2011 - Rein et Grossesse

publicité
15 et 16 septembre 2011
32 Symposium
e
NANTES - 15 et 16 septembre 2011
Symposium sur l’Hémofiltration
La Grande Motte, 24-26 septembre 1981
Les Abords vasculaires en hémodialyse
Paris, 18-19 juin 1982
Informatique et Dialyse
Infection à virus de l’hépatite C (VHC) en néphrologie,
dialyse et transplantation
Saint-Etienne, 14-15 septembre 1995
Rein, cœur et vaisseaux
Paris, 19-20 septembre 1996
Rein et Diabète
Reims, 18-19 septembre 1997
Bordeaux, 3-4 juin 1983
Rein et Grossesse
Aluminium et Insuffisance Rénale
Paris, 25-26 mai 1984
Poitiers, 17-18 septembre 1998
Hémodialyse et Hémostase
Paris, 27 septembre 1985
La survie à long terme de l’insuffisant rénal
Chronique. Dialyse et Transplantation
Néphrologie et Santé Publique
Grenoble, 16-17 septembre 1999
Télématique, Informatique et Néphrologie
Brest, 14-15 septembre 2000
Rein et Tube Digestif
Lyon, 14-15 novembre 1986
Troyes, 13-14 septembre 2001
Arthropathies des dialysés et Amylose B2-M
Rein et Système Nerveux Central
Paris, 23-24 janvier 1987
Limoges, 19-20 septembre 2002
La pression artérielle chez l’urémique
Nutrition en néphrologie : théorie et pratiques
Marseille, 23-24 septembre 1988
Lyon, 18-19 septembre 2003
Peau et insuffisance rénale
Journées annuelles de Néphrologie
Rein et Cancer
La Villette-Paris, 18-20 octobre 1989
L’infection chez le dialysé
Nancy, 28-29 septembre 1990
Hématologie et Maladies Rénales
La Baule, 20-21 septembre 1991
NANTES
Poissy, 31 octobre-1er novembre 1980
Rein
et Grossesse
Rein et Grossesse
Cardiocirculatory Function in renal Failure
32 Symposium
e
Caen, 14-15 octobre 2004
Rein, Artères et Cœur
Strasbourg, 15-16 septembre 2005
Rein et Virus
Tours, 14-15 septembre 2006
Imagerie en Néphrologie
Conséquences métaboliques nutritionnelles
et endocriniennes de l’insuffisance rénale chronique
Bordeaux, 11-12 octobre 2007
Bordeaux, 2-3 octobre 1992
Marseille, 18-19 septembre 2008
NANTES
Rein et Hématologie
15 et 16 septembre 2011
Amiens, 2-3 juillet 1993
Insuffisance rénale, dialyse et transplantation
dans les maladies rénales héréditaires
Versailles, 16-17 septembre 1994
Lille, 10-11 septembre 2009
Les nouveaux visages de l’insuffisance rénale chronique
Versailles, 16-17 septembre 2010
Rein et Grossesse
Nantes, 15-16 septembre 2011
Edité par GAMBRO SAS 1-3 bd Charles de Gaulle 92707 Colombes Cedex
Dépôt légal : 3e trimestre 2011
A CAP ital - 01 47 50 41 85
Progression de l’insuffisance rénale
Le sujet âgé en Néphrologie
REIN ET GROSSESSE
NANTES
15 - 16 septembre 2011
Présidé par le Professeur Maryvonne HOURMANT
Comité Scientifique :
F. BRIDOUX
C. DELCROIX
F. FAKHOURI
C. VIGNEAU
N. WINER
Jeudi 15 septembre – après-midi
12 h 00
13 h 45
Buffet d’accueil
INTRODUCTION M. HOURMANT – M. MORENO
SESSION 1
Les complications rénales de la grossesse
Modérateurs : F. Bridoux (Poitiers) – N. Winer (Nantes)
14 h 00 – 14 h 30
14 h 30 – 15 h 00
15 h 00 – 15 h 30
SESSION 2
Physiopathologie de la pré-éclampsie Aspects cliniques de la pré-éclampsie
ADAMTS 13, complément et grossesse
V. TSATSARIS, Paris
O. POURRAT, Poitiers
Y. DELMAS, Bordeaux
Les complications de la grossesse
Modérateurs : J.M. Halimi (Tours) – F. Fakhouri (Nantes)
15 h 30 – 16 h 00 Place de l’expectative dans la prise en charge de la pré-éclampsie
16 h 00– 16 h 30 pause
16 h 30 – 17 h 00 17 h 00 – 17 h 30 Le bilan de thrombophilie de C. TERNISIEN, Nantes
la femme ayant présenté une éclampsie/pré-éclampsie au cours
de la grossesse
Les complications cardio-vasculaires A. HERTIG, Paris
à long terme chez les femmes ayant
présenté une pré-éclampsie
B. HADDAD, Créteil
SESSION 3
La grossesse au cours de la maladie rénale
Modérateurs : F. Babinet (Le Mans) – Y. Caroit (Nantes)
17 h 30 – 18 h 00
La grossesse chez l’insuffisante rénale
D. CHAUVEAU, Toulouse
SESSION 3
La grossesse au cours de la maladie rénale – suite Modérateurs : S. Coupel (Nantes) – E. Thervet (Paris)
08 h 30 – 09 h 00 09 h 00 – 09 h 30
09 h 30 – 10 h 00 La grossesse en dialyse
C. GAUDRY, Evry
La grossesse après transplantation rénale M. HOURMANT, Nantes
Grossesse et insuffisance rénale :
A. BENACHI, Paris
le point de vue de l’obstétricien
10 h 00 - 10 h 30Pause
10 h 30 - 11 h 00
La grossesse au cours des maladies auto-immunes
11 h 00 – 11 h 30
La grossesse au cours du diabète
11 h 30 – 12 h 00
Microchimérisme et grossesse
A. MASSEAU, Nantes
E. LARGER, Paris
L. ALBANO, Nice
Déjeuner
12 h 00 – 13 h30
Vendredi 16 septembre – après-midi
SESSION 4
Les complications foetales
Modérateurs : F.Lavainne (Nantes) S. Durault (St Nazaire)
13 h 30 – 14 h 00
14 h 00 – 14 h 30
14 h 30 – 15 h 00 15 h 00
Prématurité et capital néphronique : J.P. GUIGNARD, Lausanne
Impact à long terme sur la fonction rénale
Foetotoxicité des médicaments E. AIGRAIN, Paris
pour le néphrologue
Système rénine-angiotensine L. HEIDET, Paris
et malformations foetales
CONCLUSIONS
PROGRAMME
Vendredi 16 septembre – matin
SESSION 1
Les complications rénales de la grossesse
Physiopathologie de la pré-éclampsie
Page
7
Page
13
Page
23
V. TSATSARIS
Aspects cliniques de la pré-éclampsie
O. POURRAT
ADAMTS 13, complément et grossesse
Y. DELMAS
P
Session 1
HYSIOPATHOLOGIE
DE LA PRÉ-ÉCLAMPSIE
Vassilis Tsatsaris - Groupe Hospitalier Cochin, AP-HP, Maternité Port-Royal, 75014 Paris, France
Inserm Unité U767, Paris, F-75006, France, Université Paris Descartes, 75006 Paris, France
Résumé :
La prééclampsie est une complication de la grossesse associant une hypertension artérielle, une protéinurie et des oedèmes. Il s’agit d’une pathologie survenant
au troisième trimestre de la grossesse et spécifique à la gestation humaine. Elle
est secondaire à une dysfonction de la placentation qui est responsable de la libération dans la circulation maternelle de diverses substances responsables d’une
activation voir d’une lésion de l’endothélium maternel, avec pour conséquences
une hypertension artérielle, une néphropathie glomérulaire et une augmentation
de la perméabilité vasculaire. De récents travaux ont permis de mieux comprendre
la physiopathologie de cette pathologie avec l’espoir de mettre en place de nouveaux outils de dépistage et de possibles perspectives thérapeutiques.
Mots Clés : Pré-éclampsie, placenta, grossesse, trophoblaste.
La pré-éclampsie est une maladie de l’endothélium maternel dont l’origine est placentaire. Elle est spécifique à l’espèce humaine et
à la gestation. En effet il n’existe pas de syndrome pré-éclamptique spontané chez l’animal ce qui ne facilite pas la compréhension de
sa physiopathologie. La physiopathologie de
la prééclampsie reste imparfaitement comprise. Cependant les données moléculaires
récentes confrontées aux études anatomopathologiques plus anciennes orientent vers un
schéma physiopathologique en 2 étapes : une
première étape pré-clinique correspondant à
insuffisance placentaire souvent en rapport
avec un développement anormal du placenta
dans ses phases très précoces. La deuxième
phase et la clinique qui correspond à un dysfonctionnement de l’endothélium maternel
lié à diverses substances libérées par le placenta dans la circulation maternelle (radicaux
libres, lipides oxydés, cytokines, sVEGFR-1,
endogline soluble).
La phase préclinique : la dysfonction
placentaire
La placentation humaine est caractérisée
par un processus d’invasion de la partie superficielle de l’utérus (decidue et myomètre)
par des cytotrophoblastes extra-villeux. Cette
invasion trophoblastique est orientée vers les
artères spiralées de l’utérus. Il en résulte une
invasion de la paroi artérielle qui conduit à
une disparition totale de la tunique musculaire lisse artérielle et des cellules endothéliales maternelles qui sont remplacées par le
trophoblaste extravilleux. La tunique de l’artère devient atone, insensible aux éléments
vasoactifs permettant ainsi une perfusion
facilitée de la chambre inter-villeuse. De plus,
les cellules trophoblastiques, villeuses et extra-villeuses, produisent de puissants facteurs
angiogéniques qui sont responsables d’un
profond remodelage de toute l’architecture
vasculaire de l’utérus.
7
Vassilis TSATSARIS
Au cours de la prééclampsie, le remodelage
vasculaire utérin est altéré avec notamment
un défaut d’invasion trophoblastique. L’invasion de la portion interstistielle de l’utérus est
relativement préservée, mais l’invasion endoet péri-vasculaire des artères utérines est
fortement diminuée. À ce défaut d’invasion
des artères maternelles s’ajoute un défaut de
leur remodelage par les cytotrophoblastes
extra-villeux. Les cellules endothéliales ne
sont pas remplacées par les trophoblastes et
la couche de cellules musculaires lisses n’est
pas remaniée. Ainsi les artères utérines, lors
de prééclampsie, ont un diamètre plus petit
et conservent leur potentiel vasoconstricteur
à l’origine de l’hypoxie placentaire.
L’étude des facteurs responsables du défaut
d’invasion trophoblastique est difficile car la
prééclampsie n’est diagnostiquée qu’après le
processus naturel d’invasion trophoblastique.
Par conséquent, les anomalies observées en
cas de prééclampsie ne permettent pas d’établir si elles sont la cause ou la conséquence de
ce syndrome.
Des études récentes ont exploité des fragments de villosités choriales obtenus lors de
biopsies de trophoblastes et compatibles
avec la poursuite de la grossesse. Ces villosités ont permis d’étudier l’expression de
certains gènes chez des femmes ayant une
grossesse normale et chez des femmes qui
ont développé plus tard une pré-éclampsie.
A 10 SA, 36 gènes sont exprimés différentiellement entres ces deux groupes de femmes.
Trente et un de ces gènes sont sous-exprimés
chez les femmes qui vont développer une
pré-éclampsie et leur fonction est impliquée
dans l’inflammation, la régulation immunitaire
et la mobilité cellulaire.
Ainsi les mécanismes permettant à la cellule trophoblastique semi-allogénique d’envahir les tissus maternels en déjouant les
8
processus maternels de reconnaissance du
non-soi peuvent s’avérer défaillants. Une des
hypothèses de l’étiologie de la prééclampsie
repose sur l’activation des cellules immunitaires. En effet, au cours de la grossesse, la
non-reconnaissance des trophoblastes par les
cellules immunitaires limite l’activation de ces
dernières et par conséquent la lyse des trophoblastes de la décidue. À l’inverse, au cours
de la prééclampsie, le nombre de cellules immunitaires activées augmenterait. Une étude
récente révèle une distribution inverse du
nombre de trophoblastes et de macrophages
au niveau de la paroi des artères utérines de
patientes pré-éclamptiques par rapport aux
patientes ayant une grossesse normale. Ainsi, les macrophages sont très peu présents
lorsque l’invasion artérielle trophoblastique
se déroule normalement et à l’inverse, le
nombre de macrophages activés augmente
dans la paroi artérielle utérine de patientes
pré-éclamptiques où très peu de trophoblastes extravilleux sont présents. D’autre part,
l’apoptose des cytotrophoblastes extravilleux
augmente au voisinage du mur artériel en cas
de prééclampsie. En effet, les macrophages
de la décidue produisent et répondent à un
large spectre de cytokines et seraient impliqués dans des mécanismes paracrines régulant l’invasion trophoblastique. Enfin, un autre
système défectueux semble être impliqué
dans le défaut d’invasion des artères spiralées
par la cellule trophoblastique. C’est le système
HLA et notamment l’expression de HLA-G.
HLA-G et HLA-E protègent les cytotrophoblastes extravilleux de l’effet cytotoxique des
cellules NK. Or il a été montré que l’expression
de HLA-G par les cellules trophoblastiques
extravilleuses était absente ou diminuée en
cas de pré-éclampsie.
La phase clinique : dysfonction endothéliale secondaire aux facteurs solubles d’origine placentaire.
La diminution de la perfusion placentaire
secondaire au mauvais remodelage vasculaire utérin engendre progressivement une
dysfonction placentaire. La cause de cette
dysfonction est actuellement mal connue
et débattue. Il est classiquement admis qu’il
s’agit d’une hypoxie placentaire mais il n’y a
actuellement pas de preuve directe en faveur
de cette hypoxie. Par ailleurs le placenta des
grossesses compliquées de prééclampsie
présente des marqueurs de stress oxydatif.
En effet, des métabolites stables de la péroxydation lipidique générés par le stress oxydatif sont anormalement présents et produits
dans les placentas pré-éclamptiques tels que
des péroxydes lipidiques et l’isoprostane libre
(8-iso-PGF2α), produit spécifique de la catalyse de l’acide arachidonique par les radicaux
libres doté d’activités vasoconstrictrices et
agrégantes plaquettaire. Le stress oxydatif
placentaire semble être responsable en partie
des changements physiopathologiques liés
à la prééclampsie. En effet, il est responsable
d’une augmentation de l’apoptose placentaire et de la libération de débris placentaires
apoptotiques dans la circulation maternelle.
Le syncytium se renouvelle au cours de la
grossesse par libération de débris apoptotiques dans la circulation maternelle. Ces débris induisent une réponse inflammatoire systémique croissante mais normale au cours de
la grossesse. Le stress oxydatif stimule l’apoptose du syncytium comme pour d’autres tissus, et augmente par conséquent la libération
de membranes micro-villositaires syncytiales
(STBM) et autres débris syncytiaux dans la
circulation maternelle, comme observé en
cas de pré-éclampsie. Huppertz rapporte que
l’hypoxie favorise la libération de fragments
de syncytium placentaire dans la circulation
Session 1
Physiopathologie de la pré-éclampsie
maternelle par nécrose plutôt que par apoptose. Le concept « d’aponécrose » du syncytium est proposé : en condition hypoxique, la
formation du syncytium est bloquée de telle
sorte que le syncytium, manquant d’ARN, de
protéines et d’organelle « frais » ne peut terminer la cascade apoptotique et entame par
conséquent une élimination secondaire par
nécrose. Ces débris activeraient davantage la
réponse inflammatoire et seraient impliqués
dans l’activation endothéliale, caractéristique
de la prééclampsie. En accord avec cette
théorie, la déportation de cellules trophoblastiques et de fragments syncytiaux est supérieure dans les veines utérines maternelles
pré-éclamptiques. Les membranes microvillositaires syncytiotrophoblastiques isolées
de placentas normaux ou pré-éclamptiques
détruisent et inhibent spécifiquement la prolifération de cellules endothéliales humaines
en culture.
Par ailleurs, la dysfonction placentaire génère d’autres facteurs qui sont libérés dans la
circulation maternelle et qui sont impliqués
dans les lésions endothéliales maternelles.
Une liste non exhaustive de ces facteurs est
présentée dans le tableau 1.
Tableau n°1 : (page suivante)Parmi ceux-ci,
deux molécules semblent jouer un rôle prépondérant dans la physiopathologie de la
pré-éclampsie, ce sont le récepteur soluble
au VEGF (sVEGFR-1 pu sFLT-1) et l’endogline
soluble.
De récents travaux ont montré que le VEGF
joue un rôle important dans la physiopathologie de la dysfonction endothéliale au cours de
la pré-éclampsie. Le VEGF et le PlGF sont des
facteurs de croissance impliqués dans les processus d’angiogenèse et de vasculogenèse.
Ce sont des facteurs indispensables à la survie des cellules endothéliales. Au cours de la
grossesse normale, la cellule trophoblastique
secrète une forme soluble du récepteur au
9
Par ailleurs, la dysfonction placentaire génère d’autres facteurs qui sont libérés dans la
circulation
maternelle et qui sont impliqués dans les lésions endothéliales maternelles. Une
Vassilis TSATSARIS
liste non exhaustive de ces facteurs est présentée dans le tableau 1.
Facteurs de croissance
Cytokines
Enzymes
Autres
EGF
VEGF
TNF-�α
PAI-1
Lipides oxydés
IL-1
PAI-2
Phospholipides
sVEGFR-1
IL-6
MMP-2
Acides gras
sVEGFR-2
IL-10
MMP-9
Endothélines
Endogline soluble
IFN
IGF-II
LIF
α/β
TGF ���
Prostaglandines
Tableau n°1 Facteurs sécrétés par le placenta dans la circulation maternelle
Tableau
n°1impliqués
: Facteurs
par le placenta
dans la circulation maternelle et
et possiblement
dans sécrétés
la physiopathologie
de la prééclampsie
possiblement impliqués dans la physiopathologie de la prééclampsie
VEGF de type 1 appelée sFLT-1, qui est libéun rôle dans le développement et l’homéosrée dans la circulation maternelle. Le sFLT-1
tasie vasculaire en grande partie par le biasi
fixe au deux
VEGF molécules
et au PlGFsemblent
et se comporte
l’activation de
la NO
synthase endothéParmiseceux-ci,
jouer un rôledeprépondérant
dans
la physiopathologie
donc comme un antagoniste compétitif de
liale (eNOS). Comme pour le sFLT-1, le plade la ces
pré-éclampsie,
ce sont le récepteur soluble centa
au VEGF
(sVEGFR-1 pu sFLT-1) et
molécules. L’affinité de sFLT-1 pour le VEGF
humain produit une forme soluble de
est plussoluble.
importante que pour le PlGF, ce qui
l’endogline qui est libérée dans la circulation
l’endogline
explique qu’au cours de la grossesse normale
maternelle et dont les taux sont accrus en cas
De récents travaux ont montré que le VEGF joue un rôle important dans la physiopathologie
les taux sériques de VEGF libre sont effondrés
de prééclampsie. L’endogline soluble potenalors
que
les
taux
sériques
de
PlGF
sont
relatialise la Le
dysfonction
de la dysfonction endothéliale au cours de la pré-éclampsie.
VEGF et endothéliale
le PlGF sontinduite
des
tivement préservés. En cas de prééclampsie,
par sFLT-1, et a pour effets, une activation et
facteurs de croissance impliqués dans les processus d’angiogenèse et de vasculogenèse. Ce
probablement du fait de l’hypoxie placentaire,
une lésion endothéliale ainsi que augmentasont des
facteurs placentaire
indispensables
à laestsurvie
Au cours
de la
la production
de sFLT-1
consi- des cellules
tion de laendothéliales.
perméabilité vasculaire.
L’endogline
dérablement accrue ce qui entraîne un effonsoluble est également impliquée dans la surgrossesse normale, la cellule trophoblastique secrète une forme soluble du récepteur au VEGF
drement des taux sériques de VEGF et PlGF. Il a
venue du HELLP syndrome. L’augmentation
de type
appeléeque
sFLT-1,
qui esten
libérée
dans
au
été1montré
cette carence
VEGF et
PlGFla circulation
de sFLT-1maternelle.
et de sEngLe
estsFLT-1
précoceseetfixe
survient
est
responsable
de
la
dysfonction
endothébien
avant
l’apparition
des
signes
cliniques
VEGF et au PlGF et se comporte donc comme un antagoniste compétitif de ces molécule.de
liale maternelle systémique et de la néphroprééclampsie. Il ouvrent donc de nouveaux
L’affinité
de
sFLT-1
pour
le
VEGF
est
plus
importante
que
pour
le PlGF, sérique
ce qui précoce
expliquede
pathie glomérulaire.
espoirs
pour
un dépistage
d’envisager
une
qu’au cours
de la grossesse
normale
les taux sosériquesladeprééclampsie
VEGF librepermettant
sont effondrés
alors que
Plus récemment
le rôle
de l’endogline
prévention primaire de cette pathologie.
luble,
un autre
récepteur
a été mis
les taux
sériques
de PlGF
sont soluble,
relativement
préservés. En cas de prééclampsie, probablement
en évidence dans la physiopathologie de la
du faitdysfonction
de l’hypoxie
placentaire,
production placentaire
de sFLT-1 est considérablement
Conclusion
endothéliale
de lalaprééclampsie.
(Eng) un
ou effondrement
CD105 est undes
récepaccrueL’endogline
ce qui entraîne
taux sériques
de VEGF etest
PlGF.
Il a été montré
La prééclampsie
une pathologie
materteur membranaire pour les isoformes 1 et 3
nelle,
spécifique
de
la
grossesse,
secondaire
que cette
carence en VEGF
PlGFβ est
responsable
de la dysfonction endothéliale maternelle
du transforming
growthetfactor
(TGF
β 1 et
à une dysfonction placentaire. Les causes
TGF β 3).
Ce la
récepteur
est fortement
exprimé
systémique
et de
néphropathie
glomérulaire.
responsables de cette dysfonction placenau niveau des cellules endothéliales et au
taire sont en fait très variables, ce qui rend
niveau du syncytiotrophoblaste. L’Eng joue
10
l’approche expérimentale de cette pathologie
très complexe. Cette dysfonction placentaire
est responsable de la libération dans la circulation maternelle de substances responsables
d’une dysfonction endothéliale caractérisée
par une activation des cellules endothéliales
et une augmentation de la perméabilité vas-
Session 1
Physiopathologie de la pré-éclampsie
culaire. Deux molécules produites par le placenta jouent un rôle crucial dans la physiopathologie de la prééclampsie ; ce sont le sFLT-1
et l’endogline soluble. Les travaux concernant
ces deux molécules ouvrent de nouvelles
voies de recherche sur le dépistage et probablement le traitement de la prééclampsie.
11
Vassilis TSATSARIS
RÉFÉRENCES:
1. BENIRSCHKE K, KAUFMANN P. Nonvillous parts and trophoblast
invasion. Pathology of the human placenta. New York: SpringerVerlag, 2000.
2. CANIGGIA I, GRISARU-GRAVNOSKY S, KULISZEWSKY M, POST
M, LYE SJ. Inhibition of TGF-beta 3 restores the invasive capability
of extravillous trophoblasts in preeclamptic pregnancies. J Clin
Invest 1999;103:1641-50.
3. CANIGGIA I, MOSTACHFI H, WINTER J, et al. Hypoxia-inducible
factor-1 mediates the biological effects of oxygen on human
trophoblast differentiation through TGFbeta(3). J Clin Invest
2000;105:577-87.
4. EREMINA V, SOOD M, HAIGH J, et al. Glomerular-specific alterations of VEGF-A expression lead to distinct congenital and acquired renal diseases. J Clin Invest 2003;111:707-16.
5. FOUNDS SA, CONLEY YP, LYONS-WEILER JF, JEYABALAN A,
HOGGE WA, CONRAD KP. Altered global gene expression in first
trimester placentas of women destined to develop preeclampsia.
Placenta. 2009 Jan;30(1):15-24.
6. GENBACEV O, ZHOU Y, LUDLOW JW, FISHER SJ. Regulation
of human placental development by oxygen tension. Science
1997;277:1669-72.
7. HUBEL CA. Oxidative stress in the pathogenesis of preeclampsia. Proc Soc Exp Biol Med 1999;222:222-35.
8. HUNG TH, SKEPPER JN, CHARNOCK-JONES DS, BURTON GJ.
Hypoxia-reoxygenation: a potent inducer of apoptotic changes in
the human placenta and possible etiological factor in preeclampsia. Circ Res 2002;90:1274-81.
9. HUNG TH, CHARNOCK-JONES DS, SKEPPER JN, BURTON GJ.
Secretion of tumor necrosis factor-alpha from human placental
tissues induced by hypoxia-reoxygenation causes endothelial cell
activation in vitro: a potential mediator of the inflammatory response in preeclampsia. Am J Pathol 2004;164:1049-61.
12
10. HUPPERTZ B, FRANK HG, KAUFMANN P. Apoptosis along the
invasive trophoblastic pathway. Placenta 1998;19:A35.
11. LEVINE RJ, MAYNARD SE, QIAN C, et al. Circulating angiogenic
factors and the risk of preeclampsia. N Engl J Med 2004;350:67283.
12. LEVINE RJ, LAM C, QIAN C, et al. Soluble endoglin and other
circulating antiangiogenic factors in preeclampsia. N Engl J Med
2006;355:992-1005.
13. MAYNARD SE, MIN JY, MERCHAN J, et al. Excess placental
soluble fms-like tyrosine kinase 1 (sFlt1) may contribute to endothelial dysfunction, hypertension, and proteinuria in preeclampsia. J Clin Invest 2003;111:649-58.
14. MEEKINS JW, PIJNENBORG R, HANSSENS M, MCFADYEN IR,
VAN ASSHE A. A study of placental bed spiral arteries and trophoblast invasion in normal and severe pre-eclamptic pregnancies.
Br J Obstet Gynaecol 1994;101:669-74.
15. REDMAN CW, SARGENT IL. Latest advances in understanding
preeclampsia. Science.2005 Jun 10;308(5728):1592-4. Review.
PubMed PMID: 15947178
16. TSATSARIS V, GOFFIN F, MUNAUT C, et al. Over expression of the
soluble vascular endothelial growth factor receptor (sVEGFR-1) in
preeclamptic patients: pathophysiological consequences. J Clin
Endoc Metab 2003.
17. VENKATESHA S, TOPORSIAN M, LAM C, et al. Soluble endoglin contributes to the pathogenesis of preeclampsia. Nat Med
2006;12:642-649.
18. ZYGMUNT M, HERR F, KELLER-SCHOENWETTER S, et al.
Characterization of human chorionic gonadotropin as a novel
angiogenic factor. J Clin Endocrinol Metab 2002;87:5290-6.
A
Session 1
SPECTS CLINIQUES
DE LA PRÉ-ÉCLAMPSIE
Olivier POURRAT - Poitiers
La pré-éclampsie (PE) n’est pas une maladie au sens strict, définie par une cause
unique et des mécanismes physiopathologiques univoques (1). C’est un syndrome
spécifique de la grossesse mais particulièrement complexe, dans lequel l’unité
est liée à une atteinte endothéliale diffuse secondaire à un trouble circulatoire
placentaire (2-3). Il est impossible de donner une définition unique de la PE (1). Elle
est caractérisée par un très grand polymorphisme clinique, à la fois maternel et
fœtal, de multiples facteurs étio-pathogéniques, une physiopathologie complexe,
enfin l’impossibilité d’en prédire de façon fiable la survenue ainsi que la récidive des
grossesses ultérieures. En définitive, le seul élément certain de définition de la PE
est qu’elle est spécifique de la grossesse, due à la présence du placenta et guérie
par l’ablation du celui-ci (1-3).
Il existe de multiples définitions de la PE, y compris dans les critères de caractérisation de sa forme typique. Il en existe également des formes cliniques atypiques
posant des problèmes parfois difficiles de diagnostic différentiel. Enfin, sa survenue
expose à un risque de récidive.
I.- DÉFINITIONS DE LA PRÉ-ÉCLAMPSIE rielle élevés avant 20 SA, ou bien persistant six
semaines après la fin de la grossesse.
Il existe de multiples définitions de la PE
(4) et aucune ne suffit à elle seule (1). Chaque
Société savante consacrée à l’étude de l’hypertension artérielle (HTA) au cours de la grossesse en a donné une. Les définitions présentées ici sont celles de la conférence d’experts
de la Société Française d’Anesthésie-Réanimation de 2008 (5).
◆ la PE est définie de façon simpliste mais
pragmatique : la simple association d’une
HTAG à une protéinurie apparue après 20 SA
et dépassant 0,3 g/24h suffit à affirmer une PE.
◆ l’HTA gravidique (HTAG) est définie par
une pression artérielle systolique égale ou supérieure à 140 mm Hg et/ou une diastolique
égale ou supérieure à 90 mm Hg, survenant
après 20 semaines d’aménorrhée (SA) et disparaissant avant la fin de la 6ème semaine du
postpartum. La coexistence de tous ces critères est indispensable pour distinguer la PE
de l’HTA chronique : cette dernière doit être
évoquée devant des chiffres de tension arté-
◆ La PE est qualifiée de sévère si elle s’accompagne d’au moins l’un des critères suivants :
- HTA sévère (systolique ≥ 160 mm Hg et/ou
diatolique ≥ 110 mm Hg),
- atteinte rénale avec : oligurie (< 500 ml/24h)
ou créatiniémie > 135µmol/L, ou protéinurie
abondante (> 5 g/j),
- œdème aigu du poumon, ou barre épigastrique persistante et/ou syndrome HELLP
(association d’une hémolyse, une cytolyse hépatique et une thrombopénie) (6),
13
Olivier POURRAT
- éclampsie (crise convulsive tonicoclonique
dans un contexte de pathologie hypertensive de la grossesse), ou signes neurologiques graves (troubles visuels du type scotome, voire amaurose, vivacité des réflexes
ostéotendineux, céphalées rebelles au traitement antalgique),
aiguë), soit par l’apparition de signes extra-rénaux : CIVD, hémolyse (H) de type micro-angiopathique, cytolyse hépatique (EL), thrombopénie (LP), réalisant des tableaux complets
de syndrome HELLP (6), définis par des critères
variables selon les auteurs (7-8), voire dissociés (surtout ELLP, plus rarement HEL ou HLP).
- thrombopénie (<100 G.L-1)
3°) La PE atypique non compliquée : la protéinurie peut manquer (forme non protéinurique) ou être très discrète (4-5). L’élévation
tensionnelle peut ne pas atteindre les critères
de définition précisés ci-dessus mais s’accompagner de signes qui, sans faire partie des
critères de définition de la PE, sont très évocateurs de ce syndrome comme une hyperuricémie et une prise de poids brutale avec
oedème diffus.
- Hématome Rétro Placentaire (HRP)
- retentissement fœtal (anomalie du doppler
utérin, retard de croissance).
Sur la base de ces définitions, on peut
individualiser plusieurs formes cliniques
de la PE :
A.- Selon les signes :
La PE est une maladie extraordinairement
polymorphe mais que l’on peut regrouper
sous forme de 4 tableaux maternels :
1°) la PE typique non compliquée : il s’agit
de la forme rénale pure. Elle associe chez
une femme qui n’a aucun antécédent d’HTA
ni d’uronéphropathie et qui est en général,
mais pas toujours, une primipare : une prise
de poids rapide et brutale (supérieure à 1kg
par semaine), des oedèmes qui ont pour principale caractéristique d’apparaître très brutalement et d’être diffus (touchant les membres
supérieurs et occasionnant le classique «signe
de la bague»), une HTAG, une protéinurie
dépassant au moins 0,30g/j, une uricémie
> 350µmol/l. Il s’agit donc d’un tableau de
glomérulopathie, mais sans hématurie ni hypocomplémentémie. L’hospitalisation immédiate en unité de grossesses pathologiques
s’impose dès qu’on évoque le diagnostic de
PE.
2°) La PE typique compliquée, soit par
accentuation du syndrome vasculo-rénal
(syndrome néphrotique, insuffisance rénale
14
4°) La PE atypique compliquée : c’est la
situation la plus difficile en pratique, représentée par exemple, par la survenue d’une
thrombopénie tardive sans syndrome vasculo-rénal bien identifié, pouvant correspondre
à une simple thrombopénie gestationnelle
idiopathique bénigne mais également à un
premier signe de PE dont les autres manifestations vont apparaître dans les jours suivants
(9). Il peut s’agir d’une douleur épigastrique
associée à une cytolyse hépatique, avec des
plaquettes à la limite inférieure de la normale,
conduisant à des égarements de diagnostic
vers la sphère hépato-biliaire ou gastro-duodénale...Il peut encore s’agir d’une atteinte
hépatique prédominante et grave, faisant
envisager le diagnostic d’une stéatose hépatique aiguë gravidique (10). Il peut encore
s’agir d’une insuffisance rénale aiguë avec
thrombopénie, hémolyse et parfois troubles
neurologiques, faisant évoquer un syndrome
hémolytique urémique (11-12). Ces problèmes de diagnostic différentiel ne sont pas
toujours aisés à résoudre en pratique (cf infra,
chapitre II).
B - Selon les circonstances d’apparition :
1°) d’après le numéro de la grossesse : de
façon extrêmement typique, la PE «pure» est
une affection de la primipare. Cette règle est
loin d’être absolue, mais il n’en reste pas moins
vrai que la survenue d’un syndrome vasculorénal au cours d’une deuxième ou d’une troisième grossesse chez une femme sans antécédent obstétrical, est suffisamment atypique,
sauf en cas de changement de géniteur, pour
justifier d’en chercher un facteur étiologique
particulier (notamment néphropathie et/ou
HTA chroniques méconnues).
2°) selon le terme d’apparition des signes :
on différencie les PE précoces, survenant
avant 32 SA, graves dans l’immédiat par les
conséquences fœtales, et les PE tardives. Enfin, des syndromes vasculo-rénaux peuvent
se manifester dans le post-partum : HTA isolée
du post-partum, PE du postpartum immédiat
avec protéinurie apparaissant dans les deux
jours après l’accouchement, de valeur sémiologique délicate à apprécier si elle est de faible
abondance ; syndrome HELLP apparu dans le
post-partum,
C - Selon l’évolution :
1°) selon la rapidité d’aggravation : dans le
tableau habituel de la PE, il est rare de pouvoir
prolonger la grossesse au-delà d’un délai qui
va de quelques heures à quelques jours (13).
Enfin, on a parfois, mais rarement, la bonne
surprise de constater une stabilisation de la
PE au repos, ne devant pas amener à relâcher
la surveillance en raison d’une évolution classique en trois temps, avec aggravation brutale
après une période d’accalmie.
2°) selon la rapidité de régression dans le
post-partum : Dans l’immense majorité des
cas, une crise polyurique survient dès la fin de
la grossesse, la tension artérielle se normalise
et la protéinurie disparaît dans les heures ou
Session 1
Aspects cliniques de la pré-éclampsie
les jours faisant suite à l’accouchement (13).
Le traitement hypotenseur est très souvent
arrêté dans les heures qui suivent la fin de la
grossesse et le plus souvent avant la sortie
de la Maternité, sauf en cas de PE surajoutée
à une HTA pré-existante à la grossesse. L’absence de disparition de la protéinurie et/ou
de l’hypertension en six mois doit amener à
faire le bilan étiologique qui est habituel devant toute HTA chronique ou toute protéinurie inexpliquée (14).
