantées, le débit de filtration glomérulaire (DFG) augmente durant la grossesse comme dans la population géné- La grossesse après transplantation rénale La femme transplantée a le même risque qu’une femme insuffisante rénale de développer HTA et pré-éclampsie durant sa grossesse. Selon les registres, 69 à 76 % des transplantées enceintes ont une HTA qui était généralement présente avant la grossesse (6, 7). Vingt cinq % de celles qui ne sont pas hypertendues le deviendront. L’incidence de la pré-éclampsie, qui peut être difficile à diagnostiquer chez des patientes ayant déjà HTA et protéinurie, est de 27-30%, similaire à celui rapporté chez les femmes insuffisantes rénales. Le risque de pré-éclampsie est bien sûr d’autant plus élevé que la fonction rénale est altérée avant la grossesse. La grossesse chez la femme transplantée comporte aussi un risque immunologique mais il reste faible. L’incidence du rejet aigu n’est que de 2- 4% peut être parce que le traitement immunosuppresseur, en ce qui concerne les anti-calcineurines du moins, va être adapté aux taux sanguins durant la grossesse. Il a été dit que ce risque était plus important dans le post-partum, le greffon ne bénéficiant plus du statut immunologique privilégié de la grossesse et il est conseillé par certains d’augmen- ter la corticothérapie ou d’en introduire une dans cette période. La survie du greffon et l’évolution de la fonction rénale à long terme après la grossesse ont fait l’objet de nombreuses discussions après la publication d’une étude finlandaise en 1993 rapportant une dégradation de la fonction du transplant. Suivant les études ou les registres, 4 à 14% des greffons vont être perdus dans les 2 ans qui suivent la grossesse. Des études où les femmes transplantées ayant mené une grossesse ont été comparées à des contrôles, hommes ou femmes sans grossesse, appariés pour les facteurs ayant une valeur prédictive dans la survie du greffon, n’ont trouvé aucune différence dans la survie des patients, des greffons et le niveau de fonction rénale, avec un suivi qui va jusqu’à 20 ans dans une des études (3, 11, 12). Session 3 rale, mais son amplitude dépend du niveau de fonction rénale (9). La protéinurie dépasse souvent 0,5 gr/j dans le troisième trimestre d’une grossesse normale sans que cela ait de valeur péjorative (9). Le registre anglais a étudié l’évolution de la fonction rénale pendant la grossesse et dans le post-partum de la cohorte de 193 grossesses précédemment citée (7). La créatininémie passe de 125 ùmol/l en pré-grossesse à 110 ùmol/l au 2è semestre pour remonter à 112 mol/l dans le 3è semestre comme dans toute grossesse hors transplantation, puis à 130 ùmol/l dans les 3-6 mois du post-partum. Ces différences sont significatives. Dans cette étude, 20% des femmes cependant vont garder une altération de la fonction rénale. Les femmes transplantées enceintes sont à risque d’infections et on estime que 40% d’entre elles feront une infection urinaire, compliquée parfois de pyélonéphrite aiguë. Les recommandations européennes préconisent de faire un ECBU mensuel. Le risque d’infection à Cytomégalovirus a été souligné en raison du risque de transmission au fœtus, chez qui il va être cause de malformations. Cependant, le risque d’une infection à CMV est très faible chez la femme transplantée au delà de 6-12 mois. Il est important de rappeler aussi que la vaccination contre la rubéole ne peut être faite après la transplantation (vaccin vivant atténué). Aussi les recommandations européennes préconisent-elles de le faire avant la transplantation chez les femmes jeunes (4). Le risque fœtal Cinquante % des femmes accouchant avant terme, les enfants nés de femmes transplantées sont prématurés et de petit poids. Cinquante % des enfants naissent avant la 37ème 69 Maryvonne HOURMANT semaine mais il s’agit d’une « petite » prématurité. Selon le registre britannique, l’âge gestationnel moyen de 35,6 +/- 0,3 semaines (7). Cinquante % des enfants ont un poids de naissance < 2500 grammes pour un poids moyen de 2316 +/- 80 grammes. Vint deux % ont un poids < 1500 grammes. Pour comparaison, les chiffres de la population générale sont de 8% pour la prématurité et de 3226 grammes pour le poids de naissance. Les facteurs prédictifs significatifs d’un accouchement avant terme sont une créatininémie > 150 ùmol/l et un traitement hypotenseur durant la grossesse (7). Les enfants nés de femmes transplantées ont toutes les raisons d’être porteurs de malformations (insuffisance rénale et HTA maternelles, petit poids de naissance) mais les risques inhérents au traitement immunosuppresseur sont particulièrement soulignés, donnant lieu à une abondante littérature de synthèse ( revue dans 8). Tous les médicaments immunosuppresseurs traversent la barrière foeto-placentaire et sont filtrés par le foie fœtal. La distribution de ces médicaments chez le foetus va dépendre de nombreux facteurs comme leur solubilité et leur poids moléculaire mais aussi leur métabolisme par des systèmes enzymatiques exprimés de façon différente par le placenta et les tissus fœtaux et de façon variable durant la grossesse. La distribution d’un médicament dans la circulation foeto-maternelle peut donc être difficile à déterminer. Les recommandations de la FDA et les RCP (Résumé des Caractéristiques du Produit) français sont rappelés dans le tableau 1. Les corticoïdes traversent le placenta qui les métabolisent à 90% avant qu’ils atteignent le fœtus. Leurs taux dans la circulation fœtale sont très faibles. L’insuffisance surrénalienne du bébé de mère sous corticoïdes est classique mais rare. Chez les femmes non transplantées sous stéroïdes, le taux de malformation fœtale, 3,5%, est comparable à celui 70 de la population générale. On leur a attribué un risque de rupture prématurée des membranes. Les corticoïdes peuvent donc être prescrits durant une grossesse. L’Azathioprine (ImurelTM) passe dans la circulation fœtale mais le fœtus n’a pas l’enzyme nécessaire à sa transformation en métabolite actif. L’Azathioprine est tératogène chez l’animal mais les études humaines n’ont retrouvé aucune malformation spécifique qui lui serait associée. Il est quand même rapporté chez l’enfant des anomalies hématologiques et une atrophie thymique. Bizarrement, la FDA rentre l’Azathioprine dans la catégorie des médicaments ayant un risque humain alors que les RCP conseillent seulement de suspendre le traitement pendant la grossesse si cela est possible. Dans la pratique, l’Azathioprine est largement utilisé chez les femmes transplantées enceintes. Les inhibiteurs des calcineurines, Cyclosporine (SandimmunTM, NeoralTM) et Tacrolimus (PrografTM, AdvagrafTM), entrent la circulation fœtale et sont détectés à des taux plus élevés que dans le sang maternel, dans le placenta et le cordon ombilical. Une étude a cependant montré qu’ils n’atteignaient que 50% du taux sanguin maternel dans le sang fœtal. Une toxicité fœtale a été mise en évidence dans les études animales mais pour des doses bien supérieures à celles utilisées en clinique humaine. Chez l’homme, on dispose des résultats d’une méta-analyse (12) qui n’a pas pu mettre ce risque tératogène en évidence même si le chiffre de 4,1% de malformations pourrait devenir significatif avec une cohorte plus importante, par comparaison avec des patientes recevant un autre traitement immunosuppresseur. La Cyclosporine est classé dans la catégorie C par la FDA, des médicaments dont le risque ne peut être exclu. Les RCP conseillent de n’utiliser la Cyclosporine que si nécessaire. Le Tacrolimus, pour lequel moins d’études en clinique humaine sont La grossesse après transplantation rénale Le Mycophénolate Mofetil (MMF) (Cellcept TM ) est responsable chez l’animal de malformations, d’anomalies de développement , de retards de croissance et de morts in utero, pour des posologies superposables à celles utilisées chez l’homme. La principale série rapportée chez l’homme comprenait 26 grossesses chez 18 femmes transplantées traitées par MMF. Le taux d’avortements spontané est élevé (11/26) ; sur les 15 enfants nés, quatre (26,7%) présentaient des malformations de l’oreille externe et moyenne, malformations palatine et bec de lièvre (13). La FDA range le MMF dans la catégorie C, les RCP recommande « de ne pas instaurer un traitement par CellCept avant d'avoir obtenu le résultat négatif d'un test de grossesse. Une contraception efficace doit être prescrite avant le début du traitement par CellCept, pendant le traitement ainsi qu'au cours des six semaines suivant son arrêt Les patientes doivent être averties de la nécessité de consulter immédiatement leur médecin en cas de grossesse. L'utilisation du CellCept n'est pas recommandée pendant la grossesse et doit être réservée aux situations dans lesquelles aucune autre alternative thérapeutique adaptée n'est disponible. Le CellCept ne doit être utilisé chez la femme enceinte que si le bénéfice potentiel est supérieur au risque potentiel encouru par le fœtus ». En routine de transplantation, une grossesse sous MMF est formellement interdite et le médicament remplacé par l’Azathioprine. Comment figurant dans les recommandations pour planifier une grossesse, le changement de traitement est fait 6 semaines au moins avant la conception ou l’arrêt de la contraception. La baisse du nombre de grossesses chez les femmes transplantées est prin- cipalement expliquée par cette nécessité de modifier le traitement immunosuppresseur qui, comme tout changement d’immunosuppression, peut avoir des conséquences immunologiques. Le Mycophénolate Sodique (MyforticTM) est un médicament plus récent et peu évalué mais la même contrindication s’applique. Le Sirolimus (RapamuneTM) fait partie avec l’Everolimus (CerticanTM) de la famille des inhibiteurs de mTOR. Le sirolimus n’a pas été tératogène dans les études animales mais responsables quand même d’un retard d’ossification. Les études humaines manquent. Une série de 7 grossesses a été publiée, rapportant 3 avortements spontanés et 4 enfants vivants dont un ayant une anomalie palatine mais la maman avait commencé sa grossesse sous MMF (12). Pour la FDA, le risque humain ne peut être exclu. Les RCP déconseillent la poursuite du médicament durant la grossesse sauf réelle nécessité. Toute femme recevant ce médicament, doit être sous contraception et elle doit être poursuivie jusqu’à 12 semaines après l’arrêt du traitement. En pratique de transplantation, la même règle et la même conduite qu’avec le MMF s’applique. Session 3 disponibles, entre aussi dans la catégorie C et pour les RCP, son administration est exclue durant la grossesse. Dans la pratique quotidienne, là aussi, le Tacrolimus n’est pas interrompu en cas de grossesse. Au delà de la tératogénicité des médicaments, les immunosuppresseurs sont soupçonnés d’entraîner un déficit immunitaire chez le fœtus et le nouveau-né. L’exposition in utero semble altérer le développement et les fonctions des lymphocytes NK, T et B (14) ; les taux d’immunoglobulines sont inférieurs à la normale, ce qui incite les auteurs de l’étude à conseiller de retarder les vaccinations après le 6ème mois de vie en raison d’une réponse vaccinale insuffisante et d’un risque d’infection avec les vaccins vivants atténués. Nous n’aborderons pas le risque tératogène lié au traitement par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2, qui est traité dans un autre chapitre. 