Université du Québec Institut National de la Recherche Scientifique Centre Eau Terre Environnement Étude d’un mélange Sinorhizobium meliloti-Trichoderma viride produit dans les eaux usées d’amidon : optimisation et effet sur la luzerne Par Najib MHAMDI Maîtrise en sciences de l’eau Mémoire présenté pour l’obtention du grade de : Maître ès sciences (M.Sc.) Jury d’évaluation Examinateur externe Dr Stéphan Pouleur Agriculture et Agroalimentaire Canada Examinateur interne Professeur Jean Francois Blais INRS-ETE, Université du Québec Directeur de recherche Professeur R.D. Tyagi INRS-ETE, Université du Québec Codirectrices de recherche Dre Danielle Prévost Agriculture et Agroalimentaire Canada Professeure Satinder Kaur Brar INRS-ETE, Université du Québec Février 2011 © DROITS RÉSERVÉS DE NAJIB MHAMDI, 2011 REMERCIEMENTS Ce mémoire reflète, sans doute, l’écho des nombreuses rencontres que j’ai eu la chance de faire pendant cette recherche de maîtrise. Je tiens à remercier ici toutes les personnes, qui, de près ou de loin, ont suivi mon évolution. En particulier, je remercie Dr Rajeshwar Dayal Tyagi, mon directeur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS-ETE), de m’avoir accueilli dans son équipe de recherche et d’avoir accepté de diriger mes travaux, pour les opportunités d’enseignement et d’encadrement qu’il m’a offertes, pour sa générosité en communiquant avec les étudiants et pour la confiance qu’il a toujours montré à mon égard. Dre Satinder Kaur Brar, professeure à l’INRS-ETE est ma codirectrice, je la remercie infiniment pour ses suggestions et son soutien, pour ses conseils et son suivi durant l’avancement de mon travail. Je lui dois une grande reconnaissance. Je remercie aussi Dre Danielle Prévost, chercheure au centre de recherche et de développement sur les sols et les grandes cultures, Agriculture et Agroalimentaire Canada, pour le milieu de travail qu’elle m’a offert, pour tout ce qu’elle a pu me transmettre comme information et pour l’enthousiasme dont elle a toujours fait preuve, notamment lors des discussions qu’on a eu l’occasion d’avoir. À cette occasion, je tiens aussi à remercier Carole Gauvin et Sandra Delaney, techniciennes de recherche de Dre Prévost pour leur aide au laboratoire. J’adresse mes plus vifs remerciements à Dr Stéphan Pouleur, chercheur au centre de recherche et de développement sur les sols et les grandes cultures de Agriculture et Agroalimentaire Canada pour son chaleureux accueil et les discussions toujours enrichissantes, ainsi pour sa collaboration à la poursuite de ce sujet de recherche. Je me permets de distinguer Lucie Lévesque, sa i technicienne de recherche pour sa bonne humeur permanente. Mes vifs remerciements s’adressent à Suzanne Dussault et Johanne Desrosiers pour leur aide continue aux étudiants, j’en suis reconnaissant. Je tiens à remercier Syngenta Crop Protection Canada Inc. de nous avoir fourni le Maxim 480. Merci au Professeur Jean Francois Blais qui a accepté de corriger mon mémoire. Un grand merci aux techniciens de l’INRS-ETE pour leur aide à manipuler les instruments des laboratoires et, plus particulièrement, René Rodrigue et Stéphane Prémont. Mes remerciements s’adressent aux participants dans ce projet: Tarek Rouissi et Rojan Papi John qui n’ont cessé de m’aider par l’échange d’idées et de suggestions. Un clin d’œil à mes amis Tunisiens de l’INRS-ETE avec qui j’ai passé les moments les plus agréables, et notamment Jihene Zaiem (7ab7ouba), Asma Chemingui, Dali ben Alaya, Fatma Gassara, Aymen Ben Ayssia, Slim Kouki, Dorra Hammami, Kingumbi Ahmadi, Rimeh Daghrir et Amine Mahmoudi. Je ne peux que souhaiter nos retrouvailles un jour ou l’autre, quelque part sur la planète; alors : adieux, au revoir, adiòs. J’en profite pour leur souhaiter une bonne chance dans leurs travaux. Je remercie également mes amies de l’ISA Chott-Mariem, Tunisie, Boutheina DOUH et Mounira SOULI pour leur aide et leur gentillesse. Mes sincères remerciements à mes frères : Lotfi pour ses corrections et son aide, Naceur de m’avoir aidé à faire les analyses statistiques et mon frère Kamel et son épouse puis le petit ange Jacem. ii Ma profonde gratitude à mes parents, mes frères et mes sœurs. À l’âme de mon grand-père Hadj Ahmed Ben Smida qui était notre soleil par son grand humour, ton âme est toujours vivante dans nos cœurs. Nous t’aimerons toujours énormément cher grand-père. Un grand merci à toute la famille MHAMDI. Enfin, merci, en vrac, à tous ceux qui m’ont permis, à un moment ou à un autre, de relativiser les succès et les difficultés. iii RÉSUMÉ La valorisation des eaux usées s’est avérée intéressante pour la production de biofertilisants et de biopesticides. En effet, il a été démontré que les bioinoculants de Sinorhizobium produits dans les eaux usées favorisent la fixation d’azote chez la luzerne et que ceux de Trichoderma viride produits dans les eaux usées servent comme agent d’amélioration de croissance et de lutte biologique pour la tomate. Des mélanges des différents bioinoculants sont de plus en plus utilisés pour améliorer la croissance chez les plantes et lutter contre les agents pathogènes. L’objectif de cette étude est d’évaluer l’interaction Sinorhizobium meliloti-Trichoderma viride produits dans les eaux usées d’amidon sur la croissance de la luzerne. La méthodologie consiste à appliquer les bioinoculants de S. meliloti (105 UFC/mL) et de T. viride (105 UFC/mL) produits dans les eaux usées d’amidon, ainsi que dans leurs milieux standards, seuls ou en mélange (Sinorhizobium, Trichoderma, mélange Sinorhizobium-Trichoderma) sur des plants de luzerne cultivés en sachets de croissance. Les résultats ont montré que les eaux usées d’amidon supportent bien la croissance de S. meliloti et de T. viride en les comparant avec les résultats des mêmes microorganismes produits dans les boues d’épuration et ce, du point de vue du nombre de cellules et de leur efficacité. T. viride a ralenti la croissance de la luzerne et a diminué l’indice nodulaire. D’autres essais ont été conduits avec des doses plus élevées de Sinorhizobium (108 UFC/mL) et ont montré que l’effet de Sinorhizobium domine celui de Trichoderma. L’application d’un agent pathogène, Fusarium avenaceum, a montré que Trichoderma diminue l’effet pathogène de F. avenaceum sur la luzerne et retarde le développement de la maladie. v TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS ..................................................................................................................... i RÉSUMÉ ........................................................................................................................................v LISTE DES FIGURES ................................................................................................................ xi LISTE DES ABRÉVIATIONS ................................................................................................. xiii INTRODUCTION..........................................................................................................................1 1. REVUE DE LITTÉRATURE ...............................................................................................3 1.1 BIOINOCULANTS À BASE DE RHIZOBIUM ........................................................................................................... 3 1.1.1 Généralités sur les Rhizobium ................................................................................................................. 3 1.1.2 Besoins des Rhizobium en éléments nutritifs ........................................................................................... 4 1.1.3 Établissement de la symbiose .................................................................................................................. 5 1.1.4 Conditions de production des Rhizobium ................................................................................................ 6 1.2 BIOINOCULANTS À BASE DE TRICHODERMA VIRIDE ........................................................................................... 7 1.2.1 Généralités sur le Trichoderma ............................................................................................................... 7 1.2.2 Production de Trichoderma ................................................................................................................... 10 1.2.3 Formulations à base de Trichoderma .................................................................................................... 11 1.2.4 Mode d’action de Trichoderma ............................................................................................................. 12 1.2.5 Interaction avec les plantes et mycoparasitisme.................................................................................... 13 1.2.6 Association plante-Trichoderma ............................................................................................................ 13 1.2.7 Éliciteurs biochimiques de la résistance aux maladies.......................................................................... 13 1.2.8 Effets de la colonisation des racines sur le métabolisme de la plante (effet bénéfique) ........................ 14 1.2.9 Interaction Trichoderma-Rhizobium ..................................................................................................... 16 1.2.10 Inconvénients de Trichoderma .......................................................................................................... 17 1.3 GÉNÉRALITÉS SUR LES FUSARIUM .................................................................................................................. 18 1.3.1 Systématique du genre Fusarium ........................................................................................................... 18 1.3.2 Dégâts de la fusariose ........................................................................................................................... 19 1.3.3 Fonte de semis (Seedling blight) ............................................................................................................ 19 1.3.4 Pourriture des racines (Root rot ou common root rot) .......................................................................... 20 1.3.5 Pourriture du pied (Foot rot ou dry land foot rot)................................................................................. 20 1.3.6 Cycle biologique de la maladie.............................................................................................................. 21 1.3.7 Pourriture des racines et du collet chez la luzerne causée par Fusarium avenaceum .......................... 22 1.4 LUZERNE ........................................................................................................................................................ 23 1.5 PROBLÉMATIQUE ........................................................................................................................................... 24 vii 1.6 OBJECTIFS DE LA RECHERCHE ........................................................................................................................ 24 1.7 HYPOTHÈSES DE TRAVAIL .............................................................................................................................. 25 2. MATÉRIEL ET MÉTHODES ............................................................................................27 2.1 EFFETS DE L’INTERACTION SINORHIZOBIUM MELILOTI-TRICHODERMA VIRIDE SUR LA NODULATION ET LA CROISSANCE .............................................................................................................................................. 27 2.1.1 Production d’inocula à base de Sinorhizobium meliloti ........................................................................ 27 2.1.2 Préparation de l’inoculum et fermentation ............................................................................................ 27 2.1.3 Culture d’une souche de S. meliloti dans les eaux usées d’amidon ....................................................... 28 2.1.4 Production d’inoculant à base de Trichoderma viride .......................................................................... 28 2.2 TESTS DE NODULATION .................................................................................................................................. 29 2.2.1 Tests de nodulation en sachets de croissance ........................................................................................ 29 2.2.2 Tests de nodulation en pots .................................................................................................................... 32 2.3 ÉTUDE DE L’EFFET DU MÉLANGE S. MELILOTI - T. VIRIDE EN LUTTE BIOLOGIQUE CONTRE F. AVENACEUM................................................................................................................................................ 33 2.3.1 Vérification du pouvoir pathogène du F. avenaceum chez la luzerne ................................................... 