II.- LES FORMES CLINIQUES ATYPIQUES
DE LA PRE-ECLAMPSIE ET DU SYNDROME
HELLP A la fin des années 80 a été remarquée la
similitude entre les signes du SH et ceux du
SHU et du PTT (11-12), mais également de la
stéatose hépatique aiguë gravidique (SHAG)
également appelée syndrome de Sheehan
(10). Les signes sont en effet extrêmement
voisins : dans ces quatre types de situation
existent des degrés divers d’hémolyse, de cytolyse hépatique, de thrombopénie, d’HTA et
d’insuffisance rénale. Bien que parfois les différences soient très difficiles à établir sur le terrain, on peut cependant remarquer une prédominance différente des signes cliniques et
biologiques selon l’organe atteint (Tableau I),
en relation avec des lésions histologiques des
reins et du foie différentes dans leur nature et
leur intensité (Tableau II).
Ainsi, le syndrome HELLP se manifeste avant
tout par un tableau de ELLP, le PTT par un HLP
de façon sévère ainsi que des signes neurologiques mais peu de EL et peu de signes rénaux, le SHU par un HLP de façon sévère, pas
ou peu de EL mais surtout une anurie, la SHAG
par EL avec un ictère, une insuffisance hépatique, des signes peu marqués de HLP, une
baisse du taux d’antithrombine III. De plus, la
fréquence des quatre pathologies est diffé-
15
Olivier POURRAT
rente : le syndrome HELLP est loin d’être exceptionnel puisqu’il se voit dans une grossesse sur
500 et dans 15 % des PE (7), alors que la SHAG
ne s’observe que dans une grossesse sur 7.000
(10). Quant au PTT et au SHU, on évalue leur
prévalence à un pour 25.000 grossesses (1112). Sur le plan clinique, la constatation d’une
pâleur avec fièvre, signes neurologiques du
type convulsion ou déficit moteur, thrombopénie et hémolyse très sévères et discrétion
des signes rénaux évoque un PTT, alors que
les mêmes signes associés à une anurie sont
en faveur d’un SHU. Une prise de poids brutale, de l’ordre de 3 à 5 kg en une semaine,
une sévérité de l’HTA et le caractère massif de
la protéinurie associés à une créatininémie
normale ou peu élevée sont en faveur d’un
syndrome HELLP (6-7). Certaines données
anamnestiques sont très suggestives d’une
SHAG : perte récente de poids, polyuro-polydipsie récente, vomissements, ictère, chute
du taux de prothrombine, insuffisance rénale
nette et de profil fonctionnel (urée sanguine
proportionnellement beaucoup plus élevée
que la créatininémie, baisse rapide de la créatininémie sous remplissage vasculaire, discrétion de la protéinurie), le caractère modéré
de la thrombopénie et de l’hémolyse, enfin
le manque de sensibilité et de spécificité de
l’imagerie du foie.
Le problème pratique est le suivant : eston certain devant une patiente ayant ce type
de troubles graves que le syndrome HELLP ne
révèle pas une microangiopathie thrombotique (MAT) qui représente à l’heure actuelle
une indication reconnue d’échanges plasmatiques quotidiens à commencer de façon urgente dès le diagnostic évoqué, comme cela
a pu être proposé [15]. En effet, le syndrome
HELLP tout autant que le SHU et le PTT ont
en commun une atteinte endothéliale diffuse
(15) : le syndrome HELLP correspond à une
micro-angiopathie gravidique spécifique et le
SHU et le PTT à une MAT. Deux examens complémentaires peuvent permettre d’affirmer le
16
diagnostic de la MAT et donc de poser une
indication d’échanges plasmatiques : la ponction-biopsie rénale (PBR) (15) et le dosage de
la protéase clivant le facteur von Willebrand
appelée ADAMTS 13 (16). La PBR permet de
visualiser directement les lésions de la MAT,
mais elle est de réalisation technique difficile,
souvent contre-indiquée formellement du
fait de la thrombopénie (15). Elle représente
pourtant le moyen le plus sûr d’affirmer un
diagnostic de SHU ou PTT en rapport avec
une affection, la MAT, dont la définition est
histologique ; il a été montré que le tableau
clinique et biologique d’un syndrome HELLP
peut simuler tout à fait un SHU ou PTT (15).
Les principales lésions anatomopathologiques observées dans le syndrome HELLP
et ses principaux diagnostics différentiels
figurent sur le tableau II. Le syndrome HELLP
est bien une micro-angiopathie gravidique
mais le terme de MAT nécessite la preuve histologique de thromboses caractéristiques, ce
qui n’a jamais été démontré dans le syndrome
HELLP [16]. D’autre part, la découverte en 1998
de l’effondrement du taux plasmatique de la
protéase ADAMTS 13 dans la MAT, secondaire
à la présence d’un auto-anticorps spécifique,
a permis d’écarter la nécessité, qui avait été
mise en avant, de confirmer une indication
des échanges plasmatiques par une PBR (17).
Il a été montré que le syndrome HELLP s’accompagne, au même titre que la MAT, d’une
baisse significative de l’activité ADAMTS 13
par rapport au taux de fin de grossesse normale mais de façon bien plus modérée que
dans la MAT : 31 % en moyenne dans le SH
(12 à 43 %) contre 71 % en fin de grossesse
normale et inférieure à 5 % dans la MAT (18).
De plus, il n’est pas décelé d’auto-anticorps
anti-ADAMTS 13 dans le syndrome HELLP, à
l’opposé de ce qui est constaté couramment
dans le PTT (16). Le principal problème est
que cette recherche d’activité ADAMTS 13
qui permet tout à fait de différencier un syndrome HELLP d’une MAT ne peut s’obtenir à
l’heure actuelle dans le délai compatible avec
la nécessité d’une décision thérapeutique
immédiate que dans très peu d’hôpitaux. Un
PHRC en cours (« HELLP Physiopath ») vise à
étudier dans le syndrome HELLP complet
du postpartum le taux d’activité ADAMTS13
immédiatement après l’accouchement et son
évolution à la sortie de la Maternité en comparaison avec le taux d’activité ADAMTS13 chez
des femmes sans antécédent pathologique
et hospitalisées pour un accouchement au
terme d’une grossesse normale, ainsi que les
corrélations entre l’évolution des paramètres
biologiques du syndrome HELLP (paramètres
de l’hémolyse, de la cytolyse hépatique et de
la thrombopénie) et celles des taux d’activité
ADAMTS13 et des marqueurs anti-angiogéniques (sFlt1 et endogline). Cette étude pourrait apporter des arguments permettant de
confirmer que le syndrome HELLP complet
du postpartum n’est pas une forme clinique
de la microangiopathie thrombotique (MAT)
si le taux d’activité ADAMTS13 n’est pas trouvé
effondré, et ainsi d’écarter l’idée que le syndrome HELLP complet du postpartum puisse
relever d’un traitement par échanges plasmatiques intensifs, traitement qui n’est pas dénué
de risques (utilisation de grandes quantités de
plasma d’origine humaine).
En pratique courante, on est donc conduit
à faire un diagnostic de probabilité en fonction des nuances cliniques et biologiques
précisées plus haut et d’appliquer dans l’immédiat le traitement symptomatique adapté
à la situation rencontrée (contrôle hémodynamique et de l’hémostase, hémodialyse
ou hémofiltration, ventilation mécanique,
sédation…). Il n’est justifié en fait de n’entreprendre des échanges plasmatiques que de
façon très exceptionnelle, en particulier dans
le cas d’une hémolyse franche caractérisée
par un sérum et des urines de couleur rouge
porto, une forte schizocytose et l’absence des
prodromes qui sont très caractéristiques de
la pré-éclampsie (prise de poids récente très
Session 1
Aspects cliniques de la pré-éclampsie
rapide avec œdèmes diffus). Le plus souvent,
une amélioration se dessine après trois jours
de cap critique et permet le plus souvent
d’éviter les échanges plasmatiques intensifs
qui avaient été proposés il y a une quinzaine
d’années (19). En ce qui concerne le diagnostic différentiel entre syndrome HELLP et la
SHAG, il n’est pas étonnant qu’il soit parfois
difficile de différencier sur le plan clinique et
biologique les deux tableaux (11-12). Il a en
effet été suggéré qu’il puisse s’agir de deux
affections ayant une parenté physiopathologique : une étude a en effet montré que
la ponction biopsie du foie (PBF) pratiquée
chez 41 femmes ayant une PE, dont 13 PE
sans cytolyse hépatique, 19 PE avec cytolyse
hépatique (dont 4 avec SH complet) et 9
stéatoses dont le diagnostic était fait sur des
critères cliniques (24), révélait dans tous les
cas des lésions de stéatose (20). La PBF n’est
donc à l’heure actuelle faite que de façon rare,
d’autant que la thrombopénie peut occasionner des difficultés techniques même par voie
transjugulaire : de toute façon, la suspicion de
SHAG, surtout quand existe un ictère marqué
avec début d’insuffisance hépatique et insuffisance rénale, impose une interruption immédiate de la grossesse et la prise en charge en
réanimation (10, 11-12).
III.- RISQUE DE RÉCIDIVE Pronostic après une PE
Alors que l’incidence des récidives lors des
grossesses ultérieures dans les PE en général
est considérée comme relativement faible,
elle est par contre élevée dans les PE sévères,
jusqu’à 47% dans une série (21). Un groupe
particulier présente un risque de récidive
particulièrement élevé : il s’agit de femmes
ayant présenté une PE sévère avec une hypertension et une protéinurie présentes dès le
second trimestre (21-24). Dans une cohorte
de 125 patientes ayant présenté une PE avant
27 semaines d’aménorrhée (SA) et suivies
17
Olivier POURRAT
pendant une durée moyenne de 5 ans (21),
la PE récidivait dans 65% des 169 grossesses
ultérieures ; de plus, cette récidive survenait
de façon précoce (32% dès le deuxième trimestre). La mortalité fœtale périnatale était
également élevée (16 %) (21). Des études
plus récentes ont confirmé ce risque élevé, de
l’ordre de 25% (24) à 34% (22). Dans une large
étude cas-témoins, ce risque relatif de récidive était d’autant plus élevé que la PE était
apparue précocément : il était de 15 si la PE
était apparue à la grossesse précédente entre
20 et 33 SA, 10 si elle était apparue entre 33
et 36 SA et 8 si elle était apparue après 37 SA
(22). Dans une étude de 120 femmes ayant
déjà eu une PE avant 34 SA, le taux de récidive
de la PE était de 25 % (23). Ainsi, les patientes
développant une PE sévère dans le deuxième
trimestre d’une première grossesse ont un
risque élevé de récidive lors des grossesses
ultérieures.
Pronostic après une éclampsie.
Dans une série de 366 grossesses faisant suite
à une grossesse compliquée d’éclampsie, une
PE était observée dans 22% des cas (25). La
précocité de la survenue de l’éclampsie (avant
30 SA) était un facteur notable de risque de
récidive de la PE et de complications obstétricales (25).
Pronostic obstétrical après un syndrome
HELLP
Après un syndrome HELLP sévère marqué
par un taux de plaquettes inférieur à
100.000 /mm3, près de la moitié des femmes
présente une récidive de pathologie vasculorénale sous forme de PE ou de syndrome
HELLP (27). Cette fréquence des récidives
semble particulièrement élevée si le premier
épisode survient avant 32 SA. La précocité
et la sévérité des signes de HELLP syndrome
peuvent donc être considérés comme mar-
18
queurs pronostiques indiscutables du risque
de récidive. Le risque de complications obstétricales (hématome rétro-placentaire, RCIU,
prématurité, mort périnatale) chez les parturientes ayant développé un syndrome HELLP
lors d’une grossesse précédente apparaît
multiplié par un facteur deux, et ce d’autant
qu’une hypertension est présente lors de la
seconde grossesse (28). Chez les patientes hypertendues chroniques qui avaient eu un syndrome HELLP, le pourcentage de PE au cours
des grossesses ultérieures atteignait 75% (28).
Une étude plus récente de la même équipe
a retrouvé chez 697 femmes une récidive du
syndrome HELLP dans 6% des cas seulement,
mais une PE dans 55% des cas, avec 53% de
prématurité et 11% de mortalité périnatale
(29).
Au total, on peut retenir en pratique que le
risque de récidive dépend plus du caractère
précoce que de la sévérité de la PE et/ou du
syndrome HELLP, et qu’il est d’autant plus
élevé que la précocité a été grande : il est de
l’ordre d’un risque sur quatre, pouvant monter
à un risque sur deux en cas de PE avant 32 SA,
et même de deux sur trois en cas de PE avant
28 SA.
CONCLUSION
Toute PE sévère nécessite une analyse
rigoureuse dans le post-partum afin de
rechercher une affection sous-jacente
ayant pu favoriser son apparition. Le
risque de récidive doit être particulièrement évalué en fonction de la précocité
d’apparition de la pathologie gravidique.
Enfin, la survenue d’une PE sévère et
précoce représente un évènement vasculaire qu’un nombre de plus en plus
élevé d’études relie à des complications
rénales et vasculaires à long terme (30).
Session 1
REFERENCES
1.- REDMAN CWG. Preeclampsia : a multi-stress disorder. Rev
Med Interne. 2011;32 Suppl 1:S41-44.
2.- ROBERTS J.M., TAYLOR R.N., MUSCI T.J., RODGERS G.M., HUBEL C.A., McLAUGHLIN M.K. Pre-eclampsia : an endothelial cell
disorder. Am J Obstet Gynecol, 1989;161:1200-4.
3.- ROBERTS J.M., REDMAN C.W. Pre-eclampsia : more than pregnancy-induced hypertension. Lancet, 1993;341:1447-51.
4.-BEAUFILS M. Hypertension artérielle gravidique. Rev Med
Interne 2002;23:927-38.
5.-BERKANE N. Recommandations formalisées d’experts. Définitions et conséquences des hypertensions artérielles de la grossesse. Ann Fr Anesth Reanim 2010 ;29 :e1-e6.
6.- WEINSTEIN L. Syndrome of hemolysis elevated liver enzymes,
and low platelet count : a severe consequence of hypertension in
pregnancy. Am J Obstet Gynecol 1992;142:159-67;
7.-SIBAI BM, Ramadan MK, Usta I, Salama M, Mercer BM, Friedman SA. Maternal morbidity and mortality in 442 pregnancies
with hemolysis, elevated liver enzymes, and low platelets (HELLP
syndrome). Am J Obstet Gynecol 1993;169:1000–6.
8.- MARTIN JN, RINEHART BK, MAY WL, MAGANN EF, TERRONE
DA, BLAKE PG. The spectrum of severe preclampsia : comparative
analysis by HELLP (hemolysis, elevated liver enzyme levels, and
low platelet count) syndrome classification. Am J Obstet Gynecol
1999;180:1373-84.
9.- REDMAN C.W. Platelets and the beginnings of pre-eclampsia.
N. Engl J Med, 1990 ;323:478-80.
10.- CASTRO MA, FASSETT MJ, REYNOLDS TB, SHAW KJ, GOODWIN TM. «Reversible peripartum liver failure: a new perspective
on the diagnosis, treatment, and cause of acute fatty liver of
pregnancy, based on 28 consecutive cases», Am J Obstet Gynecol
1999;181:89-95.
11.-MARTIN JN, STEDMAN CM. Imitators of preeclampsia and
Hellp syndrome. Obstet Gynecol Clin North Am 1991;18:181-98.
12.-SIBAI BM. Imitators of severe preeclampsia. Obstet Gynecol
2007;109:956-66.
13.- BEUCHER G, SIMONET T, DREYFUS M. Devenir à court terme
des patietnes ayant développé une pré-éclampsie sévère. Ann Fr
Anesth Reanim 2010;29:e149-54.
14.- POURRAT O, PIERRE F. Pronostic obstétrical, rénal et vasculaire à long terme dans les suites d’une pré-éclampsie. Ann Fr
Anesth Reanim 2010;29(5):e155-60.
15.- POURRAT O, TOUCHARD G, ROBERT R, BADIA P, BAUWENS M,
HAUET T et al. A kidney biopsy is clearly mandatory to confirm
the indication of plasma exchanges in adult haemolytic uraemic
syndrome. Ann Med Interne (Paris) 1994;145:369-72.
16.- KAHHALE S, TAKIUTI NH, SALDANHA LB, SABBAGA E, ALVES
EA, GALLETTA MA et al. The renal histopathology in HELLP syndrome. Hypertens Pregn 2002, 21, S1;1:94 (abstract).
17.- FURLAN M, ROBLES R, Galbusera M , Remuzzi G, Kyrle PA,
Brenner B et al. Von Willebrand factor-cleaving protease in
thrombotic thrombocytopenic purpura and the hemolytic uremic
syndrome. New Engl J Med 1998;339:1578-84.
18.- LATTUADA A, ROSSI E, CALZAROSSA C, CANDOLFI R, MANNUCCI PM. Mild to moderate reduction of a von Willebrand factor
cleaving protease (ADAMTS-13) in pregnant women with HELLP
microangiopathic syndrome. Haematologica 2003;88:1029-34.
19.- MARTIN JN, FILES JC, BLAKE PG, NORMAN PH, MARTIN RW,
HESS LW et al. Plasma exchange for preeclampsia postpartum
use for persistently severe preeclampsia-eclampsia with Hellp
syndrome. Am J Obstet Gynecol 1990;162:126-37.
20.- MINAKAMI H, OKA N, SATO T, TAMADA T, YASUDA Y, HIROTA
N. Preeclampsia : a microvesicular fat disease of the liver ? Am J
Obstet Gynecol 1988;159:1043-7.
21.- SIBAI B.M., EL-NAZER A., GONZALEZ-RUIZ A. Severe preeclampsia-eclampsia in young primigravid women : subsequent
pregnancy outcome and remote prognosis. Am J Obstet Gynecol,
1986;155:1011-6.
22.- MOSTELLO D, CATLIN TK, ROMAN L, HOLCOMB WL, LEET T.
Preeclampsia in the parous woman: Who is at risk ? Am J Obstet
Gynecol 2002;187:425-9.
23.- VAN RIJN BB, HOEKS LB, BOTS ML, FRANX A, BRUINSE H.
Outcomes of subsequent pregnancy after first pregnancy with
early-onset preeclampsia. Am J Obstet Gynecol 2006;195:723-8.
24.- DUKLER D, PORATH A, BASHIRI A, EREZ O, MAZOR M. Remote
prognosis of primiparous women with preeclampsia. Eur J Obstet
Gynecol 2001;96;69-74.
19
Olivier POURRAT
25.- SIBAI BM, SARINOGLU C, MERCER BM. Eclampsia. VII. Pregnancy outcome after eclampsia and long-term prognosis. Am J
Obstet Gynecol 1992;166:1757-63 (PrIII, Pert 9).
26.- SIBAI M.B., MERCER B., SARINOGLU C. Severe pre-eclampsia
in the second trimester : recurrence risk and long-term prognosis.
Am J Obstet Gynecol, 1991; 165:1408-12.
27.- SULLIVAN CA, MAGANN EF, PERRY KG Jr, ROBERTS WE, BLAKE
PG, MARTIN JN Jr. The recurrence risk of the syndrome of hemolysis, elevated liver enzymes, and low platelets (HELLP) in subsequent gestations. Am J Obstet Gynecol 1994;171:940-3 (PrIII,
Pert 9).
20
28.- SIBAI BM, RAMADAN MK, CHARI RS, FRIEDMAN SA. Pregnancies complicated by HELLP syndrome (hemolysis, elevated liver
enzymes, and low platelets): subsequent pregnancy outcome
and long-term prognosis. Am J Obstet Gynecol 1995;172:125-9
(PrIII, Pert 9).
29.- CHAMES MC, HADDAD B, BARTON JR, LIVINGSTON JC, SIBAI
BM. Subsequent pregnancy outcome in women with a history of
HELLP syndrome at < or = 28 weeks of gestation. Am J Obstet
Gynecol 2003;188:1504-7.
30.- BEAUFILS M. Pré-éclampsie et risque cardiovasculaire ultérieur. Rev Med Interne 2011;32 Suppl 1:S36-40.
Session 1
Tableau I :
lntensité des principaux signes biologiques et sanction thérapeutique du syndrome
HELLP et de ses principaux diagnostics différentiels.
SH
PTT
SHU
SHAG
H
+ à ++
++ à +++
+++
+/-
EL
+ à +++
0
0
+ à ++
LP
+ à ++
+++
+++
+/-
facteur V
N ou ↓
N
N
↓↓
+
+
+++
arrêt de la
échanges
échanges
arrêt de la
grossesse
plasmatiques
plasmatiques
grossesse
Bilirubine totale
Traitement
++
SH : syndrome HELLP, PTT : Purpura Thrombotique Thrombocytopénique, SHU : Syndrome Hémolytique
et Urémique, SHAG : Stéatose Hépatique Aiguë Gravidique.
21
Olivier POURRAT
Tableau II :
Les lésions rénales et hépatiques du syndrome HELLP et de ses principaux
diagnostics différentiels.
HELLP
SHU/PTT
SHAG
Rein
++
+++ (MAT)
0 (IRF)
Glomérules
+++
+++
0
0*
++ à +++
0
++ à +++
+++
0
+ (fibrine)
0à+
+++ (stéatose)
Artérioles
Tubules
Foie
SH : syndrome HELLP, PTT : Purpura Thrombotique Thrombocytopénique,
SHU : Syndrome Hémolytique et Urémique, SHAG : Stéatose Hépatique Aiguë Gravidique, MAT :
Microangiopathie Thrombotique, IRF : Insuffisance Rénale Fonctionnelle
* sauf en cas de SH compliquant une PE surajoutée à une néphropathie chronique.
22
D
Session 1
ÉRÉGULATION DU COMPLÉMENT,
ADAMTS13 ET GROSSESSE
Y. DELMAS, Néphrologie - CHU Pellegrin, BORDEAUX
Introduction : les microangiopathies
de la grossesse
Les microangiopathies (MAT) observées durant la grossesse ou dans la période post-partum regroupent plusieurs entités différentes,
leur socle commun étant une atteinte de
l’endothélium des petits vaisseaux avec ischémie d’aval de degré variable. Chacune de ces
entités renvoie à une définition qui repose sur
un ensemble de caractéristiques cliniques et
biologiques qui se recoupent. Au cours des
quinze dernières années, de grandes avancées ont été réalisées en matière de compréhension des mécanismes de ces syndromes :
ceux-ci doivent être recherchés car la prise en
charge thérapeutique préventive ou curative
peut être diamétralement opposée ; l’arrêt
de la grossesse n’étant pas toujours la règle.
Le présent chapitre a pour but de résumer ce
que l’on sait à ce jour sur la place des voies de
régulation du complément d’une part, du déficit fonctionnel en activité ADAMTS13 d’autre
part dans les microangiopathies observées
en contexte obstétrical. Il sera abordé les éléments de discussion qui en découlent pour la
pratique clinique.
Prééclampsie (PE): la prééclampsie est l’association d’une HTA (pression artérielle ≥ 140
mmHg de systolique et/ou ≥ 90 mmHg de
diastolique) et d’une protéinurie (>0,3 g/24h)
survenant après 20 semaines d’aménorrhée
(SA). La PE complique 5 à 10% des grossesses
mais ce sont les formes précoces et/ou sévères qui s’accompagnent de morbi-mortalité
materno-fœtale. L’éclampsie, crise convulsive
tonico-clonique de type grand mal complique moins de 1% des PE.
Hemolysis Elevated Liver enzyme Low Platelet syndrome (HELLP) : association d’une
hémolyse mécanique avec thrombopénie
de consommation et cytolyse hépatique. Le
HELLP syndrome touche environ 0,5% des
grossesses. La grande majorité se déclare
entre 28 et 36 SA. Les critères diagnostic les
plus répandus (1) sont les suivants :
•
•
•
•
Anémie hémolytique mécanique : avec
présence de schizocytes
LDH>600 UI/L ou bilirubine>1,2 mg/dL
Thrombopénie <100 G/L.
ASAT>70 UI/L
Le syndrome de HELLP s’accompagne de
microthrombi des sinusoïdes hépatiques,
d’une nécrose hépatocytaire périportale avec
dépôts de fibrine. Il peut se compliquer entre
autre d’insuffisance rénale aigue, d’hématome
sous capsulaire, de CIVD et récidiver lors de
grossesses ultérieures (2). Un diagnostic différentiel à ne pas méconnaitre est la Stéatose
Hépatique Aigue Gravidique (SHAG): entité
très rare estimée à 1/10000 grossesses, due à
une stéatose microvésiculaire, survenant au
troisième trimestre avec certaines caractéristiques clinico-biologiques distinctes du HELLP
(3): vomissements, ictère, diabète insipide
central, polynucléose, cholestase et ictère
à bilirubine conjuguée, insuffisance rénale
aigue plus marquée. A un stade plus avancé
une insuffisance hépatocellulaire : hypoglycémie, baisse du TP et facteur V, antithrombine
III et du fibrinogène. Le pronostic vital de la
mère et de l’enfant est engagé, une extraction
fœtale urgente est indiquée, (4). La physiopathologie est a priori différente du HELLP avec
parfois une anomalie de la béta oxydation des
acides gras fœtale à rechercher, il ne s’agit pas
d’une MAT au sens anatomopathologique.
23
Y. DELMAS
Purpura Thrombotique Thrombocytopénique
(PTT) : tableau associant de façon variable
fièvre, signes neurologiques focaux, avec
hémolyse mécanique et thrombopénie de
consommation. L’atteinte neurologique et les
atteintes viscérales (rein, cœur notamment)
en font une entité engageant rapidement le
pronostic vital en l’absence de thérapeutique
spécifique et notamment dans les formes
auto-immunes. La transfusion plaquettaire est
dans le PTT un facteur d’aggravation majeur.
Syndrome Hémolytique et Urémique atypique
(SHUa) : microangiopathie à tropisme rénal
avec hémolyse mécanique, thrombopénie
de consommation et insuffisance rénale
aigue au premier plan, à diurèse variables,
avec classiquement protéinurie, hématurie
et HTA. L’atteinte rénale peut être associée à
une atteinte cardiaque, neurologique, digestive ou d’autres organes cibles. Le caractère
atypique renvoie au contexte de survenue
en dehors de toute infection entéro-invasive
à Escherichia Coli producteur de shiga-toxine
ou infection à pneumocoque et hors cancer,
médicament, VIH ou MAT secondaire.
Syndrome des AntiPhosphoLipides (SAPL) :
il est caractérisé par des épisodes de thromboses artérielles ou veineuses ou des complications obstétricales avec la présence
d’anticorps dirigés contre des protéines liées
à des phospholipides anioniques. Les complications obstétricales comportent thrombose
vasculaire chez la mère, mort fœtale tardive,
PE sévère et précoce, retard de croissance intra utérin sévère et fausses couches répétées.
Physiopathologie : place des dérégulations du complément et du déficit en
ADAMTS 13 dans les MAT de la grossesse
1 - La prééclampsie
Au cours des dix dernières années, de grandes
avancées ont été effectuées dans la physiopathologie de la PE (5). On peut citer :
•
Le défaut d’invasion trophoblastique et
les anomalies de remodelage des artères
spiralées. (illustré de façon très claire par
S Ananth Karumanchi dans une revue du
journal Kidney international en 2005, (6)).
•
Un déséquilibre de la balance anti/pro
angiogénique en faveur d’un état antiangiogénique. Rôle prépondérant du
récepteur soluble du VEGF sFlt1 qui
séquestre le VEGF et le PLGF ; l’endogline soluble sENG qui diminue le TGFβ1
biodisponible (7), pouvant expliquer la
dysfonction endothéliale systémique de
la fin de grossesse. Les mécanismes en
amont de cette libération accrue de facteurs anti-angiogéniques n’étant cependant pas clairement élucidés.
•
La place du métabolisme placentaire
des hormones sexuelles : le déficit en
2-méthyloestradiol avec un modèle de
PE chez la souris transgénique cathécolamines o methyl transférase -/- (8). Les
travaux récents d’Alexandre Hertig proposant un rôle des aromatases placentaires avec déficit de la stéroïdogénèse
dans la PE, proportionnel à la sévérité
clinique (9).
2 - Similitude SHUa, HELLP et PTT
Il n’est pas clairement établi que le HELLP soit
une forme sévère de PE ou une entité séparée,
notamment sur les mécanismes physiopathologiques. En effet, l’hypertension et/ou la protéinurie ne sont pas des éléments constants
24
du tableau de HELLP par définition et sur les
cas observés en pratique clinique, 25% des
HELLP ne sont pas protéinuriques et environ
la moitié sont normotendus (10). Sous l’entité
HELLP, il est possible que soient regroupées
des MAT de physiopathologies distinctes, on
pourrait parler des HELLP syndromes.
Au cours de la grossesse, le HELLP, le PTT et le
SHUa ont des modes de présentation clinique
très similaires (11). Les lésions anatomopathologiques rénales ne sont pas spécifiques :
celles-ci, lors des rares biopsies rénales dans
des cas de HELLP retrouvent outre parfois
une nécrose tubulaire, des caractéristiques
de MAT identiques à celles du SHUa : turgescence, décollement des cellules endothéliales
glomérulaires, lumière artériolaires diminuées,
occlusion capillaire (12). Des dépôts de fibrine
intraglomérulaires peuvent aussi être observés en immunofluorescence dans le HELLP.
Indépendamment de la grossesse, les travaux
des dernières années ont permis d’établir parmi les MAT, un parallélisme entre la présentation clinique SHUa ou PTT et des mécanismes
physiopathologiques distincts, dérégulation
du complément dans le SHUa, déficit en
ADAMTS13 dans le PTT. Du fait de la similitude du HELLP avec les SHUa et PTT, d’autres
études ont amené un éclairage nouveau sur la
physiopathologie des HELLP où tout comme
dans les SHUa-PTT, il semble y avoir une implication dans certains cas du complément et
dans certains autres un déficit en ADAMTS13.
3 - Complément et grossesse
Jusqu’à deux-tiers des cas de SHUa s’accompagnent d’une susceptibilité génétique avec
la présence de mutation sur les protéines impliquées dans la voie alterne du complément.
Le système du complément qui comprend
des molécules solubles et membranaires joue
un rôle majeur dans l’immunité innée et dans
la réponse inflammatoire. Il existe trois voies
Session 1
Dérégulation du complément, ADAMTS13 et grossesse
d’activation du complément, la voie classique,
la voie alterne et la voie des lectines (Figure 1).
Une étape clef de l’activation du complément
est la formation de la C3 convertase de la voie
alterne, complexe bimoléculaire constitué du
fragment de C3 activé et du facteur B (C3bBb)
permettant une amplification exponentielle
de l’activation initiale du complément. La voie
alterne a la particularité de ne pas nécessiter
la présence d’anticorps ou le contact avec
une surface bactérienne pour s’activer. Le C3
est en permanence clivé à bas bruit par la C3
convertase alterne et cela génère du C3b à
faible taux : cette activation est rapidement
amplifiée en présence de bactérie, altération
cellulaires de l’hôte ou d’anomalie des protéines de régulation. La régulation de la C3
convertase alterne est ainsi essentielle pour
le maintien de l’homéostasie du complément
dans le plasma et la protection des cellules
de l’organisme de l’agression par le complexe
d’attaque membranaire (le C5b-9), phase
finale de l’activation du complément, qui
forme un pore dans la paroi des membranes
plasmiques cellulaires. L’endothélium est particulièrement exposé aux conséquences de
l’activation incontrôlée du complément.
Les protéines régulatrices de l’activation de
la voie alterne du complément sont solubles
et/ou membranaires. Les mutations des protéines du complément associées au SHUa
sont principalement le facteur H, le CD46 (ou
MCP pour membrane cofactor protein), le facteur I dans les protéines régulatrices (perte
de fonction) et le C3 et le facteur B de la C3
convertase alterne qui sont des mutations
gain de fonction qui vont stabiliser la convertase et favoriser l’emballement du complément. Une revue de 2011 par Véronique
Frémeaux-Bacchi et Col. fait la synthèse de
ces mécanismes physiopathologique dans
le SHUa (13). Il existe également un mécanisme acquis auto-immun, avec la mise en
évidence d’anticorps anti facteur H, décrit
25
Y. DELMAS
essentiellement chez l’enfant, avec une association forte à une délétion homozygote des
gènes des « factor H related protein », CFHR1
à 3 situés à proximité du gène dudit facteur
H. Ceci souligne la susceptibilité génétique
des gènes régulateurs du complément dans
le SHUa. La pénétrance est cependant incomplète, de l’ordre de 50% et la présence d’une
ou plusieurs mutations n’entraîne pas obligatoirement la maladie. Il existe des facteurs
déclenchants retrouvés de façon inconstante
dans les poussées de SHUa, avec ou sans susceptibilité génétique : infection, contexte hormonal et notamment la grossesse.
Au sein du placenta, le rôle du complément
est d’empêcher l’invasion de pathogène pour
protéger la mère et le fœtus, mais parallèlement, le fœtus doit être protégé de l’attaque
allo-immune maternelle. A l’interface materno-fœtale, trois protéines membranaires
inhibitrices de l’activation du complément
sont stratégiquement présentes : le CD55,
CD46 et le CD59 (14).
Dans un travail original rapporté en 2010
par Fadi Fakhouri et Col. (15), au sein de la
cohorte française de SHUa génotypée pour
les protéines de la voie alterne du complément, 100 femmes ont été identifiées. Parmi
elles, une série de 21 patientes ayant présenté une poussée de SHUa en contexte
obstétrical a été retrouvée et comparée à
35 femmes non nullipare ayant présenté un
SHUa en dehors de tout contexte obstétrical.
Parmi les 21 patientes « SHUa obstétrical », 18
d’entre elles (86%) présentaient une ou plusieurs mutation(s) des protéines régulatrices
ou composant la C3 convertase alterne, 3 ne
présentaient pas de mutation des facteurs
H, I, CD46 ou de C3 ou B. Aucune ne présentait d’anticorps anti facteur H. La proportion
globale et la répartition des anomalies génétiques sur la voie alterne du complément
était similaire dans le groupe SHUa non lié à
26
la grossesse. La très grande majorité des SHUa
obstétricaux sont survenus en post-partum
(79%) et la survie rénale globalement très
mauvaise avec 76% d’insuffisance rénale terminale, évolution péjorative indépendante du
moment de survenue de la poussée par rapport à la grossesse. Cette évolution péjorative
était du même ordre dans les SHUa des 35
patientes survenus hors contexte obstétrical
(74% d’insuffisance rénale terminale).
En considérant dans cette même cohorte 105
grossesses chez 44 patientes avec anomalie
génétique de la voie alterne du complément,
la survenue d’une poussée de SHUa en lien
avec une grossesse était de l’ordre de 20% des
grossesses, la seconde grossesse étant la plus
représentée. Des complications obstétricales
autres que le SHUa ont été documentées avec
4,8% de perte fœtales et 7,7% de PE, soit une
proportion possiblement supérieure à celle
de la population générale.
Ce travail souligne entre autre l’importance de
la grossesse comme facteur déclenchant du
SHUa puisque retrouvé dans 21% des SHUa
de la femme en France. La période critique est
sans conteste le post-partum, pouvant aller
jusqu’à 3 voire 4 mois.