71 Maryvonne HOURMANT 72 L’allaitement Conclusion : La littérature donne peu d’informations sur l’allaitement par des mères sous traitement immunosuppresseur. L’Académie Américaine de Pédiatrie autorise l’allaitement par des mères prenant des corticoïdes, le déconseille lorsque la mère est sous Cyclosporine et n’a pas de recommandation particulière vis-à-vis de l’Azathioprine et du Tacrolimus. De petites quantités de Prednisone et d’Azathioprine sont retrouvées dans le lait maternel (15). Une revue de la littérature concernant l’allaitement sous Cyclosporine arrive à la conclusion que même si le médicament est excrété dans le lait où ses taux sont proches de ceux du sang maternel, le dosage du médicament dans le sang du bébé est indétectable et qu’il faudrait des cyclosporinémies > 2000 ng/ml pour atteindre 10% des valeurs thérapeutiques chez l’enfant (16). Le faible risque lié à la toxicité du médicament par le lait doit être mis en balance avec le bénéfice de l’allaitement maternel chez un enfant prématuré et de petit poids. Les progrès de l’obstétrique ont amélioré les résultats des grossesses chez les femmes transplantées mais elles restent des grossesses à risque et l’obstacle de la fonction du transplant et de l’hypertension perdure. Dans tous les cas, la prise en charge doit être multidisciplinaire, dans le suivi de la patiente mais aussi lors de la prise de la décision de la grossesse. Le devenir de l’enfant, fonction rénale, complications à long terme incluant cancers et lymphomes, est mal connu et justifierait que ces enfants soient particulièrement suivis. L’Agence de Biomédecine envisage depuis plusieurs années la création d’un registre des enfants nés de mère transplantée mais sa réalisation est difficile. BIBLIOGRAPHIE 1. Davison JM. Dialysis, transplantation and pregnancy. Am J Kidney Dis 1991. 17(2): 127-132 9. Davison JM. The effect of pregnancy on kidney function in renal allograft recipients. Kidney Int 1995. 27: 74-79 2. Gill JS, Zalunardo N, Rose C, Tonelli M. The pregnancy rate and live birth rate in kidney transplant recipients. Am J Transplant 2009. 9: 1541-1549 10. First MR, Combs CA, Weiskittel P, Miodovnik M. Lack of effect of pregnancy on renal allograft survival or function. 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J Hum Lact 2002. 18(1): 66-68 73 Maryvonne HOURMANT Table 1: Recommandations de la FDA et RCP françaises concernant Table 1: Recommandations de FDA et RCP françaises concernant les médicaments leslamédicaments immunosuppresseurs immunosuppresseurs Table 1: Recommandations de la FDA et RCP françaises concernant les médicaments immunosuppresseurs Médicament Médicament Corticoïdes Corticoïdes Azathioprine Azathioprine Inhibiteurs CNI Cyclosporine Inhibiteurs CNI Tacrolimus Cyclosporine Tacrolimus Mycophenolate Mofetil, Sodique Mycophenolate Mofetil, Sodique Inhibiteurs mTOR Sirolimus, InhibiteursEverolimus mTOR Sirolimus, Everolimus FDA FDA B B D D C C C C C C C RCP RCP Peuvent être prescris Peuvent être prescris Suspension souhaitable Suspension souhaitable Ne doit être envisagée que si nécessaire Peut être envisagé chezque la femme enceinte Ne doit être envisagée si nécessaire Peut être envisagé chez la femme enceinte Administration non recommandée sauf si pas d’autre Administration non recommandée sauf si pas d’autre alternative thérapeutique alternative thérapeutique Ne pas utiliser sauf nécessité absolue Ne pas utiliser sauf nécessité absolue A :A : LesLes études humaines, contrôlées, ne montrent pas pas de risque études humaines, contrôlées, ne montrent de risque B Pas d’évidence de de risque chez l’homme. Les Les études animales montrent un risque non retrouvé chez A ::B : LesPas études humaines, contrôlées, ne montrent pas de risque d’évidence risque chez l’homme. études animales montrent un risque non retrouvé l’homme ou si il n’existe pas chez d’études adéquates chez l’homme, études un animales négativeschez B : Pas d’évidence de risque l’homme. Les études animales les montrent risque sont non retrouvé l’homme ou si il pas n’ene xiste pasêtre d’adéquates études chez l’homme, études ou animales sont C :chez Le risque l’homme peut exclu.adéquates Leschez études manquent chezles l animales ‘homme lesnégatives études l’homme ou chez si il n’existe d’études l’homme, les études sont négatives animales montrent un risque manquent C : Le risque chez l’homme neou peut être exclu. Les études manquent chez l ‘homme ou les études D :C : Evidence d’un risque chez ou l’homme animales montrent un risque Le risque chez l’homme nemanquent peut être exclu. Les études manquent chez l ‘homme ou les études D : Evidence d’un risque chez l’homme animales montrent un risque ou manquent D : Evidence d’un risque chez l’homme 74 G ROSSESSE ET INSUFFISANCE RÉNALE : LE POINT DE VUE DE L’OBSTÉTRICIEN Alexandra Benachi, Céline Lacam Service de Gynécologie-Obstétrique. Hôpital Antoine Béclère - Clamart. Université Paris 11 1. Introduction 2. Influence de la grossesse sur l’insuffisance rénale La plupart des femmes en insuffisance rénale chronique (IRC) qui débutent une grossesse ont une insuffisance rénale débutante. La grossesse n’affectera pas, en général, le pronostic rénal. Si la patiente a une insuffisance rénale débutante (créatininémie < 125 µmol/l), une protéinurie minime (<1g/24h), et une tension artérielle bien contrôlée avant la grossesse, celle-ci n’aura pas ou peu d’effet à long terme sur la fonction rénale [2]. Les patientes ayant une IRC modérée à terminale ont en revanche un risque important d’accélérer la détérioration de leur fonction rénale. Une étude rétrospective sur 67 pa- tientes démontre que les patientes ayant une IRC modérée (créatinémie 124-168 µmol/l) ont un risque de 40% de détériorer leur fonction rénale pendant la grossesse, et pour 50% d’entre elles celle-ci persistait après l’accouchement [3]. Les patientes présentant une IRC sévère (créatininémie > 177 µmol/l) ont dégradé leur fonction rénale au troisième trimestre. Pour la plupart cette dégradation a persisté, et pour certaines, a progressé vers une insuffisance rénale terminale. Le suivi à 6 mois de ces patientes montre que dans 50% des cas la fonction rénale est identique à celle en ante partum, et dans 30% des cas une diminution de la fonction rénale pouvait être attribuée à la grossesse. Une étude prospective chez des patientes présentant une IRC aux stades 3 à 5 retrouve des résultats similaires [4]. Les patientes, présentant à la fois une clairance < 40ml/min/1.73m2 et une protéinurie > 1g/24h avant la grossesse, présentaient une accélération de la détérioration de leur fonction rénale pendant la grossesse. Session 3 La prévalence des patientes en âge de procréer porteuses d’une pathologie rénale chronique serait actuellement proche de 3%[1]. Les progrès récents de l’arsenal thérapeutique permettent de ralentir l’évolution des néphropathies et d’envisager une grossesse pour la plupart des patientes porteuses d’une IR. Ces grossesses ne sont cependant pas dénuées de risques pour la mère et l’enfant. La grossesse peut modifier l’évolution de l’IR et l’IR peut être à l’origine de complications spécifiques pendant la grossesse. Il n’existe pas de consensus sur la mesure du débit de filtration glomérulaire (DFG) et de la protéinurie au cours de la grossesse. Idéalement, la grossesse doit être programmée car l’IR n’est souvent qu’un des symptômes de pathologies variées qui peuvent comporter un risque propre pour la grossesse (diabète, lupus..). Le suivi devra être fait conjointement par les néphrologues et les obstétriciens. L’hypertension artérielle chronique va aussi contribuer à la dégradation de la fonction rénale. Jones et Hayslett [3] ont montré que la présence d’une hypertension était corrélée à une diminution significative de la filtration glomérulaire. L’hypertension artérielle présente avant la grossesse était associée à une augmentation de la créatininémie au troisième trimestre. En revanche, l’apparition d’une hypertension au troisième trimestre était associée à une diminution de la filtration glomérulaire en comparaison avec les patientes ayant une tension artérielle normale. Une autre étude publiée en 2007 [4] avait pour but de rechercher les facteurs pronos75 Alexandra BENACHI, Céline LACAM tiques chez des patientes en insuffisance contrôlée avant le début de la grossesse a un rénale modérée à sévère. Une analyse multi effet négatif cumulatif sur le pronostic de la variée retrouvait que, seules, une protéinurie fonction rénale à long terme. > 1g/24h et une clairance < 40ml/min/1.73m2 étaient significativement associées à une 4. Influence de l’insuffisance rénale sur diminution de la filtration glomérulaire et à la grossesse significativement à une diminution de la filtration glomérulaire et à une une augmentation associées de la créatininémie après Les Ni patientes unedenéphropathie augmentation deNi la l’âge, créatininémie après l’accouchement. l’âge, niavec la cause l’insuffisance ont l’accouchement. ni la cause de l’insufun risque accru de morbidité maternelle et rénale, ni la présence d’une hypertension n’étaient associés de manière significative. fisance rénale, impose ni la présence d’une hypertenLa grossesse de nombreuses adaptations à périnatale. la physiologie rénale.etLa d’une que Trevisan al présence [5] rapportent sion n’étaient associés de manière significainsuffisance rénale pré existante ne permet pas une 40% adaptation va, en fonctionune de pré des optimale, patientes etdéveloppent tive. la sévérité de l’atteinte initiale, engendrer une détérioration de la fonction rénale. Celle-ci sera éclampsie, 48% une anémie microcytaire, ou moins réversible après l’accouchement. L’existence d’une protéinurie ou d’une Laplus grossesse impose de nombreuses adap60% accouchent prématurément, et 52% hypertension artérielle non contrôlée avant le début de la grossesse a un effet négatif tations à la physiologie rénale. La présence sont césarisées. Dans une revue de Bar [5], cumulatif sur le pronostic de la fonction rénale à long terme. d’une insuffisance rénale pré existante ne 90% des patientes incluses dans leur étude permet pas une adaptation optimale, etlava,grossesse avaient une IRC débutante, et ils retrouvaient 4. Influence de l’insuffisance rénale sur en fonction deavec la sévérité de l’atteinteontinitiale, Les patientes une néphropathie un risque accru maternelle périnatale. 22% de demorbidité pré éclampsie, 22% et d’accouchement Trevisan etune al [5] rapportent que des patientes prématuré, développent13% une RCIU, pré éclampsie, 48% une engendrer détérioration de 40% la fonction et 24% de césarienne. anémieCelle-ci microcytaire, 60%ouaccouchent prématurément, 52%d’insuffisance sont césarisées. Dans est unecorrélé revue aux rénale. sera plus moins réversible Le et degré rénale de Bar [5], 90% des patientes dans leur issues étude de avaient une IRC débutante, ils après l’accouchement. L’existenceincluses d’une progrossesse (tableau 1). Lesetpatientes retrouvaient 22% de pré éclampsie, 22% d’accouchement prématuré, 13% RCIU, et 24% de téinurie ou d’une hypertension artérielle non ayant une insuffisance rénale sévère ont plus césarienne. Le degré d’insuffisance rénale est corrélé aux issues de grossesse (tableau 1). Les patientes ayant une insuffisance rénale sévère ont plus de risque de fausses couches précoces et de complications pendant la grossesse (RCIU, accouchement prématuré, pré éclampsie). Tableau 1. Estimation des effets de la fonction rénale avant la grossesse sur le déroulement de la grossesse et la fonction rénale maternelle [7]. Créatininémie avant la Grossesse (µmol/l) Issues de grossesse Perte > 25% de la fonction rénale RCIU (%) Accouchement prématuré (%) Pré éclampsie (%) Mort périnatale (%) Pdt la grossesse Persistant en post-partum IRC terminale un an après <125 25 30 22 1 2 0 0 125-180 40 60 40 5 40 20 2 >180 65 >90 60 10 70 50 35 En dialyse >90 >90 75 50* N/A N/A N/A Tableau 1. Estimation des effets de la fonction rénale avant la grossesse sur le déroulement de la grossesse et la fonction rénale maternelle [7]. 