Une introduction au problème des plaies chroniques Les plaies chroniques et la douleur : des patients qui souffrent en silence Plusieurs millions de personnes en Europe souffrent de plaies chroniques. Les plaies s’accompagnent de signes cliniques tels que des infections, des sécrétions malodorantes ou la douleur constante qui affectent profondément leur mode de vie au quotidien. Rien qu’en France, plus de 850 000 personnes souffrent de douleurs dues aux plaies chroniques, qu’il s’agisse d’ulcères de jambes, d’ulcères du pied diabétique ou d’escarres. Pourtant, la douleur des plaies chroniques est restée très longtemps sous-estimée dans le monde des soins autant que par la recherche médicale. Aujourd’hui l’attention portée à la douleur des plaies progresse, comme le rappelle le Dr Patrick Giniès, président du Collège National des Médecins de la Douleur : «Près d’un million de personnes en France vivent avec une plaie douloureuse. Une réalité dont les médecins prennent maintenant conscience après avoir été éveillés à la douleur en général, puis à celle des cancers, des douleurs postopératoires, de la migraine ou des douleurs neuropathiques.» (source : Impact Médecine, n°170, 14/09/06) Dans de nombreux cas, les traitements disponibles se sont avérés inappropriés, notamment pour des personnes âgées, laissant les patients face à la douleur avec l’impression que rien ne pouvait être fait pour eux. Le Dr Luc Téot, du CHU de Montpellier et président de la Société Mondiale des Plaies et Cicatrisation (WUWHS) explique que : « Les limites de la prise en charge médicamenteuse, par voie générale sont liées aux effets secondaires. Sur les paliers de l’OMS, les seuls médicaments qui sont bien tolérés sont ceux de faible puissance. Dès que l’on augmente la puissance et que l’on se rapproche de la morphine, on aura des effets secondaires. Même si on utilise des dérivés de morphine, on aura tout de même un certain nombre d’effets secondaires : la somnolence, la constipation, les vomissements, les nausées. Certains patients préfèrent avoir mal plutôt que de subir ces effets. » Au delà d’une capacité réduite à poursuivre une vie normale, près de 63% des patients souffrent à un moment de leur vie d’une dépression plus ou moins sévère causée par le caractère douloureux de leur plaie 1. Par ailleurs, il semble que les plaies douloureuses cicatrisent plus difficilement et soient à l’origine de symptômes collatéraux tels que troubles du sommeil, isolement social et perte d’appétit. Parce que leurs ressources psychologiques autant que physiques sont diminuées, de nombreux patients en viennent à considérer leur douleur comme inéluctable. Lorsque les traitements échouent, tous, patients comme soignants, finissent par accepter la douleur de manière plus ou moins inconsciente. C’est un cercle vicieux. Des plaies qui parfois ne cicatrisent jamais La douleur est souvent le corollaire des plaies chroniques. Une plaie est dite chronique lorsqu’elle perdure plus de 3 mois. Elle correspond à une perte significative des couches extérieures de la peau : derme et épiderme. Les plaies chroniques varient autant par leur taille que par leur nature. Certaines auront définitivement cicatrisé dans un délai de 6 mois alors que d’autres ne guériront jamais ou bien se ré-ouvriront régulièrement. Certains patients vivent ainsi avec des plaies chroniques depuis plus d’une vingtaine d’années. Les plaies chroniques touchent principalement – mais pas exclusivement – les personnes âgées: plus des 2/3 des personnes atteintes de plaies chroniques ont plus de 70 ans. Le diabète, les problèmes vasculaires ou les états de mobilité réduite accroissent le risque d’incidence. Cerner la douleur des plaies chroniques On peut distinguer 2 types de douleurs provoquées par les plaies chroniques : d’abord, la douleur nociceptive, c’est-à-dire associée à des lésions tissulaires. C’est le type de douleur le plus courant. La douleur nociceptive est le plus souvent décrite comme une douleur brûlante, sourde et pulsatile. L’autre type de douleur est d’origine nerveuse. Il s’agit de la douleur neuropathique qui est causée par des lésions nerveuses. La douleur neuropathique est aiguë et s’apparente à la sensation d’un coup de poignard. Le coût de la douleur des plaies chroniques Il n’existe pas à ce jour d´étude précise sur l’impact financier de la douleur des plaies chroniques. Cependant, le Dr Giniès précise que : « Les plaies chroniques peuvent entraîner la poursuite et la pérennisation d’une hospitalisation voire même la provoquer. Or on sait combien, en France, les coûts des hospitalisations sont importants et combien il nous faut limiter la durée des séjours. Donc la qualité et la densité de la compréhension des douleurs chroniques autour des plaies permettront d’améliorer les prises en charge globales ce qui permettra de diminuer les coûts d’hospitalisation, notamment par le biais d’une hospitalisation raccourcie ou d’une diminution des demandes d’hospitalisation. » La douleur des plaies chroniques affecte profondément les patients. Elle est particulièrement handicapante et le coût qu’elle représente pour le patient luimême est impossible à chiffrer. Elle engendre également une charge importante pour la société dans son ensemble : des études ont montré que les patients atteints d’ulcères de jambe accaparent jusqu’à 50% du temps de travail des infirmières de district en Grande-Bretagne où près de 80% des plaies chroniques sont soignées à domicile 2 . 1 Jones J, Barr W, Robinson J, Carlisle C (2006) “Depression in patients with chronic venous ulceration”. British Journal of Nursing. Jun 8-21;15(11) pp.17-23 2 Hall TE, Jaye, J.A., Brigs, M, The Management of Pain in Leg Ulceration : A review of community nursing practices in the UK. Poster on back to the future, 11th conference of the European Wound Management Association 17-19 May 2001, Dublin.