L’incidence du SHUa et du PTT est indéterminée, il s’agit dans tous les cas de pathologies
très rares, une étude rétrospective sur 25 ans
par une équipe de Dallas a estimé cette incidence à 1 sur 25000 grossesses (16). Du fait de
la similitude de présentation du HELLP et du
SHUa et des possibles chevauchements dans
leur physiopathologie, Fadi Fakhouri et Col. se
sont penchés sur l’existence de mutation prédisposant au SHUa parmi 11 femmes ayant
présenté un HELLP avec créatinine>70µM
(17). Quatre patientes sur 11 présentaient
une mutation hétérozygote de protéine de la
voie alterne du complément : une mutation
du facteur H, deux mutations du facteur I et
une mutation de CD46. Les gènes des consti-
tuants de la convertase alterne n’avaient pas
été étudiés. Malgré qu’il s’agisse d’une petite
série et de HELLP particuliers (avec atteinte
rénale), cette étude appui l’hypothèse d’un
socle commun dans les mécanismes du SHUa
et du HELLP syndrome ; elle ouvre le débat sur
une nouvelle classification des MAT de la grossesse basée sur la physiopathologie.
Le complément intervient également dans
une autre MAT de la grossesse, le SAPL. Il a été
montré sur des modèles murins que l’activation du complément avait un rôle effecteur
clef dans le SAPL par une activation de la
cellule endothéliale et l’induction d’un état
prothrombotique. (18). Par ailleurs, des marqueurs d’activation du complément in situ
ont été retrouvés de façon spécifique sur les
anatomopathologies de placenta de femmes
présentant un SAPL (19).
Une étude systématique des gènes MCP, facteur H et I chez 40 femmes présentant un
lupus et/ou SAPL compliqué de PE a montré
une prévalence de 7 mutations hétérozygote
sur 40 patientes (20), une autre étude du
même groupe d’auteurs chez des patientes
exemptes de maladie auto-immune mais
ayant présenté également une PE a montré
une proportion de mutation de 5 sur 59. Cela
laisse supposer que la susceptibilité à la dérégulation de l’activation du système du complément joue un rôle dans la physiopathologie de la PE. Le rôle des héparines standard
ou de bas poids moléculaire passerai entre
autre par un effet régulateur sur l’activation
du complément indépendamment de leur
action anti coagulante (21, 22).
14% des 21 SHUa obstétricaux de la série
détaillée précédemment ont été précédés
de PE. On sait que le VEGF est nécessaire au
maintient trophique de l’endothélium fenêtré
et que les thérapies anti VEGF donnent des
SHUa. Le climat anti-angiogénique de la PE
participe sans doute au déclenchement de
Session 1
Dérégulation du complément, ADAMTS13 et grossesse
la poussée de SHUa via l’activation-altération
endothéliale. Guillermina Girardi et Col. ont
montré depuis plusieurs années au travers
d’études fondamentales un lien entre la dérégulation du complément et le déséquilibre
de la balance pro/antiangiogénique au cours
de la grossesse. L’inhibition de l’activation du
complément dans des modèles murins de
perte ou retard de croissance du fœtus par
anticorps anti-C5 ou antagoniste du récepteur C5a empêche l’augmentation de sFlt-1
et permet une grossesse non compliquée. Le
facteur tissulaire, initiateur cellulaire de la cascade de la coagulation joue un rôle effecteur
clef en aval de l’activation du complément.
Les statines ayant la propriété de diminuer
l’expression du facteur tissulaire induit par le
C5a préviennent la PE dans des modèles murins : une étude est en cours chez la femme
pour évaluer l’effet potentiellement favorable
des statines pendant la grossesse (voir revue
Girardi et Col. (23)).
Les plaquettes, comme les cellules endothéliales et les polynucléaires, sont activées par
plusieurs protéines ou complexes du complément dont C3a, C5a et C5b-9 (24). La frontière entre hémostase, activation cellulaire et
inflammation est très étroite et tout porte à
croire que le complément est une des pierres
angulaires des MAT de la grossesse.
4 - ADAMTS 13 et grossesse
Dès les années 80, Moake avait montré l’existence de multimères de très haut poids moléculaire du facteur Willebrand VWF dans le sérum de patients atteints de PTT (25). A la fin des
années 90, des équipes de chercheurs ont mis
en évidence un déficit fonctionnel de l’enzyme
de clivage des multimères du VWF, A Disintegrin
And Metalloprotease with ThromboSpondin type
1 domain 13 ou ADAMTS13 dans les PTT, selon
un mécanisme congénital ou acquis (26, 27).
La forme congénitale est autosomique récessive et survient chez des sujets homozygotes
27
Y. DELMAS
ou hétérozygotes composites, la forme acquise
est médiée par un anticorps inhibiteur de l’activité d’ADAMTS13 (28).
Le déficit de l’enzyme de clivage du VWF va
entrainer dans les petits vaisseaux où la force
de cisaillement est élevée, une agrégation
plaquettaire avec microthrombi obstruant
les lumières artériolaires et aboutissant à une
thrombopénie de consommation et une lyse
mécanique par fragmentation des globules
rouges au contact des thrombi : voir figure 2.
Tous les organes peuvent être touchés mais
la cible privilégiée est le cerveau, avec le rein
et le cœur. La causalité de la déficience en
ADAMTS13 dans le PTT a été démontrée chez
le babouin par le déclenchement d’un tableau
clinico-biologique de PTT en leur administrant un anticorps anti-ADAMTS13 bloquant
(29). Cependant il est admis que l’on retrouve
de façon régulière un facteur déclenchant aux
poussées de PTT : infection et grossesse étant
les plus incriminés.
Il existe au cours de la grossesse une décroissance physiologique de l’activité ADAMTS13 à
partir de la fin du premier trimestre (30, 31).
Cette diminution est plus marquée chez les
nullipares comparée aux autres (activité respective 65% vs 83%). Cela est lié en partie à
l’augmentation du taux de VWF de l’ordre de
170% chez des femmes témoins au cours de
la grossesse (32).
L’activité ADAMTS13 a été étudiée chez des
patientes souffrant de HELLP syndrome, comparée à des patientes prééclamptiques et
femmes témoins (32). Les auteurs ont trouvé
des taux de VWF significativement plus importants chez les patientes HELLP versus témoins
à 339% de médiane vs 168%. Inversement,
l’activité ADAMTS13 était plus basse à 74% vs
90% pour les PE et 105% chez les témoins, en
restant dans la norme de 61-142%. Un travail
précédent avait trouvé une médiane à 31%
dans le HELLP contre 71% dans les grossesses
28
normales, 101% chez femmes non enceintes
(33).
La baisse de l’activité ADAMTS13 en deçà de
5% à la phase aigue semble très spécifique du
PTT, en dehors des contextes de défaillance
multiviscérale. Le PTT a une incidence inconnue au cours de la grossesse.
Le PTT se révèle en contexte obstétrical dans
10 à 25% des cas et l’incidence de survenue prédomine aux deuxième et troisième
trimestres selon les études. Dans un travail
réalisé par l’équipe d’Agnès Veyradier où le
diagnostic de PTT reposait sur une activité
ADAMTS13 < 10% (abstract 1059 SFH 2011),
Marie Moatti a montré qu’aucune caractéristique biologique ne permettait de distinguer
le HELLP (n=40) du PTT (n=45) en dehors
d’une hémoglobine un peu plus basse dans
le PTT (7,3 vs 9,2 g/dl). Par contre, sur le plan
clinique, la fièvre était plus souvent présente
dans les PTT vs HELLP (24% vs 9%). Le taux de
LDH et les transaminases n’étaient pas significativement différents.
Dans plus de 50 cas documentés de la littérature de déficits profonds en ADAMTS13
avec poussée de PTT obstétrical, le nadir
plaquettaire le plus haut sur était de 64 G/L.
Sébastien Hélou (abstract 3636 SFD & SN
2011) a réalisé une étude rétrospective sur
la maternité du CHU de Bordeaux où toute
femme en contexte obstétrical ayant présenté une thrombopénie < 75 G/L était éligible
pour un dépistage en déficit en ADAMTS13.
Cette étude aboutie pour 2008 montre sur
une activité de 4292 accouchements, 43 patientes avec une thrombopénie<75 G/L. Onze
patientes avaient une cause établie autre
qu’une MAT de thrombopénie, 6 perdues de
vue. 26 dosages d’ADAMTS13 ont été réalisés et 4 patientes se sont révélées déficitaires
(activité <5%) en péripartum : 3 patientes primipares (étiquetées HELLP syndrome initialement) avec un déficit constitutif et qui ont
dû accoucher prématurément. Leurs enfants
présentaient un retard de croissance intrautérin et les anatomopathologies placentaires
montraient des lésions d’ischémie majeure.
La 4ème patiente a présenté un épisode de
PTT au 5ème jour du post partum avec mise
en évidence d’auto-anticorps anti ADAMTS13
(taux deux fois supérieur au seuil de positivité)
et des anticorps anti-noyaux au 1/500ème. Les
4 patientes ont eu une résolution spontanée
de leur poussée de MAT sans aucune plasmathérapie. Les enfants de deux patientes avec
déficit constitutif sont décédés en période
néonatale sans stigmate de MAT. Deux patientes avec déficit constitutif ont pu à l’occasion de leur seconde grossesse recevoir avec
succès une substitution par plasmathérapie
pour corriger le déficit en ADAMTS13 et prévenir ainsi un nouvel épisode. Les patientes
ayant un PTT avaient un nadir de plaquettes
significativement plus bas à 23 G/L comparativement aux patientes thrombopéniques
non déficitaires à 53 G/L (n = 22).
Penser à doser l’ADAMTS13 devant une MAT
obstétricale d’autant plus que thrombopénie
profonde (<50 G/L), fièvre, lésions d’ischémies
sévères sur le placenta, retard de croissance
du bébé, à fortiori si MAT du deuxième trimestre.
Dépister : les anomalies du complément si
MAT avec atteinte rénale non rapidement
résolutive en post-partum.
En pratique aujourd’hui : quelles implications ?
Traiter : la prise en charge thérapeutique curative du SHUa en climat obstétrical n’est pas différente du SHUa en général avec en premier
lieu, la plasmathérapie (perfusion, échanges).
La place des inhibiteurs du complément tels
que l’eculizumab ou les thérapies de substitution comme le facteur H recombinant n’a pas
été abordée dans le SHUa obstétrical, sachant
qu’un passage transplacentaire est plausible
bien qu’il s’agisse de thérapies prometteuses
hors grossesse. Le débat reste ouvert quand
à la prise en charge des femmes porteuses
ou apparentées à un/une patient(e) porteur
d’une mutation sur les gènes codant pour les
protéines de la voie alterne du complément
et qui souhaitent un enfant, qu’elles aient ellemême déjà un antécédent de complication
vasculorénale de la grossesse ou non. Une
information individualisée et la surveillance
accrue tout au long de la grossesse des paramètres d’hémolyse, plaquettes, de la fonction
rénale et de la protéinurie semblent indiquées.
Il n’existe pas aujourd’hui de recommandation
pour une plasmathérapie préventive en postpartum qui n’est pas sans risque (procédure et
produits sanguins labiles) pour un bénéfice
hypothétique.
Les travaux sur les troubles de la régulation du
complément et portant sur les déficits en activité ADAMTS13 au cours de la grossesse sont
récents et n’ont pas assez de recul pour que
des recommandations collégiales aient vu le
jour. On peut cependant aborder quelques
points ouverts à discussion.
Prévention : Si déficit en ADAMTS13 acquis,
il est recommandé d’attendre une rémission
avec normalisation de l’ADAMTS13 et de se
situer à distance du traitement par rituximab
pour envisager une grossesse (CNR MAT). La
ciclosporine A ou l’azathioprine ont pu être
Il semble au vu de notre expérience et des
cas rapportés dans la littérature que dans les
formes de déficit congénital en ADAMTS13, le
PTT survient dans une forme plus ou moins
sévère dans 100% des cas (34). La prévalence
du déficit en ADAMTS13 est sans doute sous
estimée. La prédominance parmi les PTT de
la forme auto-immune ne fait aucun doute
chez l’adulte mais elle n’est peut-être pas aussi
massive qu’on le croit jusqu’à présent (90%).
Session 1
Dérégulation du complément, ADAMTS13 et grossesse
29
Y. DELMAS
utilisé dans la littérature (35) et chez une de
nos patiente avec succès. La plasmathérapie
substitutive en prophylaxie sera systématiquement indiquée si déficit en ADAMTS13
congénital. Le protocole de substitution en
plasma a été suivi à Bordeaux avec succès
chez deux patientes sur le mode suivant: 1er
trimestre: 20 ml/kg/14j_2e trimestre: 20 ml/
kg/7j_3e trimestre: 30 ml/kg/7j ou échanges_
Post partum: 10 à 20 ml/kg J1, J2.
Surveillance rapprochée de l’hémogramme,
des paramètres d’hémolyse, transaminases
et de la protéinurie en plus du suivi classique
obstétrical.
Conclusion
Le HELLP est bien un syndrome avec des
mécanismes physiopathologiques différents
faisant intervenir les voies de régulation du
30
complément, l’hémostase primaire avec
l’ADAMTS13, avec encore beaucoup de zones
d’ombres. Le PTT et le SHUa nécessitent la
mise en place rapide d’une plasmathérapie,
la délivrance n’étant a priori pas le traitement
de première intention si cela survient précocement. En dehors du dosage d’ADAMTS13
il n’existe pas de moyen discriminant solide
pour distinguer un PTT d’un HELLP. La résolution spontanée du tableau au décours de
la délivrance placentaire ne doit pas faire éliminer un déficit congénital voire acquis en
ADAMTS13, sur une forme frustre. La consultation du post-partum joue un rôle déterminant dans les dépistages d’anomalie du
complément ou déficit en ADAMTS13 dans la
mesure où la prophylaxie et la mise en place
d’une plasmathérapie très précoce avec une
surveillance étroite peut transformer le pronostic des grossesses de ces patientes.
1. Sibai BM. The HELLP syndrome (hemolysis, elevated liver enzymes, and low platelets): much ado about nothing? Am J Obstet
Gynecol 1990; 162: 311-316.
2. Sibai BM, Ramadan MK, Usta I, Salama M, et al. Maternal morbidity and mortality in 442 pregnancies with hemolysis, elevated
liver enzymes, and low platelets (HELLP syndrome). Am J Obstet
Gynecol 1993; 169: 1000-1006.
13. Fremeaux-Bacchi V, Fakhouri F, Roumenina L, Dragon-Durey
MA, et al. [Atypical hemolytic-uremic syndrome related to abnormalities within the complement system]. La Revue de medecine
interne / fondee 2011; 32: 232-240.
14. Girardi G, Bulla R, Salmon JE, Tedesco F. The complement
system in the pathophysiology of pregnancy. Molecular immunology 2006; 43: 68-77.
3. Vigil-De Gracia P. Acute fatty liver and HELLP syndrome: two
distinct pregnancy disorders. International journal of gynaecology
and obstetrics: the official organ of the International Federation of
Gynaecology and Obstetrics 2001; 73: 215-220.
15. Fakhouri F, Roumenina L, Provot F, Sallee M, et al. Pregnancy-associated hemolytic uremic syndrome revisited in the era of
complement gene mutations. J Am Soc Nephrol 2010; 21: 859867.
4. Bacq Y. Liver diseases unique to pregnancy: A 2010 update.
Clinics and research in hepatology and gastroenterology 2011;
35: 182-193.
16. Dashe JS, Ramin SM, Cunningham FG. The long-term
consequences of thrombotic microangiopathy (thrombotic
thrombocytopenic purpura and hemolytic uremic syndrome) in
pregnancy. Obstet Gynecol 1998; 91: 662-668.
5. Young BC, Levine RJ, Karumanchi SA. Pathogenesis of preeclampsia. Annual review of pathology 2010; 5: 173-192.
6. Karumanchi SA, Maynard SE, Stillman IE, Epstein FH, et al.
Preeclampsia: a renal perspective. Kidney international 2005; 67:
2101-2113.
7. Levine RJ, Lam C, Qian C, Yu KF, et al. Soluble endoglin and
other circulating antiangiogenic factors in preeclampsia. The New
England journal of medicine 2006; 355: 992-1005.
8. Kanasaki K, Palmsten K, Sugimoto H, Ahmad S, et al. Deficiency
in catechol-O-methyltransferase and 2-methoxyoestradiol is
associated with pre-eclampsia. Nature 2008; 453: 1117-1121.
9. Hertig A, Liere P, Chabbert-Buffet N, Fort J, et al. Steroid profiling in preeclamptic women: evidence for aromatase deficiency.
Am J Obstet Gynecol 2010; 203: 477 e471-479.
Session 1
BIBLIOGRAPHIE
17. Fakhouri F, Jablonski M, Lepercq J, Blouin J, et al. Factor H,
membrane cofactor protein, and factor I mutations in patients
with hemolysis, elevated liver enzymes, and low platelet count
syndrome. Blood 2008; 112: 4542-4545.
18. Pierangeli SS, Girardi G, Vega-Ostertag M, Liu X, et al. Requirement of activation of complement C3 and C5 for antiphospholipid
antibody-mediated thrombophilia. Arthritis and rheumatism
2005; 52: 2120-2124.
19. Shamonki JM, Salmon JE, Hyjek E, Baergen RN. Excessive
complement activation is associated with placental injury in
patients with antiphospholipid antibodies. Am J Obstet Gynecol
2007; 196: 167 e161-165.
10. Kirkpatrick CA. The HELLP syndrome. Acta clinica Belgica
2010; 65: 91-97.
20. Salmon JE, Heuser C, Triebwasser M, Liszewski MK, et al.
Mutations in complement regulatory proteins predispose to
preeclampsia: a genetic analysis of the PROMISSE cohort. PLoS
medicine 2011; 8: e1001013.
11. Pourrat O, Pierre F, Magnin G. [HELLP syndrome: the ten commandments]. La Revue de medecine interne / fondee 2009; 30:
58-64.
21. Girardi G, Redecha P, Salmon JE. Heparin prevents antiphospholipid antibody-induced fetal loss by inhibiting complement
activation. Nature medicine 2004; 10: 1222-1226.
12. Abraham KA, Kennelly M, Dorman AM, Walshe JJ. Pathogenesis of acute renal failure associated with the HELLP syndrome:
a case report and review of the literature. Eur J Obstet Gynecol
Reprod Biol 2003; 108: 99-102.
22. Hoppe B, Burmester GR, Dorner T. Heparin or aspirin or both
in the treatment of recurrent abortions in women with antiphospholipid antibody (syndrome). Current opinion in rheumatology
2011; 23: 299-304.
31
Y. DELMAS
23. Girardi G, Prohaszka Z, Bulla R, Tedesco F, et al. Complement
activation in animal and human pregnancies as a model for immunological recognition. Molecular immunology 2011.
24. Karpman D, Manea M, Vaziri-Sani F, Stahl AL, et al. Platelet
activation in hemolytic uremic syndrome. Seminars in thrombosis
and hemostasis 2006; 32: 128-145.
25. Moake JL, Rudy CK, Troll JH, Weinstein MJ, et al. Unusually
large plasma factor VIII:von Willebrand factor multimers in chronic relapsing thrombotic thrombocytopenic purpura. The New
England journal of medicine 1982; 307: 1432-1435.
26. Furlan M, Robles R, Galbusera M, Remuzzi G, et al. von Willebrand factor-cleaving protease in thrombotic thrombocytopenic
purpura and the hemolytic-uremic syndrome. The New England
journal of medicine 1998; 339: 1578-1584.
27. Tsai HM, Lian EC. Antibodies to von Willebrand factor-cleaving
protease in acute thrombotic thrombocytopenic purpura. The
New England journal of medicine 1998; 339: 1585-1594.
28. Moake JL. Thrombotic microangiopathies. The New England
journal of medicine 2002; 347: 589-600.
29. Feys HB, Roodt J, Vandeputte N, Pareyn I, et al. Thrombotic
thrombocytopenic purpura directly linked with ADAMTS13
inhibition in the baboon (Papio ursinus). Blood 2010; 116: 20052010.
30. Mannucci PM, Canciani MT, Forza I, Lussana F, et al. Changes
in health and disease of the metalloprotease that cleaves von Willebrand factor. Blood 2001; 98: 2730-2735.
32
31. Sanchez-Luceros A, Farias CE, Amaral MM, Kempfer AC, et
al. von Willebrand factor-cleaving protease (ADAMTS13) activity
in normal non-pregnant women, pregnant and post-delivery
women. Thromb Haemost 2004; 92: 1320-1326.
32. Hulstein JJ, van Runnard Heimel PJ, Franx A, Lenting PJ, et al.
Acute activation of the endothelium results in increased levels of
active von Willebrand factor in hemolysis, elevated liver enzymes
and low platelets (HELLP) syndrome. J Thromb Haemost 2006;
4: 2569-2575.
33. Lattuada A, Rossi E, Calzarossa C, Candolfi R, et al. Mild to
moderate reduction of a von Willebrand factor cleaving protease
(ADAMTS-13) in pregnant women with HELLP microangiopathic
syndrome. Haematologica 2003; 88: 1029-1034.
34. Fujimura Y, Matsumoto M, Kokame K, Isonishi A, et al. Pregnancy-induced thrombocytopenia and TTP, and the risk of fetal
death, in Upshaw-Schulman syndrome: a series of 15 pregnancies in 9 genotyped patients. Br J Haematol 2009; 144: 742-754.
35. Raman R, Yang S, Wu HM, Cataland SR. ADAMTS13 activity
and the risk of thrombotic thrombocytopenic purpura relapse in
pregnancy. Br J Haematol 2011.
36. Sadler JE. Von Willebrand factor, ADAMTS13, and thrombotic
thrombocytopenic purpura. Blood 2008; 112: 11-18.
Session 1
Figure 1: Les voies d’activation et de régulation du complément, extrait de la
revue par Véronique Frémeaux-Bacchi et Col. (13)
Figure 2 : Physiopathologie du PTT d’après J. Evan Sadler (36).
Les multimères du VWF adhèrent aux cellules endothéliales ou au sous endothélium. Les Plaquettes adhèrent au VWF par l’intermédiaire de leur GpIb membranaire. Dans le flux sanguin, le VWF du thrombus riche en plaquettes est étiré et
clivé par l’ADAMTS13, limitant la taille du thrombus. En l’absence d’ADAMTS13,
l’agrégation plaquettaire médiée par le VWF s’amplifie jusqu’à obstruer les microvaisseaux et entrainer le PTT.
33
NOTES
NOTES
NOTES
NOTES
NOTES
SESSION 2
Les complications de la grossesse
Place de l’expectative dans la prise en charge de la pré-éclampsie
Page41
B. HADDAD
Le bilan de thrombophilie de la femme ayant présenté une éclampsie/pré-éclampsie
au cours de la grossesse
Page 43
C. TERNISIEN
Les complications cardio-vasculaires à long terme
chez les femmes ayant présenté une pré-éclampsie
A. HERTIG
Page 51
P
LACE DE L’EXPECTATIVE DANS LA PRISE
EN CHARGE DE LA PRÉÉCLAMPSIE
B. Haddad - CHI Créteil, université Paris 12, Fondation PREMUP
Résumé
Session 2
Très peu d’études sont disponibles pour juger de l’utilité et la faisabilité de l’expectative dans le cadre d’une prééclampsie, particulièrement lorsqu’elle est sévère et
précoce ; et encore moins pour établir des critères clairs d’arrêt de la grossesse
chez une patiente ayant une prééclampsie. La grande majorité des études est soit
rétrospective, soit observationnelle. L’analyse des données de la littérature et les
avis d’experts permettent de suggérer des critères d’arrêt de la grossesse, leurs
absences suggérant le maintien de la grossesse. Ces critères s’intéressent essentiellement à la PE sévère. Certaines des indications de l’arrêt de la grossesse sont maternelles : une hypertension sévère non contrôlée, une éclampsie, un oedème aigu
du poumon, un hématome rétroplacentaire, une oligurie (< 100 mL / 4 heures)
persistante malgré un remplissage vasculaire, des signes d’imminence d’une crise
d’éclampsie (céphalées ou troubles visuels persistants), une douleur épigastrique
persistante, un HELLP syndrome, une insuffisance rénale de novo, ou un terme
inférieur à 24 ou supérieur à 34 semaines d’aménorrhée. D’autres indications sont
fœtales : la présence de décélérations prolongées ou variables sévères ou une variabilité à court terme < 3 ms, un score de Manning ≤ 4 à 2 reprises, un oligoamnios
sévère, une estimation du poids fœtal < 5ième percentile, au-delà de 32 semaines
d’aménorrhée, une diastole ombilicale artérielle inversée, au-delà de 32 semaines
d’aménorrhée. Très récemment, nous avons pu établir que les patientes ayant une
PE sévère associée à une hypotrophie fœtale sévère à moins de 26 SA avaient un
pronostic fœtal catastrophique, suggérant une abstention de l’expectative dans
cette situation.
En cas de PE peu sévère, l’arrêt de la grossesse doit être envisagé au-delà de 36 SA.
41
L
A THROMBOPHILIE BIOLOGIQUE EST –ELLE
UN FACTEUR DE RISQUE DE PRÉ-ÉCLAMPSIE ?
Dr Catherine Ternisien - CRTH/Laboratoire d’Hématologie, CHU Nantes
La thrombophilie biologique désigne un
ensemble d’anomalies moléculaires constitutionnelles ou acquises entraînant un risque
accru de thromboses veineuses et/ou artérielles. Parmi les thrombophilies constitutionnelles, on distingue les déficits en inhibiteurs
de la coagulation (Antithrombine, Protéines C
et S), la résistance à la protéine C activée par
mutation du F V Leiden (R506Q), la mutation
G20210A du gène de la prothrombine et l’hyperhomocystéinémie impliquant un variant
homozygote de la MTHFR. La fréquence de
ces anomalies est variable dans la population
générale et chez des patients avec maladie
thromboembolique veineuse (1). La thrombophilie biologique acquise est essentiellement représentée par le syndrome des antiphospholipides (SAPL). Si les thrombophilies
biologiques majorent sans aucun doute le
risque de thrombose veineuse au cours de la
grossesse, elles pourraient également repré-
senter un facteur de risque de pathologie
vasculaire au cours desquelles sont fréquemment décrites les lésions placentaires thrombotiques et ischémiques. Cette hypothèse a
fait l’objet de nombreux travaux.
Session 2
Les pathologies vasculaires placentaires
(PVP) dont la pré- éclampsie regroupent les
pathologies obstétricales supposées liées à
une origine ischémique placentaire. La Prééclampsie (PE), définie par l’association chez
une femme enceinte d’une hypertension artérielle et d’une protéinurie, a une incidence
d’environ 3% en population non sélectionnée.
Les travaux la concernant sont nombreux cependant la physiopathologie de cette entité
reste encore incertaine. Son origine est probablement multifactorielle. Plusieurs FDR
sont actuellement reconnus comme l’HTA et
certaines maladies de système en particulier
lorsqu’il existe une atteinte rénale. D’autres
telles que les thrombophilies biologiques ont
largement été explorées au cours de ces dernières années mais restent sujet à controverse.
Durant les 20 dernières années, plus de 70
études incluant plusieurs méta-analyses ont
été menées pour essayer de définir l’association entre thrombophilie et PE. La première
étude rapportant cette association est celle
de Dekker en 1995 (2). Une étape importante
fut ensuite la parution de l’article de Kupferminc en 1999 (3) où l’auteur conclut que la
thrombophilie prédispose aux PVP. Il s’agit
d’une étude rétrospective dans laquelle on
compare la prévalence de la thrombophilie
constitutionnelle ou acquise chez 110 femmes
présentant une PVP par rapport à un groupe
témoin de 110 femmes avec grossesse normale. Une thrombophilie est retrouvée chez
65% des grossesses compliquées d’une PVP et
chez 18% des femmes enceintes du groupe
contrôle (OR = 8,2 IC 95% (4.4-15.3). Dans une
autre étude cas contrôle publiée par le même
groupe (4) l’incidence des thrombophilies
constitutionnelles (V leiden, gène prothrombine, MTHFR) est de 56% dans le groupe PE
sévère et de 19% dans le groupe contrôle ;
l’incidence des thrombophilies constitutionnelles et acquises est respectivement de 67%
et 20% suggérant un risque multiplié par 8.
En conclusion, les auteurs recommandent de
faire un dépistage de la thrombophilie chez
toute patiente ayant eu une PVP. Depuis le
report de ces études, la thrombophilie biologique dans le domaine de la PE a largement
été associée dans des études cas – témoin ou
prospectives (5). Dans les études supportant
l’association thrombophilie et PE au moins
43
Catherine TERNISIEN
une thrombophilie biologique est retrouvée
chez 40 à 72% des patientes avec PE versus
8 à 20% chez les femmes avec grossesse normale (6).
Une revue de la littérature incluant 25 études
(n = 11 183) publiées de 1995 à 2002 (7) trouve
que le risque de PE est significativement associé au facteur V Leiden, à la mutation du gène
de la prothrombine, à la MTHFR, à la présence
d’ac anticardiolipine et à l’hyperhomocystéinémie; cependant on note une grande hétérogénéité dans les études sur le V leiden où
PE modérées et sévères ont été inclues.
Depuis 2002, des résultats contradictoires ont
été publiés (8- 11). Alfirevic (12) à partir de 18
études rapporte une prévalence significativement augmentée de la mutation du facteur V Leiden, de la mutation du gène de la
prothrombine et du polymorphisme MTHFR
avec cependant un sur - risque faible (OR respectifs : 1.6, 2.4 et 1.7) ; le risque lié à la protéine C et S est plus net (OR respectifs : 21.5
et 12.7) ; les auteurs soulignent cependant
un test d’hétérogénéité significatif entre les
études. Quant à Morrison et al (13), ils analysent 404 grossesses compliquées de PE à
partir du registre d’Aberdeen et 26 études précédemment publiées : aucun des marqueurs
génétiques étudiés n’est un facteur de risque
de PE ; cependant lorsque sont analysés séparément les PE sévères, la mutation du facteur
V Leiden et le polymorphisme MTHFR ont une
prévalence significativement augmentée ; le
risque relatif induit par chacune de ces deux
thrombophilie est très comparable au risque
rapporté par Alfirevic (V Leiden : OR 2.84 ;
MTHFR : OR = 1.5).
Une méta - analyse publiée par Lin en 2005
(14) regroupant des études cas contrôles
conclut que la mutation du F V leiden est
associée à une augmentation significative
du risque de PE ; l’OR est de 1.81 pour toutes
les PE confondues et de 2.24 pour les PE sé44
vères. En revanche la mutation du gène de
la prothrombine et le polymorphisme de la
MTHFR ne sont pas associés de manière significative. Les auteurs soulignent également
un test d’hétérogénéité significatif entre les
études.
Une grande étude observationnelle prospective (13) ne trouve aucune association entre
la prévalence du F V Leiden (3.7%) et la survenue d’une PE comparés aux contrôles (3% ;
RR : 1.3 ; IC 95% 0.4-2.8, p = 0.60).
Une augmentation de la prévalence du polymorphisme homozygote de la MTHFR et
d’une hyperhomocystéinémie avait été rapportée dans des études antérieures (16) mais
non confirmé par la suite (17).
La plus grande étude cas contrôle publiée
par Mello (18) avait pour but de déterminer
si la thrombophilie augmentait le risque de
PE ou interférait sur son évolution. L’étude a
porté sur 808 patientes de race blanche avec
PE et 808 contrôles appariés en âge et parité.
Les patientes avec PE sévère ont un risque
élevé (OR : 4.9 ; IC 95% : 3.5–6.9) d’être porteuses d’une thrombophilie constitutionnelle
ou acquise (à l’exception d’un déficit en AT, PC
ou PS). Chez les patientes avec PE modérée,
seule la prévalence du gène de la prothrombine et celle de la MTHFR sont significativement plus élevées que celles des contrôles.
Les patientes avec PE sévère porteuse d’une
thrombophilie sont à risque augmenté de développer une IR aiguë (OR 1.8), une CIVD (OR :
2.7), un HRP (OR 2.6) par rapport aux patientes
avec PE mais sans thrombophilie. De plus
la survenue d’une PE précoce avant 28 semaines de gestation est plus fréquente chez
les patientes avec thrombophilie. Au total,
50.7% des patientes avec PE sévères ont une
thrombophilie constitutionnelle (37.9%) ou
acquise (12.8%) comparé à 17.2% du groupe
contrôle (thrombophilie constitutionnelle :
13.5%, acquise 3.7%).
La Thrombophilie biologique est–elle un facteur de risque de pré-éclampsie ?
Au total, les études recherchant une association entre thrombophilie constitutionnelle et
PE rapportent des résultats contradictoires.
On peut cependant remarquer que les études
positives sont les plus anciennes. Souvent
rétrospectives elles ont surtout évalué l’influence de la mutation du F V Leiden sur des
cohortes de PE de faible taille. La discordance
des résultats est en fait liée à plusieurs facteurs
qui dépendent de la qualité méthodologique
des études, des populations recrutées, des
différences de prévalence des thrombophilie
en fonction de l’origine géographique des patientes et des critères d’inclusion essentiellement. En conclusion, la thrombophilie constitutionnelle n’apparait pas un facteur de risque
de PE. En revanche, elle majore le risque de PE
sévère et précoce (18).
Session 2
L’association thrombophilie et PE a récemment été réévaluée dans une méta - analyse
d’études prospectives de cohorte (8, 9). Le facteur V leiden n’augmente pas de manière significative le risque de PE (OR : 1.23) de même
que la mutation du gène de la prothrombine
à l’état hétérozygote ou homozygote (OR :
1.25). Il n’existe pas d’hétérogénéité statistiquement significative entre les études. Enfin,
dans une étude récente canadienne prospective, la « Montreal pre-eclampsie study »
incluant 5337 patientes (19), 113 patientes
ayant développé une PE ont été comparées
à 443 patientes sans PE ni HTA gravidique. Les
thrombophilies (Facteur V leiden, mutation du
gène de la prothrombine et MTHFR) ne sont
pas plus fréquentes chez les patientes avec
PE par rapport à la population contrôle examinées de façon collective (patients : 14.3%,
contrôles 20.6% ; OR : 0.6 ; IC 95% 0.3-1.3) ou
de façon individuelle. Des résultats similaires
sont retrouvés chez les patientes avec une
PE précoce ou sévère. Une hypoperfusion
placentaire attestée par l’examen anatomopathologique est présente chez 63% des
patientes versus 46% des contrôles et n’est
pas associé à une thrombophilie ; les limites
de cette étude sont représentées par la définition de la PE, l’absence de stratification de
la population sur l’ethnie et le non dépistage
des autres thrombophilies constitutionnelles
ou acquises. De même, il n’a pas été retrouvé
de lien de causalité entre le Facteur V Leiden,
la mutation du gène de la prothrombine et la
MTHFR et la PE dans une grande étude épidémiologique brésilienne portant sur 3020
patientes (20).
Thrombophilie et risque de récidive
Un taux de récidive de PE est rapporté entre
13 et 65% dans la littérature. Il existe très peu
d’études s’intéressant à la fréquence des récidives après un premier épisode de PVP chez
les patientes porteuses d’une thrombophilie.