76 La sévérité de l’insuffisance rénale est le facteur déterminant de l’issue de la grossesse. La présence ou l’absence d’une hypertension artérielle, avec ou sans pré éclampsie surajoutée, apparaît aussi être significatif dans le pronostic de la grossesse [8]. Dans l’étude de Bar [6], après avoir utilisé un modèle recherchant les facteurs prédictifs d’un déroulement de grossesse normal, le seul facteur retrouvé était l’existence d’une hypertension artérielle préexistante. Cet auteur retrouvait aussi que les autres facteurs les plus souvent étudiés (étiologie de l’insuffisance rénale et créatininémie) n’étaient pas corrélés aux issues de grossesse favorables. Grossesse et insuffisance rénale : Le point de vue de l’obstétricien La sévérité de l’insuffisance rénale est le facteur déterminant de l’issue de la grossesse. La présence ou l’absence d’une hypertension artérielle, avec ou sans pré éclampsie surajoutée, apparaît aussi être significatif dans le pronostic de la grossesse [8]. Dans l’étude de Bar [6], après avoir utilisé un modèle recherchant les facteurs prédictifs d’un déroulement de grossesse normal, le seul facteur retrouvé était l’existence d’une hypertension artérielle préexistante. Cet auteur retrouvait aussi que les autres facteurs les plus souvent étudiés (étiologie de l’insuffisance rénale et créatininémie) n’étaient pas corrélés aux issues de grossesse favorables. Malgré cela, le degré de sévérité de l’insuffisance rénale est l’un des meilleurs facteurs pronostiques de l’évolution de la grossesse. Les patientes présentant une insuffisance rénale débutante ont le plus souvent une grossesse de déroulement normal. Dans la série décrite par l’équipe de Bar [6], 90% des patientes incluses avaient une insuffisance rénale débutante. Le taux de complications était très bas (4-22%) quelque soit l’étiologie de l’insuffisance rénale. Deux ans après l’accouchement, seulement 5% de ces patientes avaient une augmentation de leur créatininémie et aucune n’avait évolué vers une insuffisance rénale terminale. Il apparaît que le pronostic périnatal pour les patientes atteintes d’une insuffisance rénale débutante est peu affecté, et qu’une détérioration de la fonction rénale est très rare chez ces patientes. Le taux de complications est beaucoup plus important dans le groupe de patientes présentant une insuffisance rénale modérée à sévère . L’hypertension artérielle, la pré éclampsie, l’anémie, le retard de croissance intra utérin, et la prématurité sont les complications les plus fréquentes chez les patientes ayant une insuffisance rénale modérée à sévère. L’étude de Jones et Hayslett [3] retrouve 59% d’accouchement prématuré. Le poids de naissance était inférieur au 10ème percentile pour 39% des nouveaux nés. Dans le sous groupe des patientes ayant une insuffisance rénale sévère (créatininémie > 250µmol/l), la fréquence des accouchements prématurés et des retards de croissance intra utérin était significativement plus élevée que chez celles ayant une insuffisance rénale modérée (73% versus 55% et 57% versus 31%, p = 0.25 et p = 0.12 respectivement). La présence d’une hypertension artérielle en début de grossesse n’était pas corrélée à un accouchement prématuré, ou à un retard de croissance intra-utérin. En revanche la présence d’une hypertension artérielle au troisième trimestre augmentait significativement la fréquence d’un accouchement prématuré (72% versus 46%, p = 0.02). En comparaison avec les patientes ayant une insuffisance rénale débutante, l’incidence des complications maternelles et obstétricales (à l’exception de la survie fœtale) est approximativement deux fois plus fréquente chez les patientes en insuffisance rénale modérée à sévère. Session 3 de risque de fausses couches précoces et de complications pendant la grossesse (RCIU, accouchement prématuré, pré éclampsie). La sévérité de l’insuffisance rénale augmente également le risque de pré éclampsie. Dans une revue de la littérature publiée en 2006 [8], 64% des patientes ayant une insuffisance rénale sévère développaient une pré éclampsie. Celle ci est aussi corrélée à la présence ou non d’une hypertension artérielle chronique. En effet, 82% de ces patientes présentaient une hypertension artérielle, et pour les patientes en insuffisance rénale modérée, 80% de celles ayant une hypertension artérielle, versus 30% pour celles n’en ayant pas, développaient une pré éclampsie. L’anémie est aussi une complication fré77 Alexandra BENACHI, Céline LACAM quente. Elle est retrouvée chez 100% des patientes présentant une insuffisance rénale sévère [8] cas de maladie rénale préexistante (diminution du risque de pré éclampsie, amélioration des issues périnatales) 5. Planification et recommandations pour une grossesse 6. Suivi et prise en charge Idéalement, toutes les patientes insuffisantes rénales devraient avoir été informées des risques pour leur fonction rénale et pour la grossesse avant de concevoir. Si une grossesse est envisageable elle doit débuter le plus tôt possible. Le taux de fertilité, comme le déroulement de la grossesse, est dépendant du degré d’insuffisance rénale. Sur le plan rénal, les différents critères à prendre en compte sont l’état de santé général, le type d’insuffisance rénale et la maladie causale, la tension artérielle diastolique, et la fonction rénale. La tension artérielle diastolique doit être inférieure à 80mmHg. Pour les patientes ayant une hypertension artérielle pré existante, il faudra l’équilibrer au mieux en mettant en place un traitement qui pourra être poursuivi pendant la grossesse. Les patientes traitées par inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou par sartans devront être prévenues que ces traitements doivent être interrompus rapidement une fois le diagnostic de grossesse fait. En cas de grossesse programmée, il faudra les remplacer par de l’æ-méthyldopa ou par un ß-bloquant. La fonction rénale avant la grossesse doit être connue. La créatininémie doit être inférieure à 250µmol/l, on préfèrera un taux inférieur à 180µmol/l. La protéinurie devra être absente ou minime. L’urée plasmatique devra être inférieure à 10mmol/l . Un traitement prophylactique par de l’acide folique à la posologie de 400µg par jour doit être prescrite jusqu’à 12 semaines d’aménorrhée comme pour les grossesses à bas risque. Suite à plusieurs études [9], de faibles doses d’aspirine (de 50 à 150 mg/jour) sont prescrites en début de grossesse. Ce traitement améliorerait le pronostic de la grossesse en 78 Le suivi des patientes insuffisantes rénales sera fait conjointement par le néphrologue et l’obstétricien. Les consultations prénatales seront plus fréquentes et dépendront essentiellement du degré de sévérité de l’insuffisance rénale. En moyenne les patientes seront suivies toutes les deux semaines jusqu’à 30-32 semaines d’aménorrhée, puis une fois par semaine, en alternance entre l’obstétricien et le néphrologue. Au premier trimestre, la clairance de la créatinine augmente, et on observe souvent une créatininémie inférieure à sa valeur de référence avant la grossesse. Une non diminution de la créatininémie laisse supposer une mauvaise adaptation de la filtration glomérulaire, et serait, à ce stade, un indicateur d’un risque accru de complication. Pendant la grossesse, le MDRD sous estime le débit de filtration glomérulaire chez les patientes en bonne santé (111.6 +/- 19.6 ml/min versus 153.8 +/-28.2 ml/min), mais aussi chez les patientes présentant une pré éclampsie ou une insuffisance rénale (86.6 +/- 12.4 ml/ min versus 104.5 +/- 19.8 ml/min). Le MDRD sous estime de manière significative le débit de filtration glomérulaire (DFG) pendant la grossesse, et cette formule ne peut donc pas être utilisée pendant le suivi de grossesse. On utilisera donc la créatininémie et la clairance de la créatinine pour estimer le DFG pendant le suivi de grossesse. L’estimation de la protéinurie se fait par le dosage de celle-ci dans les urines de 24 heures. Cette méthode est contraignante pour les patientes et le personnel, et parfois imprécise. En dehors de la grossesse, la protéinurie peut être estimée en utilisant le rapport albumine/créatinine ou le rapport protéine/créatinine sur un échantillon d’urine. Deux études prospectives [10,11] re- trouvaient une corrélation entre ce rapport et la protéinurie des 24h, mais ce dosage serait trop imprécis pour le suivi des patientes pré éclamptiques et hypertendues. Une revue de la littérature publiée en 2008 dans BMJ [12] montrait que ce rapport permettait de détecter une protéinurie ≥ 0.3g/ jour, mais qu’il était insuffisamment précis pour le suivi. rielle s’accompagne d’une atteinte organique, en particulier rénale avec une protéinurie. En fonction de sa sévérité, on retrouvera des signes cliniques (céphalées, phosphènes, acouphènes), une atteinte hépatique (élévation des transaminases), et hématologiques (hémolyse, thrombopénie). Elle n’apparaît pas avant la vingtième semaine le plus souvent. La surveillance fœtale sera augmentée à partir de 28 semaines d’aménorrhée, en particulier si l’on retrouve des notch utérins à l’échographie morphologique de 22 semaines. La surveillance sera principalement échographique au début, avec estimation du poids fœtal, évaluation de la quantité de liquide amniotique, mesure du doppler ombilical, et score de Manning. La croissance et le bien-être fœtal seront évalués toutes les 2 à 4 semaines en fonction de la présence ou non d’une hypertension artérielle, de la détérioration de la fonction rénale, de l’apparition d’un retard de croissance, et des antécédents obstétricaux de la patiente. En fonction de tous ces paramètres, on mettra en place une surveillance du rythme cardiaque fœtal. L’apparition d’une anémie est fréquente. Elle est due à une diminution de la synthèse d’érythropoïétine et à une durée de vie plus courte des globules rouges. On commencera par une supplémentation en fer orale ou intra veineuse. Si l’hématocrite est inférieure à 19%, on utilisera alors de l’érythropoïétine recombinante. En cas d’acidose métabolique (Bicarbonates sériques < 24mmol/l), on prescrira du bicarbonate de sodium par voie orale. L’alimentation de ces patientes doit être équilibrée et permettre un apport protidique suffisant. Une consultation avec une diététicienne est utile en début de grossesse. L’apparition ou le déséquilibre d’une hypertension artérielle préexistante imposera la mise en place d’un traitement (mono, bi et parfois trithérapie anti hypertensive), avec pour objectif une tension artérielle diastolique inférieure à 90mmHg en évitant les variations tensionnelles brutales très mal tolérées par les fœtus. Le principal problème va être de pouvoir faire la différence entre hypertension artérielle essentielle, hypertension gravidique, pré-éclampsie, et la pathologie rénale sous jacente. L’hypertension artérielle gravidique sera définie par une hypertension (tension artérielle systolique > 140mmHg et/ou diastolique > 90mmHg) apparaissant pendant la grossesse, en général après 20 semaines d’aménorrhée, et sans dysfonction rénale. En cas de pré éclampsie, l’hypertension arté- Session 3 Grossesse et insuffisance rénale : Le point de vue de l’obstétricien Chez les patientes présentant une protéinurie importante, il faudra surveiller l’albuminémie. En cas d’hypo albuminémie inférieure à 25g/l un traitement préventif par anticoagulants devra être prescrit. Le dépistage et le traitement des infections urinaires doivent être aussi réguliers. Toute bactériurie doit être traitée pendant la grossesse, et un traitement prophylactique mis en place après toute infection. Il avait été suggéré que le dépistage de la trisomie 21 au deuxième trimestre de la grossesse chez les patientes porteuses d’une pathologie rénale n’était pas utilisable dans les conditions habituelles. Il a été récemment démontré que le taux de faux positifs de ce test était majoré de façon proportionnelle à la créatininémie mais également chez les patientes transplantées avec une créatininémie normale. Ce test ne doit donc pas être utilisé chez les patientes présentant une insuffisance 79 Alexandra BENACHI, Céline LACAM rénale car générateur d’un nombre important d’amniocentèses inutiles. Depuis fin 2009 le dépistage de la trisomie 21 est possible dès le 1er trimestre, mais ce test n’a pas encore été évalué chez les patientes porteuses d’une pathologie rénale [13]. La grossesse chez une patiente porteuse d’une insuffisance rénale doit être considérée dès le début comme une grossesse à risque. 