34 SEMIS ................................................................................................................................................................... 34 2.3.2 Évaluation du potentiel de lutte biologique ........................................................................................... 35 2.3.3 Comparaison de l’efficacité du T. viride et d’un fongicide de synthèse comme moyen de lutte contre le F. avenaceum ....................................................................................................................................... 37 2.4 DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL ET ANALYSES STATISTIQUES ............................................................................... 38 3. RÉSULTATS ........................................................................................................................41 3.1 EFFETS DU TRICHODERMA SUR LA NODULATION ET LA CROISSANCE EN SACHETS DE CROISSANCE ................. 41 3.2 TESTS SUR L’EFFET DU T. VIRIDE SUR LA LUZERNE EN POTS ........................................................................... 44 3.3 TESTS DE NODULATION EN SACHETS DE CROISSANCE AVEC FORTE DOSE DE SINORHIZOBIUM MELILOTI.......... 45 3.4 INTERACTION DE SINORHIZOBIUM MELILOTI-TRICHODERMA VIRIDE AVEC FUSARIUM AVENACEUM .................. 48 3.5 INFECTION DE LA LUZERNE AVEC LE FUSARIUM AVENACEUM EN POTS ET POUVOIR DE BIOCONTRÔLE CHEZ TRICHODERMA VIRIDE ............................................................................................................................ 51 3.6 TEST DE COMPARAISON DE L’EFFICACITÉ DU TRICHODERMA PAR RAPPORT À UN AGENT CHIMIQUE DE LUTTE CONTRE LES PHYTOPATHOGÈNES (MAXIM) ......................................................................................... 54 4. DISCUSSION........................................................................................................................57 5. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS ................................................................59 RÉFÉRENCES.............................................................................................................................61 ANNEXES ....................................................................................................................................75 viii LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 Méthodes de maintenance, caractéristiques principales et viabilité des cellules selon différentes méthodes pour la conservation des cellules de Rhizobium ...................... 7 Tableau 2 Effets de différents déchets agroindustriels sur la densité cellulaire de Trichoderma Harzianum (Singh et al. 2007) .................................................................... 11 Tableau 3 Pourcentage cumulé des racines pourries au cours du stockage de manioc inoculés par T. viride et post récolte des agents pathogènes (Horsfall et al. 1945; Michaud et al. 1985) ......................................................................................................... 15 Tableau 4 Solution de Hoagland et Arnon (1938) ............................................................................. 30 Tableau 5 Traitements de bioinoculants appliqués à la luzerne lors d'un essai en sachets de croissance .......................................................................................................................... 31 Tableau 6 Critères et méthode de calcul pour évaluer l'indice nodulaire (Ben Rebah, 2001) ........... 32 Tableau 7 Tests d’efficacité de S. meliloti et T. viride sur la luzerne ................................................ 33 Tableau 8 Évaluation du potentiel de lutte biologique ...................................................................... 35 Tableau 9 Échelle des indices de pourriture des racines.................................................................... 36 Tableau 10 Comparaison de l'efficacité du Trichoderma viride et d'un fongicide de synthèse........... 37 Tableau 11 Effets de Trichoderma viride sur la nodulation ................................................................ 75 Tableau 12 Effets de Trichoderma viride sur le poids sec du feuillage chez la luzerne ...................... 75 Tableau 13 Effets de Trichoderma viride sur le poids sec du feuillage chez la luzerne en pots ......... 76 Tableau 14 Indice nodulaire de la luzerne inoculée avec différents mélanges de Trichoderma et de Sinorhizobium lors des essais en sachets.................................................................. 76 Tableau 15 Poids sec du feuillage de la luzerne inoculée avec différents mélanges de Trichoderma et de Sinorhizobium lors des essais en sachets ............................................ 76 Tableau 16 Indice nodulaire de la luzerne inoculée avec Fusarium en fonction des traitements ......................................................................................................................... 77 Tableau 17 Indice de maladie de la luzerne inoculée avec Fusarium en fonction des traitements ......................................................................................................................... 77 Tableau 18 Poids sec de la luzerne inoculée avec Fusarium en fonction des traitements ................... 77 Tableau 19 Comparaison de l’effet des Trichoderma par rapport à maxim sur les maladies des racines chez la luzerne (indice nodulaire) .................................................................. 78 Tableau 20 Comparaison de l’effet des Trichoderma par rapport à maxim sur les maladies des racines chez la luzerne (indice de maladie) ................................................................ 78 Tableau 21 Comparaison de l’effet des Trichoderma par rapport à maxim sur les maladies des racines chez la luzerne (poids sec) ............................................................................. 78 ix LISTE DES FIGURES Figure 1 Courbe de croissance de Sinorhizobium meliloti (Rojan 2010, modifiée) .......................... 6 Figure 2 Photomicrographies de Trichoderma viride ..................................................................... 15 Figure 3 Cycle de Fusarium spp. : Illustration des différents modes d’action (Caron 2000, modifiée) ........................................................................................................................... 22 Figure 4 Effets de Trichoderma viride sur la nodulation de la luzerne ........................................... 42 Figure 5 Effet du Trichoderma viride sur le poids sec du feuillage chez la luzerne ....................... 43 Figure 6 Effet du Trichoderma viride sur le poids sec du feuillage chez la luzerne en pots........... 44 Figure 7 Indice nodulaire de la luzerne inoculée avec différents mélanges de Trichoderma et de Sinorhizobium lors d’essais en sachets..................................................................... 46 Figure 8 Poids sec du feuillage de la luzerne inoculée avec différents mélanges de Trichoderma et de Sinorhizobium lors d’essais en sachets ............................................... 47 Figure 9 Test in vitro de 1 mois: Trichoderma + Fusarium ............................................................ 49 Figure 10 Vérification du pouvoir pathogène du Fusarium avenaceum chez la luzerne. a : en boîte de Pétri; b : en sachet de croissance .................................................................... 50 Figure 11 Paramètres étudiés de la luzerne inoculée avec Fusarium en fonction des traitements. a : indice nodulaire; b : indice de maladie; c : poids sec du feuillage ........... 53 Figure 12 Comparaison de l’effet des Trichoderma par rapport à maxim. a : indice nodulaire; b : indice de maladie; c : poids sec .................................................................. 56 xi LISTE DES ABRÉVIATIONS BCA : Agents de biocontrôle (Biocontrol agent) EPB : Espace péribactéroidien EUA : Eaux usées d’amidon MPB : Membrane péribactéroidienne PDA: Gélose à base de bouillon de dextrose de patates (Potato dextrose agar) PDB : Bouillon à base de dextrose de patates (Potato dextrose broth) PGPM : Agents d’amélioration de la croissance végétative (Plant growth promoting microorganisms) Rhz : Sinorhizobium meliloti Tri : Trichoderma viride TSA: Gélose à base de bouillon de soja (Tryptic soy agar) YGB : Bouillon à base de glucose supplémenté de levure (Yeast glucose broth) YMA: Gélose à base de mannitol et d’extrait de levure (Yeast mannitol agar) YMB: Bouillon à base de mannitol (Yeast mannitol broth) xiii INTRODUCTION Les agents de fertilisation et de protection des sols contre les pathogènes ont été largement étudiés et signalés dans différentes conditions. Les études ont porté généralement sur les agents de biocontrôle contre les pathogènes du sol (Deacon et al. 1988; Weller 1988). La production industrielle d’inocula pour les légumineuses à base de Sinorhizobium dans des milieux liquides est généralement limitée à cause de son coût élevé et de la faible disponibilité des sources de carbone (Bissonnette 1986). En effet, le milieu synthétique inclut souvent le mannitol comme source principale de carbone et l’extrait de levure comme source d’azote. Le bouillon de mannitol a été utilisé comme milieu synthétique pour la production de Rhizobium. Le bouillon à base de dextrose de patates a été largement utilisé comme milieu synthétique pour la production de Trichoderma supposé agir comme agent d’amélioration de croissance et de lutte biologique. Quelques sous-produits industriels ont été valorisés pour la production d’inocula à base de Rhizobium et de Trichoderma, à savoir, les boues municipales préalablement traitées. Cette méthode a été optimisée par Ben Rebah et al. (2001) dans le cas de Rhizobium et par Verma (2007) dans le cas de Trichoderma. Elle est d’une efficacité élevée du point de vue de la concentration cellulaire et ce, dans la plupart des cas, même lors d’une fermentation en fioles d’Erlenmeyer. Dans le cadre de la production de biofertilisants et biopesticides, l’utilisation des eaux usées des industries agroalimentaires vise à valoriser les déchets liquides, limiter leurs effets environnementaux néfastes et minimiser les coûts de production de bioinoculants, qui seront par la suite homologués et commercialisés tout en respectant les normes environnementales prescrites. Ces déchets servent à la production de souches bactériennes en milieu liquide, ils peuvent aussi être utilisés comme support solide ainsi que liquide (formulation) pour la conservation des formulations (Ben Rebah 2001). 1 D’autres substrats ont aussi été utilisés comme support, tels que la tourbe, qui a donné d’excellents résultats au niveau de la qualité d’inoculum et qui a révélé la plus longue période de conservation des cellules de Rhizobium, soit de 2 à 4 ans (Hungria et al. 2005). Dans ce contexte, Vincent (1970) concluait que pour un simple suivi de la qualité de l’inoculum, il faudra utiliser la tourbe. Dans des substrats non stériles, la plupart des contaminants poussent plus vite que les Sinorhizobium et peuvent interférer dans la survie des Rhizobium et dans l’efficacité de l’inoculant (qualité du produit). Pour certains auteurs, la tourbe reste le meilleur substrat pour des inocula à base de Sinorhizobium (Burton 1967; Peterson 1981; Feng et al. 2002). Les eaux usées industrielles et municipales sont devenues de plus en plus compliquées à s’en débarrasser à cause des problèmes environnementaux qu’elles causent. Dans ce contexte, plusieurs solutions ont été adoptées, à savoir, l’épandage des boues d’épuration comme fertilisants et leur enfouissement (Golueke 1992). Différents milieux liquides comme le lactosérum, générés par l’industrie de fromage (Bissonnette 1986), ont servi pour la production d’inocula. Ce matériau contient les facteurs de croissance, l’azote et le carbone, nécessaires pour le développement et la croissance de différentes espèces de Sinorhizobium. Récemment, les eaux usées d’amidon (EUA) ont été utilisées pour la production de bioinoculants à base de Rhizobium et ont donné des résultats fiables. Ceci a été prouvé par Khanh et al. (2009) qui ont trouvé des résultats comparables à ceux obtenus dans d’autres milieux de culture. 