Dans une étude récente observationnelle de
cohorte l’impact de la thrombophilie constitutionnelle ou acquise sur le taux de récidive a été étudiée (21). 172 femmes de race
blanche avec antécédent de PE ont été suivies
pour une grossesse ultérieure. 60 patientes
(34,9%) présentaient une thrombophilie et
112 contrôles (65.1%) ne présentaient pas de
thrombophilie. Une thrombophilie était associée de manière significative à une récidive de
PE (46.7% versus 25.9%, p = 0.01). Alors que
la forme modérée de PE survient de façon
indépendante à une thrombophilie, ce n’est
pas le cas pour les PE sévères (OR 6.5). Dans
la sous population de patientes avec antécédent de PE sévère le taux de récidives était
5 fois supérieur chez les patientes porteuses
d’une thrombophilie comparé aux patientes
non thrombophiliques (44.4% versus 9.3%, OR
7.35). A noter que 52 des 172 patientes recevait une prophylaxie par aspirine ou HBPM ou
les deux. A l’inverse une étude française (22) et
hollandaise (23) ne retrouve pas d’association
entre récidive de PE et thrombophilie. Ces
discordances peuvent s’expliquer par la faible
puissance des études, par le rôle possible de
45
Catherine TERNISIEN
l’aspirine et la non recherche de la mutation
du gène de la prothrombine et de la MTHFR
dans l’étude hollandaise.
SAPL et PE
Il n’est plus aujourd’hui question de remettre
en cause la relation directe entre anticorps antiphospholipides (apl) et complications obstétricales. La définition internationale du SAPL
(24) comporte de fait : l’association d’un critère
biologique persistant sur deux prélèvements
séparés de 12 semaines (Lupus anticoagulant,
ac anticardiolipine, ac anti β2 Glycoprotéine
I) et d’un critère clinique (thrombose micro
ou macro vasculaire veineuse et/ou artérielle
ou pathologies obstétricales). Les accidents
obstétricaux du SAPL sont définis par une ou
plusieurs pertes fœtales après 10 semaines
de grossesse d’un fœtus de morphologie
normale, une ou plusieurs naissances prématurées avant 34 semaines liées à une PE ou à
une PE sévère ou à une PVP, enfin au moins 3
fausses couches spontanées avant la 10ème
semaines en l’absence d’anomalies chromosomique parentale ou d’anomalie anatomique ou hormonale maternelle.
L’analyse des femmes de la cohorte européenne regroupant 820 patientes ayant un
SAPL, soit 590 femmes ayant eu au moins
une grossesse, indique cependant que 437
d’entre-elles soit 74.1% ont eu un enfant
vivant (25). Les principales complications
maternelles étaient la PE (9.5%), l’éclampsie
(4.4%), l’hématome rétro-placentaire (2%).
Les principales complications fœtales étaient
des pertes fœtales précoces (35.4% des grossesses), des pertes fœtales tardives (16.9% des
grossesses) et des accouchements prématurés (10.6% des enfants vivants). Dans la majorité des études, la présence d’apl est significativement plus fréquente chez les patientes
pré-éclamptiques (11-17%) que dans les grossesses normales (26, 27). Plusieurs études de
46
cohorte rapportent que le risque de PE est
augmenté chez la femme en présence d’apl.
Son incidence est d’autant plus élevée que la
PE est sévère et précoce (28,29). Cependant
Dreyfus (30), dans son étude cas témoin de
puissance suffisante ne retrouve pas de caractère prédictif sur la survenue de la PE à la présence d’apl (Or : 0.95, IC 95% : 0.45-2.62). Par
ailleurs, la valeur prédictive des apl vis-à-vis de
la récidive d’accidents vasculo - placentaires
graves a été analysée par Branch (31) chez
317 femmes ayant développé une PE lors
d’une grossesse précédente. Les différents
apl étaient dosés sur de prélèvements réalisés
entre la 13ème et 26ème semaine de grossesse. 20% des femmes ont eu une récidive de
PE, 6% une PE sévère et 5.8% un RCIU. Branch
conclut que les apl détectés ne sont pas associés avec un risque de récidive de PE et qu’il
n’est pas intéressant de les rechercher afin de
prédire une récidive de PE. Ces données parfois contradictoires peuvent être expliquées
par les aléas des définitions anciennes du
SAPL, selon en autre le titre d’anticorps ce qui
a conduit à repréciser la définition.
Faut-il faire un bilan de thrombophilie
en cas de survenue d’une PE ?
Cette question est difficile et reste aujourd’hui
non tranchée. Il faut noter qu’en l’absence
d’ATCD thrombotique veineux la nécessité de
ce bilan est discutable. Tout d’abord parce que
les résultats publiés dans la PE sont discordants et donc leur rentabilité est contestée ;
ensuite parce qu’aucune étude n’a permis
d’affirmer qu’une thrombophilie entrainera
des attitudes thérapeutiques permettant de
réduire le risque de récidive. Seule la découverte d’apl à des taux significatifs débouche,
en revanche, de façon consensuelle sur la
prescription d’une prophylaxie antithrombotique +/- aspirine lors d’une grossesse ultérieure.
La Thrombophilie biologique est–elle un facteur de risque de pré-éclampsie ?
Au total, un bilan de thrombophilie apparait
souhaitable si la PE a été précoce ou récidivante ou bien s’il existe de ATCDs personnels
ou familiaux de maladie thrombo-embolique
veineuse. La découverte d’une thrombophilie constitutionnelle ou acquise justifie les
précautions habituelles dans les situations
connues pour augmenter le risque thrombotique. La positivité du bilan impose un avis
spécialisé pour délivrer les consignes de prophylaxie.
Conclusion
Les faibles prévalences dans la population
générale des anomalies biologiques caractérisant la thrombophilie constitutionnelle
et des pathologies obstétricales telle que la
PE entraînent une certaine difficulté à prouver une relation statistique significative entre
une anomalie biologique héréditaire et la PE.
Les thrombophilies constitutionnelles prises
isolément ne sont pas des facteurs de risque
de PE mais majorent le risque de PE sévère.
En revanche, les anticorps antiphospholipides
sont des FDR indépendants de complications
obstétricales dont la PE. Le dépistage de ces
anomalies reste actuellement controversé.
Les résultats d’études prospectives seront
indispensables pour réévaluer les données
actuellement disponibles et guider la prise en
charge de ces patientes.
Session 2
Les recommandations anciennes de l’ANAES
publiées en 2003 (32) ainsi que la 7ème conférence de l’ACCP de 2004 (33) recommandaient
un bilan de thrombophilie à la recherche
d’anomalies constitutionnelles ou acquises
aux patientes aux ATCDs de PE précoce ou sévère ou bien récidivante. En revanche, la 8ème
conférence de consensus publiée par l’ACCP
en 2008 (34) recommande uniquement la recherche d’apl chez une patiente avec ATCD de
PE sévère ou récidivante. Le Groupe de travail
« Grossesse et thrombose » (35) soutient, en
revanche, la réalisation d’un bilan complet de
thrombophilie chez les patientes aux ATCDs
de PE sévère avant 34 semaines.
47
Catherine TERNISIEN
BIBLIOGRAPHIE
1.Benedetto C, Marozio L, Tavella AM et al. Coagulation disorders
in pregnancy: acquired and inherited thrombophilias. Ann N Y
Acad Sci. 2010; 106-117.
2.Dekker GA, de Vries JI, Doelitzsch PM et al. Underlying disorders
associated with severe early-onset preeclampsia. Am J Obstet
Gynecol 1995; 173 (4) : 1042-1048.
3.Kupferminc MJ, Eldor A, Steinman N et al. Increased frequency
of genetic thrombophilia in women with complications of pregnancy. N Engl J Med 1999; 340 (1): 9-13.
4.Kupferminc MJ, Fait G, Many A, Gordon D, Eldor A, Lessing JB.
Severe preeclampsia and hig frequency of genetic thrombophilic
mutations. Obstet Gynecol 2000; 96 (1): 45-49.
5.Franchini M. Haemostasis and pregnancy. Thromb Haemost
2006; 95 (3): 401-413.
6.Kujovich JL. Thrombophilia and pregnancy complications. Am J
Obstet Gynecol 2004; 191 (2): 412-424.
7.Robertson L, Wu O, Langhorne P et al. Thrombophilia in pregnancy: a systematic review. Br J Haematol 2006; 132 (2): 171196.
8.Rodger MA, Paidas M, McLintock C et al. Inherited thrombophilia and pregnancy complications revisited. Obstet Gynecol 2008;
112: 320-324.
9.Rodger MA, Betancourt MT, Clark P et al. The association of
Factor V leiden and prothrombin gene mutation and placentamediated pregnancy complications: a systematic review and
meta-analysis of prospective cohort studies. Plos medicine 2010;
7 (6): e1000292.
10.Rath W. Pre-eclampsia and inherited thrombophilia: a reappraisal. Semin Thromb Hemost 2011; 37: 118-124.
11.De Maat, de Groot CJM. Thrombophilia and pre-eclampsia.
Semin Thromb Hemost 2011; 37: 106-110
12.Alfirevic Z, Roberts D, Martlew V. How strong is the association between maternal thrombophilia and adverse pregnancy
outcome? A systematic review. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol
2002; 101 (1): 6-14.
13.Morrison ER, Miedzybrodzka ZH, Campell DM et al. Prothrombotic genotypes are not associated with preeclampsia and gestational hypertension: results from a large population-based study
and systematic review. Thromb Haemost 2002; 87: 779-785.
48
14. Lin J, August Ph. Genetic thrombophilias and preeclampsia: a
meta-analysis. Obstet Gynecol 2005; 105: 182-192.
15.Dizon-Townson D, Miller C, Sibai BM et al. National Institute of
Child health and Human development Maternal-fetal Medecine
Units network. The relationship of the factor V Leiden mutation
and pregnancy outcomes for mother and fetus. Obstet Gynecol
2005; 106 (3): 517-524.
16.Sohda S, Arinami T, Hamada H, Yamada N, Hamaguchi H, Kubo
T. Methylenetetrahydrofolate reductase polymorphism and preeclampsia. J Med Genet 1997; 34 (6): 525-526.
17.Larciprete G, Gioia S, Angelucci PA et al. Single inherited
thrombophilias and adverse pregnancy outcomes. J Obstet Gynaecol Res 2007; 33 (4): 423-430.
18.Mello G, Parretti E, Marozio L et al. Thrombophilia is significantly associated with severe preeclampsia: results of a largescale, case-controlled study. Hypertension 2005; 46: 1270-1274.
19.Kahn SR, Platt R, McNamara H et al. Inherited thrombophilia and preeclampsia within a multicenter cohort: the Montreal
Preeclampsia Study. Am J Obst Gynecol 2009; 200: 151.e1- e9.
20.Dalmaz CA, Santos KG, Botton MR et al. relationship between
polymorphisms in thrombophilic genes and preeclampsia in a
Brazilian population. Blood cells Mol Dis; 2006; 37: 107-110.
21.Facchinetti F, Marozio L, Frusca Tet al. Maternal thrombophilia
and the risk of recurrence of preeclampsia. Am J Obstet Gynecol
2009; 200: 46.e1-e5.
22.Verspick E, Borg JY, Roman H et al. Hereditary thrombophilia
and recurrence of ischemic placental disease Am J Obstet Gynecol
2010; 202: 54.e1-5.
23.Van Rijn BB, Hoeks LB, Bots ML et al. outcomes of subsequent
pregnancy after first pregnancy with early-onset preeclampsia.
Am J Obstet Gynecol 2006; 195 (3) : 723-728.
24.Miyakis S, lockshin MD, Atsumi T et al. International consensus
statement on an update of the classification criteria for definite
antiphospholipid syndrome (APS). J Thromb Haemost 2006; 4:
295-306.
25.Cervera R, Piette JC, Font J et al. Antiphospholipid Syndrome.
Clinicals and immunologic manifestations and patterns of disease
expression in a cohort of 1000 patients. Arthritis Rheum 2002; 46
(4): 1019-1027.
27.Ducloy-Bouthors AS. Hémostase et preeclampsia. Annales
françaises d’Anesthésie et réanimation. 2010 ; 29 : 121-134
28.Von Tempelhoff GF, Heilman L, Spanuth E et al. Incidence of
the Factor V Leiden mutation, coagulation inhibitors deficiency
and elevated antiphospholipid antibodies in patients with preeclampsia or hellp syndrome. Thromb Research 2000; 100: 363365.
29.Heilmann L, Schorsch M, Hahn T, Fareed J. Antiphospholipid
syndrome and pre-eclampsia. Semin Thromb Hemost 2011; 37:
141-145.
30.Dreyfus M, Hedelin G, Kutnahorsky R et al. Antiphospholipid
antibodies and preeclampsia: a case control study. Obstet Gynecol
2001; 97 (1): 29-34.
31.Branch DW, Flint porter T, Rittenhouse L et al. Antiphospholipid antibodies in women at risk for preeclampsia. Am J Obstet
Gynecol 2001; 184: 825-834.
32.Conférence ANAES. Thrombophilie et grossesse. Prévention
des risques thrombotiques maternels et placentaires. Ann. Med.
Interne 2003 ; 154 : 422-430.
33.Bates SM, Greer IA, Hirsh J, Ginsberg JS. Use of antithrombotic
agents during pregnancy. Chest 2004; 126: 627S-644S.
Session 2
26.Stone S, hunt BJ, Khamashta MA et al. Primary antiphospholipid syndrome in pregnancy: an analysis of outcome in a cohort
of 33 women treated with a rigorous protocol. J Thromb Haemost
2005; 3: 243-245.
34.Bates SM, Greer IA, Pabinger I et al. American college of
Chest Physicians. Venous thromboembolism, thrombophilia, antithrombotic therapy and pregnancy: ACCP evidence-based clinical practice guidelines (8th edition). Chest 2008; 133: 844-886S.
35.Duhl AJ, Paidas MJ, Ural SH et al. Pregnancy and Thrombosis
Working Group. Antithrombotic therapy and pregnancy: consensus report and recommendations for prevention and treatment of
venous thromboembolism and adverse pregnancy outcomes. Am
J Obstet Gynecol 2007; 197 (5): 457, e1-e21.
49
50
L
ES COMPLICATIONS CARDIO-VASCULAIRES A
LONG TERME CHEZ LES FEMMES AYANT
PRESENTÉ UNE PREECLAMPSIE
Introduction
Les faits
La préeclampsie est un syndrome maternel
à trois temps. D’abord (vers la douzième semaine d’aménorrhée) un défaut toujours incompris d’invasion des artères utérines par les
trophoblastes extravilleux induit une ischémie subintrante du placenta, parfaitement
silencieuse. Ensuite (après la vingtième semaine) vient le temps de l’expression clinique
du syndrome, expliqué par la circulation à
une concentration excessive de facteurs dits
anti-angiogéniques produits justement par le
placenta ischémique, et perturbant fortement
l’organe endothélial maternel jusqu’au terme
– souvent précipité - de la grossesse. Enfin,
comme après une parenthèse enchantée qui
est souvent de plusieurs années, surviennent
plus souvent qu’attendu des complications
cardiovasculaires. C’est un véritable éventail,
qui va de l’hypertension artérielle à la mort,
en passant par la claudication des grands
axes artériels : accident vasculaire cérébral,
insuffisance coronarienne, et artérite oblitérante des membres inférieurs. On ignore
toujours si ce risque cardiovasculaire précède
(et pourquoi pas explique) la préeclampsie,
ou si au contraire la préeclampsie laisse une
empreinte définitive et morbide sur l’endothélium de la mère. C’est au sens littéral la
question de l’oeuf et de la poule. Ce n’est pas
le moindre des mystères que cette souffrance
endothéliale se répercute jusque chez l’enfant
né en contexte de préeclampsie. Lui aussi présentera un taux inhabituel de complications
cardio-vasculaires.
L’analyse rétrospective et parfois prospective
de cohortes en population générale, comparant le plus souvent des patientes ayant
accouché dans un contexte normal, à celles
ayant accouché dans un contexte de préeclampsie, avec un recul supérieur à 10 ans,
montre qu’un antécédent de préeclampsie
est associé à un surrisque significatif d’hypertension artérielle (x3.7), d’artérite oblitérante
(x3), de cardiopathie ischémique (x2.16), d’accident vasculaire cérébral (<1.19), et de mort
toutes causes confondues (x1.49). Ce surrisque concerne aussi bien les patientes caucasiennes qu’africaines. Il est particulièrement
élevé chez les patientes ayant une préeclampsie précoce et/ou récidivante. L’âge moyen du
premier évènement cardiovasculaire, dans la
cohorte la plus large (1.03 million de patientes
suivies au Canada) était de 38.3 ans.
Session 2
Alexandre Hertig - Urgences Néphrologiques et Transplantation Rénale, Hôpital Tenon, Paris
Une seule étude (européenne et rétrospective) a établi le pronostic cardiovasculaire à
long terme des enfants nés dans un contexte
de préeclampsie. Il y apparait que la préeclampsie sévère est un facteur de risque
d’hypertension artérielle (x1.5) et d’accident
vasculaire cérébral ischémique (x2.5) pour la
descendance. La préeclampsie non sévère
est egalement associé à un surrisque d’accident vasculaire cérébral, mais hémorragique
(x3.2). L’hypertension artérielle gravidique isolée (sans protéinurie) est un facteur de risque
d’hypertension artérielle (x1.3) et d’accident
vasculaire cérébral ischémique (x1.5). Cette
étude ne montre pas de lien entre la préeclampsie et la cardiopathie ischémique (seulement une tendance).
51
Alexandre HERTIG
Les pistes physiopathologiques
Il faut, avant toute discussion, tenir compte
de deux limites majeures dans l’interprétation de ce surrisque cardiovasculaire associé
à la préeclampsie. D’une part les études de
référence n’ont pas inclus un groupe contrôle
important, celui des femmes n’ayant pas eu
d’enfants. Si une grossesse normale diminue
le risque cardiovasculaire, alors les préeclamptiques auront été comparées à une population qui comporte un biais et surestime le
risque. D’autre part il n’y a pas d’étude qui ait,
en population générale, ajusté le risque cardiovasculaire aux facteurs de risque cardiovasculaires présents avant la conception. Par
conséquent il est aujourd’hui impossible de
distinguer la poule de l’œuf.
Ces réserves émises, on constate que les patientes ayant des facteurs de risque cardiovasculaires traditionnels avant la grossesse sont
– par rapport à la population générale, et à
l’exception du tabagisme, toujours protecteur
– plus à risque de développer une préeclampsie : c’est ainsi vrai du surpoids (x1.2 à 1.8 avec
un effet « dose-dépendant »), de la pression
artérielle systolique (x2.1 à 9, là aussi avec un
effet dose), diastolique (x1.9 à 6.5, idem), de
l’hypercholestérolémie non HDL (x1.7 à 2.7,
idem), et du diabète (x2). Il est donc tentant
de proposer que la préeclampsie survient sur
ou est favorisée par un terrain maternel de
dysfonction endothéliale au sens large, que
la grossesse révèle, comme le ferait une sorte
d’épreuve de stress.
Il existe une alternative, à première vue intriguante mais qui est soutenue par le suivi au
long cours des enfants nés en contexte préeclamptique. C’est que la préeclampsie impose
un stress qui laisse une empreinte durable, et
transmissible, au réseau vasculaire de la mère
et de l’enfant. Il est ainsi possible que des
modifications épigénétiques soient induites
52
dans les cellules maternelles et fœtales par la
préeclampsie.
Les conséquences à en tirer dans le
suivi des femmes préeclamptiques et
de leurs enfants
En l’absence de données physiopathologiques claires sur le risque cardiovasculaire au
long cours, et d’études interventionnelles sur
ce risque particulier, force est de s’en tenir à
une approche traditionnelle, qui vise à dépister – et bien sûr à éradiquer le cas échéant – les
facteurs de risque habituels. Il est ainsi, a priori,
utile qu’une consultation du post-partum ait
lieu, d’abord pour délivrer une information :
la préeclampsie témoigne d’une « fragilité »
vasculaire qui justifie un suivi simple mais prolongé. Il faut expliquer que si le tabac diminue
le risque de préeclampsie, il est à terme la
source d’une grande morbidité vasculaire.
Rechercher une dyslipidémie, un diabète,
ou une hypertension artérielle persistante,
et enfin donner des conseils hygiéno-diétetiques, visant notamment au maintien d’un
indice de masse corporelle normal. Il n’y a pas
de recommandations précises des sociétés
savantes sur la fréquence de ce suivi. Nous
avons proposé que la pression artérielle soit
surveillée de façon annuelle, et les facteurs de
risque métaboliques tous les cinq ans.
Pour l’enfant, la conduite à tenir est beaucoup
plus difficile à définir. On ignore si le surrisque
cardiovasculaire est de nature génétique ou
épigénétique. Mais la théorie dite de Barker (« Developmental Origin of Health and
Disease ») a été vérifiée : plus généralement,
chez les enfants nés prématurément et hypotrophes, une adaptation a eu lieu pendant la
vie embryonnaire qui a des conséquences
dramatiques si l’enfant est placé dans un
environnement de type pléthorique. Il est
donc peut-être utile de préconiser, pour les
Les complications cardio-vasculaires a long terme chez les femmes
ayant presenté une preeclampsie
Conclusion
Les patientes accouchant prématurément
d’un enfant hypotrophe dans un contexte de
préeclampsie sont à haut risque de complications cardiovasculaires plus tard dans leur
existence. Dans l’ignorance où nous sommes,
le minimum que l’on puisse proposer est un
dépistage des facteurs de risque traditionnels, au premier rang desquels l’hypertension
artérielle, ainsi que des recommandations de
nature hygiéno-diététique. Les enfants quant
à eux doivent être autant que possible tenus
à l’écart de la suralimentation. Que les mécanismes en jeu soient de nature génétique ou
épigénétique, la préeclampsie soumet l’endothélium de la mère et de l’enfant à un stress
qui est beaucoup moins réversible qu’il n’y
parait.
Session 2
mères ayant accouché dans un contexte de
préeclampsie sévère compliquée de retard
de croissance intra-utérin, une alimentation
« saine » pour l’enfant, et d’insister sur la prévention du surpoids.
53
NOTES
NOTES
NOTES
SESSION 3
La grossesse au cours de la maladie rénale
La grossesse en dialyse
Page 59
La grossesse après transplantation rénale
Page 67
Grossesse et insuffisance rénale :
le point de vue de l’obstétricien
Page 75
La grossesse au cours des maladies auto-immunes
Page 83
La grossesse au cours du diabète
Page 91
Microchimérisme et grossesse
Page 95
C. GAUDRY
M. HOURMANT
A. BENACHI
A. MASSEAU
E. LARGER
L. ALBANO
L
A GROSSESSE
CHEZ LA FEMME DIALYSEE
Dr Catherine GAUDRY,
Centre Hospitalier Sud Francilien, 91014 EVRY
L'augmentation de fréquence des grossesses
est probablement liée en partie à l'amélioration de son pronostic, qui la rend plus acceptable, et conduit à un recours moins fréquent
à l'interruption thérapeutique. Mais c'est surtout l'amélioration des conditions de dialyse
qui en est responsable, en permettant la réapparition de cycles ovulatoires, ce qui rend possible la survenue d'une grossesse. Il est donc
essentiel d'en parler avec les patientes en
dialyse, afin de leur prescrire une contraception si elles ne souhaitent pas de grossesse. Si
une grossesse est envisagée, on modifiera le
traitement en arrêtant si c'est possible tous
les médicaments contre-indiqués pendant la
grossesse (médicaments du système rénineangiotensine notamment, mais aussi antivitamines K ou statines). Il est en particulier essentiel de stabiliser la pression artérielle avec des
médicaments qui pourront être poursuivis en
cas de grossesse (inhibiteurs calciques et certains bêta-bloquants notamment).
La fréquence des fausses-couches spontanées, précoces ou tardives, est importante ;
elle est sans doute sous-estimée au premier
trimestre, car le diagnostic de grossesse reste
souvent tardif, même dans les publications
récentes. Chez ces femmes qui n'ont pas de
règles régulières et qui ne pensent pas pouvoir être enceintes, chez lesquelles des nausées sont banales, c'est parfois une prise de
poids inexpliquée ou une soudaine mauvaise
tolérance des dialyses qui permet le diagnostic. Celui-ci sera fait sur le dosage des bêta
HCG, qu'il ne faut pas hésiter à demander au
moindre doute, et bien sûr l'échographie. Les
tests urinaires sont évidemment sans valeur.
Session 3
40 ans se sont écoulés depuis que Confortini
(1) a rapporté pour la première fois une grossesse survenue chez une femme dialysée.
Depuis, les publications se sont multipliées, y
compris dans des pays où le développement
de la dialyse est récent (2,3). On constate une
nette augmentation de la fréquence de cet
événement, mais surtout une amélioration
très importante de son pronostic : le pourcentage de grossesses aboutissant à la naissance
d'un enfant vivant est passé de 40 % en 1993 à
80 % dans les publications les plus récentes (414). De plus, la naissance à terme d'un enfant
de poids normal est maintenant loin d'être
exceptionnelle, alors que il y a 20 ans, tous les
enfants étaient prématurés et hypotrophes.
Des grossesses ont été décrites quels que
soient le temps passé depuis la mise en route
de la dialyse, la méthode de dialyse (hémodialyse, hémodiafiltration ou dialyse péritonéale),
la pathologie responsable de l'insuffisance
rénale, et qu'il existe ou non une diurèse résiduelle.
Complications maternelles
La plus fréquente est l'hypertension artérielle,
qui peut être sévère en particulier chez des
femmes hypertendues avant la grossesse.
Elle est souvent très volodépendante, et sera
très difficile à stabiliser en cas de participation
d'une surcharge hydrosodée.
Les possibilités thérapeutiques au cours de
la grossesse sont assez limitées, puisqu'on ne
peut utiliser que certains inhibiteurs calciques
(Nicardipine et Nifédipine notamment), certains bêtabloquants (Labétalol, Propranolol
et Oxprénolol notamment), certains antihypertenseurs centraux (Méthyldopa en particulier). Les médicaments du système rénine
59
Catherine GAUDRY
angiotensine (inhibiteurs de l'enzyme de
conversion, antagonistes des récepteurs de
l 'angiotensine II et probablement inhibiteur
de la rénine) sont formellement contre-indiqués pendant toute la grossesse, car responsables d'oligoamnios voire d'anamnios, et
d'atteintes de l'appareil urinaire foetal, avec
anurie néonatale pas toujours réversible. Ils
ont également été accusés d'un effet tératogène.
L'anémie a tendance à se majorer et nécessite pour sa correction une augmentation des
apports en fer et une augmentation des doses
d'érythropoïétine. L'apport de fer est généralement intraveineux en hémodialyse ; il est
habituellement oral en dialyse péritonéale,
mais l'augmentation des besoins en fer pendant la grossesse peut rendre nécessaire le
recours à un traitement intraveineux. L'apparition des agents stimulant l'érythropoïèse a été
l'un des facteurs de l'amélioration du pronostic des grossesses en dialyse, et la fréquence
des transfusions dans cette situation a été très
nettement diminuée par leur utilisation.
Des complications graves peuvent se voir,
même si elles sont peu fréquentes, surtout
H.T.A. sévère ou oedème pulmonaire, en particulier dans le post-partum immédiat ; la survenue brutale d'une H.T.A. doit bien sûr faire
évoquer une prééclampsie surajoutée, dont le
risque de survenue est élevé sur ce terrain. Le
diagnostic en est difficile, et pourtant essentiel, et toute H.T.A. importante d'apparition
brutale est suspecte, si on a vérifié l'absence
de surcharge hydrosodée. Il faut alors mettre
en place une surveillance foetale et surtout
maternelle intensive, afin de dépister un
éventuel Hellp syndrome qui peut conduire à
une décision d'extraction foetale.
Quelques thromboses de l'accès vasculaire
ont également été mentionnées, ainsi que
des problèmes infectieux, septicémie en hémodialyse et péritonite en dialyse péritonéale,
60
qui peuvent être à l'origine de menaces d'accouchement prématuré.
Enfin l'une des complications à long terme
est le risque d'immunisation au décours de la
grossesse, qui peut poser problème pour une
transplantation rénale ultérieure.
Complications obstétricales
Elles sont essentiellement au nombre de deux :
hydramnios et menace d’accouchement prématuré (MAP).
La survenue d’un hydramnios est très fréquente chez la femme dialysée. Il est en
général précoce, survenant en moyenne à
24 SA et noté parfois dès 13 SA. Il s’explique
par la charge osmotique provoquée par l’insuffisance rénale, qui bien sûr est la même
dans le sang fœtal, et induit chez le fœtus
une augmentation de la diurèse par diurèse
osmotique, d'où une augmentation du volume de liquide amniotique. On peut donc
logiquement penser que l’augmentation de
la quantité de dialyse délivrée à la patiente
peut éviter la survenue de cet hydramnios, ou
en limiter l’importance. C'est d'ailleurs le cas
dans les publications où la dose de dialyse
est très importante, et qui mentionnent une
fréquence d'hydramnios faible, voire nulle
(10). Un mauvais contrôle de la volémie participe sans doute également à la survenue de
cette complication, d'où l'importance d'une
réévaluation hebdomadaire du poids sec de
la patiente, la prise de poids hebdomadaire
étant évaluée, selon les auteurs, entre 200 et
500 g par semaine aux deuxième et troisième
trimestres.
La seconde complication est la menace d'accouchement prématuré, responsable de la
prématurité non iatrogène fréquente sur ce
terrain. La mise en route prématurée du travail est bien sûr favorisée par l'existence d'un
hydramnios, et directement liée à son importance, avec un risque surajouté de rupture
La grossesse chez la femme dialysée
Quelques cas d'hématome rétro placentaire
ont été décrits, sans qu'on puisse préciser si
ils sont survenus dans un contexte de prééclampsie ou sans cause particulière.
Ils sont évidemment de très mauvais pronostic foetal.
Les morts foetales in utero ne sont pas exceptionnelles, sans doute dues le plus souvent
à des hypotrophies foetales extrêmes avec
troubles de la perfusion placentaire. On ne
peut pas éliminer le rôle éventuel des baisses
de pression artérielle par variation brutale de
la volémie lors d'une déplétion trop rapide en
hémodialyse
Enfin des hémorragies de la délivrance ont
été rapportées, surtout en hémodialyse. Leur
risque de survenue peut être diminué en limitant l'utilisation des anticoagulants au cours
des séances lorsque la fin de la grossesse
semble imminente, et en utilisant plutôt des
héparines de bas poids moléculaire.
Le taux de naissances par césarienne est extrêmement élevé, entre 33 et 80 %.
Caractéristiques néonatales
Il y a 20 ans, tous les enfants nés de mère dialysée étaient prématurés et hypotrophes, tant
dans la littérature que dans l'enquête nationale que nous avions menée. Dans les dernières publications, la prématurité est encore
fréquente, ce qui n'est pas étonnant compte
tenu des complications, tant obstétricales
que maternelles, dont nous venons de parler.
Une hypotrophie foetale s'y associe dans un
nombre de cas important, sans doute favorisée par une volémie variable, mais parfois
basse, responsable d'une hypoperfusion placentaire. L'augmentation des résistances vasculaires placentaires joue également un rôle
important. Enfin il n'est pas impossible que
la dénutrition maternelle et un apport protéique insuffisant puissent être en cause dans
certains cas, comme le suggère un auteur qui
propose d'avoir recours à une alimentation
parentérale en dialyse pendant la grossesse
(15).
Session 3
prématurée des membranes. Les variations
ioniques importantes et brutales que peut
provoquer l'hémodialyse, notamment sur la
calcémie, jouent sans doute également un
rôle. Certains auteurs ont également incriminé une baisse du taux de progestérone par
épuration au cours de la séance d'hémodialyse. La diminution de fréquence de l'hydramnios obtenue avec une dialyse très intensive
va de pair avec une réduction importante du
nombre d'accouchements prématurés spontanés. La survenue fréquente d'une menace
d'accouchement prématuré est peut-être un
argument pour utiliser en priorité des inhibiteurs calciques pour traiter l'H.T.A., puisqu'ils
ont également un effet tocolytique, à l'inverse
des bêta-bloquants qui pourraient, au moins
en théorie, avoir l'effet contraire.
Dans les dernières publications, on note un
nombre croissant d'enfants nés à terme et
de poids sensiblement normal. Néanmoins,
un grand nombre de grossesses aboutissent
encore à la naissance de grands prématurés,
avec un risque de décès chez les enfants nés
avant 30 semaines. La fréquence du retard de
croissance intra utérin varie, dans les articles
publiés au cours des 10 dernières années, de
15 à 80 %. Pour les enfants nés très prématurément ou de très petit poids, l'amélioration
du pronostic immédiat est liée aux progrès de
la prise en charge néonatale, mais le risque de
séquelles, notamment neurologiques, est loin
d'être négligeable, et le pronostic à très long
terme est encore inconnu.
Il a été signalé chez ces enfants, en plus des
problèmes habituels liés à la prématurité et
à l’hypotrophie, la survenue à la naissance
d’une diurèse osmotique, qui peut exposer
à un risque de déshydratation si elle n’est pas
compensée.
61
Catherine GAUDRY
Stratégie de
grossesse
dialyse
pendant
la
Tous les auteurs s'accordent pour conseiller
une augmentation aussi précoce que possible
de la dose de dialyse. Même si aucune étude
n'a été menée, on peut constater que les deux
séries qui rapportent les meilleurs résultats
sont celles où la dose de dialyse était la plus
importante : des séances de 7 à 8 heures, 5 à
7 nuits par semaine pour l'une (10), et plus de
24 h par semaine en hémodialyse pour l'autre
(16). Cet auteur compare les grossesses réussies et celles qui ont échoué, et note comme
seules différences significatives un taux d'hémoglobine un peu plus élevé dans le premier groupe, et surtout un taux d'urée (et de
créatinine) plus bas dans le premier groupe.
Il rejoint d'autres auteurs pour recommander
de maintenir le taux d'urée en dessous de
8 mmol/l pendant la grossesse. Le but est de
diminuer l'importance de l'hydramnios, dû
probablement à une diurèse osmotique chez
le foetus, dont les reins reçoivent le sang maternel, chargé de toutes les substances non
épurées chez la mère.
En hémodialyse, l'idéal est la réalisation de
séances quotidiennes (6 jours sur 7 le plus
souvent), en maintenant une durée relativement longue pour chaque séance (3 à 4
heures). En effet, les deux éléments importants sont la dose de dialyse, avec des valeurs
de Kt/V au moins voisines de 3, et une dialyse
suffisamment longue pour permettre une
déplétion satisfaisante sans entrainer d'hypovolémie, afin que la perfusion de l'unité foeto-placentaire reste correcte. Par ailleurs, les
systèmes actuels de contrôle de la volémie en
cours de dialyse sont tout à fait intéressants
sur ce terrain, afin d'éviter les chutes tensionnelles délétères pour le foetus.
Dans le même but d'obtenir une meilleure
tolérance hémodynamique, on n'utilisera
que des bains bicarbonate, certains auteurs
recommandant même les bains sans acétate.
62
Il a également été conseillé d'utiliser un bain
pauvre en calcium, en y associant si nécessaire
une supplémentation calcique par voie orale.
Le but est d’éviter les hypercalcémies de fin
de dialyse, qui joueraient un rôle dans la survenue prématurée de contractions utérines.
De même certaines publications préconisent
un débit de dialysat plus faible, pour éviter
de créer un déséquilibre osmotique entre les
milieux intra et extra cellulaires.
Il est essentiel de réévaluer le poids sec de la
patiente très régulièrement : si il est sous-estimé, la survenue d’épisodes hypovolémiques
en fin de dialyse peut être très préjudiciable
pour le fœtus ; si il est surestimé, il peut apparaître une H.T.A. sévère, qui résiste aux antihypertenseurs utilisables sur ce terrain.
Il a aussi été recommandé de diminuer l'héparinisation du circuit, mais cela ne semble
pas indispensable, surtout avec l'utilisation
des héparines de bas poids moléculaires, qui
exposent à un risque hémorragique moins
important, et dont l'utilisation reste possible
pendant la grossesse.