80 Elle nécessite un suivi multidisciplinaire attentif. Le néphrologue s’inquiète pour le fœtus et l’obstétricien pour le rein. Le néphrologue doit expliquer les risques, aider à planifier la grossesse et modifier les prescriptions médicamenteuses avant une grossesse. L’obstétricien doit optimiser la surveillance maternelle et fœtale en limitant les risques de prématurité et d’hypotrophie. Ce suivi coordonné permet d’obtenir des résultats favorables aussi bien pour la mère que pour l’enfant. BIBLIOGRAPHIE 8.Ramin SM, Vidaeff AC, Yeomans ER, Gilstrap LC. Chronic renal disease in pregnancy. Obstet Gynecol 2006; 6(108): 1531-1539 2.Jungers P, Houillier P, Chauveau D and al. Influence of pregnancy on the course of primary chronic glomerulonephritis. Lancet 1995; 346:1122-1124 9.Coomarasamy A, Honest H, Papaioannou S, Gee H, Khan KS. Aspirin for prevention of preeclampsia in women with historical risk factors : a systematic review. Obstet Gynecol 2003;101:13191332. 3.Jones DC, Hayslett JP. Outcome of pregnancy in women with moderate or severe renal insufficiency. N Eng J Med 1996;335:226-232 10.Kieler H, Zettergren T, Svensson H, Dickman PW, Larsson A. Assessing urinary albumin excretion in pre-eclamptic women: wich sample to use. 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Elle peut être altérée par des traitements immunosuppresseurs comme le cyclophosphamide, conduisant les femmes à recourir aux techniques de procréation assistée qui ne sont pas sans risques chez elles. On sait que les hormones jouent un rôle important dans la survenue de la maladie et des poussées. De ce fait la grossesse représente une période à risque puisque les taux d’œstrogènes augmentent. Ainsi la fréquence des poussées durant la grossesse et le post partum a été estimée à 60% avec 10% de poussées sévères(2). Néanmoins le pourcentage de naissances vivantes chez ces patientes a augmenté ces dernières années à 80%, avec un risque de poussées qui diminue à 27% grâce à l’encadrement de la grossesse, et à la mise en place de mesures spécifiques (3). Les risques de poussées sont déterminés essentiellement par l’activité de la maladie lupique, notamment pendant les 6 mois qui précèdent la grossesse. En effet Clowse a démontré dans une étude prospective réalisée chez 227 grossesses que chez les patientes ayant un lupus actif avant la grossesse, la maladie s’aggravait chez 58% d’entre elles, avec 42% de pertes fœtales, alors que ces chiffres sont de 8 et 11% respectivement chez les patientes ayant un lupus quiescent. Il s’agit dans la majorité des cas de poussées cutanéo-articulaires. Les données varient selon les études rétrospectives concernant la période préférentielle des poussées. Elles surviennent à tous les trimestres de la grossesse et tout particulièrement dans le post partum où la surveillance ne doit pas fléchir(4). La néphropathie lupique est maintenant clairement identifiée comme facteur de risque de poussées, d’HTA et d’aggravation de la maladie rénale (16%). Elle augmente également les risques de pré éclampsie et de prématurité(5). Sur le plan thérapeutique, l’arrêt de l’hydroxychloroquine en début de grossesse a été identifié comme facteur de poussée, alors que le recul est actuellement suffisant pour nous autoriser à l’utiliser tout au long de la grossesse, dans le post partum et pendant l’allaitement. Session 3 Pendant des années, la grossesse a été contre –indiquée chez les femmes ayant des maladies auto-immunes. Aujourd’hui, grâce à une meilleure connaissance des ces pathologies, il ne persiste que peu de contre indications formelles à la grossesse. En revanche les conditions d’une grossesse son bien établies : la maladie ne doit pas être en poussée, le traitement ne doit pas être contre indiqué, et le suivi médical doit être fait par un binôme médecin-obstétricien dans le cadre d’une grossesse à risque. Certaines de ces maladies comme le lupus et le syndrome des antiphospholipides touchent particulièrement les femmes en âge de procréer et présentent des risques spécifiques pendant la grossesse, à la fois pour la mère et le fœtus. Il y a peu d’études prospectives sur le sujet, essentiellement des séries rétrospectives qui dégagent des facteurs de risque de complications, mais aucune étude n’a pu être réalisée visant à démontrer l’efficacité des traitements préventifs mis en place. Complications fœtales et néonatales du lupus : Ce sont les pertes fœtales précoces ou tardives, la prématurité, le retard de croissance intra utérin, et le lupus néonatal lié à la pré83 Agathe MASSEAU sence d’anticorps anti-SSA ou SSB. Les pertes fœtales surviennent dans 20% des cas à la fois précocement, avant 10SA, mais aussi après. Ce risque est d’autant plus important que le lupus est actif (6), avec dans l’étude de Clowse un pourcentage de grossesse menée à terme qui tombe à 26% quand le lupus est actif versus 61% quand la maladie est quiescente (2). D’autres facteurs entrent en jeu dans ces complications obstétricales, notamment la présence d’un anticorps anti-phospholipide. La pré-éclampsie varie de 13 à 36% selon les séries soit 5 à 10 fois plus que dans la population générale. Grossesse et atteinte rénale : Lors de la grossesse le débit de filtration glomérulaire augmente, avec une protéinurie physiologique aux alentours de 300 mg/24h. Les risques liés à l’atteinte rénale sont un taux augmenté de pertes fœtales, l’aggravation de l’atteinte rénale et la pré-éclampsie (7). L’existence d’une néphropathie lupique dans les 6 mois précédant la conception est un facteur de risque majeur de ces complications, ainsi qu’un score d’activité du lupus (SLEDAI) supérieur ou égal à 4 (8). La programmation de la grossesse diminue ces risques mais ne les annule pas. Dans l’expérience du centre de référence de la PitiéSalpétrière sur 25 grossesses programmées, on retrouve 5 fausses couches et 14 prématurités. Une pré-éclampsie est survenue dans 3 cas et une poussées rénale dans 2 cas (9). Dans l’étude de Soubassi (10) sur 24 grossesses chez 22 femmes, 18 naissances vivantes ont été obtenues dont 14 prématurées. Une pré-éclampsie est survenue dans 25 % des cas, une protéinurie dans la moitié des cas, irréversible dans quatre cas sur 12. Aucune mort maternelle n’a été observée. Comparant l’issue des grossesses en fonction du type de néphropathie, Carmona (11) n’a pas trouvé de 84 différence significative en ce qui concerne l’issue de la grossesse et l’âge gestationnel entre les femmes porteuses d’une néphropathie de classe III ou IV (groupe 1 : 42 grossesses chez 35 femmes), II ou V (groupe 2 : 12 grossesses chez dix femmes) ou exemptes de néphropathie (groupe 3 : 54 femmes). Cependant, l’hypertension et la pré-éclampsie étaient plus fréquentes (37 %) dans le groupe 1 que dans les groupes 2 et 3 (11 %) et le poids à la naissance plus bas. Plus récemment, Bramham (12) a publié une étude portant sur l’issue de 107 grossesses lupiques avec ou sans atteinte rénale. La néphropathie lupique est associée dans cette étude à une prématurité plus importante (aux alentours de 37SA), et a des pré-éclampsies plus précoces, à 34,5 SA en moyenne contre 37 SA chez les femmes sans atteinte rénale. Les facteurs de risque de prééclampsie sont la pression artérielle diastolique supérieure à 80mm Hg de façon prolongée (10 à 13 S), la protéinurie, et un débit de filtration glomérulaire (eGRF) avant grossesse inférieur à 90ml/min/1,73m². Il a cependant été mené à terme des grossesses chez des patientes lupiques hémodialysées ou greffées rénales(13). Sur le plan biologique l’étude de Clowse (14) a montré récemment qu’un complément bas, et la positivité des anticorps anti-DNA natifs sont associés à un risque plus élevé de fausses couches. Il est parfois difficile de distinguer prééclampsie et poussée lupique. Dans les deux cas sont présents l’hypertension artérielle, la protéinurie, les œdèmes des membres inférieurs. Il est cependant important de distinguer ces deux entités qui vont conduire, dans le premier cas, à la délivrance, dans le second à une majoration du traitement immunosuppresseur. Devant un tableau évocateur, la présence d’anomalies du sédiment urinaire, la baisse du complément, les signes cutanés La grossesse au cours des maladies auto-immunes En conclusion, la néphropathie lupique n’est pas une contre indication formelle à la grossesse, dans la mesure où celle-ci est programmée. Elle est cependant déconseillée en cas d’insuffisance rénale sévère. Grossesse lupique et anti-phospholipides : Les anticorps antiphospholipides (aPL) ayant une action pathogène dans la grossesse lupique sont l’anticoagulant de type lupique (LA), les anticardiolipides de type IgG (acl IgG) et les antiB2GP1. Leur mécanisme d’action passe par une inflammation et une ischémie placentaire secondaire à une activation de la coagulation et de l’adhésion endothéliale, dont une grande partie est médiée par le complément (15). Ces anticorps constituent donc un facteur de risque de morbidité maternelle et fœtale supplémentaire dans le lupus. Ils sont à l’origine de fausses couches précoces, de pertes fœtales et de prématurité. Lorsqu’ils sont associés à des évenements thromboemboliques artériels ou veineux, on parle de syndrome des anti-phospholipides primaire (SAPL primaire). Lorsqu’il survient chez une patiente lupique on parlera de SAPL secondaire. Ces aPL peuvent être présents de façon isolée, sans association à des événements cliniques. C’est le cas dans le lupus ou leur prévalence est de 25 à 45% pour les aPL, et de 5 à 30% pour le LA. Dans ce cas et notamment lorsqu’il s’agit d’une première grossesse, la prise en charge est préventive. L’on propose alors l’aspirine à 100 mg/j dès le début de grossesse et jusqu’à 34 SA, pour ne pas gêner la réalisation de l’anesthésie péridurale. Le SAPL primaire est lui-même à l’origine de complications obstétricales, indépendam- ment du lupus. La définition du SAPL repose sur l’association d’un événement clinique thromboembolique ou obstétrical et à un anticorps spécifique. Critères de classification du SAPL (16) Au moins 1 critère clinique parmi : 1. Thrombose vasculaire : un ou plusieurs épisodes de thrombose artérielle ou veineuse ou des petits vaisseaux (thromboses superficielles exclues). 2. Morbidité obstétricale : (1) une ou plusieurs mort fœtales inexpliquées survenant à ou après la 10ème semaine de grossesse avec un fœtus échographiquement ou histologiquement normal (2) une ou plusieurs naissances prématurées avant la 34ème semaine de grossesse avec un nouveau né morphologiquement normal en lien avec une éclampsie ou une pré éclampsie sévère ou une insuffisance placentaire sévère (3) 3 ou plus avortements spontanés avant la 10ème semaine de grossesse avec exclusion des causes d’anomalies métaboliques ou hormonales maternelles et exclusion des causes chromosomiques paternelles et maternelles Session 3 ou articulaires associés orienteront vers une poussée lupique. La survenue après 20 SA, et le plus souvent 30 SA doit faire évoquer une pré-éclampsie. 