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Ainsi, à partir de la volonté d’expliquer l’importance du sacrifice des guerriers et donc de la
nécessité de leur rendre hommage, Périclès en arrive à dresser un portrait d’Athènes qui
semble « pour la Grèce une vivante leçon » (l.70), à la fois respectueuse de ses traditions,
fondée sur un régime juste et peuplée de citoyens exemplaires. Il serait possible d’établir un
parallèle avec la démocratie « parfaite » dont rêve Aristote, et dont Athènes semblerait bien se
rapprocher selon les dire de Périclès. Toutefois, comme nous l’avons vu pour cette fameuse
« dette », cette vision de supériorité ne manque pas de s’intégrer dans un contexte beaucoup
plus prosaïque qui est celui de la justification de la guerre.
II) Une guerre justifiée et victorieuse.
A) Un modèle à répandre.
1) L’originalité d’Athènes.
En tout premier lieu, s’il s’agit d’un exemple pour la Grèce, le corollaire serait logiquement
d’étendre ce modèle aux autres cités. De fait, Périclès insiste sur son originalité, et plusieurs
fois au cours de son discours. Dès le début, il indique que Athènes « ne se propose pas comme
modèle les lois d’autrui » (l.17), autrement dit n’a copié nulle part ses lois. Par la suite, on
retrouve plusieurs fois des allusions à l’originalité plus ou moins générale de la cité
athénienne, comme « nous nous distinguons de nos adversaires » (l.35), « contrairement à ces
gens » (l.39), « notre ville mérite admiration » (l.51), « seuls nous » (l.57 et 68), « un autre
mérite qui nous distingue » (l.60), ou encore « nous sommes à l’opposés du plus grand
nombre » (l.64). Ainsi, il est sous-entendu qu’une telle harmonie n’existe sûrement nulle part
ailleurs, et nous y reviendrons plus tard pour montrer que Périclès présente Sparte comme en
étant l’antithèse.
2) Le gouvernement des citoyens.
Si, comme nous l’avons vu, Périclès ne s’intéresse pas au mode de vote des lois, il n’en
présente pas moins la démocratie comme étant avant tout le gouvernement des citoyens, dès le
début puisque « les choses dépendent de la majorité » (l.18-19), mais surtout dans le
paragraphe 40. Outre les détails pratiques, comme le mistos, auxquels Périclès s’associe, il
indique surtout que cette participation collective est ancrée dans la mentalité athénienne. Le
citoyen dépolitisé est « inutile » (l.58), et il faut s’être « éclairé par la parole avant d’aborder
l’action à mener » (l.59-60), autrement dit dialoguer le plus possible. Ainsi, en regroupant
« tous ensemble » (l.60) ces citoyens éclairés, on obtient « les âmes les plus fermes » (l.62)
car les plus réfléchies. Ce sont donc les citoyens eux-mêmes qui forment l’originalité
d’Athènes, ce qui apparaît bien sûr comme un point capital dans sa supériorité.
3) La félicité ambiante.
Enfin, cette réussite apparaît dans la félicité des citoyens. Outre la « tolérance » (l.26) dans la
vie quotidienne, les fêtes religieuses permettent accessoirement de « chasser au loin la
contrariété » (l.32). De même, et ceci est vu en opposition à Sparte, la vie relativement peu
axée sur le domaine militaire permet de « laisser vivre » (l.47), et ainsi de garder une qualité
de vie sans empiéter sur la qualité de l’armée comme nous allons le voir. Il apparaît donc que,
bien qu’il ne soit évidemment pas question d’une politique agressive, en cas d’attaque
extérieure il semblerait justifié d’en profiter pour étendre ce modèle exemplaire sur la Grèce.