Quelques observations ont été rapportées
avec un traitement par hémodiafiltration (17)
et, là encore, la dialyse a été intensifiée avec
réalisation de 6 séances par semaine, et une
durée moyenne de dialyse de 28 h par semaine.
Enfin, depuis de nombreuses années ont également été rapportées des observations en
dialyse péritonéale (18). L'une des difficultés
est que l’augmentation de la dose de dialyse
ne peut se faire qu’en augmentant le nombre
de cycles ou d’échanges, le volume intra-péritonéal toléré étant limité surtout vers la fin de
la grossesse. Il est souvent proposé d'associer
une dialyse automatisée la nuit et des poches
dans la journée. La dialyse fluctuante a également été recommandée (19).
Des problèmes de dysfonction du cathéter
ont été signalés, qu'on peut éviter grâce à un
La grossesse chez la femme dialysée
L’avantage de la dialyse péritonéale est de
permettre une épuration continue, sans
risque d’hypovolémie brutale, et sans déséquilibre osmotique entre les différents secteurs hydriques. Par contre il peut être difficile
d’assurer une déplétion hydro-sodée suffisante, avec survenue d’une H.T.A., parfois difficile à contrôler.
Plusieurs cas de péritonite ont été rapportés,
parfois responsables d'une mise en route prématurée du travail. Un cas a été publié d'hémopéritoine avec déglobulisation lié à un saignement de l'utérus par ulcération de sa paroi
sur le cathéter (20).
Après une césarienne, la reprise de la dialyse
péritonéale peut habituellement être très rapide, dans les 24 à 48 heures.
Alors que les diurétiques sont habituellement
contre-indiqués pendant la grossesse, en
raison de la diminution de la volémie qu'ils
entrainent, on peut poursuivre le traitement
par le furosémide, qui n'est pas tératogène, et
qui risque peu sur ce terrain d'entrainer une
hypovolémie. Au contraire, en diminuant la
surcharge hydrosodée, il limitera le risque de
survenue d'une H.T.A. ou sa sévérité.
On peut poursuivre les traitements par calcium et vitamine D, et il est recommandé d'y
associer un apport en acide folique. De même,
comme on l'a déjà dit, la correction de l'anémie nécessite en général une augmentation
des apports en fer et des doses d'érythropoïétine plus importantes.
Tous les traitements que la patiente reçoit
habituellement seront réévalués, pour ne
conserver que ceux qui sont sans risque pour
le foetus et indispensables pour la mère.
La surveillance obstétricale de la patiente
sera faite par des examens cliniques, échographiques et dopplers répétés, pour vérifier l'état du col utérin et la contractilité de
l'utérus, la croissance foetale, le volume de
liquide amniotique, les indices de résistance
au niveau des artères utérines et des vaisseaux du cordon ombilical. On réalisera aussi
des enregistrements cardiotocographiques,
si possible pendant les séances d'hémodialyse, pour dépister une souffrance foetale ou
la survenue d'une contractilité utérine anormale. Enfin il est recommandé d'hospitaliser
la patiente à partir du terme où l'enfant est
viable, donc vers 26 à 28 semaines d'aménorrhée, à la fois pour permettre à la patiente un
repos maximum et pour pouvoir intensifier la
surveillance obstétricale.
Session 3
positionnement latéral de l'extrémité du cathéter. Ils ont conduit certains auteurs à avoir
recours à l’hémodialyse pendant les derniers
mois de la grossesse. Certains ont même proposé d’associer les deux techniques, hémodialyse et dialyse péritonéale, pour obtenir
une dose de dialyse satisfaisante.
En conclusion
Malgré les progrès qui ont été faits ces dernières années, notamment en matière de thérapeutique maternelle et de prise en charge
néonatale, le pronostic de la grossesse chez
une patiente dialysée reste encore mauvais. Il
est donc essentiel que toute femme jeune en
dialyse sache qu’elle reste féconde, et qu’une
contraception lui soit proposée.
De même il est souhaitable d’aborder le problème de la maternité, pour que la patiente
connaisse les risques d’échec que comporte
une grossesse, les complications qu’elle peut
entraîner, et les contraintes thérapeutiques
nécessaires pour que les chances de succès
soient optimales. Même si son pronostic s'est
beaucoup amélioré au fil des années, la grossesse chez une femme en dialyse reste une
aventure à très haut risque, qui nécessite une
mobilisation aussi précoce que possible de
tous les intervenants médicaux et paramédi63
Catherine GAUDRY
caux pour un suivi attentif, au jour le jour, de
la patiente. L'idéal est que la patiente soit prise
en charge par une maternité de niveau 3 d'un
établissement disposant également d'une
unité de dialyse. Une parfaite coordination
entre les équipes néphrologique, obstétricale
et pédiatrique est indispensable.
La meilleure connaissance des causes d’échec
de la grossesse chez la dialysée, les progrès
64
réalisés en matière de techniques de dialyse
et de thérapeutique, devraient permettre au
cours des années à venir d’améliorer encore le
pronostic de ces grossesses. Ainsi les femmes
en dialyse pourraient garder un espoir raisonnable d’envisager une maternité, même si, à
l'heure actuelle, il est encore préférable d’attendre qu’une transplantation rénale ait été
réalisée pour mettre en route une grossesse.
BIBLIOGRAPHIE
2 - Al-Wadei K.H., Abu-Asba N.W., Donia A.F. The first reported
case of successful pregnancy in a hemodialysis patient in Yemen
Nephrol. Dial. Transpl. 2004, 19, 264
3 – Raharivelina C.A., Narindra Randriamanantsoa L., Vololontiana D., Ralaifonenana J., Rakotomanga M., Rabenantoandro R.
Hémodialyse et grossesse : à propos d'une observation Nephrologie 2003, 24, 6, 283-286
4 - Registration. Committee of the E.D.T.A. Successful pregnancies
in women treated by dialysis and kidney transplantation Brit. J.
Obst. Gyn. 1980, 87, 839-845
5 - Hou S. Frequency and outcome of pregnancy in women on
dialysis Am. J. Kidney Dis. 1994, 23, 1, 60-63
6 - Bagon J.A., Vernaeve H., De Muylder X., Lafontaine J.J., Martens J., Van Roost G. Pregnancy and dialysis Am. J. Kidney Dis.
1998, 31, 5, 756-765
7 - Okundaye I., Abrinko P., Hou S. Registry of pregnancy in dialysis patient Am. J. Kidney Dis. 1998, 31, 5, 766-773
8 – Toma H., Tanabe K., Tokumoto T., Kobayashi C., Yagisawa T.
Pregnancy in women receiving renal dialysis or transplantation
in Japan : a nationwide survey Nephrol. Dial. Transplant. 1999,
14, 1511-1516
12 - Chan W.S., Okun N., Kjellstrand C.M. Pregnancy in chronic
dialysis : a review and analysis of the literature Int. J. Artif. Organs
1998, 21, 5, 259-268
13 - Hou S. Pregnancy in chronic renal insufficiency and end stage
renal disease Am. J. Kidn. Dis. 1999, 33, 2, 235-252
14 - Piccoli G.B., Conijn A., Consiglio V., Vasario E., Attini R., Deagostini M.C., Bontempo S., Todros T. Pregnancy in dialysis patients
: is the evidence strong enough to lead us to change our counseling policy ? Clin. J. Am. Soc. Nephrol. 2010, 5, 62-71
15 – Tuot D., Gibson S., Caughey A.B., Frassetto L.A. Intradialytic
hyperalimentation as adjuvant support in pregnant hemodialysis
patients : case report and review of the literature Int. Urol. Nephrol. 2010, 42, 233-237
16 – Asamiya Y., Otsubo S., Matsuda Y., Kimata N., Kikuchi K.,
Miwa N., Uchida K., Mineshima M., Mitani M., Ohta H., Nitta K.,
Akiba T. The importance of low blood urea nitrogen levels in pregnant patients undergoing hemodialysis to optimize birth weight
and gestational age Kidney Int., 2009, 75, 1217-1222
Session 3
1 – Confortini P., Galanti O., Ancona O., Giongo A., Bruschi E., Lorenzini E. Full term pregnancy and successful delivery in a patient
on chronic haemodialysis Proc. Eur. Dial. Transplant. Assoc. 1971,
8, 74-80
17 – Haase M., Morgera S., Bamberg C., Halle H., Martini S.,
Hocher B., Diekmann F., Dragun D., Peters H., Neumayer H.H.,
Budde K. A systematic approach to managing pregnant dialysis
patients – the importance of an intensified haemodiafiltration
protocol Nephrol. Dial. Transplant. 2005, 20, 2537-2542
18 – Hou S. Conception and pregnancy in peritoneal dialysis
patients Peritoneal Dial. Intern. 2001, 21, suppl 3, S290-S294
9 - Chao A.S., Huang J.Y., Lien R., Kung F.T., Chen P.J., Hsieh P.C.C.
Pregnancy in women who undergo long-term hemodialysis Am.
J. Obstet. Gynecol. 2002, 187, 1, 152-156
19 - Chang H., Miller M.A., Bruns F.J. Tidal peritoneal dialysis
during pregnancy improves clearance and abdominal symptoms
Peritoneal Dial. Int. 22, 2, 272-274
10 - Barua M., Hladunewich M., Keunen J., Pierratos A., McFarlane P., Sood M., Chan C.T. Successful pregnancies on nocturnal
home hemodialysis Clin. J. Am. Soc. Nephrol. 2008, 3, 392-396
20 - Lew S.K. Persistent hemoperitoneum in a pregnant patient
receiving peritoneal dialysis Periteritoneal Dial. Int. 2006, 26,
108-111
11 - Luders C., Martins Castro M.C., Titan S.M., De Castro I., Motas
Elias R., Abensur H., Romao Jr J.E. Obstetric outcome in pregnant
women on long-term dialysis : a case series Am. J. Kidn. Dis.
2010, 56, 1, 77-85
65
L
A GROSSESSE APRÈS
TRANSPLANTATION RÉNALE
Professeur Maryvonne Hourmant.
Service de Néphrologie-immunologie clinique. Hôtel-Dieu. - Nantes
Recommandations pour planifier une
grossesse
Il existe des recommandations anciennes
pour la planification d’une grossesse, dérivant
des travaux de Davison, et qui ont été reprises
par les recommandations européennes en
2002 (4) ou nord-américaines en 2009 (5)
- Etre à au moins 2 ans post-greffe. Bien
que des grossesses aient été menées à
terme chez des femmes ayant moins de un
an post-greffe, le risque d’avortement spontané et les risques maternels et fœtaux sont
plus élevés. Il semble que plus la greffe est
ancienne, plus l’évolution de la greffe est
bonne et le délai moyen entre la transplan-
Session 3
Un des objectifs d’une femme insuffisante rénale jeune demandant une inscription
pour une transplantation rénale est de pouvoir mener une grossesse. La fertilité
est effectivement restaurée dans les 6 mois qui suivent la greffe (1) et la transplantation atteignant un état stable, en terme de fonction rénale, de risque de rejet et
de complications infectieuses, après un an, la grossesse est généralement alors
autorisée. Il s’agit cependant d’une grossesse à risque à double titre: risque lié au
niveau de fonction rénale plus moins altérée de la patiente transplantée et risque
lié au traitement immunosuppresseur. Contrairement à ce qui pourrait être attendu au regard de l’augmentation de la survie du greffon ces 20 dernières années, le
nombre de grossesses chez les femmes transplantées diminue. Une étude nordaméricaine publiée en 2009 a répertorié, en se basant sur des données du Medicare, 16 195 femmes de 15 à 45 ans porteuses d’un transplant rénal entre 1990 et
2003 et rapporte une diminution du taux de grossesse pour 1000 femmes de 59
en 1990 à 20 en 2000 (2). Cette évolution a suivi celle constatée dans la population générale américaine mais elle a été plus marquée et plus rapide. Le registre
australo-néozélandais (ANZDATA) qui souligne la relative rareté des grossesses
chez les femmes transplantées (20% seulement du taux de fertilité de la population générale) note la même tendance mais elle n’apparaît pas significative (3).
L’étude américaine notait aussi que malgré un taux d’avortements thérapeutiques
en décroissance, le nombre de grossesses n’arrivant pas à terme était stable ce qui
traduit une fréquence augmentée d’avortements spontanés (2). La grossesse chez
la femme greffée reste donc une grossesse difficile.
tation et la grossesse est de plusieurs années
dans les registres (6 ans dans le registre britannique par exemple)
- Avoir une fonction rénale stable avec une
créatininémie < 177 ùmol/l (20 mg/l) mais
de préférence < 133 ùmol/l (15 mg/l). Au
dessous de ce seuil, l’évolution de la grossesse est presque toujours simple.
- Pas d’épisode de rejet aigu récent ou
évolutif
- Pression artérielle normale ou HTA minime (un seul hypotenseur), l’HTA multipliant le risque de pré-éclampsie par 5 et
ayant un impact négatif sur le devenir foetal
67
Maryvonne HOURMANT
- Absence de protéinurie ou une protéinurie < 0,5 gr/j (1 gr/j pour les recommandations américaines). L’intérêt d’une biopsie du
greffon à visée pronostique n’est pas abordé.
- Echographie du greffon normale (pas de
dilatation des cavités pyélo-calicielles)
- Traitement immunosuppresseur
Prednisone < 15 mg/j
Azathioprine <= 2 mg/kg/j
Cyclosporine et tacrolimus à niveaux thérapeutiques
Le Mycophénolate Mofetil et le Sirolimus
sont contrindiqués et doivent être interrompus 6 semaines avant la conception
Ces critères demandent certainement à être
affinés.
Généralités sur la grossesse après
transplantation rénale
Toutes nos connaissances sur les grossesses
des transplantées sont issues de registres internationaux, nord-américain (National Transplant Pregnancy Registry), britannique (UK
Transplant Registry) et ANZDATA., basés sur
la libre déclaration des évènements et de ce
fait non exhaustifs. Leurs données sont relativement superposables et elles font l’objet de
revues et rapports réguliers (3, 6, 7, 8). Ainsi, le
taux d’avortement thérapeutique qui a diminué avec le temps est dans les années 2000 de
l’ordre de 6% et le taux d’avortements spontanés de 9-11% sauf aux Etats-Unis où il est
de 15-19%. Les grossesses qui dépassent les
3 premiers mois iront à leur terme et ce sont
donc 76-79% du nombre total qui aboutiront
à la naissance d’un enfant vivant. Les résultats
de l’étude américaine déjà citée reprenant des
données du Medicare sont moins optimistes
et font état d’un taux d’avortements spontanés de 47.5%, atteignant 55% si la grossesse
survient dans la première année post-greffe
(2).
68
Un à 3% des grossesses se termineront par
une mort in utero et le même pourcentage
par la naissance d’un enfant non viable. Cinquante % des femmes vont accoucher avant
terme et le pourcentage de césariennes va,
suivant les registres, de 46 à 72% (contre 14%
dans la population générale).
Le registre britannique a recherché les facteurs qui pouvaient être associés au succès
de la grossesse défini par la naissance d’un
enfant vivant (7). Sur une population de 176
transplantées et de 193 grossesses, l’analyse
statistique a retrouvé une influence négative
significative de l’HTA systolique et d’une créatininémie > 150 ùmol/l avant la grossesse. Les
auteurs de l’étude justifient le seuil de créatininémie par les données d’études antérieures
tout en reconnaissant qu’il est certainement
trop élevé. Par contre, l’age de la mère, qui
augmente avec les années (32 ans dans la
dernière décennie contre 29 ans auparavant)
et l’ancienneté de la transplantation n’avait
pas d’impact. La créatininémie ainsi que le
type de la néphropathie responsable de l’IRC
(effet protecteur de la néphropathie de reflux)
sont aussi retrouvés comme facteurs prédictifs du succès de la grossesse par le registre
ANZDATA (3)
Il faut enfin noter que le registre NTPR a colligé des grossesses chez des femmes ayant une
transplantation combinée de rein et pancréas
dont l’évolution est peu différente de celles
ayant une transplantation rénale seule 6).
Sont aussi rapportées chez les femmes ayant
une transplantation rénale des grossesses
multiples (jumeaux et triplets), ou survenant
après procréation assistée. Les grossesses successives sont relativement courantes (6).
Le risque maternel
Chez les femmes transplantées, le débit de filtration glomérulaire (DFG) augmente durant
la grossesse comme dans la population géné-
La grossesse après transplantation rénale
La femme transplantée a le même risque
qu’une femme insuffisante rénale de développer HTA et pré-éclampsie durant sa grossesse.
Selon les registres, 69 à 76 % des transplantées
enceintes ont une HTA qui était généralement
présente avant la grossesse (6, 7). Vingt cinq
% de celles qui ne sont pas hypertendues le
deviendront. L’incidence de la pré-éclampsie,
qui peut être difficile à diagnostiquer chez
des patientes ayant déjà HTA et protéinurie,
est de 27-30%, similaire à celui rapporté chez
les femmes insuffisantes rénales. Le risque de
pré-éclampsie est bien sûr d’autant plus élevé que la fonction rénale est altérée avant la
grossesse.
La grossesse chez la femme transplantée comporte aussi un risque immunologique mais il
reste faible. L’incidence du rejet aigu n’est que
de 2- 4% peut être parce que le traitement
immunosuppresseur, en ce qui concerne les
anti-calcineurines du moins, va être adapté
aux taux sanguins durant la grossesse. Il a été
dit que ce risque était plus important dans le
post-partum, le greffon ne bénéficiant plus du
statut immunologique privilégié de la grossesse et il est conseillé par certains d’augmen-
ter la corticothérapie ou d’en introduire une
dans cette période.
La survie du greffon et l’évolution de la fonction rénale à long terme après la grossesse ont
fait l’objet de nombreuses discussions après la
publication d’une étude finlandaise en 1993
rapportant une dégradation de la fonction du
transplant. Suivant les études ou les registres,
4 à 14% des greffons vont être perdus dans
les 2 ans qui suivent la grossesse. Des études
où les femmes transplantées ayant mené une
grossesse ont été comparées à des contrôles,
hommes ou femmes sans grossesse, appariés
pour les facteurs ayant une valeur prédictive
dans la survie du greffon, n’ont trouvé aucune
différence dans la survie des patients, des
greffons et le niveau de fonction rénale, avec
un suivi qui va jusqu’à 20 ans dans une des
études (3, 11, 12).
Session 3
rale, mais son amplitude dépend du niveau
de fonction rénale (9). La protéinurie dépasse
souvent 0,5 gr/j dans le troisième trimestre
d’une grossesse normale sans que cela ait
de valeur péjorative (9). Le registre anglais a
étudié l’évolution de la fonction rénale pendant la grossesse et dans le post-partum de
la cohorte de 193 grossesses précédemment citée (7). La créatininémie passe de 125
ùmol/l en pré-grossesse à 110 ùmol/l au 2è
semestre pour remonter à 112 mol/l dans le
3è semestre comme dans toute grossesse
hors transplantation, puis à 130 ùmol/l dans
les 3-6 mois du post-partum. Ces différences
sont significatives. Dans cette étude, 20% des
femmes cependant vont garder une altération de la fonction rénale.
Les femmes transplantées enceintes sont
à risque d’infections et on estime que 40%
d’entre elles feront une infection urinaire,
compliquée parfois de pyélonéphrite aiguë.
Les recommandations européennes préconisent de faire un ECBU mensuel. Le risque
d’infection à Cytomégalovirus a été souligné
en raison du risque de transmission au fœtus,
chez qui il va être cause de malformations.
Cependant, le risque d’une infection à CMV
est très faible chez la femme transplantée au
delà de 6-12 mois. Il est important de rappeler aussi que la vaccination contre la rubéole
ne peut être faite après la transplantation
(vaccin vivant atténué). Aussi les recommandations européennes préconisent-elles de le
faire avant la transplantation chez les femmes
jeunes (4).
Le risque fœtal
Cinquante % des femmes accouchant avant
terme, les enfants nés de femmes transplantées sont prématurés et de petit poids. Cinquante % des enfants naissent avant la 37ème
69
Maryvonne HOURMANT
semaine mais il s’agit d’une « petite » prématurité. Selon le registre britannique, l’âge gestationnel moyen de 35,6 +/- 0,3 semaines (7).
Cinquante % des enfants ont un poids de naissance < 2500 grammes pour un poids moyen
de 2316 +/- 80 grammes. Vint deux % ont un
poids < 1500 grammes. Pour comparaison,
les chiffres de la population générale sont de
8% pour la prématurité et de 3226 grammes
pour le poids de naissance. Les facteurs prédictifs significatifs d’un accouchement avant
terme sont une créatininémie > 150 ùmol/l
et un traitement hypotenseur durant la grossesse (7).
Les enfants nés de femmes transplantées ont
toutes les raisons d’être porteurs de malformations (insuffisance rénale et HTA maternelles,
petit poids de naissance) mais les risques inhérents au traitement immunosuppresseur sont
particulièrement soulignés, donnant lieu à
une abondante littérature de synthèse ( revue
dans 8). Tous les médicaments immunosuppresseurs traversent la barrière foeto-placentaire et sont filtrés par le foie fœtal. La distribution de ces médicaments chez le foetus va
dépendre de nombreux facteurs comme leur
solubilité et leur poids moléculaire mais aussi
leur métabolisme par des systèmes enzymatiques exprimés de façon différente par le placenta et les tissus fœtaux et de façon variable
durant la grossesse. La distribution d’un médicament dans la circulation foeto-maternelle
peut donc être difficile à déterminer.
Les recommandations de la FDA et les RCP
(Résumé des Caractéristiques du Produit)
français sont rappelés dans le tableau 1.
Les corticoïdes traversent le placenta qui les
métabolisent à 90% avant qu’ils atteignent le
fœtus. Leurs taux dans la circulation fœtale
sont très faibles. L’insuffisance surrénalienne
du bébé de mère sous corticoïdes est classique mais rare. Chez les femmes non transplantées sous stéroïdes, le taux de malformation fœtale, 3,5%, est comparable à celui
70
de la population générale. On leur a attribué
un risque de rupture prématurée des membranes. Les corticoïdes peuvent donc être
prescrits durant une grossesse.
L’Azathioprine (ImurelTM) passe dans la circulation fœtale mais le fœtus n’a pas l’enzyme
nécessaire à sa transformation en métabolite
actif. L’Azathioprine est tératogène chez l’animal mais les études humaines n’ont retrouvé
aucune malformation spécifique qui lui serait
associée. Il est quand même rapporté chez
l’enfant des anomalies hématologiques et une
atrophie thymique. Bizarrement, la FDA rentre
l’Azathioprine dans la catégorie des médicaments ayant un risque humain alors que les
RCP conseillent seulement de suspendre le
traitement pendant la grossesse si cela est
possible. Dans la pratique, l’Azathioprine est
largement utilisé chez les femmes transplantées enceintes.
Les inhibiteurs des calcineurines, Cyclosporine (SandimmunTM, NeoralTM) et Tacrolimus
(PrografTM, AdvagrafTM), entrent la circulation
fœtale et sont détectés à des taux plus élevés
que dans le sang maternel, dans le placenta
et le cordon ombilical. Une étude a cependant montré qu’ils n’atteignaient que 50%
du taux sanguin maternel dans le sang fœtal.
Une toxicité fœtale a été mise en évidence
dans les études animales mais pour des doses
bien supérieures à celles utilisées en clinique
humaine. Chez l’homme, on dispose des
résultats d’une méta-analyse (12) qui n’a pas
pu mettre ce risque tératogène en évidence
même si le chiffre de 4,1% de malformations
pourrait devenir significatif avec une cohorte
plus importante, par comparaison avec des
patientes recevant un autre traitement immunosuppresseur. La Cyclosporine est classé
dans la catégorie C par la FDA, des médicaments dont le risque ne peut être exclu. Les
RCP conseillent de n’utiliser la Cyclosporine
que si nécessaire. Le Tacrolimus, pour lequel
moins d’études en clinique humaine sont
La grossesse après transplantation rénale
Le Mycophénolate Mofetil (MMF) (Cellcept TM )
est responsable chez l’animal de malformations, d’anomalies de développement , de
retards de croissance et de morts in utero,
pour des posologies superposables à celles
utilisées chez l’homme. La principale série
rapportée chez l’homme comprenait 26 grossesses chez 18 femmes transplantées traitées
par MMF. Le taux d’avortements spontané est
élevé (11/26) ; sur les 15 enfants nés, quatre
(26,7%) présentaient des malformations de
l’oreille externe et moyenne, malformations
palatine et bec de lièvre (13). La FDA range
le MMF dans la catégorie C, les RCP recommande « de ne pas instaurer un traitement
par CellCept avant d'avoir obtenu le résultat
négatif d'un test de grossesse. Une contraception efficace doit être prescrite avant le
début du traitement par CellCept, pendant le
traitement ainsi qu'au cours des six semaines
suivant son arrêt Les patientes doivent être
averties de la nécessité de consulter immédiatement leur médecin en cas de grossesse.
L'utilisation du CellCept n'est pas recommandée pendant la grossesse et doit être réservée
aux situations dans lesquelles aucune autre
alternative thérapeutique adaptée n'est disponible. Le CellCept ne doit être utilisé chez
la femme enceinte que si le bénéfice potentiel est supérieur au risque potentiel encouru
par le fœtus ». En routine de transplantation,
une grossesse sous MMF est formellement
interdite et le médicament remplacé par l’Azathioprine. Comment figurant dans les recommandations pour planifier une grossesse, le
changement de traitement est fait 6 semaines
au moins avant la conception ou l’arrêt de la
contraception. La baisse du nombre de grossesses chez les femmes transplantées est prin-
cipalement expliquée par cette nécessité de
modifier le traitement immunosuppresseur
qui, comme tout changement d’immunosuppression, peut avoir des conséquences
immunologiques. Le Mycophénolate Sodique
(MyforticTM) est un médicament plus récent
et peu évalué mais la même contrindication
s’applique.
Le Sirolimus (RapamuneTM) fait partie avec
l’Everolimus (CerticanTM) de la famille des
inhibiteurs de mTOR. Le sirolimus n’a pas été
tératogène dans les études animales mais
responsables quand même d’un retard d’ossification. Les études humaines manquent. Une
série de 7 grossesses a été publiée, rapportant
3 avortements spontanés et 4 enfants vivants
dont un ayant une anomalie palatine mais la
maman avait commencé sa grossesse sous
MMF (12). Pour la FDA, le risque humain ne
peut être exclu. Les RCP déconseillent la poursuite du médicament durant la grossesse sauf
réelle nécessité. Toute femme recevant ce
médicament, doit être sous contraception et
elle doit être poursuivie jusqu’à 12 semaines
après l’arrêt du traitement. En pratique de
transplantation, la même règle et la même
conduite qu’avec le MMF s’applique.
Session 3
disponibles, entre aussi dans la catégorie C
et pour les RCP, son administration est exclue
durant la grossesse. Dans la pratique quotidienne, là aussi, le Tacrolimus n’est pas interrompu en cas de grossesse.
Au delà de la tératogénicité des médicaments, les immunosuppresseurs sont soupçonnés d’entraîner un déficit immunitaire
chez le fœtus et le nouveau-né. L’exposition
in utero semble altérer le développement et
les fonctions des lymphocytes NK, T et B (14) ;
les taux d’immunoglobulines sont inférieurs à
la normale, ce qui incite les auteurs de l’étude
à conseiller de retarder les vaccinations après
le 6ème mois de vie en raison d’une réponse
vaccinale insuffisante et d’un risque d’infection avec les vaccins vivants atténués.
Nous n’aborderons pas le risque tératogène
lié au traitement par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes des
récepteurs de l’angiotensine 2, qui est traité
dans un autre chapitre.
71
Maryvonne HOURMANT
72
L’allaitement
Conclusion :
La littérature donne peu d’informations sur
l’allaitement par des mères sous traitement
immunosuppresseur. L’Académie Américaine
de Pédiatrie autorise l’allaitement par des
mères prenant des corticoïdes, le déconseille
lorsque la mère est sous Cyclosporine et n’a
pas de recommandation particulière vis-à-vis
de l’Azathioprine et du Tacrolimus. De petites
quantités de Prednisone et d’Azathioprine
sont retrouvées dans le lait maternel (15). Une
revue de la littérature concernant l’allaitement
sous Cyclosporine arrive à la conclusion que
même si le médicament est excrété dans le
lait où ses taux sont proches de ceux du sang
maternel, le dosage du médicament dans le
sang du bébé est indétectable et qu’il faudrait
des cyclosporinémies > 2000 ng/ml pour
atteindre 10% des valeurs thérapeutiques
chez l’enfant (16). Le faible risque lié à la toxicité du médicament par le lait doit être mis
en balance avec le bénéfice de l’allaitement
maternel chez un enfant prématuré et de
petit poids.
Les progrès de l’obstétrique ont amélioré
les résultats des grossesses chez les femmes
transplantées mais elles restent des grossesses à risque et l’obstacle de la fonction du
transplant et de l’hypertension perdure. Dans
tous les cas, la prise en charge doit être multidisciplinaire, dans le suivi de la patiente mais
aussi lors de la prise de la décision de la grossesse. Le devenir de l’enfant, fonction rénale,
complications à long terme incluant cancers
et lymphomes, est mal connu et justifierait
que ces enfants soient particulièrement suivis. L’Agence de Biomédecine envisage depuis
plusieurs années la création d’un registre des
enfants nés de mère transplantée mais sa réalisation est difficile.
BIBLIOGRAPHIE
1. Davison JM. Dialysis, transplantation and pregnancy. Am J Kidney Dis 1991. 17(2): 127-132
9. Davison JM. The effect of pregnancy on kidney function in renal
allograft recipients. Kidney Int 1995. 27: 74-79
2. Gill JS, Zalunardo N, Rose C, Tonelli M. The pregnancy rate and
live birth rate in kidney transplant recipients. Am J Transplant
2009. 9: 1541-1549
10. First MR, Combs CA, Weiskittel P, Miodovnik M. Lack of effect
of pregnancy on renal allograft survival or function. Transplantation 1995. 59: 472-476
3. Levidiotis V, Chang S, McDonald S. Pregnancy and maternal
outcomes among kidney transplant recipients. J Am Soc Nephrol
2009. 20: 2433-2440
11. Fischer T, Neumayer HH, Fischer R, Barenbrock M, Schobel HP,
Lattrell BC, Jacobs VR, Paepke S, Pilder von Steinburg S, Sneider
KTM, Budde K. Effect of pregnancy on long-term kidney function
in renal transplant recipients treated with Cyclosporine and with
Azathioprine. Am J Transplant 2005. 5: 2732-2739
5. KDIGO Clinical Practice Guidelines for the care of kidney transplant recipients. Sexual and fertility: female fertility. Am J Transplant 2009. 9 (suppl 3): 107-108
6. Armenti VT, Constantinescu S, Moritz MJ, Davison JM. Pregnancy after transplantation. Transplantation reviews 2008. 22:
223-240
7. Sibanda N, Briggs JD, Davison JM, Johnson RJ, Rudge C. Pregancy after organ transplantation : a report from the UK Transplant Pregnancy register. Transplantation 2007. 83(10): 13011307
8.McKay DB, Josephson MA. Pregnancy in recipients of solid
organs- Effects on mother and child. New Engl J Med 2006. 354:
1281-1293
12. Bar Oz B, Hackman R, Einarson T, Koren G. Pregnancy outcome
after cyclosporine therapyduring pregnancy: a meta-analysis.
Transplantation 2001. 71(8): 1051-1055
13. Sifontis NM, Coscia LA, Constantinescu S, Lavelanet AF, Moritz
MJ, Armenti VT. Pregnancy outcomes in solid organ transplant
recipients with exposure to Mycophenolate Mofetil or Sirolimus.
Transplantation 2006. 82(12): 1698-1702
Session 3
4. ERBP Expert Group on Renal transplantation European best
practice guidelines for renal transplantation. Section IV: Long
term management of the transplant patient. Pregnancy in renal
transplant patients. Nephrol Dial Transplant 2002. 17 (suppl 4):
50-55
14. Schena FP, Stallone G, Schena A, Manfredi G, Derosa C, Procino
A, Di Paolo S. Pregancy in renal transplantation: immunologic
evaluation of neonates from mothers with transplanted kidneys.
Transplant Immunol 2002. 9: 161-164
15. Coulam CB, Moyer TP, Jiang NS, Zincke H. Breast-feeding after
renal transplantation. Transplant Proc 1982. 14: 605-609
16. Coady NT. Maternal transplantation medications during breast
feeding. J Hum Lact 2002. 18(1): 66-68
73
Maryvonne HOURMANT
Table 1: Recommandations de la FDA et RCP françaises concernant
Table 1: Recommandations de
FDA et RCP françaises
concernant les médicaments
leslamédicaments
immunosuppresseurs
immunosuppresseurs
Table 1: Recommandations de la FDA et RCP françaises concernant les médicaments
immunosuppresseurs
Médicament
Médicament
Corticoïdes
Corticoïdes
Azathioprine
Azathioprine
Inhibiteurs CNI
Cyclosporine
Inhibiteurs CNI
Tacrolimus
Cyclosporine
Tacrolimus
Mycophenolate
Mofetil,
Sodique
Mycophenolate
Mofetil, Sodique
Inhibiteurs mTOR
Sirolimus,
InhibiteursEverolimus
mTOR
Sirolimus, Everolimus
FDA
FDA
B
B
D
D
C
C
C
C
C
C
C
RCP
RCP
Peuvent être
prescris
Peuvent être prescris
Suspension souhaitable
Suspension souhaitable
Ne doit être envisagée que si nécessaire
Peut
être
envisagé
chezque
la femme
enceinte
Ne doit
être
envisagée
si nécessaire
Peut être envisagé chez la femme enceinte
Administration non recommandée sauf si pas d’autre
Administration
non recommandée sauf si pas d’autre
alternative
thérapeutique
alternative thérapeutique
Ne pas utiliser sauf nécessité absolue
Ne pas utiliser sauf nécessité absolue
A :A :
LesLes
études
humaines,
contrôlées,
ne montrent
pas pas
de risque
études
humaines,
contrôlées,
ne montrent
de risque
B
Pas
d’évidence
de de
risque
chez
l’homme.
Les Les
études
animales
montrent
un risque
non retrouvé
chez
A ::B :
LesPas
études
humaines,
contrôlées,
ne montrent
pas
de
risque
d’évidence
risque
chez
l’homme.
études
animales
montrent
un risque
non retrouvé
l’homme
ou si il n’existe
pas chez
d’études
adéquates
chez l’homme,
études un
animales
négativeschez
B : Pas d’évidence
de risque
l’homme.
Les études
animales les
montrent
risque sont
non retrouvé
l’homme
ou
si il pas
n’ene
xiste
pasêtre
d’adéquates
études
chez
l’homme,
études ou
animales
sont
C
:chez
Le risque
l’homme
peut
exclu.adéquates
Leschez
études
manquent
chezles
l animales
‘homme
lesnégatives
études
l’homme
ou chez
si il n’existe
d’études
l’homme,
les études
sont
négatives
animales
montrent
un risque
manquent
C : Le risque
chez l’homme
neou
peut
être exclu. Les études manquent chez l ‘homme ou les études
D
:C :
Evidence
d’un
risque
chez ou
l’homme
animales
montrent
un
risque
Le risque
chez
l’homme
nemanquent
peut être exclu. Les études manquent chez l ‘homme ou les études
D : Evidence d’un risque chez l’homme
animales montrent un risque ou manquent
D : Evidence d’un risque chez l’homme
74
G
ROSSESSE ET INSUFFISANCE RÉNALE :
LE POINT DE VUE DE L’OBSTÉTRICIEN
Alexandra Benachi, Céline Lacam
Service de Gynécologie-Obstétrique. Hôpital Antoine Béclère - Clamart. Université Paris 11
1. Introduction
2. Influence de la grossesse sur l’insuffisance rénale
La plupart des femmes en insuffisance rénale chronique (IRC) qui débutent une grossesse ont une insuffisance rénale débutante.