2 1. REVUE DE LITTÉRATURE 1.1 Bioinoculants à base de Rhizobium 1.1.1 Généralités sur les Rhizobium Les Rhizobium sont des bactéries du sol, en forme de bâtonnets et non sporulantes, appartenant à la famille des Rhizobiaceae (Jordan 1952). Ces bactéries présentent la capacité de former une symbiose avec des plantes de la famille des légumineuses (pois, haricot, luzerne, etc.). En condition de carence en azote, les Rhizobium induisent la formation de nodules au niveau des racines des légumineuses. Ces nodules sont de véritables organes d’échange métabolique entre les bactéries et les plantes. Cette symbiose va permettre aux bactéries de bénéficier d’un micro habitat exceptionnellement favorable au niveau de l’hôte leur procurant un apport en substrats carbonés issus de la photosynthèse. En échange, ces bactéries vont fixer et réduire l’azote atmosphérique en ammonium, directement assimilable par les plantes hôtes. Selon Allen et Allen (1950), la capacité de ces bactéries à former des nodules et à fixer l’azote atmosphérique est le seul critère fiable pour leur identification. En se référant à la classification de plusieurs auteurs, il y a différents genres de la famille des Rhizobiaceae: Rhizobium (R. galegae, R. leguminosarum), Sinorhizobium (S. meliloti, S. fredii, S. teranga, S. saheli), Bradyrhizobium (B. japonicum, B. elkanii), et Azorhizobium (A. caulinodans) (Young et al. 1996; Young 2001; Willems 2006). Un nouveau genre a été découvert récemment par Amarger (2001), elle lui a attribué le nom de Allorhizobium (A. undicicola). La vitesse de croissance est aussi un critère important pour la caractérisation des Rhizobium. Ainsi, on trouve des espèces à croissance rapide (Rhizobium et Sinorhizobium) et d’autres à croissance lente (Bradyrhizobium). Dans ce qui suit on va s’intéresser à l’espèce Sinorhizobium meliloti qui est une bactérie spécifique nodulant la luzerne. 3 Les propriétés compétitives des Sinorhizobium sont liées à leur survie dans le sol, leur relation avec d’autres microorganismes et leur capacité d’utiliser les nutriments (Triplett et al. 1992; Vande Broek 1995; Burgos 1996). Tout déficit dans ces facteurs affecte l’efficacité des Sinorhizobium vis-à-vis de la fixation de l’azote atmosphérique et la nodulation. En plus, ils posent de plus en plus des problèmes limitant l’usage commercial des Sinorhizobium comme biofertilisant (Streeter 1994; Toro 1996). Les Rhizobium qui se caractérisent par une croissance rapide (temps de génération inférieur à 6 heures), comprennent : R. leguminosarum, S. meliloti et R. galegae. Les souches de développant dans un bouillon à base de glucose et d'extrait de levure (YGB), ont un temps de génération de 3,4 à 8,3 h (Martinez-De Drets et al. 1972). Les souches les plus représentatives des Rhizobium ont un temps de génération de 5,5 h (Martinez-De Drets et al. 1972) ou moins (Kennedy et al. 1982). Elles forment des colonies de 2 à 4 mm de diamètre après 3 à 5 jours d'incubation sur gélose à base de mannitol et d'extrait de levure (YMA). 1.1.2 Besoins des Rhizobium en éléments nutritifs Les Rhizobium sont généralement très exigeants en carbone. Le sucrose est le plus conseillé comme source de carbone, le mannitol et le glycérol sont utilisés surtout pour les espèces de Rhizobium à croissance lente. Il a été démontré qu’en présence du glycérol, le temps de génération des Rhizobium est plus court qu’en présence de mannitol, glucose, sucrose et galactose (Arias et al. 1976). La majeure proportion de la matière sèche des Rhizobium est du carbone. L’extrait de levure est utilisé comme source principale d’azote pour la culture des Rhizobium. En effet, une dose de 1 g/L est largement suffisante pour une croissance normale de Rhizobium (Skinner 1977). L’extrait de levure sert aussi comme source de sels minéraux (potassium, calcium, magnésium, etc.), indispensables pour leur croissance (Bruce et al. 1989). 4 Il a été démontré que lors de sa croissance, Sinorhizobium meliloti nécessite de la biotine, du cobalt ou bien de la méthionine (Watson et al. 2001). Toutefois, Jordan (1952) présume que ce type de vitamine n’est pas forcément suggéré pour l’initiation de la croissance des Sinorhizobium. Jordan (1952) a ajouté que la plupart des Rhizobium (y compris Sinorhizobium meliloti) peuvent pousser dans un milieu privé de vitamine mais contenant certains acides aminés tels que : l’histidine, la cystéine et la méthionine. 1.1.3 Établissement de la symbiose La symbiose entre les espèces Rhizobium et les plantes s’effectue avec un hôte spécifique tel que le cas de Sinorhizobium meliloti et la luzerne. Ce processus de symbiose implique des molécules secrétées par les plantes. Ces molécules s’appellent lectines et permettant la reconnaissance de l’hôte et la fixation de l’espèce appropriée de Rhizobium sur des sites spécifiques des radicules (Prescott 1995). Ces lectines produites par les hôtes permettent l’agglomération des Rhizobium (Prescott 1995). De plus, les Rhizobium libèrent des lipopolysaccharides qui pénètrent dans le poil absorbant et dirigent la formation du filament infectieux (Dazzo 1991; Pelmont 1993). Lors du contact de la bactérie avec la racine, le poil aura une forme de crosse et, par conséquent, la bactérie y pénètre et induit la formation d’un filament infectieux par la plante qui s’allonge dans la radicule vers la racine. Le Rhizobium se propage dans le filament infectieux et infecte les cellules adjacentes de la racine qui subiront par la suite des divisions successives et les nodules apparaissent. Les bactéries se multiplient dans les cellules infectées et se développent en ramifications gonflées, nommées bactéroïdes, qui sont responsables de réduire l’azote atmosphérique en ammoniaque. En plus, il y a la production de leghémoglobine et de la noduline dans les bactéroïdes. La noduline formée cause l’élargissement du cortex cellulaire tandis que la 5 leghémoglobine est à l’origine de la couleur rose chez les nodules et permet la régulation de l’oxygène chez les bactéroïdes (Allen et Allen 1950; Prescott 1995). 1.1.4 Conditions de production des Rhizobium Une croissance normale des Rhizobium nécessite une oxygénation et une température appropriées. Lors du processus de fermentation, une augmentation de l’aération est requise et se traduit par une augmentation du taux de croissance (Quispel 1974). La température d’incubation n’est pas un facteur limitant de la croissance des Rhizobium; généralement une température entre 25 et 30°C est suggérée pour une bonne croissance. Le taux d’inoculation influence la concentration du bouillon fermenté. Dans ce cadre, Date et Roughley (1977) ont proposé une inoculation de 0.1 à 1%. Bissonnette et al. (1986) ont suggéré un volume d’inoculum de 1 à 3% tout en tenant compte du milieu de culture. La Figure 1 montre la cinétique de croissance de Sinorhizobium meliloti (Sm) dans son milieu synthétique (YMB) et dans les eaux usées d’amidon (EUA). Sm- YMB 4 e+ 9 Sm- EUA Cellules (UFC/ml) 3 e+ 9 2 e+ 9 1 e+ 9 0 20 40 60 80 100 T e m p s (h ) Figure 1 Courbe de croissance de Sinorhizobium meliloti (Rojan 2010, modifiée) 6 Le Tableau 1 montre, pour sa part, différentes conditions de conservation des cultures de Rhizobium. Tableau 1 Méthodes de maintenance, caractéristiques principales et viabilité des cellules selon différentes méthodes pour la conservation des cellules de Rhizobium Méthode Agar Agar Billes de porcelaine Sol, tourbe ou argile Bandes de papiers Congélation Lyophilisation Caractéristiques Milieu avec extrait de levure, mannitol, sel, 5-6°C, simple et faible cout Couvert avec de minéraux stériles ou huile de paraffine, Cellules sèches en suspension dans un ‘’porcelaine’’ stérile De préférence avec des hautes capacités de rétention d’eau, avoir des propriétés chimiques intéressantes, stériles Bandes de papiers ou disque plein de suspensions de bactéries séchées conservées au réfrigérateur Gamme de température :-70°C- 190°C, au congélateur ou azote liquide. La Viabilité dépend du milieu de culture, vitesse de congélation, température de congélation, bonne viabilité prouvée après un nombre de collections après 15-20 ans La viabilité dépend de l’état physiologique de la culture, la concentration des cellules, le milieu de culture, le taux de lyophilisation, température ordinaire des chambres. 1.2 Bioinoculants à base de Trichoderma viride 1.2.1 Généralités sur le Trichoderma Viabilité Une année 2 années 2 années 2-4 années 6 mois Mois-années Mois-Années La production d’agents de lutte biologique (ALB) à base de Trichoderma viride date depuis longtemps et a été révisée au cours des dernières décennies par plusieurs scientifiques qui lui ont attribuée une importance en agriculture pour la lutte contre les maladies causées par les pathogènes. Ce champignon (Trichoderma viride) est caractérisé par une croissance rapide, une grande capacité à la compétition saprophytique (Mouria et al. 2005) et parasite le mycélium 7 d’autres champignons. Les Trichoderma sont très efficaces pour la lutte contre les maladies des plantes reliées aux sols, aussi bien que pour la dégradation de composés toxiques présents dans les sols. Les sols inoculés protègent les cultures et garantissent un milieu sain pour un développement normal de la végétation (Harman 2000). En effet, ce champignon secrète de multiples enzymes, antibiotiques, hormones qui sont utiles pour la croissance des plantes et leur confèrent une protection contre les pathogènes. Il en résulte aussi une amélioration du contenu du sol en nutriments. La présence de Trichoderma dans le sol joue à la fois un rôle préventif et curatif (Harman et al. 2004; Singh et al. 2007). Il a été prouvé que la souche T-22 de Trichoderma est capable d’augmenter le développement des racines chez le maïs et chez d’autres plantes (Harman 2000; Harman et al. 2004). Cet effet peut durer toute la vie des plantes annuelles et peut être induit par l’ajout de petites quantités de bioinoculants à base de Trichoderma viride appliqués sur les semences (moins de 1 g/ha). Trichoderma est un champignon du sol, filamenteux, connu comme un agent de biocontrôle efficace contre certains pathogènes du sol. Il est l’agent de biocontrôle le plus étudié contre les phytopathogènes. Weindling et Emerson (1936) ont démontré que Trichoderma est capable de secréter une substance extracellulaire, appelée « Gliotoxine », capable de dégrader les pathogènes. Trichoderma est un genre de champignon à reproduction asexuée qui se caractérise par des colonies à croissance rapide et colonise les plantes ligneuses et les herbacées. Les Trichoderma présentent une diversité génétique très élevée et peuvent être utilisés pour produire des produits à intérêt écologique et commercial marqué. Ils produisent des protéines extracellulaires et sont connus comme meilleurs producteurs d’enzymes dégradant la cellulose et la chitine en plus d’autre enzymes à différents usages qui ont été identifiés (Haran et al. 1996; Harman et al. 2004). Trichoderma viride est efficace pour le contrôle de Rizoctonia solani, un 8 champignon qui cause la fonte des semis et la pourriture des racines, cependant, soixante-dix souches de Trichoderma y compris T. viride, T. harzianum et T.aureoviride ont été testés contre le R. solani in vitro et ont montré une inhibition totale de la croissance de R. solani. Les recherches récentes ont prouvé que les Trichoderma sont des opportunistes qui vivent en association bénéfique avec des plantes autant qu’ils sont des parasites pour quelques champignons. Au moins quelques souches établissent une colonisation robuste et durable au niveau des surfaces racinaires et pénètrent jusqu’à l’épiderme ce qui améliore la croissance racinaire, la productivité, la résistance au stress abiotique et l’assimilation et l’utilisation des nutriments (Harman et al. 2004). Trichoderma a été connu comme producteur de substances antibiotiques et parasite d’autres champignons (Lindsey et al. 1967; Chang et al. 1986). Le parasitisme de T. viride, par exemple, est défini par la sécrétion d’un type d’enzyme incluant les cellulases, les chitinases et des antibiotiques, tel que la gliotoxine (Haran et al. 1996). Des récentes recherches ont montré que T. viride est un améliorateur de croissance chez le soja (Harman 2001), il protège la tomate, le piment (Verma 2007) et quelques cucurbitacées contre les phytopathogènes. Harman et al. (2004) ont ajouté que la colonisation des racines par Trichoderma améliore la croissance et le développement de ces derniers, la productivité, la résistance au stress abiotique et le prélèvement et l’utilisation des nutriments. Le maïs répond généralement à l’ajout de fertilisants riches en azote par l’amplification de l’intensité de la couleur verte, une bonne croissance et un rendement maximum. Cependant, les plantes de maïs issues de semences traitées avec Trichoderma T-22 ont donné un rendement maximum avec un fertilisant contenant 40% moins d’azote par rapport à des semences non traitées avec T-22 (Harman 2000, 2001). 9 1.2.2 Production de Trichoderma Trichoderma pousse généralement dans les PDA (Potatoes Dextrose Agar) ou TSA (Tryptic Soy Agar). Il est connu que Trichoderma pousse mieux dans le PDA (Ubalua et al. 2007; Verma 2007), les autres milieux comme le TSA sont rarement utilisés. Trichoderma a été produit dans des milieux complexes comme les eaux usées et les boues municipales et a donné d’excellents résultats (Verma 2007). Il a été démontré également que Trichoderma pousse dans des préparations à base des parois cellulaires de l’orge (Kanauchi et al. 2001), avec une croissance maximale à une température de 30°C. La croissance à une température entre 30 et 35°C est caractérisée par la sécrétion élevée de protéines qui explique le fait d’une forte synthèse d’enzymes à cette température. Davet et Comporota (1986) ont mis au point une technique de production d’inoculum de Trichoderma à partir d’un milieu renfermant du blé et de la farine d’avoine. Afin de sélectionner un substrat qui pourrait procurer aux Trichoderma un plus grand pouvoir compétitif vis-à-vis des microorganismes telluriques, cinq types de farines à diverses concentrations ont été testées sur l’inoculum initial de trois souches de Trichoderma. Davet et al. (1981) ont démontré que le milieu à base de paille de blé permet une plus longue conservation des souches de Trichoderma que les milieux de synthèse ou le sol dénué de support nutritif. La paille favorise l’émission par les Trichoderma d’antibiotiques volatils (Davet 1983). Le Tableau 2 montre l’effet de différents déchets agro-industriels sur la densité de Trichoderma. 