3. Au moins 1 critère biologique parmi : (1)Anticoagulant lupique (LA) identifié à 2 reprises ou plus à au moins 12 semaines d’intervalle (détecté selon les critères de l’ISTH) (2)Ac Anticardiolipine IgG ou IgM à titre moyen ou élevé (>40 GPL) mesuré par ELISA standardisé à au moins 12 semaines d’intervalle (3)Anti-beta 2 glycoprotéine 1 IgG ou IgM (>99ème percentile) à au moins 12 semaines d’intervalle par ELISA standardisé 85 Agathe MASSEAU Pas plus de 5 ans entre 2 détections La prise en charge thérapeutique du SAPL primaire ou secondaire passe par la programmation de la grossesse et la recherche de contre-indications : HTA sévère ou non contrôlée, insuffisance rénale sévère (créatinine >140 umol/l), valvulopathie mal tolérée, HTAP. Le doppler des artères utérines réalisé à 24 SA apporte également des éléments prédictifs au cours de la grossesse (17). Sur le plan thérapeutique, une seule étude a montré l’efficacité de l’association aspirine- héparine non fractionnée (HNF) avec une réduction des pertes fœtales de 54% chez des patientes porteuses d’un anti-phospholipide ou d’un LA (18). Les études réalisées avec les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) en association à l’aspirine donnent des résultats contradictoires(19-22). Les IGIV n’ont pas démontré d’efficacité (23-25). En France, le consensus s’est fait autour des HBPM du fait de leur simplicité d’utilisation, de la durée du traitement (9 mois) et des risques de thrombopénie et d’ostéoporose liés à l’HNF. Aucune étude n’a été réalisée dans le SAPL obstétrical avec mort in utéro. Sur la bases des essais réalisés dans le SAPL avec fausses couches récidivantes, l’attitude consensuelle est de proposer l’association aspirine et HNF/HBPM à dose prophylactique ou intermédiaire (26). En l’absence d’essai dédié, l’attitude proposée devant la survenue d’une grossesse chez les patientes avec SAPL défini par un évènement thrombotique, est de remplacer les antivitamine K (AVK) qui sont tératogènes, par de l’HNF ou une HBPM à dose efficace et d’y adjoindre de l’aspirine. Le port de bas de contention adaptés est essentiel dans ce contexte. Les corticoïdes n’ont pas d’intérêt obstétrical au cours du SAPL et ne sont généralement pas prescrits en l’absence de lupus associé. 86 En France, l’aspirine est interrompue à la fin du huitième mois pour permettre l’analgésie péridurale. Une anticoagulation préventive doit être maintenue jusque dans post-partum. Grossesse et anti-SSA ou SSB : Les anticorps anti-SSA, et anti-SSB peuvent être retrouvés dans les différentes connectivites, et ne sont pas spécifiques du lupus. Néanmoins leur transmission passive au fœtus à travers la barrière placentaire est responsable des manifestations de lupus néo-natal. Ces atteintes regroupent des atteintes cutanées, hématologiques, hépatiques et cardiaques qui régressent spontanément après 6 mois de vie en dehors des troubles de conduction qui persistent. Les BAV complets surviennent avec une incidence de 1 à 2% à l’origine de bradycardies fœtales. Le risque de récidive est élevé de 10 à 17%. Le BAVc est définitif et est associé à une mortalité de 16 à 19 % et à une morbidité significative, nécessitant l’implantation d’un pacemaker dans 63 % des cas (27,28). La prise en charge du BAV fœtal reste mal définie, basée sur l’administration de betaméthasone dont l’efficacité est variable. Le dépistage se fait par échographie tous les 15 jours entre 16 et 24 SA et par la réalisation d’un ECG chez les enfants en période néonatale qui permet le dépistage des BAV incomplets. Traitements du lupus et grossesse : Les recommandations du CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes) sont les suivantes vis-à-vis des différents traitements utilisés dans le lupus : Alors que pendant des années l’hydroxychloroquine a été arrêté en début de grossesse, on sait maintenant qu’elle n’est pas contre indiquée, et qu’elle a un rôle protecteur visà-vis des poussées. Elle ne passe pas la barrière placentaire, et n’est retrouvée dans le lait La grossesse au cours des maladies auto-immunes Les corticoïdes : la prednisone ne passe pas la barrière placentaire, le risque d’insuffisance surrénalienne n’est donc que théorique. Ils peuvent être prescrits pendant la grossesse en cas de poussée lupique. On les donnera de façon préventive lorsque les patientes ont un lupus modérément actif, à la dose de 10 mg/j. De même chez les femmes sous corticoïdes à dose d’entretient (<10mg/j), ils seront poursuivis. Enfin ils peuvent être administrés à dose plus importante en cas de poussée sévère, soit par voie orale, soit par voie intra-veineuse. L’azathioprine n’est pas tératogène. Il peut être utilisé en cas de poussée sévère ou lorsque le maintient d’une immunosuppression est nécessaire pendant la grossesse, notamment chez les patients greffés. Il peut donc être introduit en relais d’un autre immunosuppressseur. La ciclosporine peut être poursuivie si nécessaire, mais elle est peu utilisée dans le lupus. Le cyclophosphamide, le mycofénolate mophétil sont contre indiqués Les anti-vitamine K entraînent un risque malformatif au-delà de 6 SA (embryopathie aux AVK). Ils doivent donc être remplacés par une HBPM dès le diagnostic de grossesse (CRAT) Prise en charge d’une grossesse lupique : recommandations (7) La prise en charge débute en amont, par la visite pré-conceptionnelle avec le spécialiste et l’obstétricien. Elle permet : de rechercher d’éventuelles contre indications et ainsi de planifier la grossesse, d’informer des risques maternels et fœtaux, et de mettre en place un suivi médical conjoint mensuel. Elle permet également, en cas de nécessité d’un traitement anticoagulant spécifique par HBPM, de remettre à la patiente ses ordonnances afin que le traitement puisse être débuté précocement, notamment lors du relais AVK-HBPM. Les conditions requises pour la grossesse sont : - l’absence de contre-indications : HTA sévère ou non contrôlée, insuffisance rénale sévère avec créatinine > 140 umol/l, HTAP, valvulopathie mal tolérée Session 3 maternel qu’à des concentrations infimes. Il est donc également recommandé de la poursuivre pendant le post partum, même en cas d’allaitement. Pour rappel, elle peut entraîner des troubles de vision des couleurs, et nécessite donc une surveillance annuelle par test de la vision des couleurs, champ visuel maculaire et electrorétinogramme (2 de ces examens répétées annuellement). Elle est prescrite à la dose de 6,5 mg/kg. - l’absence de poussée dans les 6 mois qui précédent - l’éviction des médicaments tératogènes (MTX, MMF, ..) et la stabilité de l’état clinique après modification du traitement (changement d’immunosuppresseur, de traitement anti-hypertenseur) - la prise en charge des facteurs de risque : anticorps aPL IgG, LA, antiB2GP1, anti-SSA ou SSB La grossesse lupique est une grossesse à risque et nécessite une surveillance mensuelle : - examen clinique par le spécialiste - examen obstétrical à partir de la confirmation de grossesse (12 SA) - doppler des artères utérines à 24SA - échographie tous les 15j entre la 16ème et 24ème SA en cas d’anti-SSA ou SSB, hebdomadaire si antécédents de BAV 87 Agathe MASSEAU - monitoring fœtal hebdomadaire à partir du 3ème trimestre de la grossesse - biologie : NFS, plaquettes, ionogramme sanguin, urée, créatinine plasmatique, transaminases, complément total, C3, C4, protéinurie 88 En conclusion, la grossesse chez les femmes lupiques n’est aujourd’hui que rarement contre-indiquée, leur pronostic ayant été amélioré par la planification des grossesses et le suivi par des équipes spécialisées. Malheureusement, il persiste des complications parfois inévitables qui peuvent mettre en jeu le pronostic vital de la mère et de l’enfant. Il ne faut donc jamais négliger ce suivi, quel que soit le profil du lupus. BIBLIOGRAPHIE 2. Clowse et al. Ovarian preservation by GnRH agonists during chemotherapy: a meta-analysis. Rheum Dis Clin North Am 2007. 33(2):237-52 3. Clowse et al. The impact of increased lupus activity on obstetric outcomes. Arthritis and Rheumatism 2005.52:514-521 4. Khamashta MA et al. Systemic lupus erythematosus and pregnancy. Best practice and research 2006.20:685 5. Smith A et al. A systematic review and meta-analysis of pregnancy outcomes in patients with systemic lupus erythematosus and lupus nephritis. Clin J Am Soc Nephrol 2010 Nov. 5(11):2060-8 6. Georgiou et al. Outcome of lupus pregnancy: a controlled study. Rheumatology 2000.39 :1014-9 7. Le Thî Huong et al. Pregnancy and systemic lupus erythematosus. La Revue de Médecine Interne 2008. 29(9) : 725-730 8. 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Revue de la littérature, J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 35 (2006), pp. 146–156. 90 L A GROSSESSE AU COURS DU DIABÈTE Etienne Larger, Service de diabétologie, Hôtel Dieu Session 3 Il est heureusement loin le temps où la mortalité fœtale dépassait 50%, mais la grossesse en contexte d’hyperglycémie reste une situation particulière, qui mobilise une équipe incluant diététiciennes, infirmières, sages-femmes, diabétologues, obstétriciens, ophtalmologues et néphrologues. Des situations délicates sont toujours vécues, et une enquête nationale récente (Boulot P, Diabetes Care 2003) a relevé un taux excessif de grossesses non programmées (50% chez les diabétiques de type 1, 75% chez les diabétiques de type 2), d’accouchements avant terme (38% vs. 5% dans la population générale), de malformations (4,1% vs. 2,2% dans la population générale), de décès fœtal (4,4%, comparé à 0,7% dans la population générale) et de césariennes (71% des accouchements selon une enquête récente (Lepercq J, Obstet Gynecol 2010)). On voit encore des prescriptions intempestives de médicaments bloquant le système rénine angiotensine à des femmes en préparation de grossesse. Sur le front des nouvelles importantes, après des années de tergiversations, une nouvelle définition du diabète gestationnel a été proposée par les sociétés savantes. Le diabète gestationnel La définition classique du diabète gestationnel avait été établie sur des bases épidémiologiques qui s’intéressaient au risque futur de la mère de développer un diabète de type 2, plus qu’au risque pour le fœtus. L’étude HAPO a observé des grossesses chez 25.000 femmes toutes évaluées au troisième trimestre et dont les glycémies étaient inférieures au seuil définissant le diabète. L’objectif était de regarder si ces niveaux de glycémie sont associés à des événements obstétricaux. La conclusion majeure de l’étude est qu’il existe un continuum entre glycémie (à jeun, à 1h ou 2 h après charge orale en glucose) et: poids à la naissance, risque de césarienne, hypoglycémie néonatale concentration de peptide C dans le cordon, un marqueur d’hyperinsulinisme fœtal, mais aussi risque de prééclampsie, de traumatisme néonatal et de séjour en soins intensifs (The HAPO study cooperative reseach group, NEJM 2008). Ces observations ont conduit récemment à une nouvelle définition du diabète gestationnel, tant en France qu’en Amérique du nord. Selon le consensus du collège national des gynécologues et obstétriciens français et de la société francophone du diabète, le diabète gestationnel : • Doit être recherché chez les femmes âgées de plus de 35 ans, ou dont l’IMC est > 25 kg/m² ou qui ont des ATCD de diabète chez des apparentés au premier degré ou des ATCD personnels d’hyperglycémie ou de gros bébés. • Doit être recherché dès la première consultation prénatale chez les femmes à risque, par un dosage de glycémie à jeun et chez les patientes non diagnostiquées à cette occasion, entre 24 et 28 SA par une HGPO, 75 g de glucose. 91 Etienne LARGER • Le diagnostic de diabète gestationnel est porté lorsque la glycémie à jeun dépasse 0,92 g/l (5,1 mmol/l) ou 1,80 g/l (10 mmol/l) à 1 h de l’HGPO ou 1, 53 g/l (8,5 mmol/l) à 2 h de l’HGPO. Les objectifs thérapeutiques visent à maintenir la glycémie à jeun en dessous de 0,95 g/l et la glycémie 2 h après les repas en dessous de 1, 2 g/l. L’autosurveillance des glycémies est ainsi recommandée chez les femmes qui ont un diabète gestationnel, à raison de 4 à 6 mesures quotidiennes. Plusieurs essais ont comparé l’insulinothérapie au glibenclamide ou à la metformine dans le contexte du diabète gestationnel. Sur les objectifs évalués, il n’a pas été observé de différence (JS Dhulkotia, Am J obstet gynecol 2010). Cependant, pour les experts il reste prématuré d’envisager la prescription de ces médicaments dans le diabète gestationnel. Le diabète de type 1 découvert pendant la grossesse Il s’agit ici d’une situation clinique rare mais à ne pas méconnaitre car sévère. Dans la série de 21 patientes récemment analysées (H. Wucher, Diabetes Metab, 2011), la grossesse a été compliquée dans 14 cas, dont 2 décès in utero. Ces observations rappellent que 10% des diabètes gestationnels surviennent chez des femmes qui ont des marqueurs d’autoimmunité contre les cellules B, et que dans ces circonstances, les anticorps prédisent la survenue ultérieure d’une dépendance à l’insuline. Elles rappellent aussi la nécessité de ne pas prendre de retard à l’initiation du traitement des glycémies dans le contexte d’un diabète découvert pendant la grossesse. 