La grossesse n’affectera pas, en général, le
pronostic rénal. Si la patiente a une insuffisance rénale débutante (créatininémie < 125
µmol/l), une protéinurie minime (<1g/24h), et
une tension artérielle bien contrôlée avant la
grossesse, celle-ci n’aura pas ou peu d’effet à
long terme sur la fonction rénale [2].
Les patientes ayant une IRC modérée à terminale ont en revanche un risque important
d’accélérer la détérioration de leur fonction
rénale. Une étude rétrospective sur 67 pa-
tientes démontre que les patientes ayant une
IRC modérée (créatinémie 124-168 µmol/l)
ont un risque de 40% de détériorer leur fonction rénale pendant la grossesse, et pour 50%
d’entre elles celle-ci persistait après l’accouchement [3]. Les patientes présentant une
IRC sévère (créatininémie > 177 µmol/l) ont
dégradé leur fonction rénale au troisième
trimestre. Pour la plupart cette dégradation
a persisté, et pour certaines, a progressé vers
une insuffisance rénale terminale. Le suivi à 6
mois de ces patientes montre que dans 50%
des cas la fonction rénale est identique à celle
en ante partum, et dans 30% des cas une diminution de la fonction rénale pouvait être attribuée à la grossesse. Une étude prospective
chez des patientes présentant une IRC aux
stades 3 à 5 retrouve des résultats similaires
[4]. Les patientes, présentant à la fois une clairance < 40ml/min/1.73m2 et une protéinurie
> 1g/24h avant la grossesse, présentaient une
accélération de la détérioration de leur fonction rénale pendant la grossesse.
Session 3
La prévalence des patientes en âge de procréer porteuses d’une pathologie rénale chronique serait actuellement proche de 3%[1].
Les progrès récents de l’arsenal thérapeutique
permettent de ralentir l’évolution des néphropathies et d’envisager une grossesse pour la
plupart des patientes porteuses d’une IR. Ces
grossesses ne sont cependant pas dénuées
de risques pour la mère et l’enfant. La grossesse peut modifier l’évolution de l’IR et l’IR
peut être à l’origine de complications spécifiques pendant la grossesse. Il n’existe pas de
consensus sur la mesure du débit de filtration
glomérulaire (DFG) et de la protéinurie au
cours de la grossesse. Idéalement, la grossesse
doit être programmée car l’IR n’est souvent
qu’un des symptômes de pathologies variées
qui peuvent comporter un risque propre pour
la grossesse (diabète, lupus..). Le suivi devra
être fait conjointement par les néphrologues
et les obstétriciens.
L’hypertension artérielle chronique va aussi
contribuer à la dégradation de la fonction
rénale. Jones et Hayslett [3] ont montré que
la présence d’une hypertension était corrélée à une diminution significative de la filtration glomérulaire. L’hypertension artérielle
présente avant la grossesse était associée à
une augmentation de la créatininémie au
troisième trimestre. En revanche, l’apparition
d’une hypertension au troisième trimestre
était associée à une diminution de la filtration
glomérulaire en comparaison avec les patientes ayant une tension artérielle normale.
Une autre étude publiée en 2007 [4] avait
pour but de rechercher les facteurs pronos75
Alexandra BENACHI, Céline LACAM
tiques chez des patientes en insuffisance
contrôlée avant le début de la grossesse a un
rénale modérée à sévère. Une analyse multi
effet négatif cumulatif sur le pronostic de la
variée retrouvait que, seules, une protéinurie
fonction rénale à long terme.
> 1g/24h et une clairance < 40ml/min/1.73m2
étaient significativement associées à une
4. Influence de l’insuffisance rénale sur
diminution de la filtration glomérulaire et à
la grossesse
significativement
à une diminution
de la filtration glomérulaire et à une
une
augmentation associées
de la créatininémie
après
Les Ni
patientes
unedenéphropathie
augmentation deNi
la l’âge,
créatininémie
après
l’accouchement.
l’âge, niavec
la cause
l’insuffisance ont
l’accouchement.
ni la cause
de l’insufun risque
accru de
morbidité maternelle et
rénale, ni la présence d’une hypertension n’étaient associés
de manière
significative.
fisance
rénale, impose
ni la présence
d’une hypertenLa grossesse
de nombreuses
adaptations à périnatale.
la physiologie
rénale.etLa
d’une que
Trevisan
al présence
[5] rapportent
sion
n’étaient
associés
de
manière
significainsuffisance rénale pré existante ne permet
pas une 40%
adaptation
va, en fonctionune
de pré
des optimale,
patientes etdéveloppent
tive.
la sévérité de l’atteinte initiale, engendrer une détérioration
de
la
fonction
rénale.
Celle-ci
sera
éclampsie, 48% une anémie microcytaire,
ou moins
réversible
après l’accouchement.
L’existence d’une protéinurie ou d’une
Laplus
grossesse
impose
de nombreuses
adap60% accouchent prématurément, et 52%
hypertension artérielle non contrôlée avant le début de la grossesse a un effet négatif
tations à la physiologie rénale. La présence
sont
césarisées. Dans une revue de Bar [5],
cumulatif sur le pronostic de la fonction rénale à long
terme.
d’une insuffisance rénale pré existante ne
90% des patientes incluses dans leur étude
permet
pas une
adaptation optimale,
etlava,grossesse
avaient une IRC débutante, et ils retrouvaient
4. Influence
de l’insuffisance
rénale sur
en
fonction
deavec
la sévérité
de l’atteinteontinitiale,
Les
patientes
une néphropathie
un risque accru
maternelle
périnatale.
22% de
demorbidité
pré éclampsie,
22% et
d’accouchement
Trevisan etune
al [5]
rapportent que
des patientes prématuré,
développent13%
une RCIU,
pré éclampsie,
48%
une
engendrer
détérioration
de 40%
la fonction
et 24% de
césarienne.
anémieCelle-ci
microcytaire,
60%ouaccouchent
prématurément,
52%d’insuffisance
sont césarisées.
Dans est
unecorrélé
revue aux
rénale.
sera plus
moins réversible
Le et
degré
rénale
de Bar
[5], 90% des patientes
dans leur issues
étude de
avaient
une IRC
débutante,
ils
après
l’accouchement.
L’existenceincluses
d’une progrossesse
(tableau
1). Lesetpatientes
retrouvaient
22%
de
pré
éclampsie,
22%
d’accouchement
prématuré,
13%
RCIU,
et
24%
de
téinurie ou d’une hypertension artérielle non
ayant une insuffisance rénale sévère ont plus
césarienne. Le degré d’insuffisance rénale est corrélé aux issues de grossesse (tableau 1). Les
patientes ayant une insuffisance rénale sévère ont plus de risque de fausses couches précoces
et de complications pendant la grossesse (RCIU, accouchement prématuré, pré éclampsie).
Tableau 1. Estimation des effets de la fonction rénale avant la grossesse sur le déroulement de la grossesse et la fonction rénale maternelle [7].
Créatininémie
avant la Grossesse
(µmol/l)
Issues de grossesse
Perte > 25% de la fonction rénale
RCIU
(%)
Accouchement
prématuré
(%)
Pré
éclampsie
(%)
Mort
périnatale
(%)
Pdt la
grossesse
Persistant en
post-partum
IRC terminale
un an après
<125
25
30
22
1
2
0
0
125-180
40
60
40
5
40
20
2
>180
65
>90
60
10
70
50
35
En dialyse
>90
>90
75
50*
N/A
N/A
N/A
Tableau 1. Estimation des effets de la fonction rénale avant la grossesse sur le déroulement de
la grossesse et la fonction rénale maternelle [7].
76
La sévérité de l’insuffisance rénale est le facteur déterminant de l’issue de la grossesse. La
présence ou l’absence d’une hypertension artérielle, avec ou sans pré éclampsie surajoutée,
apparaît aussi être significatif dans le pronostic de la grossesse [8]. Dans l’étude de Bar [6],
après avoir utilisé un modèle recherchant les facteurs prédictifs d’un déroulement de
grossesse normal, le seul facteur retrouvé était l’existence d’une hypertension artérielle
préexistante. Cet auteur retrouvait aussi que les autres facteurs les plus souvent étudiés
(étiologie de l’insuffisance rénale et créatininémie) n’étaient pas corrélés aux issues de
grossesse favorables.
Grossesse et insuffisance rénale : Le point de vue de l’obstétricien
La sévérité de l’insuffisance rénale est le facteur déterminant de l’issue de la grossesse.
La présence ou l’absence d’une hypertension
artérielle, avec ou sans pré éclampsie surajoutée, apparaît aussi être significatif dans le pronostic de la grossesse [8]. Dans l’étude de Bar
[6], après avoir utilisé un modèle recherchant
les facteurs prédictifs d’un déroulement de
grossesse normal, le seul facteur retrouvé était
l’existence d’une hypertension artérielle préexistante. Cet auteur retrouvait aussi que les
autres facteurs les plus souvent étudiés (étiologie de l’insuffisance rénale et créatininémie)
n’étaient pas corrélés aux issues de grossesse
favorables.
Malgré cela, le degré de sévérité de l’insuffisance rénale est l’un des meilleurs facteurs
pronostiques de l’évolution de la grossesse.
Les patientes présentant une insuffisance
rénale débutante ont le plus souvent une
grossesse de déroulement normal. Dans la
série décrite par l’équipe de Bar [6], 90% des
patientes incluses avaient une insuffisance
rénale débutante. Le taux de complications
était très bas (4-22%) quelque soit l’étiologie
de l’insuffisance rénale. Deux ans après l’accouchement, seulement 5% de ces patientes
avaient une augmentation de leur créatininémie et aucune n’avait évolué vers une insuffisance rénale terminale.
Il apparaît que le pronostic périnatal pour les
patientes atteintes d’une insuffisance rénale
débutante est peu affecté, et qu’une détérioration de la fonction rénale est très rare chez
ces patientes.
Le taux de complications est beaucoup plus
important dans le groupe de patientes présentant une insuffisance rénale modérée
à sévère . L’hypertension artérielle, la pré
éclampsie, l’anémie, le retard de croissance
intra utérin, et la prématurité sont les complications les plus fréquentes chez les patientes
ayant une insuffisance rénale modérée à sévère.
L’étude de Jones et Hayslett [3] retrouve 59%
d’accouchement prématuré. Le poids de
naissance était inférieur au 10ème percentile
pour 39% des nouveaux nés. Dans le sous
groupe des patientes ayant une insuffisance
rénale sévère (créatininémie > 250µmol/l),
la fréquence des accouchements prématurés et des retards de croissance intra utérin
était significativement plus élevée que chez
celles ayant une insuffisance rénale modérée (73% versus 55% et 57% versus 31%, p
= 0.25 et p = 0.12 respectivement). La présence d’une hypertension artérielle en début
de grossesse n’était pas corrélée à un accouchement prématuré, ou à un retard de croissance intra-utérin. En revanche la présence
d’une hypertension artérielle au troisième
trimestre augmentait significativement la fréquence d’un accouchement prématuré (72%
versus 46%, p = 0.02). En comparaison avec
les patientes ayant une insuffisance rénale
débutante, l’incidence des complications
maternelles et obstétricales (à l’exception de
la survie fœtale) est approximativement deux
fois plus fréquente chez les patientes en insuffisance rénale modérée à sévère.
Session 3
de risque de fausses couches précoces et de
complications pendant la grossesse (RCIU,
accouchement prématuré, pré éclampsie).
La sévérité de l’insuffisance rénale augmente
également le risque de pré éclampsie. Dans
une revue de la littérature publiée en 2006 [8],
64% des patientes ayant une insuffisance rénale sévère développaient une pré éclampsie.
Celle ci est aussi corrélée à la présence ou non
d’une hypertension artérielle chronique. En
effet, 82% de ces patientes présentaient une
hypertension artérielle, et pour les patientes
en insuffisance rénale modérée, 80% de celles
ayant une hypertension artérielle, versus 30%
pour celles n’en ayant pas, développaient une
pré éclampsie.
L’anémie est aussi une complication fré77
Alexandra BENACHI, Céline LACAM
quente. Elle est retrouvée chez 100% des
patientes présentant une insuffisance rénale
sévère [8]
cas de maladie rénale préexistante (diminution du risque de pré éclampsie, amélioration
des issues périnatales)
5. Planification et recommandations
pour une grossesse
6. Suivi et prise en charge
Idéalement, toutes les patientes insuffisantes
rénales devraient avoir été informées des
risques pour leur fonction rénale et pour la
grossesse avant de concevoir. Si une grossesse est envisageable elle doit débuter le
plus tôt possible. Le taux de fertilité, comme
le déroulement de la grossesse, est dépendant du degré d’insuffisance rénale. Sur le
plan rénal, les différents critères à prendre en
compte sont l’état de santé général, le type
d’insuffisance rénale et la maladie causale, la
tension artérielle diastolique, et la fonction rénale. La tension artérielle diastolique doit être
inférieure à 80mmHg. Pour les patientes ayant
une hypertension artérielle pré existante, il
faudra l’équilibrer au mieux en mettant en
place un traitement qui pourra être poursuivi
pendant la grossesse. Les patientes traitées
par inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou
par sartans devront être prévenues que ces
traitements doivent être interrompus rapidement une fois le diagnostic de grossesse
fait. En cas de grossesse programmée, il faudra les remplacer par de l’æ-méthyldopa ou
par un ß-bloquant. La fonction rénale avant la
grossesse doit être connue. La créatininémie
doit être inférieure à 250µmol/l, on préfèrera
un taux inférieur à 180µmol/l. La protéinurie
devra être absente ou minime. L’urée plasmatique devra être inférieure à 10mmol/l .
Un traitement prophylactique par de l’acide
folique à la posologie de 400µg par jour doit
être prescrite jusqu’à 12 semaines d’aménorrhée comme pour les grossesses à bas risque.
Suite à plusieurs études [9], de faibles doses
d’aspirine (de 50 à 150 mg/jour) sont prescrites en début de grossesse. Ce traitement
améliorerait le pronostic de la grossesse en
78
Le suivi des patientes insuffisantes rénales
sera fait conjointement par le néphrologue
et l’obstétricien. Les consultations prénatales
seront plus fréquentes et dépendront essentiellement du degré de sévérité de l’insuffisance rénale. En moyenne les patientes seront
suivies toutes les deux semaines jusqu’à 30-32
semaines d’aménorrhée, puis une fois par
semaine, en alternance entre l’obstétricien et
le néphrologue. Au premier trimestre, la clairance de la créatinine augmente, et on observe souvent une créatininémie inférieure à
sa valeur de référence avant la grossesse. Une
non diminution de la créatininémie laisse
supposer une mauvaise adaptation de la filtration glomérulaire, et serait, à ce stade, un
indicateur d’un risque accru de complication.
Pendant la grossesse, le MDRD sous estime le
débit de filtration glomérulaire chez les patientes en bonne santé (111.6 +/- 19.6 ml/min
versus 153.8 +/-28.2 ml/min), mais aussi chez
les patientes présentant une pré éclampsie
ou une insuffisance rénale (86.6 +/- 12.4 ml/
min versus 104.5 +/- 19.8 ml/min). Le MDRD
sous estime de manière significative le débit
de filtration glomérulaire (DFG) pendant la
grossesse, et cette formule ne peut donc pas
être utilisée pendant le suivi de grossesse. On
utilisera donc la créatininémie et la clairance
de la créatinine pour estimer le DFG pendant
le suivi de grossesse. L’estimation de la protéinurie se fait par le dosage de celle-ci dans
les urines de 24 heures. Cette méthode est
contraignante pour les patientes et le personnel, et parfois imprécise. En dehors de la
grossesse, la protéinurie peut être estimée en
utilisant le rapport albumine/créatinine ou le
rapport protéine/créatinine sur un échantillon
d’urine. Deux études prospectives [10,11] re-
trouvaient une corrélation entre ce rapport et
la protéinurie des 24h, mais ce dosage serait
trop imprécis pour le suivi des patientes pré
éclamptiques et hypertendues. Une revue de
la littérature publiée en 2008 dans BMJ [12]
montrait que ce rapport permettait de détecter une protéinurie ≥ 0.3g/ jour, mais qu’il était
insuffisamment précis pour le suivi.
rielle s’accompagne d’une atteinte organique,
en particulier rénale avec une protéinurie.
En fonction de sa sévérité, on retrouvera des
signes cliniques (céphalées, phosphènes,
acouphènes), une atteinte hépatique (élévation des transaminases), et hématologiques
(hémolyse, thrombopénie). Elle n’apparaît pas
avant la vingtième semaine le plus souvent.
La surveillance fœtale sera augmentée à partir
de 28 semaines d’aménorrhée, en particulier
si l’on retrouve des notch utérins à l’échographie morphologique de 22 semaines. La surveillance sera principalement échographique
au début, avec estimation du poids fœtal,
évaluation de la quantité de liquide amniotique, mesure du doppler ombilical, et score
de Manning. La croissance et le bien-être
fœtal seront évalués toutes les 2 à 4 semaines
en fonction de la présence ou non d’une hypertension artérielle, de la détérioration de la
fonction rénale, de l’apparition d’un retard de
croissance, et des antécédents obstétricaux
de la patiente. En fonction de tous ces paramètres, on mettra en place une surveillance
du rythme cardiaque fœtal.
L’apparition d’une anémie est fréquente.
Elle est due à une diminution de la synthèse
d’érythropoïétine et à une durée de vie plus
courte des globules rouges. On commencera par une supplémentation en fer orale ou
intra veineuse. Si l’hématocrite est inférieure
à 19%, on utilisera alors de l’érythropoïétine
recombinante. En cas d’acidose métabolique
(Bicarbonates sériques < 24mmol/l), on prescrira du bicarbonate de sodium par voie orale.
L’alimentation de ces patientes doit être équilibrée et permettre un apport protidique suffisant. Une consultation avec une diététicienne
est utile en début de grossesse.
L’apparition ou le déséquilibre d’une hypertension artérielle préexistante imposera la
mise en place d’un traitement (mono, bi et
parfois trithérapie anti hypertensive), avec
pour objectif une tension artérielle diastolique
inférieure à 90mmHg en évitant les variations
tensionnelles brutales très mal tolérées par
les fœtus. Le principal problème va être de
pouvoir faire la différence entre hypertension
artérielle essentielle, hypertension gravidique,
pré-éclampsie, et la pathologie rénale sous
jacente. L’hypertension artérielle gravidique
sera définie par une hypertension (tension
artérielle systolique > 140mmHg et/ou diastolique > 90mmHg) apparaissant pendant
la grossesse, en général après 20 semaines
d’aménorrhée, et sans dysfonction rénale.
En cas de pré éclampsie, l’hypertension arté-
Session 3
Grossesse et insuffisance rénale : Le point de vue de l’obstétricien
Chez les patientes présentant une protéinurie
importante, il faudra surveiller l’albuminémie.
En cas d’hypo albuminémie inférieure à 25g/l
un traitement préventif par anticoagulants
devra être prescrit.
Le dépistage et le traitement des infections
urinaires doivent être aussi réguliers. Toute
bactériurie doit être traitée pendant la grossesse, et un traitement prophylactique mis en
place après toute infection.
Il avait été suggéré que le dépistage de la trisomie 21 au deuxième trimestre de la grossesse chez les patientes porteuses d’une
pathologie rénale n’était pas utilisable dans
les conditions habituelles. Il a été récemment
démontré que le taux de faux positifs de ce
test était majoré de façon proportionnelle à
la créatininémie mais également chez les patientes transplantées avec une créatininémie
normale. Ce test ne doit donc pas être utilisé
chez les patientes présentant une insuffisance
79
Alexandra BENACHI, Céline LACAM
rénale car générateur d’un nombre important
d’amniocentèses inutiles. Depuis fin 2009 le
dépistage de la trisomie 21 est possible dès
le 1er trimestre, mais ce test n’a pas encore
été évalué chez les patientes porteuses d’une
pathologie rénale [13].
La grossesse chez une patiente porteuse
d’une insuffisance rénale doit être considérée
dès le début comme une grossesse à risque.
80
Elle nécessite un suivi multidisciplinaire attentif. Le néphrologue s’inquiète pour le fœtus et
l’obstétricien pour le rein. Le néphrologue doit
expliquer les risques, aider à planifier la grossesse et modifier les prescriptions médicamenteuses avant une grossesse. L’obstétricien
doit optimiser la surveillance maternelle et
fœtale en limitant les risques de prématurité
et d’hypotrophie. Ce suivi coordonné permet
d’obtenir des résultats favorables aussi bien
pour la mère que pour l’enfant.
BIBLIOGRAPHIE
8.Ramin SM, Vidaeff AC, Yeomans ER, Gilstrap LC. Chronic renal
disease in pregnancy. Obstet Gynecol 2006; 6(108): 1531-1539
2.Jungers P, Houillier P, Chauveau D and al. Influence of pregnancy
on the course of primary chronic glomerulonephritis. Lancet
1995; 346:1122-1124
9.Coomarasamy A, Honest H, Papaioannou S, Gee H, Khan KS.
Aspirin for prevention of preeclampsia in women with historical
risk factors : a systematic review. Obstet Gynecol 2003;101:13191332.
3.Jones DC, Hayslett JP. Outcome of pregnancy in women
with moderate or severe renal insufficiency. N Eng J Med
1996;335:226-232
10.Kieler H, Zettergren T, Svensson H, Dickman PW, Larsson A.
Assessing urinary albumin excretion in pre-eclamptic women:
wich sample to use. BJOG 2003; 110 : 12-17.
4.Imbasciati E, Gregorinin G and al. Pregnancy in CKD stages 3 to
5: fetal and maternal outcome. Am J Kidney Dis 2007; 49:753762
11.Wheeler TL, Blackhurst DW, Dellinger EH, Ramsey PS. Usage of
spot urine protein to creatinine in the evaluation of preeclampsia.
Am J Obstet Gynecol. 2007; 196 :465.e1-4
5.Trevisan G, Ramos JG, Martins Costa S, Barros EJ. Pregnancy in
patients with chronic renal insuffisency at hospital de Clinicas of
Porto Alegre, Brazil. Ren Fail 2004;26:29-34.
12.Côté AM, Brown MA, Lam E, Von Dadelszen P, Firoz T, Liston
RM, Magee LA. Diagnostic accuracy of urinary spot protein :creatinine ratio for proteinuria in hypertensive pregnant women :
systematic review. BMJ 2008.
6.Bar J, Orvieto R, Shaley Y, Peled Y and al. Pregnancy outcome in
women with primary renal disease. Isr Med Assoc J 2000;2:178181.
7.Davison J, Williams D. Chronic kidney disease in pregnancy.
BMJ, 2008; 336: 211-215
13.Benachi A, Dreux S, Kaddioui-Maalej S, Czerkiewicz I, Fakhouri
F, Thervet E, Muller F. Second trimester maternal serum screening
for Down syndrome in patients with renal disease. Am J Obstet
Gynecol 203:60.e1-4.
Session 3
1.Piccoli GB, Conijn A, Attini R, Biolcati M, Bossotti C, Consiglio
V, Deagostini MC, Todros T. Pregnancy in chronic kidney disease :
need for common language. J Nephrol 2011 ;24 :282-299
81
L
A GROSSESSE AU COURS DES MALADIES
AUTO-IMMUNES
Dr Agathe Masseau
Service de Médecine Interne, consultation grossesse-maladies auto-immunes, Hôpital Hôtel Dieu - Nantes
Risque maternels liés à la grossesse :
Ce sont les fausses couches, la pré éclampsie,
les poussées lupiques. La fertilité des femmes
lupiques est identique à celle de la population générale (1). Elle peut être altérée par des
traitements immunosuppresseurs comme le
cyclophosphamide, conduisant les femmes à
recourir aux techniques de procréation assistée qui ne sont pas sans risques chez elles. On
sait que les hormones jouent un rôle important dans la survenue de la maladie et des
poussées. De ce fait la grossesse représente
une période à risque puisque les taux d’œstrogènes augmentent. Ainsi la fréquence des
poussées durant la grossesse et le post partum a été estimée à 60% avec 10% de poussées sévères(2). Néanmoins le pourcentage
de naissances vivantes chez ces patientes a
augmenté ces dernières années à 80%, avec
un risque de poussées qui diminue à 27%
grâce à l’encadrement de la grossesse, et à la
mise en place de mesures spécifiques (3). Les
risques de poussées sont déterminés essentiellement par l’activité de la maladie lupique,
notamment pendant les 6 mois qui précèdent
la grossesse. En effet Clowse a démontré dans
une étude prospective réalisée chez 227 grossesses que chez les patientes ayant un lupus
actif avant la grossesse, la maladie s’aggravait
chez 58% d’entre elles, avec 42% de pertes
fœtales, alors que ces chiffres sont de 8 et
11% respectivement chez les patientes ayant
un lupus quiescent. Il s’agit dans la majorité
des cas de poussées cutanéo-articulaires. Les
données varient selon les études rétrospectives concernant la période préférentielle
des poussées. Elles surviennent à tous les
trimestres de la grossesse et tout particulièrement dans le post partum où la surveillance ne doit pas fléchir(4). La néphropathie
lupique est maintenant clairement identifiée
comme facteur de risque de poussées, d’HTA
et d’aggravation de la maladie rénale (16%).
Elle augmente également les risques de pré
éclampsie et de prématurité(5). Sur le plan
thérapeutique, l’arrêt de l’hydroxychloroquine
en début de grossesse a été identifié comme
facteur de poussée, alors que le recul est
actuellement suffisant pour nous autoriser à
l’utiliser tout au long de la grossesse, dans le
post partum et pendant l’allaitement.
Session 3
Pendant des années, la grossesse a été contre
–indiquée chez les femmes ayant des maladies auto-immunes. Aujourd’hui, grâce à une
meilleure connaissance des ces pathologies, il
ne persiste que peu de contre indications formelles à la grossesse. En revanche les conditions d’une grossesse son bien établies : la
maladie ne doit pas être en poussée, le traitement ne doit pas être contre indiqué, et le suivi médical doit être fait par un binôme médecin-obstétricien dans le cadre d’une grossesse
à risque. Certaines de ces maladies comme le
lupus et le syndrome des antiphospholipides
touchent particulièrement les femmes en âge
de procréer et présentent des risques spécifiques pendant la grossesse, à la fois pour la
mère et le fœtus. Il y a peu d’études prospectives sur le sujet, essentiellement des séries
rétrospectives qui dégagent des facteurs de
risque de complications, mais aucune étude
n’a pu être réalisée visant à démontrer l’efficacité des traitements préventifs mis en place.
Complications fœtales et néonatales
du lupus :
Ce sont les pertes fœtales précoces ou tardives, la prématurité, le retard de croissance
intra utérin, et le lupus néonatal lié à la pré83
Agathe MASSEAU
sence d’anticorps anti-SSA ou SSB. Les pertes
fœtales surviennent dans 20% des cas à la fois
précocement, avant 10SA, mais aussi après.
Ce risque est d’autant plus important que le
lupus est actif (6), avec dans l’étude de Clowse
un pourcentage de grossesse menée à terme
qui tombe à 26% quand le lupus est actif
versus 61% quand la maladie est quiescente
(2). D’autres facteurs entrent en jeu dans ces
complications obstétricales, notamment la
présence d’un anticorps anti-phospholipide.
La pré-éclampsie varie de 13 à 36% selon les
séries soit 5 à 10 fois plus que dans la population générale.
Grossesse et atteinte rénale :
Lors de la grossesse le débit de filtration glomérulaire augmente, avec une protéinurie
physiologique aux alentours de 300 mg/24h.
Les risques liés à l’atteinte rénale sont un taux
augmenté de pertes fœtales, l’aggravation de
l’atteinte rénale et la pré-éclampsie (7). L’existence d’une néphropathie lupique dans les 6
mois précédant la conception est un facteur
de risque majeur de ces complications, ainsi
qu’un score d’activité du lupus (SLEDAI) supérieur ou égal à 4 (8).
La programmation de la grossesse diminue
ces risques mais ne les annule pas. Dans l’expérience du centre de référence de la PitiéSalpétrière sur 25 grossesses programmées,
on retrouve 5 fausses couches et 14 prématurités. Une pré-éclampsie est survenue dans
3 cas et une poussées rénale dans 2 cas (9).
Dans l’étude de Soubassi (10) sur 24 grossesses chez 22 femmes, 18 naissances vivantes
ont été obtenues dont 14 prématurées. Une
pré-éclampsie est survenue dans 25 % des
cas, une protéinurie dans la moitié des cas,
irréversible dans quatre cas sur 12. Aucune
mort maternelle n’a été observée. Comparant
l’issue des grossesses en fonction du type de
néphropathie, Carmona (11) n’a pas trouvé de
84
différence significative en ce qui concerne l’issue de la grossesse et l’âge gestationnel entre
les femmes porteuses d’une néphropathie de
classe III ou IV (groupe 1 : 42 grossesses chez
35 femmes), II ou V (groupe 2 : 12 grossesses
chez dix femmes) ou exemptes de néphropathie (groupe 3 : 54 femmes). Cependant, l’hypertension et la pré-éclampsie étaient plus
fréquentes (37 %) dans le groupe 1 que dans
les groupes 2 et 3 (11 %) et le poids à la naissance plus bas. Plus récemment, Bramham
(12) a publié une étude portant sur l’issue de
107 grossesses lupiques avec ou sans atteinte
rénale. La néphropathie lupique est associée
dans cette étude à une prématurité plus
importante (aux alentours de 37SA), et a des
pré-éclampsies plus précoces, à 34,5 SA en
moyenne contre 37 SA chez les femmes sans
atteinte rénale. Les facteurs de risque de prééclampsie sont la pression artérielle diastolique supérieure à 80mm Hg de façon prolongée (10 à 13 S), la protéinurie, et un débit de
filtration glomérulaire (eGRF) avant grossesse
inférieur à 90ml/min/1,73m². Il a cependant
été mené à terme des grossesses chez des
patientes lupiques hémodialysées ou greffées
rénales(13).
Sur le plan biologique l’étude de Clowse (14)
a montré récemment qu’un complément bas,
et la positivité des anticorps anti-DNA natifs
sont associés à un risque plus élevé de fausses
couches.
Il est parfois difficile de distinguer prééclampsie et poussée lupique. Dans les deux
cas sont présents l’hypertension artérielle, la
protéinurie, les œdèmes des membres inférieurs. Il est cependant important de distinguer ces deux entités qui vont conduire, dans
le premier cas, à la délivrance, dans le second
à une majoration du traitement immunosuppresseur. Devant un tableau évocateur, la
présence d’anomalies du sédiment urinaire,
la baisse du complément, les signes cutanés
La grossesse au cours des maladies auto-immunes
En conclusion, la néphropathie lupique n’est
pas une contre indication formelle à la grossesse, dans la mesure où celle-ci est programmée. Elle est cependant déconseillée en cas
d’insuffisance rénale sévère.
Grossesse lupique et anti-phospholipides :
Les anticorps antiphospholipides (aPL) ayant
une action pathogène dans la grossesse
lupique sont l’anticoagulant de type lupique
(LA), les anticardiolipides de type IgG (acl IgG)
et les antiB2GP1. Leur mécanisme d’action
passe par une inflammation et une ischémie
placentaire secondaire à une activation de
la coagulation et de l’adhésion endothéliale,
dont une grande partie est médiée par le complément (15). Ces anticorps constituent donc
un facteur de risque de morbidité maternelle
et fœtale supplémentaire dans le lupus. Ils
sont à l’origine de fausses couches précoces,
de pertes fœtales et de prématurité. Lorsqu’ils
sont associés à des évenements thromboemboliques artériels ou veineux, on parle de
syndrome des anti-phospholipides primaire
(SAPL primaire). Lorsqu’il survient chez une
patiente lupique on parlera de SAPL secondaire. Ces aPL peuvent être présents de façon
isolée, sans association à des événements cliniques. C’est le cas dans le lupus ou leur prévalence est de 25 à 45% pour les aPL, et de 5
à 30% pour le LA. Dans ce cas et notamment
lorsqu’il s’agit d’une première grossesse, la
prise en charge est préventive. L’on propose
alors l’aspirine à 100 mg/j dès le début de
grossesse et jusqu’à 34 SA, pour ne pas gêner
la réalisation de l’anesthésie péridurale.
Le SAPL primaire est lui-même à l’origine de
complications obstétricales, indépendam-
ment du lupus. La définition du SAPL repose
sur l’association d’un événement clinique
thromboembolique ou obstétrical et à un
anticorps spécifique.
Critères de classification du SAPL (16)
Au moins 1 critère clinique parmi :
1. Thrombose vasculaire : un ou plusieurs
épisodes de thrombose artérielle ou veineuse ou des petits vaisseaux (thromboses
superficielles exclues).
2. Morbidité obstétricale :
(1) une ou plusieurs mort fœtales inexpliquées survenant à ou après la 10ème semaine de grossesse avec un fœtus échographiquement ou histologiquement
normal
(2) une ou plusieurs naissances prématurées avant la 34ème semaine de grossesse
avec un nouveau né morphologiquement
normal en lien avec une éclampsie ou une
pré éclampsie sévère ou une insuffisance
placentaire sévère
(3) 3 ou plus avortements spontanés
avant la 10ème semaine de grossesse
avec exclusion des causes d’anomalies
métaboliques ou hormonales maternelles
et exclusion des causes chromosomiques
paternelles et maternelles
Session 3
ou articulaires associés orienteront vers une
poussée lupique. La survenue après 20 SA, et
le plus souvent 30 SA doit faire évoquer une
pré-éclampsie.
3. Au moins 1 critère biologique parmi :
(1)Anticoagulant lupique (LA) identifié à 2
reprises ou plus à au moins 12 semaines
d’intervalle (détecté selon les critères de
l’ISTH)
(2)Ac Anticardiolipine IgG ou IgM à titre
moyen ou élevé (>40 GPL) mesuré par
ELISA standardisé à au moins 12 semaines
d’intervalle
(3)Anti-beta 2 glycoprotéine 1 IgG ou IgM
(>99ème percentile) à au moins 12 semaines d’intervalle par ELISA standardisé
85
Agathe MASSEAU
Pas plus de 5 ans entre 2 détections
La prise en charge thérapeutique du SAPL
primaire ou secondaire passe par la programmation de la grossesse et la recherche
de contre-indications : HTA sévère ou non
contrôlée, insuffisance rénale sévère (créatinine >140 umol/l), valvulopathie mal tolérée,
HTAP. Le doppler des artères utérines réalisé à
24 SA apporte également des éléments prédictifs au cours de la grossesse (17). Sur le plan
thérapeutique, une seule étude a montré
l’efficacité de l’association aspirine- héparine
non fractionnée (HNF) avec une réduction
des pertes fœtales de 54% chez des patientes
porteuses d’un anti-phospholipide ou d’un
LA (18). Les études réalisées avec les héparines
de bas poids moléculaire (HBPM) en association à l’aspirine donnent des résultats contradictoires(19-22). Les IGIV n’ont pas démontré
d’efficacité (23-25).