10 Tableau 2 Effets de différents déchets agroindustriels sur la densité cellulaire de Trichoderma Harzianum (Singh et al. 2007) Déchets agroindustriels Pseudotronc Banane Compost Maïs Farine de maïs Balle de Riz Sciure Grain de sorgho Feuilles de thé usagées Son de blé UFC/g Jours 30 5.8 x 106 7.3 x 106 5.4 x 106 3.3 x 107 6.4 x 107 4.4 x 106 2.1 x 107 8.0 x 108 2.4 x 107 60 5.5 x 106 7.3 x 106 5.4 x 106 3.3 x 107 6.4 x 107 4.3 x 106 2.1 x 107 8.0 x 108 2.1 x 107 90 5.1 x 105 5.3 x 106 3.8 x 106 3.0 x 107 6.2 x 107 4.1 x 106 1.9 x 107 8.0 x 107 2.0 x 107 120 4.8 x 105 4.3 x 106 3.4 x 106 5.8 x 106 5.9 x 107 3.8 x 106 1.6 x 107 7.8 x 107 2.0 x 107 150 4.2 x 104 5.5 x 105 5.3 x 105 6.7 x 105 1.2 x 106 3.1 x 106 1.5 x 107 7.5 x 107 9.8 x 106 180 3.1 x 104 5.9 x 105 7.9 x 104 6.0 x 105 7.8 x 105 2.7 x 106 3.3 x 106 6.5 x 107 6.4 x 106 210 2.6 x 104 2.5 x 104 2.4 x 104 8.3 x 104 5.2 x 104 2.4 x 104 2.1 x 104 6.1 x 104 5.7 x 104 1.2.3 Formulations à base de Trichoderma Le comportement antagoniste des espèces fongiques du genre Trichoderma a été abordé dans de nombreux travaux de recherche. Il a été démontré que si l’activité de défense d’un agent biologique n’est pas liée à la taille de sa population, le maintien de tout inoculum assure une action prolongée (Davet 1983). L’application des agents fongiques comme le genre Trichoderma pour contrer les phytopathogènes nécessite des quantités importantes d’inocula avec une formulation permettant une bonne croissance de l’agent de biocontrôle par rapport aux espèces pathogènes. Davet et al. (1981) ont montré que l’inoculum de Trichoderma, sous forme d’une simple poudre de spores, appliqué à un sol non stérile, se maintient difficilement et y est peu actif. Pour éviter ce problème, il faudra absolument introduire le champignon Trichoderma dans un genre de substrat lui permettant d’échapper aux microorganismes du sol. Plusieurs substrats ont été testés pour la formulation d’inocula à base de Trichoderma. Ainsi, le son du blé a été largement utilisé pour la formulation des inocula de plusieurs antagonistes dont Trichoderma (Rovira 1969; Chet et al. 1979; Aziz et al. 1997). Une formulation de son de blé à base de 11 Trichoderma harzianum a réduit la fonte de semis, dû au Pythium, de 77% contre 32,4% par une simple suspension sporale de Trichoderma (Mukherjee et al. 1989). Cette formulation a été aussi très efficace pour le contrôle contre Sclerotium rolfsii (Chet 1987). La population existante des Trichoderma qui se trouve dans les terres agricoles ne dépasse pas 102 UFC/g de sol (Chet 1987). Chet et Backer (1979) ont démontré que la concentration minimale exigée pour les sols doit être autour de 106 UFC/g de sol. 1.2.4 Mode d’action de Trichoderma Généralement, Trichoderma inhibe ou dégrade la pectinase et d’autres enzymes qui sont essentiels pour les phytopathogènes. En plus de son effet inhibiteur des phytopathogènes, Trichoderma est aussi capable d’induire une résistance localisée et systématique. L’amélioration de la croissance des plantes par Trichoderma peut prendre lieu soit au niveau de la plante (Lindsey et al. 1967; Yedida et al. 2001), soit au niveau du sol (Chang et al. 1986; Harman 2000). L’induction de la résistance chez les plantes par Trichoderma a été étudiée et comparée avec les réponses induites par les rhizobactéries. Trichoderma est résistante aux cyanures et produit deux différentes enzymes qui sont capables de dégrader les cyanures dans la zone racinaire (Ezzi et al. 2002). Par la suite, ce champignon peut augmenter la croissance racinaire, détruit les métabolites toxiques produits par la microflore et contrôle directement les pathogènes des racines. Des observations microscopiques sur des cultures de différents champignons ont montré que Trichoderma croit parallèlement avec Rizoctonia Solani. Toutefois, Trichoderma s’enroule autour du Rizoctonia solani et forme des crochets empêchant ainsi le développement de celle-ci (Shalini et al. 2007). 12 1.2.5 Interaction avec les plantes et mycoparasitisme Trichoderma est très connu pour sa capacité de coloniser les racines des plantes, d’autre part les conidies de Trichoderma ont été appliquées aux fruits, fleurs et feuillage et les racines (Elad 1994; Harman 2000). La pénétration de Trichoderma au niveau du tissu racinaire est généralement limitée au niveau de la première couche ou bien la couche secondaire des cellules racinaires (Yedidia et al. 1999, 2000; Metcalf et al. 2001). 1.2.6 Association plante-Trichoderma Quelques souches de Trichoderma sont capables de coloniser seulement des sites locaux au niveau des racines, en contrepartie, d’autres souches compétentes de la rhizosphère colonisent la surface racinaire au complet pour plusieurs semaines (Thrane et al. 1997) ou mois (Harman 2000). 1.2.7 Éliciteurs biochimiques de la résistance aux maladies Trois classes de composés secrétés par Trichoderma induisant la résistance aux maladies sont identifiées. Ce sont des protéines à fonction enzymatique ou autres fonctions, des protéines homologues encodées par des gènes de virulence, des oligosaccharides et, enfin, d’autres composantes de faible poids moléculaire qui sont libérées à partir des parois cellulaires (Harman et al. 2004). Avant la découverte de l’induction de la résistance chez les plantes par Trichoderma, il y avait la protéine 22-k Da xylanase qui est secrétée par plusieurs espèces de Trichoderma (Yedidia et al. 1999). Cette protéine est capable de déclencher la production d’éthylène et la défense des plantes (Fuchs et al. 1989; Anderson 1993). Il est important de mentionner le mode d’acheminement de cette protéine. En effet, cette protéine est transloquée via le système vasculaire du tabac après avoir été introduite aux pétioles (Bailey et al. 1991). Il 13 fallait donc que la translocation de cette protéine aie lieu dans la plante elle-même et non pas uniquement au niveau des pétioles. 1.2.8 Effets de la colonisation des racines sur le métabolisme de la plante (effet bénéfique) Plusieurs études ont montré que la colonisation des racines résulte de l’augmentation des enzymes de défense incluant différentes peroxidases, chitinases, ß-1,3-glucanase et la voie de lipoxygenase hydroperoxide lyase (Yedidia et al. 1999, 2003; Howell et al. 2000; Harman et al. 2004). La fixation de Trichoderma sur les racines des plantes favorise l’absorption et la concentration de quelques éléments nutritifs (cuivre, fer, phosphore, manganèse et le sodium) à partir de la solution du sol (Yedidia et al. 2001). Cette augmentation de l’absorption des éléments nutritifs indique une amélioration du mécanisme actif d’absorption des éléments nutritifs. En outre, Huaying (1998) ainsi que Liansheng et Weihua (2000) ont rapporté que le mycoparasitisme fait partie du mécanisme de biocontrôle de Trichoderma contre Botrytis Cinerea. Yedidia et al. (2000) ont prouvé que l’association de Trichoderma avec les racines réduit les maladies des racines par l’activation de la réponse de la défense des plantes. La présence de T-22 dans certains types de fertilisants augmente l’efficience de ce fertilisant en azote. Cet azote est utilisé par le maïs qui est capable de réduire la pollution des eaux de surface ainsi que les eaux souterraines. En plus de son efficience vis-à-vis de l’azote, cet organisme aide à assimiler différents éléments présents dans la solution du sol tels que l’arsenic, le cobalt, le cadmium, le chrome, le nickel, le plomb, le vanadium, le magnésium, le manganèse, le cuivre, le bore, le zinc, l’aluminium et le sodium. Il y a probablement des souches de Trichoderma autre que la T-22 qui sont capables de solubiliser différents nutriments comme les roches phosphate, le Fe3+, Cu2+, Mn2+, et Zn0 qui peuvent être non disponibles dans certains sols ou bien existent sous forme non assimilable, tels que les chélates (Altomare et al. 1999). Altomare (1999) a ajouté que 14 T-22 réduit les ions métalliques oxydés pour augmenter leur solubilité et produire les sidérophosphores qui chélatent le fer (Figure 2). Figure 2 Photomicrographies de Trichoderma viride Tableau 3 Pourcentage cumulé des racines pourries au cours du stockage de manioc inoculés par T. viride et post récolte des agents pathogènes (Horsfall et al. 1945; Michaud et al. 1985) Traitement Non inoculé (contrôle) B. theobromae Aspergillus flavus Fusarium solani Rhizopus oryzae Trichoderma viride (antagoniste) Trichoderma viride+ B. theobromae Trichoderma viride+ Aspergillus flavus Trichoderma viride+ Rhizopus oryzae Trichoderma viride + Fusarium solani Une semaine 4 8 6 9 4 0 3 1 2 1 15 Deux semaines 12 16 20 15 24 0 0 1 0 1 Trois semaines 28 20 44 35 30 0 0 2 0 3 Le Tableau 3 illustre bien les caractéristiques de Trichoderma en tant qu’agent de lutte biologique contre des pathogènes, ceci est en accord avec la plupart des études antérieures portant sur Trichoderma. 1.2.9 Interaction Trichoderma-Rhizobium Les agents prometteurs de la croissance végétale (PGPM), ainsi les agents de contrôle biologique (BCA) possèdent des effets bénéfiques secondaires qui peuvent augmenter leur utilisation comme bioinoculants sans tenir compte de leurs rôles primordiaux. En effet, les PGPM tels que Rhizobium sont supposés améliorer la croissance des plantes et la production (premier effet). Il a été démontré aussi que les Rhizobium réduisent l’incidence des maladies des racines chez la luzerne comme un rôle de lutte biologique (effet secondaire) (Tu 1978; Tan 1986). Contrairement aux PGPM, les BCA comme Trichoderma peuvent contrôler les maladies (effet primaire) et aussi stimuler la croissance végétative (effet secondaire) en absence des pathogènes (Avis et al. 2008). Pour compléter tout déficit de contrôle (croissance ou maladie), un mélange de bioproduits est suggéré afin d’améliorer la situation. Des études faites par Rajeshkannan et al. (2007), Dubey (2007) et Whipps et al. (2001) ont prouvé l’effet bénéfique de la combinaison de différents microbes à la fois par rapport à une application individuelle. Cette constatation a été prouvée par Haque et al. (1992) qui ont remarqué que l’usage combiné de Trichoderma spp. et Sinorhizobium meliloti a diminué l’effet toxique de Macrophomina phaseolina chez des plantes de fenugrec et soja (Ali et al. 1991) de 30 et 60 jours d’âge. Haque et al. (1992) ont aussi remarqué que l’utilisation combinée de Trichoderma viride et Sinorhizobium meliloti a fait disparaître complètement l’infection par Fusarium spp. chez des plantes à l’âge de 30 jours tandis que pour des plantes à l’âge de 60 jours, plus que 50% de réduction de l’infection a été enregistrée, soit par l’utilisation individuelle de Trichoderma spp. et du Sinorhizobium meliloti, 16 soit par l’utilisation des deux bioproduits combinés en pulvérisant les sols, ou bien par enrobage des graines. D’autres études qui portaient sur l’effet combiné de Trichoderma et Rhizobium ont démontré une diminution importante de la fréquence des souches causant la pourriture du collet des plantes d’arachides suite à l’usage combiné de Rhizobium et Trichoderma (Ganesan et al. 2007). Dans la plupart des cas, l’utilisation combinée de bioproduits, tels que : Rhizobium et Trichoderma spp, améliore la croissance, augmente le taux de germination, l’absorption des nutriments, la hauteur des plantes, la nodulation et la biomasse totale chez le pois chiche par rapport à l’utilisation individuelle des différents bioproduits (Rudresh et al. 2005). 1.2.10 Inconvénients de Trichoderma Bien que Trichoderma et d’autres champignons infectent les racines, ils ne sont pas considérés comme des agents pathogènes. Cependant, dans quelques cas, des souches de Trichoderma spp. sont pathogènes pour les plantes et ont causé des maladies des cultures telles que le pommier et la luzerne, d’autres souches peuvent aussi produire des métabolites phytotoxiques en masse (Bailey et al. 1998). Il y a des producteurs d’enzymes qui sont nécessaires pour dégrader les parois cellulaires des plantes (Haran et al. 1996). Ainsi, le fait que Trichoderma spp. infecte les racines et a la capacité d’être un phytopathogène, son infection reste superficielle et un phénomène remarquable. Cependant, il a été démontré qu’après une pulvérisation foliaire par des conidies, les spores ont germé et plusieurs Trichoderma ont été observés (Nelson et al. 1998). Ainsi, quelques souches de Trichoderma peuvent coloniser la surface foliaire dans des conditions bien déterminées. D’après des travaux antérieurs, le biocontrôle ne devra pas dépendre du développement de Trichoderma sur la surface foliaire, comme la présence du pathogène peut induire une résistance systématique ou bien affecte négativement la croissance ou la pénétration du pathogène au niveau de la plante (Elad et al. 1999). 