92 Le diabète de type 1 préexistant à la grossesse. La grossesse est à l’évidence une période importante pour les femmes diabétiques, marquée de leur point de vue par le risque de transmettre la maladie, celui de malformation, de complications obstétricales et d’aggravation des complications, en particulier rétinopathie et néphropathie. Tous ces points doivent être abordés très en amont chez toutes les jeunes femmes diabétiques, c’est une composante importante de la programmation des grossesses. En corolaire, qui dit préparation de grossesse dit contraception efficace, et le récent consensus français ouvre des perspectives plus larges de contraception. Les points importants de la planification d’une grossesse chez une femme diabétique sont 1. Consultation préconceptionnelle impérative avec un gynécologue obstétricien qui donnera le conseil génétique, avertira sur les malformations et leur prévention par le contrôle strict des glycémies non seulement pendant la grossesse mais aussi dans les 2 mois la précédant. Cette consultation permettra de donner les informations sur les étapes de la préparation de la grossesse, le suivi médical et l’accouchement. C’est aussi l’occasion de réviser la contraception, qui devra être maintenue jusqu’à ce que la femme et ses médecins décident, d’un commun accord, dépendant de la réalisation des points suivants et de l’obtention d’un contrôle glycémique compatible, d’arrêter la contraception. 2. Consultation avec l’ophtalmologue, et assèchement des lésions à risque. 3. Consultation en néphrologie pour les patients ayant une néphropathie, arrêt des médicaments bloquant le système rénineangiotensine-aldostérone La grossesse au cours du diabète Objectifs glycémiques pendant la période préconceptionnelle : Toutes les études l’ayant analysé ont confirmé le lien entre glycémie préconceptionnelle et risque de malformation, multiplié par 5 [1,614] pour une HbA1c>9% (cité dans les recommandations du « NICE », diabetes and pregnancy, http://guidance.nice.uk). La fertilité est diminuée par l’hyperglycémie, le risque de fausse couche est augmenté. . Le NICE recommande ainsi de viser une HbA1c à 6,1% si c’est possible sans danger (hypoglycémie), l’ADA recommande une HbA1c<7% (http:// care.diabetesjournal.org/content/34/supplement_1/S11.full). Pour atteindre ces objectifs, la plupart des recommandations fixent des objectifs de glycémie capillaire à moins de 0,95 à jeun et 1,2 g/l après le repas. Le NICE recommande 0,65 à 1,05 à jeun et moins de 1,4 g/l une heure après les repas. Se pose aussi la question de la sécurité des analogues de l’insuline : pour ce qui est des analogues rapides, l’insuline aspart a fait la preuve de son inocuité dans un essai randomisé. Le degré de confiance est moins fort vis-à-vis de l’humalog. Pour ce qui est de la glargine, plusieurs séries rassurantes, dont une française (Lepercq J, Diabetes Metab 2010) ont été publiées, et c’est une pratique habituelle de maintenir cet analogue pendant la grossesse, même si les recommandations, tant du NICE que de l’ADA le déconseillent. Rétinopathie-néphropathie et grossesse : Il est recommandé de vérifier l’état de la rétine avant la grossesse, pour traiter toutes les lésions menaçantes dès la programmation, car la grossesse est un facteur de risque de progression de la rétinopathie diabétique, en particulier vers des formes proliférantes. L’amélioration des glycémies est un des facteurs de progression pendant la période préconceptionnelle, la grossesse elle-même en est un autre, de même que l’hypertension artérielle, préexistante ou gravidique. Il est ainsi recommandé d’examiner la rétine au minimum au premier et au troisième trimestre. Une surveillance plus intense doit être proposée aux femmes dont le diabète est ancien, marqué par des années de mauvaises glycémies ou une rétinopathie préexistant à la grossesse. Session 3 4. Mise en place de l’insulinothérapie et de l’autosurveillance permettant l’obtention d’un contrôle métabolique optimisé. Si une insulinothérapie par perfusion continue (pompe à insuline) est envisagée, c’est très en amont de la grossesse qu’elle doit être initiée, pour permettre à la femme de s’approprier cet outil. 5. Début d’une supplémentation en acide folique, 5 mg/j, qui sera poursuivie jusqu’à 12 SA. 6. Augmentation de la fréquence des consultations en diabétologie, tous les 15 jours, jusqu’à atteinte des objectifs glycémiques et pendant toute la grossesse. Pour ce qui est de la néphropathie, il est maintenant fermement établi que les IEC et ARA2 sont contrindiqués pendant la grossesse. La grossesse n’aggrave pas la néphropathie mais il y un risque d’accélération de la dégradation de la fonction rénale chez les patients aux stades avancés de néphropathie, 45% de progression chez 11 femmes dont la créatininémie était en moyenne à 160 µmol/l en début de grossesse (LP Purdy, Diabetes Care 1996). La néphropathie augmente de risque de prééclampsie, de retard de croissance in utero, de prématurité, de césarienne, d’hypertension artérielle. 93 Etienne LARGER Diabète de type 2 et grossesse L’émergence de diabète de type 2 chez des sujets jeunes pose la question de la grossesse chez des patientes diabétiques de type 2. On l’a vu, dans ce contexte la plupart des grossesses ne sont pas programmées, par manque d’information et par défaut de contraception efficace. Les troubles de fertilité sont bien plus marquées chez ces femmes que chez les diabétiques de type 1, du fait de l’association 94 fréquente a un syndrome des ovaires polykystiques, qui rend les ovulations erratiques et imprévisibles. Ce fait signalé, la programmation des grossesses, leur déroulement est similaire à ce qui est proposé chez les diabétiques de type 1. Bien sur, les antidiabétiques oraux sont arrêtés dès la préparation de grossesse et remplacé par un schéma d’insuline intensifié. M ICROCHIMÉRISME POSTGESTATIONNEL L. Albano – CHU Nice Dans la mythologie grecque, la chimère (Χιµαιρα) est une créature fantastique ayant, une queue de serpent, un corps de chèvre et une tête de lion qui crache le feu et dévore les humains. Elle est tuée par le héros Bellophoron. Les interprétations de ce mythe sont multiples, mais semblent représenter l’association temps-nature (3 âges de la vie d’une femme associée à 3 saisons de la nature) dans la société à filiation matriarcale des Achéens. En génétique, ce terme est utilisé pour caractériser un organisme qui possède plusieurs génotypes. Le microchimérisme (Mc) se définit par la persistance en faible quantité (moins de 5%) dans un organisme de cellules allogéniques ou d’ADN provenant d’un autre individu génétiquement différent. Il s’agit d’une forme d’hérédité différente de l’hérédité génétique. Le Mc postgestationnel (ou naturellement acquis) désigne la présence de cellules fœtales chez la mère (foeto-maternel) ou de cellules maternelles chez l’enfant (materno-fœtal) secondaire à une grossesse à terme ou non [1], à l’allaitement [2] ou au passage in utero de sang entre jumeaux [3]. 2. Techniques de détection du microchimérisme Expérimentalement, l’équipe de Bianchi a mis au point en 2008 un modèle murin transgénique [4] afin de repérer facilement des cellules ou de l’ADN mâle chez des souris femelles. Ce modèle correspond à un mâle muté pour le gène d’une protéine de fluorescence verte, à pénétrance totale et à transmission autosomale dominante, sous contrôle du promoteur du gène de la bêta- actine du poulet et d’un enhancer du cytomégalovirus. Après croisement avec des femelles vierges, celles-ci sont sacrifiées pendant ou après la grossesse. La présence d’une fluorescence dans les tissus est recherchée par PCR quantitative et/ou par immunofluorescence in situ [5]. Chez l’humain, la plupart des études utilisent la détection d’ADN ou de cellules masculines chez la femme. Il existe différentes techniques de détection appliquées sur différents tissus. L’ADN masculin peut être détecté par amplification d’une région spécifique du chromosome Y à l’aide d’une PCR. Beaucoup d’études utilisent des méthodes de PCR qualitatives notamment une PCR nichée (nested PCR) et donnent des résultats sous forme de fréquence de Mc. Cette technique est limitée par les contaminations fréquentes et ne permet pas l’expression de résultats quantitatifs. L’utilisation de PCR quantitative est plus pertinente puisqu’elle permet d’exprimer des résultats en niveaux de Mc et d’associer la détection d’haplotypes non partagés [6]. Cette dernière technique permet d’identifier plus précisément la source du Mc. Les cellules masculines peuvent être repérées dans les tissus par hybridation fluorescente in situ (FISH) à l’aide de marqueurs des chromosomes X et Y. Cette technique permet également d’identifier le Mc maternel chez le garçon. Le problème lié au FISH est le risque de superposition cellulaire [6]. Lors d’études sur le sang périphérique, différents compartiments sanguins peuvent être explorés. Pendant la grossesse, on trouve de plus hauts niveaux de Mc dans le plasma que dans les PBMC. Par contre, des années après la délivrance, l’ADN fœtal n’est retrouvé que dans les PBMC [6]. La détection de cellules fœtales dans la circulation périphérique maternelle pendant la grossesse permet la réalisation de diagnostic pré- Session 3 1. Le chimérisme : définitions 95 L. ALBANO natal - détermination du sexe et d’anomalies génétiques - par une méthode non invasive. Cette technique consiste en gradients de ficoll associés à une extraction d’érythroblastes fœtaux par Magnetic Activated Cell Sorting (MACS) [7]. Mais on peut également rechercher le Mc chez des hôtes sans tenir compte de l’appariement sexuel donneur/hôte. Pour cela, on peut utiliser des techniques de PCR VNTR ou de PCR quantitative ciblant le polymorphisme du HLA de classe II sur le locus DRB1[8]. 3. Le microchimérisme postgestationnel Le Mc acquis pendant la grossesse résulte d’un trafic cellulaire fœto-maternel physiologique. Le placenta est une barrière perméable et sélective qui permet le passage bidirectionnel d’ADN et de cellules fœtales de la circulation fœtale vers la circulation maternelle et vice-versa. L’existence de cette circulation a été démontrée par la mise en évidence dans le sang de cordons d’enfants ayant un déficit immunitaire de type SCID de lymphocytes T maternels détectés dans 50% des cas étudiés [9] . Les techniques d’analyse quantitative du Mc montrent que le passage foeto-maternel est plus important que le trafic materno-fœtal [10]. Les cellules fœtales comme les cellules maternelles sont retrouvées chez la mère et l’enfant des années après l’accouchement. 