immuable et établi. Il n’a trouvé aucun cours d’économie évoquant l’hypothèse d’un système monétaire
différent de celui que nous possédons…malgré les fragilités de ce dernier... et le développement rapide
de monnaies complémentaires dans le monde.
Deux types de monnaies complémentaires sont à identifier : des monnaies à vocation économiques et
des monnaies à vocation sociale. Certaines expériences existantes maillent les deux vocations.
Bernard Lietaer est l’auteur d’un ouvrage qui a été édité en décembre 2008. Il intervient dans différents
pays du monde sur le sujet.
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→ En Europe, des monnaies régionales se développent, au côté des monnaies officielles. C’est le cas
en Allemagne avec le réseau REGIO qui, depuis 2003, en compte déjà 28 opérationnelles, et 35
autres sont en cours de création…En Belgique, une autre s’est mise en place depuis 15 ans. En Italie,
une expérience s’est mise en place dans un Parc Naturel Régional, etc
Le modèle le plus ancien fonctionne paradoxalement à côté de chez nous, en Suisse, depuis 1934,
avec une seconde monnaie, le WIR, utilisée par un quart des entreprises suisses (75 000 PME).
James Strodder, professeur d’économie américain, qui a réalisé une étude sur l’impact du WIR, a
démontré que la stabilité de l’économie suisse, sa grande capacité de résilience par rapport aux
économies voisines, s’explique par l’existence de cette monnaie complémentaire. En cas de secousse
bancaire et financière ou de période de récession, lorsque les crédits bancaires deviennent plus
difficiles à obtenir, l’activité WIR augmente significativement. Ce mécanisme de régulation permet aux
entreprises participantes de maintenir leur volume d’affaires et d’emploi.
Sept villes européennes devraient lancer un projet Interreg (dispositif européen) dont le but est de
créer une monnaie favorisant la taxe carbone. Le gouvernement de la région Flandres en Belgique
porte sur la création d’un éco système de monnaies complémentaires. A Gand, ville pilote du projet
flamand, entre trois et cinq monnaies seront introduites, qui utilisent le même système de paiement,
mais qui ont chacune des rôles spécifiques.
En France, à Villeneuve sur Lot, une expérimentation locale se met en place depuis six mois avec un
collectif citoyen. L’expérience vise à renforcer l’économie locale, rendre lisible des circuits
économiques locaux pour faciliter les échanges avec des producteurs locaux, et initier une vraie
réflexion sur les alternatives monétaires pour préserver la vie sur leur territoire, ainsi que les liens entre
les gens.
→ Ailleurs dans le monde, deux exemples : Au Japon, une expérience de monnaies
complémentaires, le Furei Kippu permet de réduire le problème financier posé par le vieillissement de
la population, l’un des défis majeurs de l’humanité pour la prochaine décennie. Aux USA, et dans le
monde, se sont développés des réseaux de Time Dollars, qui permettent de répondre aux besoins non
satisfaits par le système de monnaie officielle.
Au Brésil, plus de 150 banques à double monnaie ont été lancées ces six derniers mois afin de
résoudre les problèmes sociaux.
Dans ces perspectives, les monnaies régionales apparaissent comme des outils efficaces de
développement et de préservation de la vie sur les territoires, sans pour autant exclure la
mondialisation. Dans l’histoire, souvent les pays ont fonctionné avec une double monnaie : une
monnaie officielle et une monnaie locale…Une monnaie complémentaire est une manière de construire
un pont entre des besoins sans réponse et des ressources inexploitées.
→ Philippe Derudder, qui anime la conférence du 12 novembre, est aussi l’un des spécialistes des
mécanismes monétaires, et des monnaies complémentaires dans le monde.
Son parcours fait de lui, un homme de terrain qui sait ce que veut dire gérer une entreprise. En effet, il
a été dirigeant pendant 20 ans, d’une importante PME dans le domaine du transport international avec
350 salariés.
Il n’a pu se résoudre à accepter misère, pollution, pillage des ressources de la planète, dégradation
des conditions de travail et de vie…comme prix à payer pour garantir une croissance économique
présentée comme seule issue possible. En 1992, il démissionne de toutes ses fonctions.
La richesse de son raisonnement, ancré dans la réalité économique quotidienne, fait de lui, un homme
d’exception pour mieux comprendre les rouages monétaires auxquels personne n’est vraiment initié, ni
les élus, ni les entreprises, ni les citoyens. Cet état de fait nous place en situation d’impuissance pour
Le futur de la monnaie : Bernard Lietaer