17 1.3 Généralités sur les Fusarium 1.3.1 Systématique du genre Fusarium Le genre Fusarium a été découvert par Link en 1809 et délimité dans son sens actuel par Appell et Wollenweber (1910) et correspond à la forme de reproduction asexuée. Il appartient aux Deutéromycètes, ordre des Hyphales, famille des Tuberculariacées et constitue un groupe de champignons (Hyphomycètes) représenté dans la nature par une majorité d’espèces saprophytes ou parasites de faiblesse appartenant aux sous-groupe des hyphomycètes à conidiophores réunis en sporodochia, au sein desquelles peuvent se différencier des formes plus au moins spécialisées et douées d’une véritable virulence (Nasraoui 2000b). Le cycle de ce champignon est généralement divisé en deux périodes: une première réalisée par la forme imparfaite (reproduction asexuée) et une seconde caractérisée par une reproduction sexuée (forme parfaite). Il peut aussi être constitué d’une seule forme correspondant à la reproduction asexuée continue qui se renouvelle et se perpétue par les conidies, c’est le cas de Fusarium roseum var culmorum. Dans le cas d’une reproduction asexuée, les Fusarium produisent des macro-conidies pluricellulaires en forme de croissant, d’autres formes peuvent être aussi présentes, constituées par des micro-conidies unicellulaires, ovoïdes ou piriformes et des chlamydospores arrondies ou cylindriques (Booth 1977). La forme parfaite se rattache aux Hypocréacées, ordre des Sphaeriales et classe des Ascomycètes. La présence ou l’absence de macro- et micro-conidies, de chlamydospores ainsi que la couleur et la forme de Fusarium sont les caractères de classification utilisés couramment pour l’identification des espèces du genre Fusarium (Nasraoui 2000b). 18 1.3.2 Dégâts de la fusariose Les espèces du genre Fusarium sont des pathogènes responsables des pertes économiquement importantes chez la majorité des cultures. Ils attaquent tous les organes végétatifs et reproducteurs des plantes (Gargouri 2003). Ces agents pathogènes peuvent causer la fonte de semis, la pourriture des racines et du collet (Pauvert 1984). 1.3.3 Fonte de semis (Seedling blight) La fonte de semis est due à des semences contaminées et elle est fréquente dans les régions humides où la maladie de l’épi prédomine (Gargouri et al. 2001). Moins fréquemment, cette maladie peut être causée par l’inoculum présent dans le sol ce qui est généralement le cas des régions arides (Gargouri 2003). La maladie peut se traduire par des manques à la levée. En effet, la germination a eu lieu mais les racines meurent au cours de leur développement ou elles sont partiellement nécrosées. Les premiers symptômes apparaissent sur la jeune coléoptile qui porte des lésions nécrotiques, le parasite pénètre ensuite dans les racines primaires et les premières feuilles n’atteignent pas la surface du sol (Anatasoff 1920). La fonte de semis due au Fusarium se manifeste tardivement, elle est localisée dans les zones les plus sèches. Parfois, la maladie se traduit par le dessèchement brutal de jeunes plantules qui restent dressées. Dans le cas d’une infection sévère, les racines latérales avortent ou encore sont détruites dans un stade assez jeune (Mrabet 1998). La fonte de semis est responsable d’une réduction de rendement qui peut atteindre 17% (Gargouri 2003). 19 1.3.4 Pourriture des racines (Root rot ou common root rot) La pourriture des racines appelée aussi la pourriture commune est une maladie qui apparaît chez les plantes âgées et se manifeste par une infection des parties souterraines. Elle est due à la présence de l’inoculum dans le sol, aux débris végétaux infectés ainsi qu’aux semences contaminées. L’infestation a lieu dans les régions où la pluviométrie est déficiente (Gargouri et al. 2001). La maladie cause la destruction des tissus des racines, du rhizome et de la partie souterraine de la tige. Les symptômes typiques se caractérisent par une coloration brune ou noire. Ce brunissement peut progresser vers le plateau de tallage et très peu vers la tige. Les symptômes peuvent se traduire, mais moins fréquemment que la pourriture du pied, en des épis blancs prématurés (Gargouri 2003). 1.3.5 Pourriture du pied (Foot rot ou dry land foot rot) La pourriture du pied est une maladie grave des grandes cultures, céréales et plantes fourragères, dans les régions arides et semi-arides pouvant occasionner des pertes élevées du rendement. Les conditions climatiques de la Tunisie par exemple favorisent le développement de cette maladie (sol sec quand les plantes sont jeunes). En effet, selon les travaux menés par Ghodbane et al. (1974), les pertes du rendement dues à la fusariose étaient de l’ordre de 44%. Cette maladie est due principalement aux champignons présents dans le sol sous forme de chlamydospores, de mycélium et débris végétaux infestés enfouis dans la couche superficielle du sol. Les pathogènes pénètrent par le coléoptile, le rhizome ou les racines secondaires (Burgess et al. 1981). L’infection reste latente et ne se développe que si la plante se trouve dans les conditions de stress hydrique pendant ou juste après la floraison (Gargouri 2003). Lorsque l’attaque du collet est précoce, le champignon peut attaquer les différentes gaines et détruire la jeune plante. 20 1.3.6 Cycle biologique de la maladie Le Fusarium avenaceum, responsable d’importants dégâts durant tout le cycle vital de la plante hôte, chez les légumineuses, est transmis essentiellement par les semences, mais peut aussi prévenir du sol où il se conserve sous forme de spores durables. Parasitant les caryopses, le Fusarium peut être présent à la surface, soit à l’état de spores libres, soit sous forme de petites colonies mycéliennes. Plus fréquemment, il est interne et se localise dans le péricarpe ou plus profondément dans les téguments séminaux et l’embryon. Présent autour de ce dernier sous forme de mycélium, les caryopses germent et donnent des plantules qui présentent des faciès caractéristiques durant le cycle vital de la plante hôte (Champion 1997). Les plantules détruites par le parasite, en pré-émergence comme en post-émergence, constituent une source de contamination par des plantes voisines, c’est le premier foyer infectieux. En effet, le parasite édifié sur la plantule détruit des coussinets sporifères qui sont les spores entraînées par le vent et par la pluie. Ces spores vont infecter les autres plantes ou contaminer le sol. Au cours des périodes successives de croissance jusqu’à celles de la reproduction de la plante puis la maturité des graines, le Fusarium, d’abord localisé au niveau des parties souterraines, se développe et sporule abondamment (Figure 3). Il constitue ainsi un deuxième foyer d’infection qui favorise la dissémination de la maladie aux plantes voisines. La maladie se perpétue, ainsi d’une année à une autre, soit par les caryopses infectés qui hébergent le parasite, soit par les spores formées sur la plante parasitée durant tout le cycle végétatif, soit enfin par contamination du sol (Mrabet 1998; Caron 2000). 21 Figure 3 Cycle de Fusarium spp. : Illustration des différents modes d’action (Caron 2000, modifiée) 1.3.7 Pourriture des racines et du collet chez la luzerne causée par Fusarium avenaceum Fusarium avenaceum est connu comme un pathogène affectant plusieurs cultures particulièrement la luzerne. Il a été démontré que Fusarium avenaceum est responsable de la pourriture des racines et du collet chez la luzerne. La pourriture des racines et du collet chez la luzerne, dont Fusarium est la cause principale, est un facteur significatif dans la réduction du rendement (Salter et al. 1994) et de la longévité chez la luzerne (Millergarvin et al. 1994). D’après une étude menée en Alberta par Hwang et al. (1989) dont l’objectif est d’identifier les maladies liées à la luzerne et causées par Fusarium, F. avenaceum a été démontré susceptible de causer la pourriture des racines et du collet de 21% de la culture de luzerne installée. Richard et al. (1985) ont ajouté que l’infection avec Fusarium affecte le processus physiologique chez la 22 luzerne et réduit son potentiel d’atteindre le maximum de résistance au froid. Il a été démontré que toutes les variétés de luzerne recommandées sont susceptibles de subir la pourriture des racines et du collet (Michaud et al. 1985). F. avenaceum a été démontré comme un champignon pathogène prédominant qui cause la nécrose au niveau des racines parmi une série d’espèces de Fusarium (Kalb et al. 1994). Dans le cadre de comparaison du degré de pathogénicité, F. avenaceum a été démontré le moins pathogène pour la luzerne par rapport à F. Solani, F. acuminatum, F. oxysporum et F. sambucinum (Uddin et al. 1991). Des considérations primaires devront être prises durant les pratiques agronomiques comme la sélection de variétés résistantes aux conditions climatiques extrêmes, une fertilisation et découpage appropriés qui sont des facteurs prometteurs de la croissance chez la luzerne. 1.4 Luzerne La luzerne (Medicago sativa L) est une herbe vivace de la famille des légumineuses qui mesure de 30 cm à 70 cm de hauteur. Elle est utilisée généralement pour l’alimentation des bétails. Elle a été utilisée par les arabes en matière d’élevage chevalin. Ce sont les premiers qui l’ont utilisée pour augmenter la valeur nutritive de l’alimentation destinée à leurs bétails. Elle constitue un bon apport en protéines. Sa culture étant relativement facile, son utilisation comme fourrage pour le bétail s'est rapidement répandue dans le monde entier (Lefrançois et al. 2009). 23 1.5 Problématique Les fertilisants et les pesticides chimiques sont des menaces pour l’agriculture. En effet, ces produits affectent la fertilité des sols et changent la qualité des produits. Les rejets des industries alimentaires se sont accentués durant les dernières décennies et le problème de gestion de ces rejets s’est posé partout. L’utilisation de ces rejets comme milieux de culture pour les biopesticides et les biofertilisants est devenue un moyen pratique pour la production de biofertilisants et biopesticides à moindre coût, étant donné que la matière première (rejet = milieu de culture) est disponible en masse. Différents travaux dont le but est de produire des biofertilisants et des biopesticides ont été abordés et ont abouti à des bons résultats. Des études antérieures ont montré que la combinaison des différents produits à la fois est plus efficace qu’un seul produit. Le problème qui se pose dans la présente étude est comment avoir un produit biologique combiné de deux bioproduits à base de Sinorhizobium meliloti et de Trichoderma viride produit dans les eaux usées d’amidon. Comment produire une combinaison des deux bioproduits et comment l’appliquer sur les cultures concernées. 1.6 Objectifs de la recherche L’objectif principal de ce projet est l’optimisation d’un mélange Sinorhizobium melilotiTrichoderma viride pour la production d’un biofertilisant ou biopesticide combiné en évaluant la capacité des eaux usées d’amidon à supporter la croissance des microorganismes étudiés et en se basant sur des paramètres de production déjà optimisés (Ben Rebah 2001). Le mélange étudié est appliqué par la suite sur la luzerne pour évaluer son effet sur des paramètres bien précis. Les objectifs spécifiques de ce travail sont : 24 Obtenir une meilleure combinaison du mélange Trichoderma viride- Sinorhizobium meliloti; Étudier l’efficacité du mélange sur l’amélioration de la croissance (biofertilisant); Étudier l’efficacité du mélange pour la lutte biologique contre les pathogènes (biocontrôle contre Fusarium avenaceum). 1.7 Hypothèses de travail Les hypothèses de travail sont les suivantes : Sinorhizobium meliloti et Trichoderma viride sont deux microorganismes qui vivent en synergie; Sinorhizobium meliloti et Trichoderma viride augmentent la croissance chez les légumineuses en particulier la luzerne; En plus de son rôle comme améliorateur de croissance, Trichoderma viride est un agent de lutte biologique contre les maladies des racines causées par certaines espèces, telle que Fusarium avenaceum. 25 2. MATÉRIEL ET MÉTHODES 2.1 Effets de l’interaction Sinorhizobium meliloti-Trichoderma viride sur la nodulation et la croissance 2.1.1 Production d’inocula à base de Sinorhizobium meliloti La bactérie utilisée est Sinorhizobium meliloti souche A2 (Agriculture et Agroalimentaire Canada, Sainte-Foy, QC, Canada). Les eaux usées d’amidon ont été stérilisées à l’autoclave à 121°C pendant 15 min après avoir ajusté leur pH à 7 à l’aide de HCl, H2SO4 et NaOH. Les bactéries ont été cultivées sur un milieu solide (gélosé) à base de mannitol, dont la composition est citée ci-dessous, et d’extrait de levure (YMA: Yeast Mannitol Agar). La culture a été par la suite incubée dans une étuve à 30°C pendant 48 h. La souche a été conservée à 4°C pour des utilisations ultérieures. Le milieu de culture YMA contient (g/L): K2HPO4: 0.5; MgSO4.7H2O: 0.2; extrait de levure: 1; NaCl: 1; Mannitol: 10; Agar : 15. 