3.1 Le microchimérisme fœto-maternel La présence de cellules fœtales intactes est retrouvée chez 30% des femmes dans le sang périphérique dès la 6e semaine d’aménorrhée [11], ce pourcentage atteint 94% à la 34e semaine [12]. La circulation fœto-maternelle concerne différents types cellulaires comprenant des trophoblastes, des érythroblastes nucléés et des leucocytes [12], progéniteurs hématopoïétiques [13] ou mésenchymateux [14]. Le taux de cellules fœtales circulantes 96 est d’environ 1 cellule fœtale pour 500 000 cellules maternelles [12]. Il a été également montré qu’il existe de l’ADN fœtal « nu », d’un poids 150 à 250 paires de bases, détecté dans le sérum ou le plasma maternels [15] ainsi que dans l’urine [16] des femmes enceintes. Après l’accouchement, l’ADN libre disparaît dans les 2 heures suivant la délivrance alors que les cellules fœtales vont persister au long cours chez 30% à 50% des femmes ayant eu une grossesse [17][18]. Il faut noter qu’une grossesse de garçon à terme n’est pas une condition indispensable à l’établissement d’un Mc mâle comme le montre une étude de Yan et coll. [19] qui retrouve la présence d’ADN du chromosome Y chez 30% de femmes n’ayant pas de fils. En effet, les rapports sexuels, des grossesses passées inaperçues de même qu’un jumeau mort précocement in utero (« vanishing twin syndrome ») peuvent aboutir à l’installation d’un Mc. Une revue d’études individuelles publiées montre que les femmes ayant eu un avortement spontané ou provoqué ont une plus grande probabilité d’avoir un Mc au long cours [20]. Des études montrent que l’on retrouve des cellules chimériques mâles dans les poumons, reins, cœurs, foies, thyroïdes, peau et ganglions de femmes sans pathologie de ces organes [21, 22]. Des cellules souches issues du placenta fœtal peuvent persister dans la circulation maternelle de nombreuses années après la grossesse. Des cellules CD34+ et CD34+ /CD38+ sont retrouvées par amplification génique plusieurs décennies après l’accouchement, dans le sang périphérique [2325], mais également dans la moelle osseuse [26]. 3.2 Le microchimérisme materno-fœtal Le Mc materno-fœtal est d’analyse plus récente. Des cellules maternelles issues des lignées myéloïdes et lymphoïdes ainsi que des progéniteurs hématopoïétiques sont Microchimerisme postgestationnel 3.3 Le microchimérisme fœtal est impliqué dans diverses situations pathologiques L’influence du Mc fœtal chez la femme est très discutée puis que l’on a retrouvé celui-ci chez des femmes en bonne santé ou présentant des pathologies auto-immunes. Des études sont même en faveur d’un rôle protecteur du Mc fœtal. Les facteurs pouvant conduire à l’un ou l’autre rôle sont inconnus. 3.3.1 Pathologies de la grossesse Certaines situations obstétricales peuvent augmenter le passage transplacentaire à la fois des cellules et de l’ADN fœtal. Il semble que les anomalies de la structure placentaire plus que la pathologie elle-même soit responsable de cette augmentation du trafic cellulaire. Une étude mesurant le niveau d’ADN fœtal dans le plasma de femmes enceintes retrouve de plus hauts niveaux de Mc chez celles qui vont accoucher avant terme (≤ 34 semaines de gestation) que chez des femmes menant leur grossesse jusqu’au terme. Parmi ces femmes dont le travail commence prématu- rément, la réponse à un traitement par tocolyse est meilleure lorsque le niveau de Mc est bas [33]. La pré éclampsie correspond à l’association d’une hypertension artérielle gravidique, d’une protéinurie et d’un syndrome oedémateux. Le placenta sécrète des médiateurs de l’inflammation qui vont léser l’endothélium, notamment au niveau rénal. Les complications sont nombreuses et graves. Les facteurs de risque de la développer et les biomarqueurs prédictifs de survenue sont mal identifiés. On a montré que les femmes en pré éclampsie avaient un niveau de Mc élevé [34-36]. De plus, cette élévation du nombre de cellules fœtales chez la mère est détectée avant les manifestations cliniques [35]. Au cours des grossesses aneuploïdes, on peut retrouver également des anomalies de structure placentaire [37]. Pour conforter cette observation, Bianchi et coll. ont retrouvé une augmentation du Mc fœtal chez les femmes porteuses de fœtus trisomiques 15 ou 21 [38]. Les cellules fœtales ont été incriminées dans la pathogénie d’une maladie dermatologique spécifique de la grossesse : l’éruption polymorphique de la grossesse. Cette pathologie affecte 0,5 à 2% des femmes et débute au troisième trimestre. L’éruption commence dans la majorité des cas à l’abdomen, épargnant la région péri ombilicale, et s’étend vers les cuisses, les fesses et les bras. Il s’agit de papules érythémateuses de 1 à 2 mm, qui se regroupent pour former des plaques urticariennes. Le prurit associé est intense. Les lésions diminuent en une à six semaines après l’accouchement, mais on observe une exacerbation dans 15 % des cas en période postpartum. La lésion histologique correspond à un infiltrat lymphocytaire périvasculaire dans le derme. Aractingi et coll. [39] ont détecté des cellules fœtales masculines dans le derme et l’épiderme de ces patientes mais pas chez des femmes enceintes contrôles, suggérant Session 3 retrouvées chez le fœtus dès la 14e semaine de grossesse [27]. Leur persistance chez l’enfant et l’adulte sains a été démontrée [28] à l’aide de PCR criblant l’haplotype maternel non partagé. Cette étude montre que 55% des adultes normaux sont porteurs de cellules circulantes maternelles. La présence de cellules maternelles a été retrouvée dans des situations pathologiques. En effet on a montré une augmentation de fréquence du Mc maternel dans la dermatomyosite juvénile [29, 30] et la sclérodermie [31]. Leurs capacités de migration et de réparation tissulaire ont été suggérées dans un cas de lupus néonatal compliqué d’un bloc auriculo-ventriculaire où des cellules maternelles correspondant à 81% des cardiomyocytes ont été retrouvées dans le cœur du nouveau-né [32]. 97 L. ALBANO un rôle possible des cellules fœtales dans la réponse inflammatoire au sein des tissus maternels. Enfin, certains ont évoqué le fait qu’un nombre insuffisant de cellules fœtales dans la circulation maternelle favoriseraient l’avortement spontané. Les anticorps maternels anti-HLA fœtaux sont fréquemment observés dans le sérum des multipares [40] de même que la présence d’anticorps anti-HLA maternels a été retrouvée chez certains enfants [41]. Reed et coll. montrent que la mère produit des anticorps contre les antigènes HLA non partagés fœtaux dès 8 semaines de grossesse et que ces anticorps sont complexés avec des alloantigènes solubles fœtaux. L’exposition du système immunitaire maternel aux alloantigènes fœtaux portés par les cellules fœtales microchimériques induit la production d’anticorps cytotoxiques qui seraient nécessaires au maintien de la grossesse [42]. 3.3.2 Pathologies auto-immunes Les maladies auto-immunes correspondent à un ensemble varié d’une centaine de pathologies caractérisées par une réponse immune pathologique contre les constituants de l’organisme. Ces maladies plus fréquentes chez la femme inter agissent avec la grossesse et la délivrance. La réaction du greffon contre l’hôte (GVHD), secondaire aux greffes de moelle osseuse présente des similarités cliniques avec certaines maladies auto-immunes et peut générer la formation d’autoanticorps [43]. La GVHD survient lorsque les lymphocytes T du donneur présents dans le greffon réagissent avec les antigènes de surface des cellules du receveur. Les incompatibilités HLA, les compétences immunologiques du receveur, le nombre et les caractéristiques des lymphocytes T du greffon sont des facteurs de risque de survenue d’une GVHD [44]. Ces observations ont permis d’élaborer l’hypothèse d’un rôle du Mc fœtal ou maternel dans la pathogénie des maladies auto98 immunes. Quoi qu’il en soit, il reste difficile de déterminer si les cellules fœtales jouent un rôle actif dans la pathogénie des maladies auto-immunes ou si elles ne sont qu’un marqueur de l’inflammation. Il existe deux séries d’études analysant la fréquence ou le niveau du Mc. La première montre une augmentation de la fréquence et du niveau et de Mc fœtal chez des patientes atteintes de pathologies auto-immunes sclérodermie [18, 45], maladie de Grave [46], thyroïdite d’Hashimoto [47], maladie de Sjögren [48], cirrhose biliaire primitive [49] ou lupus [50] - par rapport à une population de femmes saines. La seconde série est constituée d’études qualitatives explorant le Mc fœtal dans la sclérodermie [51-53], la maladie de Sjögren [54], la cirrhose biliaire primitive [55, 56] et le lupus [57] sans montrer d’augmentation de fréquence du Mc fœtal chez les patientes par rapport aux contrôles. Ces résultats opposés s’expliquent par l’utilisation de méthodes très différentes que ce soit dans la constitution des groupes, les techniques utilisées de sensibilité et de spécificité variées, le matériel analysé, sang périphérique (total ou PBMC) ou organe cible. La pathogénie des maladies auto-immunes est multifactorielle : génétique, environnementale, hormonale, infectieuse. L’implication des cellules fœtales dans la pathogénie de la sclérodermie a été étudiée par l’équipe d’Artlett. Elle montre que les cellules fœtales microchimériques sont immunocompétentes et expriment CD3 [58] et CD4 [59], que la patiente ne partage pas les antigènes HLA de classe I avec ces cellules [60] mais son système immunitaire ne s’active pas contre elles en raison peut-être de la tolérance établie pendant la gestation. Il est possible également que les cellules microchimériques aient un rôle effecteur direct, comme le suggère une étude dans laquelle des clones de lymphocytes T masculins issus de la peau et du sang périphérique de Microchimerisme postgestationnel 3.3.3 Capacités de différenciation et de réparation tissulaire Chez l’animal, le rôle bénéfique des cellules fœtales microchimériques a été suggéré par quelques observations. Une étude de Wang et coll. [62] a étudié un modèle de rats comprenant des mâles transgéniques GFP (Green Fluorescent Protein) et des femelles SpragueDawley (SD). Des lésions rénales de nécrose tubulaire et des lésions hépatiques sont provoquées par injections de gentamycine et absorption d’éthanol chez les femelles SD après grossesse. On retrouve des cellules fœtales mâles fluorescentes dans la moelle osseuse des femelles, dans leur sang périphérique, dans le foie et dans le rein. Les cellules fluorescentes correspondent, dans le rein, à des cellules épithéliales tubulaires et dans le foie, à des hépatocytes. Ces cellules GFP ne sont pas retrouvées dans les organes des femelles non soumises à l’alcool et aux aminosides. Ces résultats suggèrent qu’une lésion tissulaire favorise l’installation de cellules fœtales au sein de l’organe lésé et que ces cellules microchimériques participent à sa réparation. même, des cellules thyroïdiennes mâles totalement différenciées ont été mises en évidence chez une femme porteuse d’un goitre multinodulaire [65] et des hépatocytes mâles ont été détectés chez une femme infectée par le virus de l’hépatite C [66]. Leur rôle dans la réparation tissulaire a été évoqué par O’Donoghue et coll. [67] qui analysent la présence de cellules microchimériques mâles dans le tissu sain et tumoral de femmes atteintes d’un cancer pulmonaire. On retrouve significativement plus de cellules microchimériques dans le tissu malade que dans le tissu sain. Conclusion Les microchimérismes foetal et maternel ont été impliqués dans certaines maladies autoimmunes mais les hypothèses actuelles sont plutôt en faveur d’un rôle potentiel de réparation tissulaire. Par analogie avec la thérapie cellulaire utilisant des cellules fœtales placentaires, les possibilités thérapeutiques des cellules chimériques multipotentes détectées chez la femme adulte sont en cours d’étude. Elles pourraient constituer une solution thérapeutique moins controversée sur le plan éthique que les prélèvements fœtaux. Session 3 femmes sclérodermiques réagissent contre les antigènes HLA maternels [61]. La compatibilité HLA mère-enfant semble être un autre facteur de risque de sclérodermie. En effet, l’étude du HLA des cellules microchimériques mâles montre que lorsque l’antigène HLA-DR est partagé par la mère et l’enfant, le risque de développer une sclérodermie est multiplié par 7 chez la femme [31]. Chez l’humain, l’équipe de Bayes-Genis [63, 64] retrouve des cardiomyocytes mâles dans le cœur de 2 femmes ayant eu des garçons. Si l’on a clairement montré que les cellules fœtales étaient présentes au sein de divers organes solides chez la femme, on suggère ici que ces cellules fœtales progénitrices puissent se différencier en cardiomyocytes dans un microenvironnement approprié. De 99 L. ALBANO BIBLIOGRAPHIE 1. Cadavid A, Rugeles MT, Peña B, Sánchez F, García H, et al. Cell microchimerism in patients with recurrent spontaneous abortion: preliminary results. Early Pregnancy. 