En France, le consensus s’est fait autour des
HBPM du fait de leur simplicité d’utilisation,
de la durée du traitement (9 mois) et des
risques de thrombopénie et d’ostéoporose
liés à l’HNF. Aucune étude n’a été réalisée
dans le SAPL obstétrical avec mort in utéro.
Sur la bases des essais réalisés dans le SAPL
avec fausses couches récidivantes, l’attitude
consensuelle est de proposer l’association
aspirine et HNF/HBPM à dose prophylactique
ou intermédiaire (26). En l’absence d’essai
dédié, l’attitude proposée devant la survenue d’une grossesse chez les patientes avec
SAPL défini par un évènement thrombotique,
est de remplacer les antivitamine K (AVK) qui
sont tératogènes, par de l’HNF ou une HBPM à
dose efficace et d’y adjoindre de l’aspirine. Le
port de bas de contention adaptés est essentiel dans ce contexte.
Les corticoïdes n’ont pas d’intérêt obstétrical
au cours du SAPL et ne sont généralement
pas prescrits en l’absence de lupus associé.
86
En France, l’aspirine est interrompue à la fin du
huitième mois pour permettre l’analgésie péridurale. Une anticoagulation préventive doit
être maintenue jusque dans post-partum.
Grossesse et anti-SSA ou SSB :
Les anticorps anti-SSA, et anti-SSB peuvent
être retrouvés dans les différentes connectivites, et ne sont pas spécifiques du lupus.
Néanmoins leur transmission passive au fœtus
à travers la barrière placentaire est responsable
des manifestations de lupus néo-natal. Ces
atteintes regroupent des atteintes cutanées,
hématologiques, hépatiques et cardiaques
qui régressent spontanément après 6 mois de
vie en dehors des troubles de conduction qui
persistent. Les BAV complets surviennent avec
une incidence de 1 à 2% à l’origine de bradycardies fœtales. Le risque de récidive est élevé
de 10 à 17%. Le BAVc est définitif et est associé
à une mortalité de 16 à 19 % et à une morbidité significative, nécessitant l’implantation
d’un pacemaker dans 63 % des cas (27,28). La
prise en charge du BAV fœtal reste mal définie,
basée sur l’administration de betaméthasone
dont l’efficacité est variable. Le dépistage se
fait par échographie tous les 15 jours entre 16
et 24 SA et par la réalisation d’un ECG chez les
enfants en période néonatale qui permet le
dépistage des BAV incomplets.
Traitements du lupus et grossesse :
Les recommandations du CRAT (Centre de
Référence sur les Agents Tératogènes) sont les
suivantes vis-à-vis des différents traitements
utilisés dans le lupus :
Alors que pendant des années l’hydroxychloroquine a été arrêté en début de grossesse,
on sait maintenant qu’elle n’est pas contre
indiquée, et qu’elle a un rôle protecteur visà-vis des poussées. Elle ne passe pas la barrière placentaire, et n’est retrouvée dans le lait
La grossesse au cours des maladies auto-immunes
Les corticoïdes : la prednisone ne passe pas
la barrière placentaire, le risque d’insuffisance
surrénalienne n’est donc que théorique. Ils
peuvent être prescrits pendant la grossesse
en cas de poussée lupique. On les donnera de
façon préventive lorsque les patientes ont un
lupus modérément actif, à la dose de 10 mg/j.
De même chez les femmes sous corticoïdes
à dose d’entretient (<10mg/j), ils seront poursuivis. Enfin ils peuvent être administrés à dose
plus importante en cas de poussée sévère,
soit par voie orale, soit par voie intra-veineuse.
L’azathioprine n’est pas tératogène. Il peut être
utilisé en cas de poussée sévère ou lorsque
le maintient d’une immunosuppression est
nécessaire pendant la grossesse, notamment
chez les patients greffés. Il peut donc être introduit en relais d’un autre immunosuppressseur.
La ciclosporine peut être poursuivie si nécessaire, mais elle est peu utilisée dans le lupus.
Le cyclophosphamide, le mycofénolate mophétil sont contre indiqués
Les anti-vitamine K entraînent un risque malformatif au-delà de 6 SA (embryopathie aux
AVK). Ils doivent donc être remplacés par une
HBPM dès le diagnostic de grossesse (CRAT)
Prise en charge d’une grossesse
lupique : recommandations (7)
La prise en charge débute en amont, par la
visite pré-conceptionnelle avec le spécialiste
et l’obstétricien. Elle permet : de rechercher
d’éventuelles contre indications et ainsi de
planifier la grossesse, d’informer des risques
maternels et fœtaux, et de mettre en place un
suivi médical conjoint mensuel. Elle permet
également, en cas de nécessité d’un traitement anticoagulant spécifique par HBPM, de
remettre à la patiente ses ordonnances afin
que le traitement puisse être débuté précocement, notamment lors du relais AVK-HBPM.
Les conditions requises pour la grossesse
sont :
- l’absence de contre-indications : HTA sévère ou non contrôlée, insuffisance rénale
sévère avec créatinine > 140 umol/l, HTAP,
valvulopathie mal tolérée
Session 3
maternel qu’à des concentrations infimes. Il
est donc également recommandé de la poursuivre pendant le post partum, même en cas
d’allaitement. Pour rappel, elle peut entraîner
des troubles de vision des couleurs, et nécessite donc une surveillance annuelle par test de
la vision des couleurs, champ visuel maculaire
et electrorétinogramme (2 de ces examens
répétées annuellement). Elle est prescrite à la
dose de 6,5 mg/kg.
- l’absence de poussée dans les 6 mois qui
précédent
- l’éviction des médicaments tératogènes
(MTX, MMF, ..) et la stabilité de l’état clinique
après modification du traitement (changement d’immunosuppresseur, de traitement
anti-hypertenseur)
- la prise en charge des facteurs de risque :
anticorps aPL IgG, LA, antiB2GP1, anti-SSA
ou SSB
La grossesse lupique est une grossesse à
risque et nécessite une surveillance mensuelle :
- examen clinique par le spécialiste
- examen obstétrical à partir de la confirmation de grossesse (12 SA)
- doppler des artères utérines à 24SA
- échographie tous les 15j entre la 16ème et
24ème SA en cas d’anti-SSA ou SSB, hebdomadaire si antécédents de BAV
87
Agathe MASSEAU
- monitoring fœtal hebdomadaire à partir
du 3ème trimestre de la grossesse
- biologie : NFS, plaquettes, ionogramme
sanguin, urée, créatinine plasmatique, transaminases, complément total, C3, C4, protéinurie
88
En conclusion, la grossesse chez les femmes
lupiques n’est aujourd’hui que rarement
contre-indiquée, leur pronostic ayant été
amélioré par la planification des grossesses
et le suivi par des équipes spécialisées. Malheureusement, il persiste des complications
parfois inévitables qui peuvent mettre en jeu
le pronostic vital de la mère et de l’enfant. Il
ne faut donc jamais négliger ce suivi, quel que
soit le profil du lupus.
BIBLIOGRAPHIE
2. Clowse et al. Ovarian preservation by GnRH agonists during
chemotherapy: a meta-analysis. Rheum Dis Clin North Am 2007.
33(2):237-52
3. Clowse et al. The impact of increased lupus activity on obstetric
outcomes. Arthritis and Rheumatism 2005.52:514-521
4. Khamashta MA et al. Systemic lupus erythematosus and pregnancy. Best practice and research 2006.20:685
5. Smith A et al. A systematic review and meta-analysis of
pregnancy outcomes in patients with systemic lupus erythematosus and lupus nephritis. Clin J Am Soc Nephrol 2010 Nov.
5(11):2060-8
6. Georgiou et al. Outcome of lupus pregnancy: a controlled study.
Rheumatology 2000.39 :1014-9
7. Le Thî Huong et al. Pregnancy and systemic lupus erythematosus. La Revue de Médecine Interne 2008. 29(9) : 725-730
8. Kwok et al. Predictors of maternal and fetal outcomes in pregnancies of patients with systemic lupus erythematosus. Lupus
2011.20(8):829-36. Epub 2011 May 4.
9. Le Thi Huong et al. Pregnancy in past or present lupus nephritis:
a study of 32 pregnancies from a single centre. Ann Rheum Dis 60
(2001), pp. 599–604.
10. Soubassi et al, Pregnancy outcome in women with preexisting
lupus nephritis. J Obstet Gynaecol 24 (2004), pp. 630–634
11. Carmona et al. Class III–IV proliferative lupus nephritis and
pregnancy: a study of 42 cases. Am J Reprod Immunol 53 (2005),
pp. 182–188
12. Bramham et al. Pregnancy Outcomes in Systemic Lupus
Erythematosus with and without Previous Nephritis. J Rheumatol
Jun 2011
13. T. Toyota et al. Successful birth in a hemodialysis patient with
SLE. Nephron 65 (1993), pp. 331–332
14. Clowse et al. The Clinical Utility of Measuring Complement and
Anti-dsDNA Antibodies During Pregnancy in Patients with Systemic Lupus Erythematosus. J Rheumatol , 2011 Jun;38(6):1012-6.
Epub 2011 Mar 16
15. Arnaud et al. Pregnancy and antiphospholipid syndrome.
La Revue de Médecine Interne, volume 32, Supplement 1, June
2011, Pages S26-S30
16. Miyakis et al. International consensus statement on an update
of the classification criteria for definite antiphospholipid syndrome (APS). J Thromb Haemostasis 2006;4:295–306v
17.Carbillon L. Preeclampsia and antiphospholipid syndrome.
Uterine artery Doppler evaluation. La Revue de médecine interne
27 (2006) 111–116
18. Empson M. Prevention of recurrent miscarriage for women
with antiphospholipid antibody or lupus anticoagulant. Cochrane
Database Syst Rev 2005;18
19. Laskin et al. Low molecular weight heparin and aspirin for
recurrent pregnancy loss: results from the randomized, controlled
hepasa trial. J Rheumatol 36 (2009), pp. 279–287
20. Farquharson et al. Antiphospholipid syndrome in pregnancy:
a randomized, controlled trial of treatment. Obstet Gynecol 100
(2002), pp. 408–413
Session 3
1. Boumpas Dt et al. Risk for sustained amenorrhea in patients
with systemic lupus erythematosus receiving intermittent
pulse cyclophosphamide therapy.Ann Intern Med. 1993 Sep
1;119(5):366-9.
21. Noble et al. Antiphospholipid antibodies associated with
recurrent pregnancy loss: prospective, multicenter, controlled
pilot study comparing treatment with low-molecular-weight
heparin versus unfractionated heparin. Fertil Steril 83 (2005), pp.
684–690
22. M.D. Stephenson, et al., Treatment of antiphospholipid antibody syndrome (APS) in pregnancy: a randomized pilot trial comparing low molecular weight heparin to unfractionated heparin, J
Obstet Gynaecol Can 26 (2004), pp. 729–734
23. G. Triolo, et al., Randomized study of subcutaneous low molecular weight heparin plus aspirin versus intravenous immunoglobulin in the treatment of recurrent fetal loss associated with
antiphospholipid antibodies, Arthritis Rheum 48 (2003
24. D.W. Branch, et al., A multicenter, placebo-controlled pilot
study of intravenous immune globulin treatment of antiphospholipid syndrome during pregnancy, Am J Obstet Gynecol 182
(2000), pp. 122–127.
25. E. Vaquero, et al., Pregnancy outcome in recurrent spontaneous abortion associated with antiphospholipid antibodies: a
comparative study of intravenous immunoglobulin versus prednisone plus low-dose aspirin, Am J Reprod Immunol 45 (2001),
pp. 174–179.
89
Agathe MASSEAU
26. Ruiz-Irastorza G, Crowther M, Branch W, Khamashta MA.
Antiphospholipid syndrome. Lancet 2010;376:1498–509.
27. N. Costedoat-Chalumeau, et al., Outcome of pregnancies in
patients with anti-SSA/Ro antibodies: a study of 165 pregnancies, with special focus on electrocardiographic variations in the
children and comparison with a control group, Arthritis Rheum
50 (2004), pp. 3187–3194
28. N. Costedoat-Chalumeau, et al., Prise en charge obstétricale
des patientes à risque de lupus néonatal. Revue de la littérature, J
Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 35 (2006), pp. 146–156.
90
L
A GROSSESSE
AU COURS DU DIABÈTE
Etienne Larger, Service de diabétologie, Hôtel Dieu
Session 3
Il est heureusement loin le temps où la mortalité fœtale dépassait 50%, mais la
grossesse en contexte d’hyperglycémie reste une situation particulière, qui mobilise une équipe incluant diététiciennes, infirmières, sages-femmes, diabétologues,
obstétriciens, ophtalmologues et néphrologues. Des situations délicates sont toujours vécues, et une enquête nationale récente (Boulot P, Diabetes Care 2003) a
relevé un taux excessif de grossesses non programmées (50% chez les diabétiques
de type 1, 75% chez les diabétiques de type 2), d’accouchements avant terme
(38% vs. 5% dans la population générale), de malformations (4,1% vs. 2,2% dans
la population générale), de décès fœtal (4,4%, comparé à 0,7% dans la population
générale) et de césariennes (71% des accouchements selon une enquête récente
(Lepercq J, Obstet Gynecol 2010)). On voit encore des prescriptions intempestives
de médicaments bloquant le système rénine angiotensine à des femmes en préparation de grossesse. Sur le front des nouvelles importantes, après des années de
tergiversations, une nouvelle définition du diabète gestationnel a été proposée par
les sociétés savantes.
Le diabète gestationnel
La définition classique du diabète gestationnel avait été établie sur des bases épidémiologiques qui s’intéressaient au risque futur de
la mère de développer un diabète de type 2,
plus qu’au risque pour le fœtus. L’étude HAPO
a observé des grossesses chez 25.000 femmes
toutes évaluées au troisième trimestre et
dont les glycémies étaient inférieures au seuil
définissant le diabète. L’objectif était de regarder si ces niveaux de glycémie sont associés
à des événements obstétricaux. La conclusion majeure de l’étude est qu’il existe un
continuum entre glycémie (à jeun, à 1h ou 2
h après charge orale en glucose) et: poids à
la naissance, risque de césarienne, hypoglycémie néonatale concentration de peptide
C dans le cordon, un marqueur d’hyperinsulinisme fœtal, mais aussi risque de prééclampsie, de traumatisme néonatal et de séjour en
soins intensifs (The HAPO study cooperative
reseach group, NEJM 2008). Ces observations
ont conduit récemment à une nouvelle définition du diabète gestationnel, tant en France
qu’en Amérique du nord. Selon le consensus du collège national des gynécologues et
obstétriciens français et de la société francophone du diabète, le diabète gestationnel :
• Doit être recherché chez les femmes âgées
de plus de 35 ans, ou dont l’IMC est > 25
kg/m² ou qui ont des ATCD de diabète chez
des apparentés au premier degré ou des
ATCD personnels d’hyperglycémie ou de
gros bébés.
• Doit être recherché dès la première consultation prénatale chez les femmes à risque,
par un dosage de glycémie à jeun et chez
les patientes non diagnostiquées à cette
occasion, entre 24 et 28 SA par une HGPO,
75 g de glucose.
91
Etienne LARGER
• Le diagnostic de diabète gestationnel est
porté lorsque la glycémie à jeun dépasse
0,92 g/l (5,1 mmol/l) ou 1,80 g/l (10 mmol/l)
à 1 h de l’HGPO ou 1, 53 g/l (8,5 mmol/l) à
2 h de l’HGPO.
Les objectifs thérapeutiques visent à maintenir la glycémie à jeun en dessous de 0,95 g/l
et la glycémie 2 h après les repas en dessous
de 1, 2 g/l. L’autosurveillance des glycémies
est ainsi recommandée chez les femmes qui
ont un diabète gestationnel, à raison de 4 à 6
mesures quotidiennes.
Plusieurs essais ont comparé l’insulinothérapie au glibenclamide ou à la metformine
dans le contexte du diabète gestationnel. Sur
les objectifs évalués, il n’a pas été observé de
différence (JS Dhulkotia, Am J obstet gynecol
2010). Cependant, pour les experts il reste
prématuré d’envisager la prescription de ces
médicaments dans le diabète gestationnel.
Le diabète de type 1 découvert
pendant la grossesse
Il s’agit ici d’une situation clinique rare mais à
ne pas méconnaitre car sévère. Dans la série
de 21 patientes récemment analysées (H.
Wucher, Diabetes Metab, 2011), la grossesse
a été compliquée dans 14 cas, dont 2 décès
in utero. Ces observations rappellent que 10%
des diabètes gestationnels surviennent chez
des femmes qui ont des marqueurs d’autoimmunité contre les cellules B, et que dans ces
circonstances, les anticorps prédisent la survenue ultérieure d’une dépendance à l’insuline.
Elles rappellent aussi la nécessité de ne pas
prendre de retard à l’initiation du traitement
des glycémies dans le contexte d’un diabète
découvert pendant la grossesse.
92
Le diabète de type 1 préexistant
à la grossesse.
La grossesse est à l’évidence une période
importante pour les femmes diabétiques,
marquée de leur point de vue par le risque
de transmettre la maladie, celui de malformation, de complications obstétricales et
d’aggravation des complications, en particulier rétinopathie et néphropathie. Tous ces
points doivent être abordés très en amont
chez toutes les jeunes femmes diabétiques,
c’est une composante importante de la programmation des grossesses. En corolaire, qui
dit préparation de grossesse dit contraception efficace, et le récent consensus français
ouvre des perspectives plus larges de contraception.
Les points importants de la planification d’une grossesse chez une femme
diabétique sont
1. Consultation préconceptionnelle impérative avec un gynécologue obstétricien qui
donnera le conseil génétique, avertira sur
les malformations et leur prévention par
le contrôle strict des glycémies non seulement pendant la grossesse mais aussi dans
les 2 mois la précédant. Cette consultation
permettra de donner les informations sur
les étapes de la préparation de la grossesse,
le suivi médical et l’accouchement. C’est
aussi l’occasion de réviser la contraception,
qui devra être maintenue jusqu’à ce que
la femme et ses médecins décident, d’un
commun accord, dépendant de la réalisation des points suivants et de l’obtention
d’un contrôle glycémique compatible, d’arrêter la contraception.
2. Consultation avec l’ophtalmologue, et assèchement des lésions à risque.
3. Consultation en néphrologie pour les patients ayant une néphropathie, arrêt des
médicaments bloquant le système rénineangiotensine-aldostérone
La grossesse au cours du diabète
Objectifs glycémiques pendant la
période préconceptionnelle :
Toutes les études l’ayant analysé ont confirmé
le lien entre glycémie préconceptionnelle et
risque de malformation, multiplié par 5 [1,614] pour une HbA1c>9% (cité dans les recommandations du « NICE », diabetes and pregnancy, http://guidance.nice.uk). La fertilité
est diminuée par l’hyperglycémie, le risque
de fausse couche est augmenté. . Le NICE
recommande ainsi de viser une HbA1c à 6,1%
si c’est possible sans danger (hypoglycémie),
l’ADA recommande une HbA1c<7% (http://
care.diabetesjournal.org/content/34/supplement_1/S11.full). Pour atteindre ces objectifs,
la plupart des recommandations fixent des
objectifs de glycémie capillaire à moins de
0,95 à jeun et 1,2 g/l après le repas. Le NICE
recommande 0,65 à 1,05 à jeun et moins de
1,4 g/l une heure après les repas.
Se pose aussi la question de la sécurité des
analogues de l’insuline : pour ce qui est des
analogues rapides, l’insuline aspart a fait la
preuve de son inocuité dans un essai randomisé. Le degré de confiance est moins fort
vis-à-vis de l’humalog. Pour ce qui est de la
glargine, plusieurs séries rassurantes, dont
une française (Lepercq J, Diabetes Metab
2010) ont été publiées, et c’est une pratique
habituelle de maintenir cet analogue pendant
la grossesse, même si les recommandations,
tant du NICE que de l’ADA le déconseillent.
Rétinopathie-néphropathie et
grossesse :
Il est recommandé de vérifier l’état de la rétine
avant la grossesse, pour traiter toutes les lésions menaçantes dès la programmation, car
la grossesse est un facteur de risque de progression de la rétinopathie diabétique, en particulier vers des formes proliférantes. L’amélioration des glycémies est un des facteurs de
progression pendant la période préconceptionnelle, la grossesse elle-même en est un
autre, de même que l’hypertension artérielle,
préexistante ou gravidique. Il est ainsi recommandé d’examiner la rétine au minimum au
premier et au troisième trimestre. Une surveillance plus intense doit être proposée aux
femmes dont le diabète est ancien, marqué
par des années de mauvaises glycémies ou
une rétinopathie préexistant à la grossesse.
Session 3
4. Mise en place de l’insulinothérapie et de
l’autosurveillance permettant l’obtention
d’un contrôle métabolique optimisé. Si une
insulinothérapie par perfusion continue
(pompe à insuline) est envisagée, c’est très
en amont de la grossesse qu’elle doit être
initiée, pour permettre à la femme de s’approprier cet outil.
5. Début d’une supplémentation en acide
folique, 5 mg/j, qui sera poursuivie jusqu’à
12 SA.
6. Augmentation de la fréquence des consultations en diabétologie, tous les 15 jours,
jusqu’à atteinte des objectifs glycémiques
et pendant toute la grossesse.
Pour ce qui est de la néphropathie, il est maintenant fermement établi que les IEC et ARA2
sont contrindiqués pendant la grossesse. La
grossesse n’aggrave pas la néphropathie mais
il y un risque d’accélération de la dégradation
de la fonction rénale chez les patients aux
stades avancés de néphropathie, 45% de progression chez 11 femmes dont la créatininémie était en moyenne à 160 µmol/l en début
de grossesse (LP Purdy, Diabetes Care 1996).
La néphropathie augmente de risque de prééclampsie, de retard de croissance in utero, de
prématurité, de césarienne, d’hypertension
artérielle.
93
Etienne LARGER
Diabète de type 2 et grossesse
L’émergence de diabète de type 2 chez des
sujets jeunes pose la question de la grossesse
chez des patientes diabétiques de type 2. On
l’a vu, dans ce contexte la plupart des grossesses ne sont pas programmées, par manque
d’information et par défaut de contraception
efficace. Les troubles de fertilité sont bien
plus marquées chez ces femmes que chez les
diabétiques de type 1, du fait de l’association
94
fréquente a un syndrome des ovaires polykystiques, qui rend les ovulations erratiques et
imprévisibles.
Ce fait signalé, la programmation des grossesses, leur déroulement est similaire à ce qui
est proposé chez les diabétiques de type 1.
Bien sur, les antidiabétiques oraux sont arrêtés
dès la préparation de grossesse et remplacé
par un schéma d’insuline intensifié.
M
ICROCHIMÉRISME POSTGESTATIONNEL
L. Albano – CHU Nice
Dans la mythologie grecque, la chimère
(Χιµαιρα) est une créature fantastique ayant,
une queue de serpent, un corps de chèvre et
une tête de lion qui crache le feu et dévore
les humains. Elle est tuée par le héros Bellophoron. Les interprétations de ce mythe sont
multiples, mais semblent représenter l’association temps-nature (3 âges de la vie d’une
femme associée à 3 saisons de la nature) dans
la société à filiation matriarcale des Achéens.
En génétique, ce terme est utilisé pour caractériser un organisme qui possède plusieurs
génotypes. Le microchimérisme (Mc) se
définit par la persistance en faible quantité
(moins de 5%) dans un organisme de cellules
allogéniques ou d’ADN provenant d’un autre
individu génétiquement différent. Il s’agit
d’une forme d’hérédité différente de l’hérédité génétique. Le Mc postgestationnel (ou
naturellement acquis) désigne la présence de
cellules fœtales chez la mère (foeto-maternel) ou de cellules maternelles chez l’enfant
(materno-fœtal) secondaire à une grossesse à
terme ou non [1], à l’allaitement [2] ou au passage in utero de sang entre jumeaux [3].
2. Techniques de détection
du microchimérisme
Expérimentalement, l’équipe de Bianchi a
mis au point en 2008 un modèle murin transgénique [4] afin de repérer facilement des
cellules ou de l’ADN mâle chez des souris femelles. Ce modèle correspond à un mâle muté
pour le gène d’une protéine de fluorescence
verte, à pénétrance totale et à transmission
autosomale dominante, sous contrôle du promoteur du gène de la bêta- actine du poulet
et d’un enhancer du cytomégalovirus. Après
croisement avec des femelles vierges, celles-ci
sont sacrifiées pendant ou après la grossesse.
La présence d’une fluorescence dans les tissus
est recherchée par PCR quantitative et/ou par
immunofluorescence in situ [5].
Chez l’humain, la plupart des études utilisent
la détection d’ADN ou de cellules masculines
chez la femme. Il existe différentes techniques de détection appliquées sur différents
tissus. L’ADN masculin peut être détecté par
amplification d’une région spécifique du
chromosome Y à l’aide d’une PCR. Beaucoup
d’études utilisent des méthodes de PCR qualitatives notamment une PCR nichée (nested
PCR) et donnent des résultats sous forme de
fréquence de Mc. Cette technique est limitée par les contaminations fréquentes et ne
permet pas l’expression de résultats quantitatifs. L’utilisation de PCR quantitative est
plus pertinente puisqu’elle permet d’exprimer
des résultats en niveaux de Mc et d’associer
la détection d’haplotypes non partagés [6].
Cette dernière technique permet d’identifier
plus précisément la source du Mc. Les cellules
masculines peuvent être repérées dans les tissus par hybridation fluorescente in situ (FISH)
à l’aide de marqueurs des chromosomes
X et Y. Cette technique permet également
d’identifier le Mc maternel chez le garçon. Le
problème lié au FISH est le risque de superposition cellulaire [6]. Lors d’études sur le
sang périphérique, différents compartiments
sanguins peuvent être explorés. Pendant la
grossesse, on trouve de plus hauts niveaux
de Mc dans le plasma que dans les PBMC. Par
contre, des années après la délivrance, l’ADN
fœtal n’est retrouvé que dans les PBMC [6]. La
détection de cellules fœtales dans la circulation périphérique maternelle pendant la grossesse permet la réalisation de diagnostic pré-
Session 3
1. Le chimérisme : définitions
95
L. ALBANO
natal - détermination du sexe et d’anomalies
génétiques - par une méthode non invasive.
Cette technique consiste en gradients de ficoll associés à une extraction d’érythroblastes
fœtaux par Magnetic Activated Cell Sorting
(MACS) [7]. Mais on peut également rechercher le Mc chez des hôtes sans tenir compte
de l’appariement sexuel donneur/hôte. Pour
cela, on peut utiliser des techniques de PCR
VNTR ou de PCR quantitative ciblant le polymorphisme du HLA de classe II sur le locus
DRB1[8].
3. Le microchimérisme
postgestationnel
Le Mc acquis pendant la grossesse résulte
d’un trafic cellulaire fœto-maternel physiologique. Le placenta est une barrière perméable
et sélective qui permet le passage bidirectionnel d’ADN et de cellules fœtales de la circulation fœtale vers la circulation maternelle et
vice-versa. L’existence de cette circulation a
été démontrée par la mise en évidence dans
le sang de cordons d’enfants ayant un déficit
immunitaire de type SCID de lymphocytes T
maternels détectés dans 50% des cas étudiés
[9] . Les techniques d’analyse quantitative du
Mc montrent que le passage foeto-maternel
est plus important que le trafic materno-fœtal
[10]. Les cellules fœtales comme les cellules
maternelles sont retrouvées chez la mère et
l’enfant des années après l’accouchement.
3.1 Le microchimérisme fœto-maternel
La présence de cellules fœtales intactes est
retrouvée chez 30% des femmes dans le sang
périphérique dès la 6e semaine d’aménorrhée [11], ce pourcentage atteint 94% à la 34e
semaine [12]. La circulation fœto-maternelle
concerne différents types cellulaires comprenant des trophoblastes, des érythroblastes
nucléés et des leucocytes [12], progéniteurs
hématopoïétiques [13] ou mésenchymateux
[14]. Le taux de cellules fœtales circulantes
96
est d’environ 1 cellule fœtale pour 500 000
cellules maternelles [12]. Il a été également
montré qu’il existe de l’ADN fœtal « nu », d’un
poids 150 à 250 paires de bases, détecté dans
le sérum ou le plasma maternels [15] ainsi que
dans l’urine [16] des femmes enceintes.
Après l’accouchement, l’ADN libre disparaît dans les 2 heures suivant la délivrance
alors que les cellules fœtales vont persister
au long cours chez 30% à 50% des femmes
ayant eu une grossesse [17][18]. Il faut noter
qu’une grossesse de garçon à terme n’est
pas une condition indispensable à l’établissement d’un Mc mâle comme le montre une
étude de Yan et coll. [19] qui retrouve la présence d’ADN du chromosome Y chez 30% de
femmes n’ayant pas de fils. En effet, les rapports sexuels, des grossesses passées inaperçues de même qu’un jumeau mort précocement in utero (« vanishing twin syndrome »)
peuvent aboutir à l’installation d’un Mc. Une
revue d’études individuelles publiées montre
que les femmes ayant eu un avortement
spontané ou provoqué ont une plus grande
probabilité d’avoir un Mc au long cours [20].
Des études montrent que l’on retrouve des
cellules chimériques mâles dans les poumons, reins, cœurs, foies, thyroïdes, peau et
ganglions de femmes sans pathologie de ces
organes [21, 22]. Des cellules souches issues
du placenta fœtal peuvent persister dans la
circulation maternelle de nombreuses années
après la grossesse. Des cellules CD34+ et
CD34+ /CD38+ sont retrouvées par amplification génique plusieurs décennies après l’accouchement, dans le sang périphérique [2325], mais également dans la moelle osseuse
[26].
3.2 Le microchimérisme materno-fœtal
Le Mc materno-fœtal est d’analyse plus récente. Des cellules maternelles issues des
lignées myéloïdes et lymphoïdes ainsi que
des progéniteurs hématopoïétiques sont
Microchimerisme postgestationnel
3.3 Le microchimérisme fœtal est impliqué
dans diverses situations pathologiques
L’influence du Mc fœtal chez la femme est très
discutée puis que l’on a retrouvé celui-ci chez
des femmes en bonne santé ou présentant
des pathologies auto-immunes. Des études
sont même en faveur d’un rôle protecteur du
Mc fœtal. Les facteurs pouvant conduire à l’un
ou l’autre rôle sont inconnus.
3.3.1 Pathologies de la grossesse
Certaines situations obstétricales peuvent
augmenter le passage transplacentaire à la
fois des cellules et de l’ADN fœtal. Il semble
que les anomalies de la structure placentaire
plus que la pathologie elle-même soit responsable de cette augmentation du trafic cellulaire.
Une étude mesurant le niveau d’ADN fœtal
dans le plasma de femmes enceintes retrouve
de plus hauts niveaux de Mc chez celles qui
vont accoucher avant terme (≤ 34 semaines
de gestation) que chez des femmes menant
leur grossesse jusqu’au terme. Parmi ces
femmes dont le travail commence prématu-
rément, la réponse à un traitement par tocolyse est meilleure lorsque le niveau de Mc est
bas [33].
La pré éclampsie correspond à l’association
d’une hypertension artérielle gravidique,
d’une protéinurie et d’un syndrome oedémateux. Le placenta sécrète des médiateurs
de l’inflammation qui vont léser l’endothélium, notamment au niveau rénal. Les complications sont nombreuses et graves. Les
facteurs de risque de la développer et les
biomarqueurs prédictifs de survenue sont
mal identifiés. On a montré que les femmes
en pré éclampsie avaient un niveau de Mc
élevé [34-36]. De plus, cette élévation du
nombre de cellules fœtales chez la mère est
détectée avant les manifestations cliniques
[35]. Au cours des grossesses aneuploïdes, on
peut retrouver également des anomalies de
structure placentaire [37]. Pour conforter cette
observation, Bianchi et coll. ont retrouvé une
augmentation du Mc fœtal chez les femmes
porteuses de fœtus trisomiques 15 ou 21
[38]. Les cellules fœtales ont été incriminées
dans la pathogénie d’une maladie dermatologique spécifique de la grossesse : l’éruption
polymorphique de la grossesse. Cette pathologie affecte 0,5 à 2% des femmes et débute
au troisième trimestre. L’éruption commence
dans la majorité des cas à l’abdomen, épargnant la région péri ombilicale, et s’étend
vers les cuisses, les fesses et les bras. Il s’agit
de papules érythémateuses de 1 à 2 mm,
qui se regroupent pour former des plaques
urticariennes. Le prurit associé est intense. Les
lésions diminuent en une à six semaines après
l’accouchement, mais on observe une exacerbation dans 15 % des cas en période postpartum. La lésion histologique correspond à
un infiltrat lymphocytaire périvasculaire dans
le derme. Aractingi et coll. [39] ont détecté
des cellules fœtales masculines dans le derme
et l’épiderme de ces patientes mais pas chez
des femmes enceintes contrôles, suggérant
Session 3
retrouvées chez le fœtus dès la 14e semaine
de grossesse [27]. Leur persistance chez l’enfant et l’adulte sains a été démontrée [28] à
l’aide de PCR criblant l’haplotype maternel
non partagé. Cette étude montre que 55%
des adultes normaux sont porteurs de cellules circulantes maternelles. La présence de
cellules maternelles a été retrouvée dans des
situations pathologiques. En effet on a montré une augmentation de fréquence du Mc
maternel dans la dermatomyosite juvénile
[29, 30] et la sclérodermie [31]. Leurs capacités de migration et de réparation tissulaire ont
été suggérées dans un cas de lupus néonatal
compliqué d’un bloc auriculo-ventriculaire où
des cellules maternelles correspondant à 81%
des cardiomyocytes ont été retrouvées dans
le cœur du nouveau-né [32].
97
L. ALBANO
un rôle possible des cellules fœtales dans la
réponse inflammatoire au sein des tissus maternels. Enfin, certains ont évoqué le fait qu’un
nombre insuffisant de cellules fœtales dans
la circulation maternelle favoriseraient l’avortement spontané. Les anticorps maternels
anti-HLA fœtaux sont fréquemment observés
dans le sérum des multipares [40] de même
que la présence d’anticorps anti-HLA maternels a été retrouvée chez certains enfants [41].
Reed et coll. montrent que la mère produit
des anticorps contre les antigènes HLA non
partagés fœtaux dès 8 semaines de grossesse
et que ces anticorps sont complexés avec des
alloantigènes solubles fœtaux. L’exposition du
système immunitaire maternel aux alloantigènes fœtaux portés par les cellules fœtales
microchimériques induit la production d’anticorps cytotoxiques qui seraient nécessaires au
maintien de la grossesse [42].
3.3.2 Pathologies auto-immunes
Les maladies auto-immunes correspondent à
un ensemble varié d’une centaine de pathologies caractérisées par une réponse immune
pathologique contre les constituants de
l’organisme. Ces maladies plus fréquentes
chez la femme inter agissent avec la grossesse et la délivrance. La réaction du greffon
contre l’hôte (GVHD), secondaire aux greffes
de moelle osseuse présente des similarités
cliniques avec certaines maladies auto-immunes et peut générer la formation d’autoanticorps [43]. La GVHD survient lorsque les
lymphocytes T du donneur présents dans le
greffon réagissent avec les antigènes de surface des cellules du receveur. Les incompatibilités HLA, les compétences immunologiques
du receveur, le nombre et les caractéristiques
des lymphocytes T du greffon sont des facteurs de risque de survenue d’une GVHD
[44]. Ces observations ont permis d’élaborer
l’hypothèse d’un rôle du Mc fœtal ou maternel dans la pathogénie des maladies auto98
immunes. Quoi qu’il en soit, il reste difficile
de déterminer si les cellules fœtales jouent
un rôle actif dans la pathogénie des maladies
auto-immunes ou si elles ne sont qu’un marqueur de l’inflammation.