2.1.2 Préparation de l’inoculum et fermentation Des Erlenmeyers de 500 ml ont été utilisés pour la préparation des inocula. Chaque Erlenmeyer contenait 100 ml de bouillon à base de mannitol et d’extrait de levure YMB (Yeast Mannitol Broth). Le YMB contient (g/L): K2HPO4: 0.5; MgSO4.7H2O: 0.2; extrait de levure: 1; NaCl: 1; Mannitol: 10. Les bouillons de culture, dont le pH a été ajusté à 7, ont été stérilisés à l’autoclave (121°C, 20mn). Une fois refroidis, les bouillons ont été ensemencés avec un inoculum cultivé auparavant 27 sur la gélose (YMA) à l’aide d’un fil à boucle et ont été incubés pendant 24 h dans un incubateur agitateur (30ºC, 200 rpm). 2.1.3 Culture d’une souche de S. meliloti dans les eaux usées d’amidon La quantité d’eau d’amidon nécessaire pour la fermentation a été stérilisée dans des Erlenmeyers à l’autoclave (121°C, 20 min) après avoir ajusté son pH à 7 puis a été inoculée à l’aide du bouillon de culture préparé dans le milieu standard YMB selon une dose de 3% (v/v). Les Erlenmeyers ont été transférés par la suite dans un incubateur agitateur dans les mêmes conditions que celles du bouillon de départ et incubés pendant 72 h. Le comptage des cellules a été effectué par la technique de dénombrement sur milieu gélosé (YMA) enrichi de Congo rouge (0,25%), pour distinguer les colonies de la gélose, suite à une série de dilutions (NaCl 0.85%) appropriées selon la méthode de Ben Rebah et al. (2001). Le comptage a été fait en trois répétitions. 2.1.4 Production d’inoculant à base de Trichoderma viride La souche utilisée est Trichoderma viride Persoon (ATCC : 9276). L’espèce T. viride a été inoculée dans un milieu synthétique standard (PDA) pendant 4-7 jours à l’obscurité à 26±1ºC (35±2% humidité relative), puis conservée à 4±1ºC. Les inocula ont été préparés dans des Erlenmeyers de 500 ml contenant 150 ml de bouillon à base de dextrose et de bouillon de patate (PDB). Ces bouillons ont été stérilisés à l’autoclave (121±1ºC, 15 min) après avoir ajusté leur pH à 6±1. Après un refroidissement, ils ont été ensemencés avec la colonie déjà cultivée sur une gélose PDA, puis incubés pendant 48 h dans un incubateur agitateur (28±1ºC, 250±5 rpm). Après 48 h d’incubation, le bouillon a été gardé à 4±1ºC pour l’inoculation des milieux à base des eaux usées d’amidon. Des échantillons de 150 ml des eaux usées ont été stérilisés (121±1ºC, 15 min) dans des Erlenmeyers de 500 ml après avoir ajusté leur pH à 6±1, puis inoculés (10% v/v) après 28 avoir été refroidis. Les Erlenmeyers ont été par la suite transférés dans un incubateur agitateur (96 h, 28±1ºC, 250±5 rpm) et des prélèvements à des intervalles de 6-12 h ont été faits pour suivre la croissance de la souche cultivée (Bottomley et al. 1994; Verma 2007). 2.2 Tests de nodulation 2.2.1 Tests de nodulation en sachets de croissance Les sachets de croissance sont des gaines en papier brun ayant un repli en haut qui permet de déposer les semences (megainternational-USA : [email protected]). Ces sachets sont conçus pour des essais de germination et l’étude des interactions plante-microorganismes. Cette sorte de papier brun est plongée dans une enveloppe en plastique qui permet de mettre de l’eau dans le fond qui remontera par capillarité et répondra aux besoins des plantes. Ces sachets sont généralement stériles, mais une fois exposés à l’air, il faut les autoclaver en les couvrant avec du papier aluminium. Stérilisation des graines Des graines de luzerne cv. Saranac (Agriculture et Agroalimentaire Canada, Sainte-Foy, QC, Canada) ont été désinfectées en surface (alcool éthylique 95%, 2 min, hypochlorite de sodium NaOCl à 5%, 10 min; cinq rinçages ont été effectués avec de l’eau distillée stérile) (Ben Rebah 2001). Solution nutritive La solution nutritive stérile (sans azote) est composée comme suit (mg/L d’eau distillée) : 174 mg de K2HPO4, 136 mg KH2PO4, 5 mg de citrate de fer, 493 mg MgSO4.7H2O, 147 mg CaCl2 2H2O et 1 ml de la solution de Hoagland (Tableau 4). 29 Tableau 4 Solution de Hoagland et Arnon (1938) Produit H3BO3 MnCl2 4H2O ZnSO4 7H2O CuSO4 5H2O H2MoO4 H2O (85%MoO3) CoCl2 6 H2O H2O Quantité 2.86 mg 1.81mg 0.22 mg 0.008 mg 0.09 mg 0.004 mg 1000 ml Germination des graines et inoculation Des graines de luzerne cv. Saranac ont été désinfectées en surface (alcool éthylique 95%, 2 min) et semées dans des sachets de croissance (10/sachet) contenant 30 ml de solution nutritive chacun. Après 48 h de germination à l’obscurité et à 20°C, les plantules ont été éclaircies à 5 plantes/sachet, puis inoculées avec les bouillons préparés selon les traitements décrits au Tableau 5. Les sachets ont été transférés dans une chambre de croissance (photopériode de 16 h, température de 20°C le jour et 15°C la nuit) pour une durée de 30 jours. Les plantes ont été arrosées deux fois par semaine avec de l’eau distillée stérile. Tous les essais ont été faits en 5 répétitions. Les doses des deux inoculums ont été de 105 cellules/ml/plante. 30 Tableau 5 Traitements de bioinoculants appliqués à la luzerne lors d'un essai en sachets de croissance Traitement Microorganisme Milieu de culture T1 T2 T3 T4 T5 aucun Rhz Tri Rhz +Tri Rhz+Tri (24h après) Tri+Rhz (24h après) Rhz Rhz T6 T7 T8 aucun EUA EUA EUA EUA Volume de bioinoculants (ml) 5 5 2.5 ml de chacun 2.5 ml de chacun Volume d’eau (ml) ajouté pour compléter à 10 ml 10 5 5 5 5 EUA 2.5 ml de chacun 5 YMB YMB+dilué dans l’EUA 5 5 5 5 Paramètres à mesurer Après 4 semaines de croissance, on a déterminé le nombre de nodules, l’indice nodulaire (Tableau 6) et le poids sec du feuillage. On a aussi déterminé l’indice de maladie des racines dans les essais où les plantes de luzerne ont été inoculées avec le Fusarium avenaceum. L’indice nodulaire est une caractéristique de la croissance chez quelques légumineuses. L’indice nodulaire exprime la qualité de symbiose entre la plante et les microorganismes, c’est une valeur qualitative qui tient compte de la gosseur, du nombre et de la couleur des nodules. Elle se calcule comme le montre le Tableau 6. 31 Tableau 6 Critères et méthode de calcul pour évaluer l'indice nodulaire (Ben Rebah, 2001) Grosseur des nodules Couleur des nodules Nombre de nodules Autres caractéristiques Indice nodulaire 2.2.2 Gros 3 Moyen 2 Petit 1 Rose 2 Blanc 1 Pas de nodules 0 Peu de nodules 2 Beaucoup 3 Sur racine principale P Sur racine secondaire S Sur les racines P et S Forme allongée A Forme ronde R En groupe (grappe) G Isolé I A x B x C=18 maximum Tests de nodulation en pots Des essais de culture ont été réalisés dans des pots de 6’’ (15 cm de diamètre) remplis d’un mélange stérile de terreau-promix. Les graines de luzerne désinfectées en surface ont été semées et pré-germées durant 48 h, puis on a procédé à un éclaircissage de façon à garder 5 plants/pot. Les différents traitements sont décrits au Tableau 7. Tous les essais ont été conduits en 4 répétitions, une dose de 105 cellules/plante, un volume de 10 ml/plante pour garder une certaine humidité et diminuer l’effet des dilutions que peut causer l’arrosage, soit un volume de 50 ml/pot. Un total de 28 pots a été utilisé. Après environ un mois, une coupe au stade de 10% de floraison a été effectuée pour déterminer l’indice nodulaire et le poids sec des racines. Les conditions de croissance sont les mêmes que pour les sachets de croissance. 32 Tableau 7 Tests d’efficacité de S. meliloti et T. viride sur la luzerne Traitement Microorganisme Milieu de culture Volume de bioinoculants (ml) Volume d’eau (ml) Ajouté pour compléter à 10 T1 T2 T3 T4 T5 T6 T7 aucun Rhz Tri Rhz +Tri Rhz Tri Rhz+Tri EUA EUA EUA YMB PDB YMB-TPDB 5 5 2.5 ml de chacun 5 5 2.5mL de chacun 10 5 5 5 5 5 5 Tests de nodulation avec forte dose de S. meliloti (108 UFC/ml/plante) Suite aux résultats des premiers tests indiqués ci-dessus, d’autres tests ont été faits en augmentant la concentration du S. meliloti (108 UFC/ml/plante) en suivant les traitements mentionnés au Tableau 7. 2.3 Étude de l’effet du mélange S. meliloti - T. viride en lutte biologique contre F. avenaceum Pour les essais de lutte biologique contre les maladies de racines de la luzerne, l’espèce Fusarium avenaceum SRSF 411 (Agriculture et Agroalimentaire Canada, Sainte-Foy, QC, Canada) isolée au Québec des racines de luzerne atteintes de pourritures, a été utilisée. Le pouvoir pathogène de cet isolat a d’abord été vérifié dans un essai en boîtes de pétri, puis dans des sachets de croissance. 33 Des inocula de F. avenaceum ont été faits comme suit : Culture de la souche F. avenaceum dans un milieu solide PDA durant 7 jours à 20-24oC; Inoculation d’un milieu stérile de PDB avec la culture déjà produite dans le PDA; Transfert de l’inoculum dans un incubateur agitateur pour 4 jours à 20-24oC (Nygaard et al. 1995). 2.3.1 Vérification du pouvoir pathogène du F. avenaceum chez la luzerne Préparation des graines Des graines stériles de luzerne (Saranac) ont été enrobées avec du S. meliloti (108 UFC/ml) (Bottomley et al. 1994) à une dose de 1 ml/1.5 g de graines avec du sorbitol comme agent adhésif. D’autres graines ont été traitées avec un bouillon de Trichoderma (105 UFC/ml) avec une dose de 1 ml/1.5 g de graines. Le PVP (25%) a été utilisé comme agent adhésif à une dose de 2% du volume du bouillon. Les graines traitées ont été laissées pour sécher sous la hotte à flux laminaire pendant 12 h. Semis Vingt-cinq graines stériles de luzerne (Saranac) ont été placées à égale distance dans la boîte de Pétri à base d’eau gélosée préalablement inoculée avec Fusarium. Un témoin consiste à placer des semences dans l’eau gélosée non inoculée avec le Fusarium pour voir l’influence de ce dernier sur la germination. D’autres boîtes ont été inoculées avec Trichoderma, puis placées dans un incubateur à 18oC. Le taux de germination a été évalué cinq jours après le semis (Altier 1995). 34 2.3.2 Évaluation du potentiel de lutte biologique Des graines stériles de luzerne ont été pré-germées dans des sachets de croissance durant 48 h, puis un éclaircissage a été réalisé de façon à garder cinq plants/sachet. Les traitements sont décrits au Tableau 8. Tableau 8 Évaluation du potentiel de lutte biologique Traitement Microorganisme Milieu de culture Volume de bioinoculants (ml) T1 Rhz EUA 5 Volume d’eau (ml) ajouté pour compléter à 10 5 T2 Rhz +Tri EUA 2.5 ml de chacun 5 T3 Fus YMB 5 5 T4 Rhz + Fus EUA-PDB 5 5 T5 Rhz+Tri+Fus YMB-PDB 2.5mL de chacun 2.5 T6 Rhz+Tri (pur, 0.5 ml/plante) +Fus Rhz+Tri (pur, 1 ml/plante) +Fus EUA-PDB 2.5mL de chacun 2.5 EUA-PDB 2.5mL de chacun 2.5 T7 Les trois inocula (Sinorhizobium, Trichoderma, Fusarium) ont été appliqués simultanément. Tous ces essais sont conduits en cinq répétitions selon une dose de 105 UFC/ml (pour Trichoderma et Fusarium), 108 UFC/ml (Sinorhizobium). Après quatre semaines de croissance, le taux de germination, l’indice nodulaire, le poids sec du feuillage et l’indice de maladie ont été déterminés. L’indice de maladie est décrit comme le montre le Tableau 9. 35 Tableau 9 Échelle des indices de pourriture des racines Indice de pourriture 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Surface brunie ou attaquée (%) 0 1-3 3-10 10-25 25-50 50-75 75-90 90-97 97-99 100 Surface saine (%) 25-50 10-25 3-10 1-3 0 La technique consiste à déterminer s’il y a plus de 50% ou moins de 50% de la surface (ou de l’ensemble des racines) qui est atteinte de maladie ou de brunissement. Si c’est moins, l’indice sera de 4 ou moins et on continue notre évaluation en considérant les parties atteintes de brunissement. Si la surface brune est plus de 50%, l’indice sera de 5 ou plus et on continue notre évaluation en considérant cette fois les parties saines. En réalité, la méthode des indices de pourritures de racines est un hybride entre la méthode Horsfall et Barratt (1945) et une adaptation de celle de Couture (1980). La première était constituée d’une échelle de 0 à 11, alors que celle de Couture est de 0 à 9. La méthode de Couture a consisté à répartir différemment les écarts de % de maladies de chaque indice de 0 à 9. De plus, la méthode de Couture a été développée pour les maladies des parties aériennes, mais a été adaptée pour les racines. L’échelle de Horsfall et Barratt a déjà été utilisée pour noter des indices de pourriture des racines de la luzerne par Michaud et Richard (1985). 