1997;3(3):199-203. 2. Weiler IJ, Hickler W, Sprenger R. 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NOTES NOTES NOTES NOTES SESSION 4 Les complications foetales Système rénine-angiotensine et malformations foetales L. HEIDET Page 109 S YSTÈME RENINE-ANGIOTENSINE ET MALFORMATIONS FŒTALES Laurence Heidet, Marie Claire Gubler Centre de référence des Maladies Rénales Héréditaires de l’Enfant et de l’Adulte (MARHEA), Service de Néphrologie pédiatrique et Inserm U983, Hôpital Necker, Paris. Pendant la grossesse, le SRA est stimulé (Broughton Pipkin 1982; Rosenfeld 2001), un système rénine angiotensine placentaire et annexiel se met en place, et les différents gènes du SRA sont exprimés chez le fœtus humain dès la cinquième semaine après la conception (Schutz et al., 1996). Le rein fœtal est la source la plus importante de rénine circulante chez le fœtus et la concentration de rénine dans le sang de cordon est plus élevée que chez le nouveau né à terme et également plus élevée que dans le sang maternel (Franks & Hayachi, 1979 ; Sysmonds & Craven, 1985). Le SRA est indispensable au développement rénal normal. Ceci est illustré par différents modèles expérimentaux chez l’animal et, chez l’homme, par les anomalies observées chez des fœtus exposées aux bloqueurs du SRA, par les dysgénésies tubulaires rénales d’origine génétique et par les anomalies rénales observées dans le syndrome transfuseur-transfusé lors des grossesses gémellaires monochoriales biamniotiques. Traitements bloqueurs du SRA chez la femme enceinte. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, comme les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II, passent la barrière placentaire. - Traitement reçu pendant le premier trimestre de la grossesse Plusieurs publications sous forme de cas cliniques ou d’études de petites séries non contrôlées rapportent une absence d’effet tératogène lié à la prise de bloqueurs du SRA pendant le premier trimestre de grossesse (Lip et al.1997). Quelques cas de fausses couches ont été rapportés ainsi que deux cas d’exencéphalie et un cas d’agénésie rénale unilatérale (Duminy et al. 1981). Une seule réelle étude épidémiologique a montré un risque augmenté de malformations congénitales touchant le système cardiovasculaire et neurologique chez les fœtus exposés aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion par rapport aux fœtus non exposés (Cooper et al. 2006). - Traitement reçu pendant le deuxième trimestre de la grossesse Session 4 Le système rénine-angiotensine (SRA) a été initialement décrit comme une cascade enzymatique aboutissant à la production d’angiotensine II, qui intervient, par l’intermédiaire de récepteurs vasculaires, rénaux, surrénaliens et cérébraux dans le maintien de la pression artérielle et du volume de liquide extracellulaire. Outre ce système circulant, il existe des SRA locaux, tissulaires, l’angiotensine II y exerçant des fonctions autocrines et paracrines intervenant dans la prolifération cellulaire et l’inflammation (Wolf , 1995; Dzau et al. 2002). De nombreuses publications, soit de cas isolés soit de séries, rapportent chez des fœtus dont les mères ont reçu des bloqueurs du SRA pendant les deuxièmes et troisièmes trimestres un tableau comportant une séquence de Potter (oligo anamnios, dysmorphie faciale, déformation des membres et hypoplasie pulmonaire), une insuffisance rénale anurique, une hypocalvaria et une hypotension arterielle profonde non corrigée par le remplis109 Laurence HEIDET, Marie Claire GUBLER sage vasculaire (Bar et al., 1999, Martinovic et al., 2001, Pryde et al., 1993, Saji et al., 2001). L’histologie fœtale montre des lésions de dysgénésie tubulaire (voir plus bas) associées à des altérations vasculaires. Il semble que plus le traitement a été donné de façon prolongée, plus il existe un risque d’atteinte fœtale rénale sévère, mais il existe, dans une proportion difficile à préciser, des femmes chez qui un traitement prolongé avait été prescrit et qui ont donné naissance à des enfants chez lesquels aucune anomalie rénale n’a été rapportée. Le rôle de l’effet des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) sur le système bradykinine-prostaglandine dans le développement de ces anomalies semble modeste puisque le même phénotype rénal et extra-rénal a été observé après traitement par les antagonistes du récepteur AT1 de l’angiotensine II (ARA2). On peut s’interroger sur le rôle respectif des effets du traitement reçu sur l’hémodynamique fœtale, sur l’hémodynamique utéroplacentaire, et sur l’effet de l’angiotensine II sur la croissance des cellules rénales fœtales, et en particulier des cellules tubulaires. Dysgénésies tubulaires d’origine génétique La description princeps par Allanson (Allanson, 1983), complétée par des descriptions ultérieures, ressemble tout à fait au tableau observé chez les fœtus exposés aux bloqueurs du SRA puisque cette néphropathie fœtale est caractérisée par une anurie précoce et persistante responsable d’une séquence de Potter associée à un défaut d’ossification de la voute crânienne et à une hypotension artérielle réfractaire au traitement. Histologiquement on retrouve une absence ou un nombre réduit de tubes proximaux identifiables. Cette absence de tubes proximaux dans le cortex est responsable d’un rapprochement des glo110 mérules les un des autres donnant une fausse impression de glomérules en nombre augmenté. Des anomalies vasculaires rénales sont constamment observées, caractérisées par un épaississement important des parois musculaires des artères pré-glomérulaires et interlobulaires. L’évolution est extrêmement sévère : la plupart des patients rapportés sont morts in utero ou rapidement après la naissance dans un tableau de détresse respiratoire et d’insuffisance rénale anurique. Six patients en vie ont été rapportés (revue dans Gribouval et al. sous presse) : deux ont été transplantés à 3 et 4 ans, 3 sont en insuffisance rénale chronique modérée ou sévère et agés de 3, 6 et 15 ans, et un enfant a une fonction rénale normale à l’âge de 8 ans alors qu’il avait présenté une anurie transitoire à la naissance. L’étiologie de ce syndrome est restée longtemps obscure. L’existence de fratries atteintes dans des familles consanguines avec des parents sains suggérait une transmission autosomique récessive. Plusieurs arguments ont orienté les recherches de l’équipe de Marie Claire Gubler (Inserm U983) vers un rôle du SRA dans la genèse de ce syndrome (Gribouval et al. 2005): (1) la similitude du phénotype rénal et extra rénal avec celui des fœtus exposés aux IEC ou aux ARA2 (2) l’étude de l’expression de rénine dans les reins des dysgénésies tubulaires d’origine génétique montrant des anomalies majeures : augmentation importante de l’expression le plus souvent, absence complète de rénine dans un petit nombre de cas. Ces derniers cas faisaient de la rénine un excellent gène candidat. Le séquençage de ce gène a permis de mettre en évidence des mutations homozygotes « perte de fonction » du gène REN dans ces familles. En outre le séquençage de REN a permis d’identifier dans d’autres familles des mutations faux sens ou avec conservation du cadre de lecture, associées à une augmentation de l’expression Système renine-angiotensine et malformations fœtales La dysgénésie tubulaire rénale est donc la première pathologie mendélienne associée à des mutations des gènes codants le SRA. L’ensemble des mutations rapportées jusqu’à ce jour sont colligées dans (Gribouval et al. sous presse). Comme pour les dysgénésies secon- daires à l’exposition des fœtus aux bloqueurs du SRA, on peut discuter des mécanismes responsables de cette anomalie du développement rénal qui résulte de l’absence ou de l’inefficacité de l’angiotensine II. En effet, l’angiotensine II ayant un rôle à la fois vasoactif et un rôle possible dans la croissance cellulaire, son absence a potentiellement des conséquences sur l’hémodynamique fœtale, sur l’hémodynamique utéro-placentaire, et sur la croissance des cellules tubulaires fœtales. Toutefois, le fait que des lésions rénales tout à fait comparables soient observées dans différentes situations s’accompagnant « seulement » d’une hypovolémie fœtale (syndrome transfuseur transfusé au cours duquel le SRA pourrait jouer un rôle aggravant, sténose de l’artère rénale, cardiopathie sévère, hémochromatose néonatales), suggère que c’est principalement par le maintient d’une perfusion rénale efficace que l’angiotensine II intervient au cours du développement du rein foetal. Le phénotype observé chez les patients atteints de dysgénésie rénale tubulaire autosomique récessive est différent de celui observé chez les animaux dont les différents gènes du SRA ont été invalidés. En effet, l’inactivation chez la souris des gènes codant la rénine, l’angiotensinogène, l’enzyme de conversion de l’angiotensine, ou les récepteurs AT1 (au nombre de deux chez la souris) conduit à un phénotype quasi-similaire : les animaux semblent normaux à la naissance (avec parfois un retard de croissance) et meurent dans les premiers jours ou les premières semaines de vie. Ils présentent une polyurie avec un trouble de concentration des urines et une hypotension artérielle. Les reins sont histologiquement normaux ou peu modifiés à la naissance, puis chez les animaux survivants se développe une atrophie progressive de la papille avec fibrose interstitielle et atrophie Session 4 rénale de la rénine mutée. Une mutation faux sens particulièrement intéressante touche l’acide aspartique en position 104, dans le site catalytique actif de l’enzyme, indispensable au clivage de l’angiotensinogène libérant l’angiotensine I. D’autres mutations affectent le repliement et/ou le trafic intracellulaire de la rénine. Des mutations homozygotes du gène AGT, codant l’angiotensinogène, ont été identifiées dans trois familles. Elles sont associées avec une production rénale massive de rénine, probablement par défaut d’angiotensine II. Dans l’une d’elle, la mutation ayant comme probable résultat la synthèse d’une protéine tronquée d’une partie de son domaine serpine conduit à une production très basse d’angiotensine 1 malgré des taux très élevés de rénine plasmatique. Des mutations du gène ACE, codant l’enzyme de conversion de l’angiotensine, ont été identifiées dans 31 familles. Huit mutations touchent le peptide signal. A nouveau ces mutations sont associées à une surexpression rénale de rénine en raison de l’absence de rétrocontrôle par l’angiotensine II. Une mutation faux sens modifie le trafic intra-cellulaire de ACE et est en partie « sauvée » par des chaperones et des inhibiteurs du protéasomes. Dans trois familles, une seule mutation a été mise en évidence. Il s’agit de cas typiques, avec surexpression de rénine, nous faisant penser qu’une deuxième mutation pathogène a peut-être été manquée car localisée dans des régions régulatrices ou introniques profondes. Enfin des mutations du gène AGTR1, codant le récepteur AT1 de l’angiotensine II, ont été identifiées dans trois familles. 111 Laurence HEIDET, Marie Claire GUBLER tubulaire. Il s’y associe un épaississement très important des artères de petit calibre. Enfin certains animaux développent une hydronéphrose. Ces différences importantes des phénotypes entre l’homme et la souris en cas 112 d’inactivation d’un gène codant les protéines du SRA pourraient être liées à des différences dans le calendrier de la néphrogenèse et/ ou de la mise en place du SRA entre les deux espèces. BIBLIOGRAPHIE Allanson JE, Pantzar JT, Macleod PM. 1983. Possible new autosomal recessive syndrome with unusual renal histological changes. 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