Il existe deux séries d’études analysant la
fréquence ou le niveau du Mc. La première
montre une augmentation de la fréquence et
du niveau et de Mc fœtal chez des patientes
atteintes de pathologies auto-immunes sclérodermie [18, 45], maladie de Grave [46],
thyroïdite d’Hashimoto [47], maladie de Sjögren [48], cirrhose biliaire primitive [49] ou
lupus [50] - par rapport à une population de
femmes saines. La seconde série est constituée d’études qualitatives explorant le Mc
fœtal dans la sclérodermie [51-53], la maladie
de Sjögren [54], la cirrhose biliaire primitive
[55, 56] et le lupus [57] sans montrer d’augmentation de fréquence du Mc fœtal chez
les patientes par rapport aux contrôles. Ces
résultats opposés s’expliquent par l’utilisation
de méthodes très différentes que ce soit dans
la constitution des groupes, les techniques
utilisées de sensibilité et de spécificité variées,
le matériel analysé, sang périphérique (total
ou PBMC) ou organe cible. La pathogénie des
maladies auto-immunes est multifactorielle :
génétique, environnementale, hormonale,
infectieuse. L’implication des cellules fœtales
dans la pathogénie de la sclérodermie a été
étudiée par l’équipe d’Artlett. Elle montre que
les cellules fœtales microchimériques sont
immunocompétentes et expriment CD3 [58]
et CD4 [59], que la patiente ne partage pas
les antigènes HLA de classe I avec ces cellules [60] mais son système immunitaire ne
s’active pas contre elles en raison peut-être
de la tolérance établie pendant la gestation.
Il est possible également que les cellules microchimériques aient un rôle effecteur direct,
comme le suggère une étude dans laquelle
des clones de lymphocytes T masculins issus de la peau et du sang périphérique de
Microchimerisme postgestationnel
3.3.3 Capacités de différenciation et de réparation tissulaire
Chez l’animal, le rôle bénéfique des cellules
fœtales microchimériques a été suggéré par
quelques observations. Une étude de Wang
et coll. [62] a étudié un modèle de rats comprenant des mâles transgéniques GFP (Green
Fluorescent Protein) et des femelles SpragueDawley (SD). Des lésions rénales de nécrose
tubulaire et des lésions hépatiques sont provoquées par injections de gentamycine et absorption d’éthanol chez les femelles SD après
grossesse. On retrouve des cellules fœtales
mâles fluorescentes dans la moelle osseuse
des femelles, dans leur sang périphérique,
dans le foie et dans le rein. Les cellules fluorescentes correspondent, dans le rein, à des
cellules épithéliales tubulaires et dans le foie,
à des hépatocytes. Ces cellules GFP ne sont
pas retrouvées dans les organes des femelles
non soumises à l’alcool et aux aminosides. Ces
résultats suggèrent qu’une lésion tissulaire favorise l’installation de cellules fœtales au sein
de l’organe lésé et que ces cellules microchimériques participent à sa réparation.
même, des cellules thyroïdiennes mâles totalement différenciées ont été mises en évidence chez une femme porteuse d’un goitre
multinodulaire [65] et des hépatocytes mâles
ont été détectés chez une femme infectée par
le virus de l’hépatite C [66]. Leur rôle dans la
réparation tissulaire a été évoqué par O’Donoghue et coll. [67] qui analysent la présence
de cellules microchimériques mâles dans le
tissu sain et tumoral de femmes atteintes d’un
cancer pulmonaire. On retrouve significativement plus de cellules microchimériques dans
le tissu malade que dans le tissu sain.
Conclusion
Les microchimérismes foetal et maternel ont
été impliqués dans certaines maladies autoimmunes mais les hypothèses actuelles sont
plutôt en faveur d’un rôle potentiel de réparation tissulaire. Par analogie avec la thérapie
cellulaire utilisant des cellules fœtales placentaires, les possibilités thérapeutiques des
cellules chimériques multipotentes détectées
chez la femme adulte sont en cours d’étude.
Elles pourraient constituer une solution thérapeutique moins controversée sur le plan
éthique que les prélèvements fœtaux.
Session 3
femmes sclérodermiques réagissent contre
les antigènes HLA maternels [61]. La compatibilité HLA mère-enfant semble être un autre
facteur de risque de sclérodermie. En effet,
l’étude du HLA des cellules microchimériques
mâles montre que lorsque l’antigène HLA-DR
est partagé par la mère et l’enfant, le risque
de développer une sclérodermie est multiplié
par 7 chez la femme [31].
Chez l’humain, l’équipe de Bayes-Genis [63,
64] retrouve des cardiomyocytes mâles dans
le cœur de 2 femmes ayant eu des garçons.
Si l’on a clairement montré que les cellules
fœtales étaient présentes au sein de divers
organes solides chez la femme, on suggère
ici que ces cellules fœtales progénitrices
puissent se différencier en cardiomyocytes
dans un microenvironnement approprié. De
99
L. ALBANO
BIBLIOGRAPHIE
1. Cadavid A, Rugeles MT, Peña B, Sánchez F, García H, et al. Cell
microchimerism in patients with recurrent spontaneous abortion:
preliminary results. Early Pregnancy. 1997;3(3):199-203.
2. Weiler IJ, Hickler W, Sprenger R. Demonstration that milk cells
invade the suckling neonatal mouse. Am J Reprod Immunol.
1983;4(2):95-8.
3. van Dijk BA, Boomsma DI, de Man AJ. Blood group chimerism in human multiple births is not rare. Am J Med Genet.
1996;61(3):264-8.
4. Fujiki Y, Tao K, Bianchi DW, Giel-Moloney M, Leiter AB, Johnson KL. Quantification of green fluorescent protein by in vivo
imaging, PCR, and flow cytometry: comparison of transgenic
strains and relevance for fetal cell microchimerism. Cytometry A.
2008;73(2):11-118.
5. Khosrotehrani K, Johnson KL, Guégan S, Stroh H, Bianchi DW.
Natural history of fetal cell microchimerism during and following
murine pregnancy. J Reprod Immunol. 2005;66(1):1-12.
6. Lambert N, Nelson JL. Microchimerism in autoimmune disease:
more questions than answers? Autoimmun Rev. 2003;2(3):1339.
7. Smits G, Holzgreve W, Hahn S. An examination of different Percoll density gradients and magnetic activated cell sorting (MACS)
for the enrichment of fetal erythroblasts from maternal blood.
Arch Gynecol Obstet. 2000;263(4):160-3.
8. Pujal JM, Gallardo D. PCR-Based Methodology for Molecular
Microchimerism Detection and Quantification. Exp Biol Med
(Maywood). 2008;233(9):1161-70.
9. Appleton AL, Curtis A, Wilkes J, Cant AJ. Differentiation of materno-fetal GVHD from Omenn's syndrome in pre-BMT patients
with severe combined immunodeficiency. Bone Marrow Transplant. 1994;14(1):157-9.
10. Lo YM, Lau TK, Chan LY, Leung TN, Chang AM. Quantitative
analysis of the bidirectional fetomaternal transfer of nucleated
cells and plasma DNA. Clin Chem. 2000;46(9):1301-9.
11. Thomas MR, Williamson R, Craft I, Yazdani N, Rodeck CH. Y chromosome sequence DNA amplified from peripheral blood of women in early pregnancy. Lancet. 1994 Feb 12; 343(8894):413-4.
100
12. Gänshirt D, Garritsen HS, Holzgreve W. Fetal cells in maternal
blood. Curr Opin Obstet Gynecol. 1995;7(2):103-8.
13. Osada H, Doi S, Fukushima T, Nakauchi H, Seki K, Sekiya S.
Detection of fetal HPCs in maternal circulation after delivery.
Transfusion. 2001;41(4):499-503.
14. O'Donoghue K, Choolani M, Chan J, de la Fuente J, Kumar S,
et al. Identification of fetal mesenchymal stem cells in maternal
blood: implications for non-invasive prenatal diagnosis. Mol Hum
Reprod. 2003;9(8):497-502.
15. Lo YM, Corbetta N, Chamberlain PF, Rai V, Sargent IL, et al.
Presence of fetal DNA in maternal plasma and serum. Lancet.
1997;350(9076):485-7.
16. Umansky SR, Tomei LD. Transrenal DNA testing: progress and
perspectives. Expert Rev Mol Diagn. 2006;6(2):153-63.
17. Hyodo M, Samura O, Fujito N, Tanigawa M, Miyoshi H, et al. No
correlation between the number of fetal nucleated cells and the
amount of cell-free fetal DNA in maternal circulation either before
or after delivery. Prenat Diagn. 2007;27(8):717-21.
18. Lambert NC, Lo YMD, Erickson TD, Tylee TS, Guthrie KA, et al.
Male microchimerism in healthy women and women with scleroderma: cells or circulating DNA? A quantitative answer. Blood.
2002;100(8):2845-51.
19. Yan Z, Lambert NC, Guthrie KA, Porter AJ, Loubiere LS, et
al. Male microchimerism in women without sons: quantitative
assessment and correlation with pregnancy history. Am J Med.
2005;118(8):899-906.
20. Khosrotehrani K, Johnson KL, Lau J, Dupuy A, Cha DH,
Bianchi DW. The influence of fetal loss on the presence of fetal
cell microchimerism: a systematic review. Arthritis Rheum.
2003;48(11):3237-41.
21. Koopmans M, Kremer Hovinga ICL, Baelde HJ, Fernandes RJ,
de Heer E, et al. Chimerism in kidneys, livers and hearts of normal
women: implications for transplantation studies. Am J Transplant.
2005;5(6):1495-502.
22. Koopmans M, Kremer Hovinga ICL, Baelde HJ, Harvey MS, de
Heer E, et al. Chimerism occurs in thyroid, lung, skin and lymph
nodes of women with sons. J Reprod Immunol. 2008; 78(1):6875
34. Lo YM, Leung TN, Tein MS, Sargent IL, Zhang J, et al. Quantitative abnormalities of fetal DNA in maternal serum in preeclampsia. Clin Chem. 1999;45(2):184-8.
24. Adams KM, Lambert NC, Heimfeld S, Tylee TS, Pang JM, et al.
Male DNA in female donor apheresis and CD34-enriched products. Blood. 2003;102(10):3845-7.
35. Leung TN, Zhang J, Lau TK, Chan LY, Lo YM. Increased maternal
plasma fetal DNA concentrations in women who eventually develop preeclampsia. Clin Chem. 2001;47(1):137-9.
25. Mikhail MA, M'Hamdi H, Welsh J, Levicar N, Marley SB, et al.
High frequency of fetal cells within a primitive stem cell population in maternal blood. Hum Reprod. 2008;23(4):928-33.
36. Zhong XY, Holzgreve W, Hahn S. Circulatory fetal and maternal
DNA in pregnancies at risk and those affected by preeclampsia.
Ann N Y Acad Sci. 2001;945:138-40.
26. O'Donoghue K, Chan J, de la Fuente J, Kennea N, Sandison A,
et al. Microchimerism in female bone marrow and bone decades
after fetal mesenchymal stem-cell trafficking in pregnancy. Lancet. 2004;364(9429):179-82.
37. Strobel SL, Brandt JT. Abnormal hematologic features in a
live-born female infant with triploidy. Arch Pathol Lab Med.
1985;109(8):775-7.
27. Jonsson AM, Uzunel M, Götherström C, Papadogiannakis N,
Westgren M. Maternal microchimerism in human fetal tissues.
Am J Obstet Gynecol. 2008;198(3):325.e1-6.
38. Bianchi DW, Williams JM, Sullivan LM, Hanson FW, Klinger KW, Shuber AP. PCR quantitation of fetal cells in maternal
blood in normal and aneuploid pregnancies. Am J Hum Genet.
1997;61(4):822-9.
28. Maloney S, Smith A, Furst DE, Myerson D, Rupert K, et al.
Microchimerism of maternal origin persists into adult life. J Clin
Invest. 1999;104(1):41-7.
39. Aractingi S, Berkane N, Bertheau P, Le Goué C, Dausset J, et al.
Fetal DNA in skin of polymorphic eruptions of pregnancy. Lancet.
1998;352(9144):1898-901.
29. Artlett CM, Ramos R, Jiminez SA, Patterson K, Miller FW, Rider
LG. Chimeric cells of maternal origin in juvenile idiopathic inflammatory myopathies. Childhood Myositis Heterogeneity Collaborative Group. Lancet 2000 Dec 23-30;356(9248):2155-6.
40. Carandina G, DeRitis L, Palazzi P, Mattiuz PL. Maternal lymphocytotoxic antibodies and bilirubin levels in the postpartum
offspring. Tissue Antigens. 1977;10(4):348-52.
30. Artlett CM, Miller FW, Rider LG, Childhood Myositis Heterogeneity Collaborative Study Group. Persistent maternally
derived peripheral microchimerism is associated with the juvenile
idiopathic inflammatory myopathies. Rheumatology (Oxford).
2001;40(11):1279-84.
31. Lambert NC, Erickson TD, Yan Z, Pang JM, Guthrie KA, et al.
Quantification of maternal microchimerism by HLA-specific realtime polymerase chain reaction: studies of healthy women and
women with scleroderma. Arthritis Rheum. 2004;50(3):906-14.
32. Stevens AM, Hermes HM, Rutledge JC, Buyon JP, Nelson
JL. Myocardial-tissue-specific phenotype of maternal microchimerism in neonatal lupus congenital heart block. Lancet.
2003;362(9396):1617-23.
33. Leung TN, Zhang J, Lau TK, Hjelm NM, Lo YM. Maternal plasma fetal DNA as a marker for preterm labour. In: Lancet. 1998 Dec
12;352(9144):1904-5
Session 3
23. Bianchi DW, Zickwolf GK, Weil GJ, Sylvester S, DeMaria MA.
Male fetal progenitor cells persist in maternal blood for as long as
27 years postpartum. Proc Natl Acad Sci U S A. 1996;93(2):705-8.
41. Le Deist F, Raffoux C, Griscelli C, Fischer A. Graft vs graft reaction resulting in the elimination of maternal cells in a SCID patient
with maternofetal GVHd after an HLA identical bone marrow
transplantation. J Immunol. 1987;138(2):423-7.
42. Reed E, Beer AE, Hutcherson H, King DW, Suciu-Foca N. The
alloantibody response of pregnant women and its suppression
by soluble HLA antigens and anti-idiotypic antibodies. J Reprod
Immunol. 1991;20(2):115-28.
43. Bohgaki T, Atsumi T, Koike T. Multiple autoimmune diseases
after autologous stem-cell transplantation. N Engl J Med. 2007
Dec 27;357(26):2734-6
44. Brubaker DB. Immunopathogenic mechanisms of posttransfusion graft-vs-host disease. Proc Soc Exp Biol Med.
1993;202(2):122-47.
45. Ohtsuka T, Miyamoto Y, Yamakage A, Yamazaki S. Quantitative
analysis of microchimerism in systemic sclerosis skin tissue. Arch
Dermatol Res. 2001;293(8):387-91.
101
L. ALBANO
46. Ando T, Imaizumi M, Graves PN, Unger P, Davies TF. Intrathyroidal fetal microchimerism in Graves' disease. J Clin Endocrinol
Metab. 2002;87(7):3315-20.
47. Klintschar M, Immel UD, Kehlen A, Schwaiger P, Mustafa T, et
al. Fetal microchimerism in Hashimoto's thyroiditis: a quantitative
approach. Eur J Endocrinol. 2006;154(2):237-41.
58. Artlett CM, Smith JB, Jimenez SA. Identification of fetal DNA
and cells in skin lesions from women with systemic sclerosis. N
Engl J Med. 1998;338(17):1186-91.
48. Endo Y, Negishi I, Ishikawa O. Possible contribution of microchimerism to the pathogenesis of Sjögren's syndrome. Rheumatology (Oxford). 2002;41(5):490-5.
59. Artlett CM, Cox LA, Ramos RC, Dennis TN, Fortunato RA, et al.
Increased microchimeric CD4+ T lymphocytes in peripheral blood
from women with systemic sclerosis. Clin Immunol. 2002;103(3
Pt 1):303-8.
49. Fanning PA, Jonsson JR, Clouston AD, Edwards-Smith C, Balderson GA, et al. Detection of male DNA in the liver of female patients with primary biliary cirrhosis. J Hepatol. 2000;33(5):690-5.
60. Artlett CM, Welsh KI, Black CM, Jimenez SA. Fetal-maternal
HLA compatibility confers susceptibility to systemic sclerosis.
Immunogenetics. 1997;47(1):17-22.
50. Abbud Filho M, Pavarino-Bertelli EC, Alvarenga MP, Fernandes
IM, Toledo RA, et al. Systemic lupus erythematosus and microchimerism in autoimmunity. Transplant Proc. 2002;34(7):2951-2.
61. Scaletti C, Vultaggio A, Bonifacio S, Emmi L, Torricelli F,
et al. Th2-oriented profile of male offspring T cells present in
women with systemic sclerosis and reactive with maternal
major histocompatibility complex antigens. Arthritis Rheum.
2002;46(2):445-50.
51. Selva-O'Callaghan A, Mijares-Boeckh-Behrens T, Prades EB,
Solans-Laqué R, Simeón-Aznar CP, et al. Lack of evidence of foetal
microchimerism in female Spanish patients with systemic sclerosis. Lupus. 2003;12(1):15-20.
52. Murata H, Nakauchi H, Sumida T. Microchimerism in Japanese
women patients with systemic sclerosis. Lancet. 1999 Jul
17;354(9174):220.
53. Gannagé M, Amoura Z, Lantz O, Piette JC, Caillat-Zucman S.
Feto-maternal microchimerism in connective tissue diseases. Eur
J Immunol. 2002;32(12):3405-13.
54. Toda I, Kuwana M, Tsubota K, Kawakami Y. Lack of evidence for
an increased microchimerism in the circulation of patients with
Sjögren's syndrome. Ann Rheum Dis. 2001;60(3):248-53.
55. Schöniger-Hekele M, Müller C, Ackermann J, Drach J, Wrba
F, et al. Lack of evidence for involvement of fetal microchimerism in pathogenesis of primary biliary cirrhosis. Dig Dis Sci.
2002;47(9):1909-14.
56. Rubbia-Brandt L, Philippeaux MM, Chavez S, Mentha G,
Borisch B, Hadengue A. FISH for Y chromosome in women with
primary biliary cirrhosis: lack of evidence for leukocyte microchimerism. Hepatology. 1999 Sep;30(3):821-2.
57. Mosca M, Curcio M, Lapi S, Valentini G, D'Angelo S, et al. Correlations of Y chromosome microchimerism with disease activity
102
in patients with SLE: analysis of preliminary data. Ann Rheum Dis.
2003;62(7):651-4.
62. Wang Y, Iwatani H, Ito T, Horimoto N, Yamato M, et al. Fetal cells
in mother rats contribute to the remodeling of liver and kidney
after injury. Biochem Biophys Res Commun. 2004;325(3):961-7.
63. Bayes-Genis A, Bellosillo B, de la Calle O, Salido M, Roura S, et
al. Identification of male cardiomyocytes of extracardiac origin in
the hearts of women with male progeny: male fetal cell microchimerism of the heart. J Heart Lung Transplant. 2005;24(12):217983.
64. Bayes-Genis A, Roura S, Prat-Vidal C, Farré J, Soler-Botija C, et
al. Chimerism and microchimerism of the human heart: evidence
for cardiac regeneration. Nat Clin Pract Cardiovasc Med. 2007;4
Suppl 1:S40-5.
65. Srivatsa B, Srivatsa S, Johnson KL, Samura O, Lee SL,
Bianchi DW. Microchimerism of presumed fetal origin in thyroid specimens from women: a case-control study. Lancet.
2001;358(9298):2034-8.
66. Johnson KL, Samura O, Nelson JL, McDonnell M d WM,
Bianchi DW. Significant fetal cell microchimerism in a nontransfused woman with hepatitis C: Evidence of long-term survival
and expansion. Hepatology. 2002 Nov;36(5):1295-7.
67. O'Donoghue K, Sultan HA, Al-Allaf FA, Anderson JR, WyattAshmead J, Fisk NM. Microchimeric fetal cells cluster at sites of
tissue injury in lung decades after pregnancy. Reprod Biomed
Online. 2008;16(3):382-90.
NOTES
NOTES
NOTES
NOTES
SESSION 4
Les complications foetales
Système rénine-angiotensine
et malformations foetales
L. HEIDET
Page 109
S
YSTÈME RENINE-ANGIOTENSINE
ET MALFORMATIONS FŒTALES
Laurence Heidet, Marie Claire Gubler
Centre de référence des Maladies Rénales Héréditaires de l’Enfant et de l’Adulte (MARHEA),
Service de Néphrologie pédiatrique et Inserm U983, Hôpital Necker, Paris.
Pendant la grossesse, le SRA est stimulé
(Broughton Pipkin 1982; Rosenfeld 2001),
un système rénine angiotensine placentaire
et annexiel se met en place, et les différents
gènes du SRA sont exprimés chez le fœtus
humain dès la cinquième semaine après la
conception (Schutz et al., 1996). Le rein fœtal
est la source la plus importante de rénine circulante chez le fœtus et la concentration de
rénine dans le sang de cordon est plus élevée
que chez le nouveau né à terme et également
plus élevée que dans le sang maternel (Franks
& Hayachi, 1979 ; Sysmonds & Craven, 1985).
Le SRA est indispensable au développement
rénal normal. Ceci est illustré par différents
modèles expérimentaux chez l’animal et,
chez l’homme, par les anomalies observées
chez des fœtus exposées aux bloqueurs du
SRA, par les dysgénésies tubulaires rénales
d’origine génétique et par les anomalies
rénales observées dans le syndrome transfuseur-transfusé lors des grossesses gémellaires
monochoriales biamniotiques.
Traitements bloqueurs du SRA chez la
femme enceinte.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion,
comme les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II, passent la barrière placentaire.
- Traitement reçu pendant le premier trimestre de la grossesse
Plusieurs publications sous forme de cas cliniques ou d’études de petites séries non
contrôlées rapportent une absence d’effet
tératogène lié à la prise de bloqueurs du
SRA pendant le premier trimestre de grossesse (Lip et al.1997). Quelques cas de fausses
couches ont été rapportés ainsi que deux cas
d’exencéphalie et un cas d’agénésie rénale
unilatérale (Duminy et al. 1981). Une seule
réelle étude épidémiologique a montré un
risque augmenté de malformations congénitales touchant le système cardiovasculaire
et neurologique chez les fœtus exposés aux
inhibiteurs de l’enzyme de conversion par
rapport aux fœtus non exposés (Cooper et al.
2006).
- Traitement reçu pendant le deuxième trimestre de la grossesse
Session 4
Le système rénine-angiotensine (SRA) a été
initialement décrit comme une cascade enzymatique aboutissant à la production d’angiotensine II, qui intervient, par l’intermédiaire de
récepteurs vasculaires, rénaux, surrénaliens
et cérébraux dans le maintien de la pression
artérielle et du volume de liquide extracellulaire. Outre ce système circulant, il existe des
SRA locaux, tissulaires, l’angiotensine II y exerçant des fonctions autocrines et paracrines
intervenant dans la prolifération cellulaire et
l’inflammation (Wolf , 1995; Dzau et al. 2002).
De nombreuses publications, soit de cas isolés
soit de séries, rapportent chez des fœtus dont
les mères ont reçu des bloqueurs du SRA pendant les deuxièmes et troisièmes trimestres
un tableau comportant une séquence de
Potter (oligo anamnios, dysmorphie faciale,
déformation des membres et hypoplasie pulmonaire), une insuffisance rénale anurique,
une hypocalvaria et une hypotension arterielle profonde non corrigée par le remplis109
Laurence HEIDET, Marie Claire GUBLER
sage vasculaire (Bar et al., 1999, Martinovic
et al., 2001, Pryde et al., 1993, Saji et al., 2001).
L’histologie fœtale montre des lésions de dysgénésie tubulaire (voir plus bas) associées à
des altérations vasculaires. Il semble que plus
le traitement a été donné de façon prolongée,
plus il existe un risque d’atteinte fœtale rénale
sévère, mais il existe, dans une proportion difficile à préciser, des femmes chez qui un traitement prolongé avait été prescrit et qui ont
donné naissance à des enfants chez lesquels
aucune anomalie rénale n’a été rapportée.
Le rôle de l’effet des inhibiteurs de l’enzyme
de conversion (IEC) sur le système bradykinine-prostaglandine dans le développement
de ces anomalies semble modeste puisque
le même phénotype rénal et extra-rénal a été
observé après traitement par les antagonistes
du récepteur AT1 de l’angiotensine II (ARA2).
On peut s’interroger sur le rôle respectif des
effets du traitement reçu sur l’hémodynamique fœtale, sur l’hémodynamique utéroplacentaire, et sur l’effet de l’angiotensine II
sur la croissance des cellules rénales fœtales,
et en particulier des cellules tubulaires.
Dysgénésies tubulaires d’origine
génétique
La description princeps par Allanson (Allanson, 1983), complétée par des descriptions
ultérieures, ressemble tout à fait au tableau
observé chez les fœtus exposés aux bloqueurs du SRA puisque cette néphropathie
fœtale est caractérisée par une anurie précoce
et persistante responsable d’une séquence de
Potter associée à un défaut d’ossification de la
voute crânienne et à une hypotension artérielle réfractaire au traitement. Histologiquement on retrouve une absence ou un nombre
réduit de tubes proximaux identifiables. Cette
absence de tubes proximaux dans le cortex
est responsable d’un rapprochement des glo110
mérules les un des autres donnant une fausse
impression de glomérules en nombre augmenté. Des anomalies vasculaires rénales sont
constamment observées, caractérisées par un
épaississement important des parois musculaires des artères pré-glomérulaires et interlobulaires. L’évolution est extrêmement sévère :
la plupart des patients rapportés sont morts
in utero ou rapidement après la naissance
dans un tableau de détresse respiratoire et
d’insuffisance rénale anurique. Six patients en
vie ont été rapportés (revue dans Gribouval et
al. sous presse) : deux ont été transplantés à
3 et 4 ans, 3 sont en insuffisance rénale chronique modérée ou sévère et agés de 3, 6 et 15
ans, et un enfant a une fonction rénale normale à l’âge de 8 ans alors qu’il avait présenté
une anurie transitoire à la naissance.
L’étiologie de ce syndrome est restée longtemps obscure. L’existence de fratries atteintes dans des familles consanguines avec
des parents sains suggérait une transmission
autosomique récessive. Plusieurs arguments
ont orienté les recherches de l’équipe de Marie Claire Gubler (Inserm U983) vers un rôle du
SRA dans la genèse de ce syndrome (Gribouval et al. 2005): (1) la similitude du phénotype
rénal et extra rénal avec celui des fœtus exposés aux IEC ou aux ARA2 (2) l’étude de l’expression de rénine dans les reins des dysgénésies
tubulaires d’origine génétique montrant des
anomalies majeures : augmentation importante de l’expression le plus souvent, absence
complète de rénine dans un petit nombre
de cas. Ces derniers cas faisaient de la rénine
un excellent gène candidat. Le séquençage
de ce gène a permis de mettre en évidence
des mutations homozygotes « perte de fonction » du gène REN dans ces familles. En outre
le séquençage de REN a permis d’identifier
dans d’autres familles des mutations faux sens
ou avec conservation du cadre de lecture,
associées à une augmentation de l’expression
Système renine-angiotensine et malformations fœtales
La dysgénésie tubulaire rénale est donc la
première pathologie mendélienne associée à
des mutations des gènes codants le SRA. L’ensemble des mutations rapportées jusqu’à ce
jour sont colligées dans (Gribouval et al. sous
presse). Comme pour les dysgénésies secon-
daires à l’exposition des fœtus aux bloqueurs
du SRA, on peut discuter des mécanismes
responsables de cette anomalie du développement rénal qui résulte de l’absence ou de
l’inefficacité de l’angiotensine II. En effet, l’angiotensine II ayant un rôle à la fois vasoactif et
un rôle possible dans la croissance cellulaire,
son absence a potentiellement des conséquences sur l’hémodynamique fœtale, sur
l’hémodynamique utéro-placentaire, et sur
la croissance des cellules tubulaires fœtales.
Toutefois, le fait que des lésions rénales tout
à fait comparables soient observées dans
différentes situations s’accompagnant « seulement » d’une hypovolémie fœtale (syndrome transfuseur transfusé au cours duquel
le SRA pourrait jouer un rôle aggravant, sténose de l’artère rénale, cardiopathie sévère,
hémochromatose néonatales), suggère que
c’est principalement par le maintient d’une
perfusion rénale efficace que l’angiotensine
II intervient au cours du développement du
rein foetal.
Le phénotype observé chez les patients atteints de dysgénésie rénale tubulaire autosomique récessive est différent de celui observé
chez les animaux dont les différents gènes du
SRA ont été invalidés. En effet, l’inactivation
chez la souris des gènes codant la rénine,
l’angiotensinogène, l’enzyme de conversion
de l’angiotensine, ou les récepteurs AT1 (au
nombre de deux chez la souris) conduit à
un phénotype quasi-similaire : les animaux
semblent normaux à la naissance (avec parfois un retard de croissance) et meurent dans
les premiers jours ou les premières semaines
de vie. Ils présentent une polyurie avec un
trouble de concentration des urines et une
hypotension artérielle. Les reins sont histologiquement normaux ou peu modifiés à la
naissance, puis chez les animaux survivants
se développe une atrophie progressive de la
papille avec fibrose interstitielle et atrophie
Session 4
rénale de la rénine mutée. Une mutation faux
sens particulièrement intéressante touche
l’acide aspartique en position 104, dans le site
catalytique actif de l’enzyme, indispensable
au clivage de l’angiotensinogène libérant
l’angiotensine I. D’autres mutations affectent
le repliement et/ou le trafic intracellulaire de
la rénine. Des mutations homozygotes du
gène AGT, codant l’angiotensinogène, ont
été identifiées dans trois familles. Elles sont
associées avec une production rénale massive
de rénine, probablement par défaut d’angiotensine II. Dans l’une d’elle, la mutation ayant
comme probable résultat la synthèse d’une
protéine tronquée d’une partie de son domaine serpine conduit à une production très
basse d’angiotensine 1 malgré des taux très
élevés de rénine plasmatique. Des mutations
du gène ACE, codant l’enzyme de conversion
de l’angiotensine, ont été identifiées dans 31
familles. Huit mutations touchent le peptide
signal. A nouveau ces mutations sont associées à une surexpression rénale de rénine en
raison de l’absence de rétrocontrôle par l’angiotensine II. Une mutation faux sens modifie
le trafic intra-cellulaire de ACE et est en partie
« sauvée » par des chaperones et des inhibiteurs du protéasomes. Dans trois familles, une
seule mutation a été mise en évidence. Il s’agit
de cas typiques, avec surexpression de rénine,
nous faisant penser qu’une deuxième mutation pathogène a peut-être été manquée car
localisée dans des régions régulatrices ou
introniques profondes. Enfin des mutations
du gène AGTR1, codant le récepteur AT1 de
l’angiotensine II, ont été identifiées dans trois
familles.
111
Laurence HEIDET, Marie Claire GUBLER
tubulaire. Il s’y associe un épaississement très
important des artères de petit calibre. Enfin
certains animaux développent une hydronéphrose. Ces différences importantes des
phénotypes entre l’homme et la souris en cas
112
d’inactivation d’un gène codant les protéines
du SRA pourraient être liées à des différences
dans le calendrier de la néphrogenèse et/
ou de la mise en place du SRA entre les deux
espèces.
BIBLIOGRAPHIE
Allanson JE, Pantzar JT, Macleod PM. 1983. Possible new autosomal recessive syndrome with unusual renal histological changes.
Am J Med Genet 16:57-60.
Lip GY, Churchill D, Beevers M, Auckett A, Beevers DG. Angiotensin-converting-enzyme inhibitors in early pregnancy. Lancet.
1997 350 :1446-7.
Barr M, Cohen MM. 1999. ACE inhibitor fetopathy and hypocalvaria. The kidney-skull connection. Teratology 44: 485-495.
Martinovic J, Benachi A, Laurent N, Daïkha-Dahmane F, Gubler
MC. 2001. Fetal toxic effects of angiotensin II receptor antagonists. Report of three additional cases. Lancet 358: 241-242.
Broughton Pipkin F. The renin-angiotensin system in pregnancy:
why bother? Br J Obstet Gynaecol. 1982 89:591-3.
Cooper WO, Hernandez-Diaz S, Arbogast PG, Dudley JA, Dyer S,
Gideon PS, Hall K, Ray WA. Major congenital malformations after
first-trimester exposure to ACE inhibitors. N Engl J Med. 2006
8;354:2443-51.
Duminy PC Burger PD Fetal abnormalities associated with the
use of captopril during pregnacy. S Afr Med J 1981, 60 : 805.
Dzau VJ, Bernstein K, Celermajer D, Cohen J, Dahlöf B, Deanfield
J, Diez J, Drexler H, Ferrari R, Van Gilst W, Hansson L, Hornig B,
Husain A, Johnston C, Lazar H, Lonn E, Lüscher T, Mancini J,
Mimran A, Pepine C, Rabelink T, Remme W, Ruilope L, Ruzicka M,
Schunkert H, Swedberg K, Unger T, Vaughan D, Weber M. Pathophysiologic and therapeutic importance of tissue ACE: a consensus report. Cardiovasc Drugs Ther. 2002 16:149-60.
Franks RC Hayachi RH. Maternal and fetal renin activity and big
renin concentration in second trimester pregnancy. Circ research
1982 54 : 30312
Pryde PG, Sedman AB, Nugent CE, Barr M. 1993. Angiotensinconverting enzyme inhibitor fetopathy. J Am Soc Nephrol 3:
1575-1582.
Rosenfeld CR. Mechanisms regulating angiotensin II responsiveness by the uteroplacental circulation.Am J Physiol Regul Integr
Comp Physiol. 2001 281: R1025-40.
Saji H, Yamanaka M, Hagieara A, Aijiri R. 2001. Losartan and fetal
toxic effects. Lancet 357: 363.
Sysmonds EM, Craven DJ. Fetal plasma renin and renin ubstrate
in mid-trimester pregnancy. Br J Obstet Gynoecol 1985 92: 618621.
Schutz S, Le Moullec JM, Corvol P, Gasc JM.Early expression of all
components of the renin-angiotensin-system in human development. 1996Am J Pathol 149: 2067-2079.
Wolf G. Angiotensin as a renal growth promoting factor. Adv Exp
Med Biol. 1995 377:225-36.
Session 4
Gribouval O, Gonzales M, Neuhaus T, Aziza J, Bieth E, Laurent N,
Bouton JM, Feuillet F, Makni S, Ben Amar H, Laube G, Delezoide
AL, Bouvier R, Dijoud F, Ollagnon-Roman E, Roume J, Joubert
M, Antignac C, Gubler MC. 2005. Mutations in renin-angiotensin system genes are associated with autosomal recessive renal
tubular dysgenesis. Nat Genet 37: 964-968
113
NOTES
NOTES
NOTES
NOTES
NOTES
Téléchargement