36 2.3.3 Comparaison de l’efficacité du T. viride et d’un fongicide de synthèse comme moyen de lutte contre le F. avenaceum L’efficacité de T. viride à réduire la pourriture des racines chez la luzerne causée par F. avenaceum a été comparée à celle du fludioxonil (Maxim 480, Syngenta Crop Protection Canada, Inc) selon la méthode de Hwang et al. (2006). Ce fongicide a été appliqué aux graines de luzerne à la dose de 0,040 g/ml/kg de graines. Les traitements sont décrits au Tableau 10. Tableau 10 Comparaison de l'efficacité du Trichoderma viride et d'un fongicide de synthèse Traitement Microorganisme Milieu de culture Volume de bioinoculants (ml) Volume d’eau (ml) ajouté pour compléter à 10 T1 T2 T3 T4 T5 Rhz Rhz +Tri Fus Rhz + Fus Rhz+Tri+Fus EUA EUA YMB EUA-PDB YMB-PDB 5 2.5 ml de chacun 5 5 2.5mL de chacun 5 5 5 5 2.5 T6 Rhz+Tri (pur) +Fus Rhz+Tri +Fus (10x dilué) Rhz+Maxim Rhz+Maxim+Fus EUA-PDB 2.5mL de chacun 2.5 EUA-PDB 2.5mL de chacun 2.5 EUA EUA-PDB 2.5mL de chacun 2.5mL de chacun 5 5 T7 T8 T9 37 2.4 Dispositif expérimental et analyses statistiques Les essais se sont déroulés au centre de recherche d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Selon un dispositif en bloc complètement aléatoire (BAC) avec huit traitements (inoculants) et trois milieux de culture. Chaque milieu de culture constituait un bloc et dans chaque bloc huit traitements étaient appliqués. Étant donné qu’on va procéder à une analyse de la variance, des tests de normalité et d’homogénéité s’avèrent de grande importance pour valider l’ANOVA, vu que cette dernière suppose l'égalité des variances et la normalité des populations d'origine. Il est donc hautement recommandé de normaliser les données aussi bien que possible pour réduire l'asymétrie. En résumé, parmi les méthodes que nous avons examinées, les meilleures pour tester l'homogénéité des variances sont, en mode univariable, les tests de Bartlett et de Brown-Forsythe. Les données devraient être transformées en logs, et soumises au test de Bartlett permutationnel ou au test de Brown-Forsythe. En effet, de nombreuses méthodes d’analyse statistique, et notamment le puissant groupe des statistiques paramétriques, se basent sur l’hypothèse de normalité: la distribution de fréquences de certaines variables utilisées est supposée conforme à la loi normale. Cette conformité n’est souvent pas assurée dans le cas des données écologiques brutes. Le chercheur a donc deux choix possibles: soit il a recours à des méthodes statistiques qui ne requièrent pas la normalité des données (comme les méthodes non paramétriques, ou les permutations, lorsqu’il y en a de disponibles pour réaliser l’analyse souhaitée), soit il normalise ses données. Le type de transformation normalisatrice choisie dépend de l’allure de la distribution de fréquences des données brutes. Il faut aussi remarquer que les transformations normalisatrices courantes possèdent la propriété importante de réduire l’hétéroscédasticité des données, c’est-à-dire de stabiliser leur variance (en d’autres mots encore, 38 de rendre leur variance indépendante de la moyenne et plus constante sur l’ensemble de l’échantillon). Dans notre cas, les données suivent une distribution contagieuse: ce type de données est très courant en écologie, puisque la plupart des organismes vivants présentent une répartition agrégée. Les données suivent alors une distribution lognormale ou une distribution binomiale négative. Malheureusement, la normalisation est souvent difficile en raison d'un nombre excessif de zéros. Les distributions de fréquences des données brutes sont fortement asymétriques à droite: les classes représentant les valeurs faibles (de zéro à quelques individus pour des comptages d’effectifs) sont très surreprésentées, et quelques éléments contiennent un très grand nombre d’individus. On peut tenter la transformation logarithmique. Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel SAS (Version 9.13). Pour toutes les données, des analyses de variance par la procédure GLM, méthode de Least squares means (Lsmeans) ont été conduites. Le modèle linéaire général utilisé incluait le facteur fixe « traitement » après avoir testé son effet sur les variables mesurées. Le modèle linéaire général utilisé est le suivant : Équation 1 Yij = μ + Trti + eij Avec: Yij: la variable mesurée d’ième traitement sur le jème plant, μ: moyenne des observations, Trti: effet de ième traitement, et eij: effet aléatoire résiduel. 39 3. RÉSULTATS 3.1 Effets du Trichoderma sur la nodulation et la croissance en sachets de croissance T. viride a diminué le nombre des nodules (Figure 4) ainsi que leur grosseur, ce qui explique la diminution de l’indice nodulaire. Par conséquent, on peut émettre l’hypothèse suivante : Trichoderma nuit au développement des Sinorhizobium. En effet, le mauvais fonctionnement du S. meliloti peut s’expliquer par le fait que Trichoderma colonise les sites de fixation et ne laisse aucune chance au S. meliloti pour se fixer sur les racines de la luzerne. La Figure 4 montre le même indice nodulaire pour les traitements à base de Sinorhizobium produit dans les eaux usées d’amidon (EUA), ainsi que pour le traitement à base de Sinorhizobium produit dans son milieu synthétique YMB. Les EUA présentent un milieu économique de production de Sinorhizobium et de Trichoderma. Selon les analyses statistiques, on a classé les différents traitements en quatre groupes dont le premier groupe est composé des traitements à base de S. meliloti produit soit dans les EUA soit dans son milieu standard (YMB). Le deuxième groupe est composé essentiellement des deux espèces Sinorhizobium - Trichoderma inoculées simultanément, le troisième groupe est composé du mélange Sinorhizobium - Trichoderma avec une application de Trichoderma retardée de 24 h et le quatrième groupe est composé essentiellement du témoin (non inoculé), du traitement à base de Trichoderma seul et du traitement à base de Trichoderma suivi de Sinorhizobium après 24 h. 41 20 a a 18 a Temoin Rhz Tri Rhz+Tri Rhz+Tri(24h aprés) Tri+Rhz(24h aprés) Rhz(YMB) Rhz YMB (dilué dans EUA) 16 Indice nodulaire 14 b 12 10 c 8 6 4 2 d d d 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Traitements Figure 4 NB Effets de Trichoderma viride sur la nodulation de la luzerne Les moyennes avec la même lettre ne sont pas différentes avec une probabilité de 95% selon le test de Duncan. La Figure 5 montre que le poids sec suit la même tendance que l’indice nodulaire (Figure 4). Le traitement avec Sinorhizobium dilué dans les EUA semble être très performant pour le poids sec ce qui pourrait être aussi dû aux constituants des EUA qui pourraient favoriser la croissance végétative ou bien qui servent à mieux protéger les souches inoculées. On a constaté que la production de Sinorhizobium, ainsi de Trichoderma dans les EUA est aussi efficace que la production dans les eaux usées municipales, dont la production de différentes souches a été optimisée (Ben Rebah et al. 2002; Verma 2007). 42 D’après les résultats de l’analyse de la variance (procédure GLM), on a remarqué une différence significative entre les différents traitements (Figure 5). En effet, le test de comparaison des moyennes (test Student) a permis de classer les traitements en cinq groupes dont le traitement à base de S. meliloti produit dans le bouillon de mannitol et dilué dans les EUA a eu la moyenne la plus élevée (0.17g). Ce traitement est significativement différent de celui à base de S. meliloti produit dans son milieu standard et non dilué dans les EUA. Le poids moyen le plus faible est donné par le traitement à base de Trichoderma et Sinorhizobium après 24 h (0.02 g). Ce traitement n’est pas significativement différent des traitements témoin et Trichoderma qui font partie du quatrième groupe. Le deuxième groupe est constitué par les traitements à base de Sinorhizobium cultivé dans les EUA, le troisième groupe est constitué par les traitements Sinorhizobium - Trichoderma et Sinorhizobium - Trichoderma (24 h après) qui se comportent de la même manière, le reste des traitements constitue le cinquième groupe. Poids sec du feuillage 0.25 0.20 Poids sec(g) a ba 0.15 Tém oin Rhz Tri Rhz+Tri Rhz+tri(24h aprés) Tri+Rhz (24h aprés) Rhz(YMB) Rhz YMB(dilué dans EUA b 0.05 c c 0.10 d d d 0.00 1 2 3 4 5 6 7 8 Traitem ents Figure 5 Effet du Trichoderma viride sur le poids sec du feuillage chez la luzerne 43 3.2 Tests sur l’effet du T. viride sur la luzerne en pots Les tests en pots n’ont pas été très précis puisque les témoins non inoculés avec Rhz ont nodulé, ceci est probablement dû à une contamination entre les pots. 12 10 a a Poids sec(g) 8 Temoin Rhz Tri Rhz+Tri Rhz(YMB) Tri(PDB) Rhz+Tri( YMB ET PDB) a a 6 b b b 4 2 0 1 2 b Figure 6 3 4 5 6 7 Traitements Effet du Trichoderma viride sur le poids sec du feuillage chez la luzerne en pots Concernant l’indice nodulaire, la récupération des nodules n’était pas facile; il y a eu une perte qui a rendu les résultats moins précis en plus les témoins non inoculés ont été contaminés. On s’est contenté du poids sec du feuillage. Ce test a confirmé quelques résultats obtenus en sachets de croissance. En effet, le poids sec du feuillage a la même tendance dans les tests en pots que dans les tests en sachets pour les mêmes traitements. Par exemple, les traitements à base de Sinorhizobium produits dans les EUA ainsi que dans YMB augmentaient la croissance par 44 rapport au témoin non inoculé. La Figure 6 montre que les traitements à base de Rhz ont produit des effets différents sur le poids sec et les traitements appliqués sont classés en deux groupes. Le premier groupe est constitué par les traitements à base de S. meliloti seul ou en mélange avec Trichoderma, produits dans les EUA ou dans leurs milieux standards. Le deuxième groupe est constitué par le traitement témoin non inoculé et les deux traitements de Trichoderma seul produit dans les EUA et dans son milieu standard (PDB). Les traitements ont eu le même effet sur le poids sec du feuillage dans les essais en pots que dans les essais en sachets de croissance. Le test en pot est plus réaliste puisqu’il simule les conditions au champ et confirme que Trichoderma n’est pas un améliorateur de croissance chez la luzerne. Ceci est en accord avec les travaux de Bailey et al. (1998). Le Trichoderma ne semble pas être pathogène à la luzerne car il n’a pas fait diminuer sa croissance. 3.3 Tests de nodulation en sachets de croissance avec forte dose de Sinorhizobium meliloti Suite aux résultats du premier test en sachets de croissance, on s’est aperçu que l’application du Sinorhizobium et Trichoderma à égale dose ne semblait pas être efficace en termes du poids sec végétatif. En effet, on s’attendait à une amélioration de l’indice nodulaire de la luzerne ainsi que sa croissance en ajoutant Trichoderma ce qui n’a pas été le cas. On a procédé à un deuxième test en augmentant la concentration de S. meliloti (108 UFC/ml/plante) tout en gardant la même concentration de T. viride (105 UFC/ml/plante). 45 20 a T é m o in Rhz T ri R h z + T ri R h z + T ri(2 4 h a p rè s ) tri+ R h z (2 4 h a p rè s ) R h z (Y M B ) R h z Y M B (d ilu é d a n s E U A ) Indice nodulaire 15 d 10 bc c c 5 d d 0 1 2 3 4 5 6 7 8 T ra ite m e n ts Figure 7 Indice nodulaire de la luzerne inoculée avec différents mélanges de Trichoderma et de Sinorhizobium lors d’essais en sachets La Figure 7 montre que l’effet de S. meliloti à forte dose domine celui de T. viride. Ceci est illustré par la comparaison du traitement 6 de la Figure 7 avec celui de la Figure 4. Les nodules se sont formés même si S. meliloti est appliqué 24 h après le Trichoderma. L’indice nodulaire a monté à 8 unités (6, Figure 7) avec la concentration élevée de Sinorhizobium, alors qu’il était nul avec l’application des deux inocula à égale concentration. En se basant sur ces résultats, on peut déduire que l’application de ces deux souches serait préférable en appliquant T. viride après le Rhizobium (temps à optimiser). Toutefois, vu la complexité de l’inoculation à l’échelle du champ, il est conseillé d’inoculer en une application simultanée pour les deux microorganismes. 46 0.14 Témoin Rhz Tri Rhz+Tri Rhz+tri(24h aprés) Tri+Rhz(24 aprés) Rhz(YMB) Rhz YMB(dilué dans EUA) 0.12 poids sec(g) 0.10 0.08 a ba ba ba 0.06 ba ba ba 0.04 b 0.02 0.00 1 2 3 4 5 6 7 8 Traitements Figure 8 Poids sec du feuillage de la luzerne inoculée avec différents mélanges de Trichoderma et de Sinorhizobium lors d’essais en sachets D’après les résultats de la Figure 8, le traitement à base de Sinorhizobium produit dans les EUA est classé en premier ordre et révèle les meilleurs résultats. En effet, le test de comparaison des moyennes (test Student) a permis de classer les traitements en trois groupes parmi lesquels le traitement Sinorhizobium a eu la moyenne la plus élevée (0.07 g) et le poids moyen le plus faible est donné par le témoin (0.03 g), alors que la troisième classe est constituée par les traitements {Tri + Rhz (24h après), Rhz - Tri, Rhz - Tri (24h après), Rhz (YMB dilué dans les EUA) et Rhz (YMB)} qui ont donné des valeurs non significativement différentes. 47 3.4 Interaction de Sinorhizobium meliloti-Trichoderma viride avec Fusarium avenaceum En se référant à des travaux antérieurs (Hwang et al. 1989), on a choisi un pathogène, Fusarium avenaceum, dont on a testé son effet sur la luzerne, puis on a appliqué Trichoderma pour voir s’il agit comme agent de lutte biologique. Des tests préliminaires in vitro ont confirmé que F. avenaceum cause la pourriture des racines et du collet. Cependant, l’application de Trichoderma s’est avérée intéressante d’après les tests préliminaires (Figure 9). Ce champignon a limité la propagation du pathogène au niveau du milieu de culture sur des boîtes de Pétri (PDB). En se basant sur les résultats de ces tests préliminaires, des tests en sachets de croissance ont été menés en appliquant à chaque fois une combinaison des trois souches (S. meliloti, T. viride, F. avenaceum) avec les concentrations retenues depuis le deuxième test (Rhz 108 UFC/ml, Tri 105 UFC/ml et Fus concentré puis 10x dilué). D’après les résultats des tests préliminaires indiqués par la Figure 10a, on remarque que Fusarium était répandu sur toute la superficie de la boîte par contre l’application de Trichoderma limite sa propagation. En effet, la croissance de Fusarium sous l’effet de Trichoderma est restée locale durant plus qu’un mois, durée nécessaire pour une croissance normale de la luzerne. La Figure 10b montre différents tests avec Fusarium sur la luzerne, on a remarqué que lorsque le Fusarium est appliqué 48 h avant le semis, les graines ne sont plus capables de germer, ceci confirme le pouvoir pathogène du Fusarium. De plus, on a remarqué une nécrose sur les racines des plantes de luzerne dont l’intensité dépend de la concentration de Fusarium (dilué ou pure). 48 Trichoderma Fusarium Figure 9 Test in vitro de 1 mois: Trichoderma + Fusarium Tri Fu Témoin Fusarium +Trichoderma Fusarium a) En boîte de Pétri 49 Inoculum (Fusarium) +semis Inoculum (Fusarium) 48 h avant le semis Inoculum (Fusarium) 48 h après le semis Inoculum (Fusarium 10 fois dilué) 48 h avant le semis b) En sachet de croissance Figure 10 Vérification du pouvoir pathogène du Fusarium avenaceum chez la luzerne. a : en boîte de Pétri; b : en sachet de croissance 50 3.5 Infection de la luzerne avec le Fusarium avenaceum en pots et pouvoir de biocontrôle chez Trichoderma viride D’après les résultats présentés à la Figure 11a, on remarque les mêmes effets inhibiteurs de Trichoderma sur la nodulation comme dans les tests précédents. Fusarium était pathogène chez la luzerne en comparant les traitements 1 et 4, on remarque une grande baisse de l’indice nodulaire. En effet, Fusarium a causé une baisse de l’indice nodulaire de la luzerne d’environ 13 unités lorsqu’il a été appliqué avec Sinorhizobium, soit une baisse de 73% de l’indice nodulaire. L’application de Trichoderma et de Sinorhizobium aux plantes inoculées avec Fusarium était efficace contre l’effet pathogène de Fusarium. En effet, l’ajout de Trichoderma a amélioré l’indice nodulaire de 78% par rapport au traitement à base de S. meliloti et de F. avenaceum. Trichoderma a tendance à s’opposer à l’effet pathogène de Fusarium et à augmenter l’indice nodulaire par rapport au traitement à base de S. meliloti et de F. avenaceum même si les différences ne sont pas significativement différentes. Ceci est probablement dû au fait que l’indice nodulaire est un paramètre semi-quantitatif ce qui n’est pas aussi précis. Dans le but d’optimiser la concentration de Trichoderma à appliquer pour lutter contre les pathogènes, on a appliqué Trichoderma à forte dose (bouillon pur), les résultats sont présentés dans le graphique ci-dessus (traitements 6 et 7 – Figure 11). D’après ces résultats, l’application de Trichoderma pure n’a pas d’effet bénéfique, ceci est en faveur d’une utilisation fiable et économique de cet agent de lutte biologique afin de rendre un tel projet agricole rentable en minimisant l’application de tout agent de traitement et prévention contre les maladies. Ce test a aussi prouvé que T. viride est un agent de lutte biologique lorsqu’il est appliqué sur la luzerne. On a vérifié avec ce test que T. viride n’est pas un agent d’amélioration de croissance chez la luzerne. 51 L’indice de maladie consiste à évaluer le pourcentage de la surface racinaire qui est brunie par la maladie. Cet indice est généralement maximal lors d’une application du phytopathogène F. avenaceum. D’après la Figure 11b, on remarque que l’application de Rhz (traitement 4) a fait diminuer l’indice de maladie par rapport aux plantes inoculées avec le Fusarium seul (T3). Cette observation est en accord avec les travaux de Tan (1986) et Tu (1978) qui ont démontré que le S. meliloti aide la luzerne à résister contre les pathogènes. L’application de T. viride a fait diminuer la maladie causée par le F. avenaceum, ceci est indiqué par la diminution de l’indice de maladie pour le traitement 5 (Rhz+Tri+Fus) alors que l’application de Trichoderma concentré (traitement 6) semble moins efficace. Le poids suit la même tendance que l’indice nodulaire. Le poids sec et l’indice nodulaire sont inversement proportionnels à l’indice de maladie. En effet, plus l’indice de maladie est faible, plus l’indice nodulaire est élevé. Par conséquent, le poids sec est élevé. D’après la Figure 11c, on remarque que l’application de Trichoderma a une tendance minime à faire augmenter le rendement en poids sec végétatif suite à la limitation de la maladie au niveau de la zone racinaire. En effet, la tendance de Trichoderma à protéger la luzerne contre le Fusarium est visible pour les trois paramètres mesurés lorsque l’on compare les traitements 4 et 5. La diminution de l’effet bénéfique de Trichoderma à forte dose serait que le Trichoderma devient nuisible au Rhizobium car il est trop abondant. 52 a b c Figure 11 Paramètres étudiés de la luzerne inoculée avec Fusarium en fonction des traitements. a : indice nodulaire; b : indice de maladie; c : poids sec du feuillage 53 3.6 Test de comparaison de l’efficacité du Trichoderma par rapport à un agent chimique de lutte contre les phytopathogènes (Maxim) L’objectif de ce test était de comparer l’efficacité de T. viride à celle du fongicide recommandé ‘’Maxim’’ contre les maladies des racines de la luzerne. Des essais sur des plantes inoculées avec Fusarium et traitées avec Maxim ont été faits comme le montre la Figure 12. D’après les résultats de la Figure 12, Trichoderma est toujours efficace contre le pathogène Fusarium. En effet, l’ajout de Trichoderma avec Sinorhizobium et Fusarium a fait diminuer l’indice de maladie d’environ 50% (traitements 4 et 5 - Figure 12b). En comparant le traitement N1 et N8, on remarque que Maxim ne nuit pas à la nodulation. L’application de Maxim pour la lutte contre le pathogène Fusarium a un effet significatif (traitement 9) mais moins important que Trichoderma (traitement 5). Le traitement 7 montre que le Fusarium 10X dilué est beaucoup moins pathogène à la luzerne en présence de Trichoderma que dans le cas de Fusarium concentré (traitement 5). La Figure 12b montre que l’application de Rhizobium a fait baisser la maladie, ceci est probablement dû à des substances sécrétées par Rhizobium qui peuvent aider la plante à résister contre la maladie ou bien le fait de combler le déficit d’azote par l’application de Rhizobium est un facteur qui aide la plante à résister à la maladie. L’application de Trichoderma (traitement 5, Figure 12b) a tendance à faire baisser la maladie, mais la différence avec le test à base de Rhizobium (traitement 4) n’est pas significative. En réalité Trichoderma et Maxim n’ont pas eu d’effet sur l’indice de maladie. La Figure 12c montre que le rendement en poids sec végétatif suit la même tendance que l’indice nodulaire. En effet, l’application de Trichoderma avec Rhizobium a toujours tendance à faire baisser le rendement. De plus, l’application de Trichoderma sur des plantes inoculées avec 54 Rhizobium et Fusarium ne semble pas avoir d’effet significatif sur l’amélioration du rendement en poids sec végétatif. Dans cet essai, le Maxim n’a pas été efficace contre Fusarium (Figure 12c). Maxim n’est pas un agent de lutte efficace contre F. avenaceum. Contrairement à ce qui a été rapporté par Hwang et al. (2006), plusieurs facteurs peuvent expliquer cette différence. Par exemple, la souche de F. avenaceum et le cultivar de luzerne qu’on a utilisé. Pour juger la fiabilité de Trichoderma, il faut la comparer à d’autres fongicides chimiques plus efficaces. 55 a b c Figure 12 Comparaison de l’effet des Trichoderma par rapport à maxim. a : indice nodulaire; b : indice de maladie; c : poids sec 56 4. DISCUSSION L’objectif principal de cette étude est d’évaluer la performance du mélange Sinorhizobium meliloti (biofertilisant) et Trichoderma viride (biopesticide) en application sur la luzerne. Cette recherche consiste à étudier l’effet de ce mélange sur la croissance végétale et son pouvoir de lutte contre les phytopathogènes. Les eaux usées d’amidon, milieu de production des bioinoculants, sont disponibles en énormes quantités. Ce rejet a été utilisé comme milieu de culture et il s’est révélé très performant en comparaison aux résultats de Khanh et al. (2009) et de Ben Rebah et al. (2001), en suivant la même méthodologie que Ben Rebah et al. (2001) dans le cas des boues d’épuration. L’utilisation des eaux usées d’industries agroalimentaires est une nouvelle alternative de valorisation et de recyclage des déchets. Cette initiative a permis d’améliorer et de diversifier la production de bioproduits agricoles en partant de simples produits à des produits combinés comme le cas du mélange S. meliloti – T. viride qui est plus pratique et efficace selon les travaux de Rajeshkannan et al. (2007), Dubey et al. (2007) et Whipps et al. (2001). En plus de son pouvoir de lutte biologique, T. viride est connu comme agent d’amélioration de croissance chez la plupart des plantes, ce qui n’est pas le cas avec la luzerne, ceci s’oppose aux résultats de Verma et al. (2007) qui ont travaillé sur la tomate et aux travaux de Gravel et al. (Avis et al. 2008) qui prouvaient que Trichoderma est un améliorateur de croissance chez certains types de végétaux. Le mélange S. meliloti - T. viride n’était pas intéressant pour la croissance végétative, par contre, il a donné de bons résultats pour la lutte biologique contre Fusarium avenaceum en améliorant l’indice nodulaire inhibé par ce pathogène. Ceci confirme les résultats des travaux de Haque et al. (1992) qui ont prouvé que la combinaison S. meliloti - T. viride a fait disparaitre complètement 57 l’infection par Fusarium spp. chez des plantes de fenugrec à l’âge de 30 jours. De même, cette constatation a aussi été retenue par Ganesan et al. (2007) qui ont travaillé sur l’arachide. Les résultats obtenus dans cette étude ont prouvé que T. viride peut être considéré comme un agent de lutte biologique pour la luzerne et sa combinaison avec S. meliloti s’avère avantageuse. 58 5. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS Au cours de ce recherche, il a été démontré que les eaux usées d’amidon supportent très bien la croissance de Sinorhizobium meliloti et Trichoderma viride. En effet, l’efficacité de ces rejets pour la croissance des microorganismes a été similaire au milieu synthétique de culture, ce qui suggère une méthode prometteuse dans le contexte de développement de combinaisons de biopesticides–biofertilisants. Il a été démontré qu’un ajout d’un mélange de T. viride - S. meliloti peut ne pas être synergique pour croissance de la luzerne. En effet, l’application de T. viride avec S. meliloti a engendré un ralentissement de la nodulation lorsque les deux microorganismes sont appliqués simultanément et à égale dose. Cependant, d’autres essais ont montré que l’application de T. viride 24 h avant S. meliloti inhibe la nodulation, alors que l’application de S. meliloti 24 h avant Trichoderma ne réduit pas la nodulation. T. viride colonise le système racinaire et est compétitif avec S. meliloti. Dans le but de faciliter l’inoculation simultanée, l’application de S. meliloti à forte dose (108 UFC/ml) par rapport à T. viride (105 UFC/ml) favorise la nodulation même s’il est appliqué 24 h après T. viride. Le champignon T. viride a démontré un effet inhibiteur contre le phytopathogène Fusarium avenaceum en boîtes de Pétri et vis-à-vis la luzerne en inhibant son développement. Le Trichoderma a aussi eu tendance à protéger la luzerne contre le F. avenaceum dans les deux essais en sachets. Une seule souche de Trichoderma a été testée dans cette étude, mais il est probable qu’il existe d’autres souches aussi et même plus efficaces. Dans le cadre de travaux futurs, il est recommandé de rechercher des souches de Trichoderma qui nuisent moins à la nodulation et qui inhibent davantage le pathogène F. avenaceum. Il est aussi suggéré d’optimiser les doses appliquées des deux bioinoculants (S. meliloti et T. viride) pour une application simultanée ou bien appliquer les deux traitements selon un décalage horaire 59 plus important (ex. 48 h ou 96 h) en appliquant toujours S. meliloti en premier. Une fois l’optimisation obtenue, les inoculants devront être développés, soit en formulations liquides ou solides sous forme de poudres ou de granules. 60 RÉFÉRENCES Ali, F. et A. Ghaffar. 1991. Effect of seed treatment with biological antagonists on rhizosphere mycoflora and root infecting fungi of soybean. Pakistan Journal of Botany, 23: 183-188. Allen, E.K et O.N Allen. 1950. Biochemical and symbiotic properties of the Rhizobia. Bacteriology Review, 14: 273-330. Altier, N.A., D.K.Barnes, J.A.Thies et D.A. Samac. 1995. 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