Ce texte vous est proposé par Alain Lipietz, député Vert français européen
PROJET DE RÉSOLUTION LÉGISLATIVE
Résolution législative du Parlement européen sur la proposition de décision du Conseil arrêtant la position
de la Communauté au sein du conseil conjoint CE-Mexique en vue de l'adoption d’une décision portant mise
en œuvre des articles 6, 9, 12, paragraphe 2, point b), et 50 de l’accord de partenariat économique, de
coordination politique et de coopération (COM(2000) 739 C5-0698/2000 2000/0296(CNS))
(Procédure de consultation)
Le Parlement européen,
vu la proposition de décision du Conseil (COM(2000) 739
1
),
vu l’article 44, paragraphe 1, l’article 47 paragraphe 2, derniére phrase, les articles 55, 56 à 59, 71 et 80,
paragraphe 2 du traité CE,
consulté par le Conseil conformément à l'article 300, paragraphe 3, premier alinéadu traité CE (C5-0698/2000),
vu l'article 67 et l'article 97, paragraphe 7, de son règlement,
vu le rapport de la commission de l'industrie, du commerce extérieur, de la recherche et de l'énergie
(A5-0036/2001),
1. approuve la proposition de décision du Conseil;
2. charge sa Présidente de transmettre la position du Parlement au Conseil et à la Commission, ainsi qu’aux
gouvernements et aux parlements des États membres et des États-Unis du Mexique.
1
Non encore publiée au JO.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Observations liminaires
Il s'agit de la quatrième consultation du Parlement européen relative à l'accord UE-Mexique. Trois rapports
précédents (deux signés de Mme Miranda de Lage et un de Mme Ferrer) au sein de cette commission (ou de la
commission REX) ont examiné l'accord UE-Mexique ainsi que l'accord intérimaire depuis 1998, expliquant les
aspects généraux des bénéfices prévus en matière d'échanges de marchandises, mais analysant également ces
nouveaux aspects par rapport à l'accord précédent, notamment la clause démocratique et des droits humains, et
mentionnant à titre de nouvel élément dans les relations bilatérales la mise en place d'un nouveau cadre en vue du
dialogue politique, essentiellement au sein du conseil conjoint.
Toutefois, étant donné que cette quatrième consultation est probablement la dernière du genre dans un avenir
prévisible, elle revêt une importance particulière. Le rapport concerne la décision du conseil conjoint dans le cadre
de l'accord de coopération, de partenariat économique et de coordination politique quant aux aspects non couverts
par l'accord intérimaire, à savoir: services, investissement et aspects relatifs à la propriété intellectuelle.
Dans une perspective européenne, l'accord UE-Mexique constitue un jalon dans les relations futures avec les pays
d'Amérique latine. Cet accord revêt une plus large ampleur que tout autre accord conclu par l'UE avec un pays tiers,
la Commission indiquant à ce sujet:
"En termes de couverture, cet accord offrira aux opérateurs de la CE un traitement préférentiel plus rapide qu'avec
le Mexique s'agissant de tout accord préférentiel et placera ainsi ce pays dans une position beaucoup plus favorable
sur le marché mexicain qui revêt une importance stratégique et présente un potentiel de croissance significatif"
(Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, 18.1.2000).
Les négociateurs de l'UE attachent une importance particulière à cet accord en raison des pertes enregistrées par
l'UE dans les échanges commerciaux avec le Mexique à l'issue de la conclusion de l'accord ALENA, et à la suite de
ses tentatives visant à regagner le terrain perdu ainsi que d'acquérir de nouveaux accès sur les marchés des
États-Unis par l'intermédiaire du Mexique. En fait, l'UE a non seulement réussi à réaliser une parité avec l'ALENA,
mais également abouti à un résultat allant au-delà des privilèges de l'ALENA en un certain nombre de domaines au
nombre desquels figurent certains de ceux relevant du présent rapport: services, investissement et certains aspects
de la propriété intellectuelle.
Avant d'aborder le fond de ces problèmes, deux questions prioritaires méritent l'attention et devraient orienter nos
considérations:
1. Pauvreté au Mexique
À l'évidence, le Mexique est doté d'un statut ambigu: d'une part, il appartient à l'OCDE et doit être ainsi considéré
comme appartenant aux pays industrialisés, et d'autre part, il s'agit d'un pays fort de 95 millions d'habitants où,
selon les indicateurs de pauvreté définis par l'Organisation des États américains (OAS), plus de la moitié de la
population (65%), vit dans la pauvreté. Sur la base de ces indicateurs de pauvreté, des indicateurs de répartition des
revenus, d'accessibilité à l'eau potable et d'approvisionnement en électricité, autant de facteurs ayant débouché sur
le conflit des Chiapas, le Mexique mérite à juste titre le statut de pays en développement.
En d'autres termes, il est absolument indispensable de prendre en compte le principe de cohésion de l'Union
européenne. Il faut pour cela que les relations économiques soient renforcées avec le Mexique et qu'un meilleur
accès au marché mexicain ne remette pas en cause les objectifs de développement et n'exacerbe pas l'asymétrie
existante entre les deux parties.
Il est par conséquent très préoccupant que l'accord envisage l'interdiction pratiquement totale des exigences en
matière de performance (cf. par exemple les dérogations quant aux limitations visées au chapitre I, dispositions
générales, article 4, accès au marché, et article 6, traitement national, article 7, libéralisation des échanges, y
compris une clause de statu quo etc.). À l'occasion de l'agrément octroyé par le Parlement à l'accord global, les
membres ont été confrontés au reproche d'octroyer un "chèque en blanc" à un accord dont la teneur n'a même pas
été négociée en totalité. Nous ne devons par conséquent pas nous exposer à nouveau à ce reproche et devons en
conséquence nous attacher aux effets que les dispositions que nous examinons sont susceptibles de provoquer.
2. Le conseil conjoint
Une seconde disposition importante concerne le conseil conjoint. En effet, à l'issue du Sommet de Nice, les
membres du Parlement sont de plus en plus sensibles aux décideurs commerciaux. Le présent rapport est destiné au
conseil conjoint qui, pour les Européens est composé de ministres, avec une possibilité de remplacement par des
représentants de la Commission, et du côté mexicain par de hauts fonctionnaires représentant l'Exécutif.
Selon cet accord, le conseil conjoint a l'autorité de gérer l'exécution de l'accord et de mener toute procédure future
de libéralisation. Il n'est cependant pas clair si les mandats futurs seront octroyés au conseil conjoint, et si celui-ci
agira de manière autonome et si les résultats des négociations futures seront soumis au Parlement européen et aux
Mexicains en vue d'une ratification et d'une transposition en droit, tant au sein de l'UE qu'au Mexique. Tout du
moins en ce qui concerne le Mexique, cette procédure est obligatoire pour un certain nombre de questions
"sensibles" (à savoir celles dont traite le rapport) selon la constitution mexicaine. Toutefois, selon les critiques
formulées par les partis politiques et les secteurs de la société civile mexicaine, les procédures instaurées en ce qui
concerne les activités du conseil conjoint sont contraires à la constitution mexicaine. Votre rapporteur espère une
clarification et une éventuelle modification des dispositions en vue de répondre aux nécessités de la constitution
mexicaine. En outre, il nous faut savoir si le Parlement européen sera tenu informé du début d'éventuelles
négociations car ces problèmes doivent être examinés lors de la réunion du conseil conjoint.
Commerce des services
En ce qui concerne la Commission, l'ensemble négocié s'agissant des services commerciaux "revêt du point de vue
de la CE un intérêt à caractère offensif" (18.1.2000). La libéralisation des services couvre tous les secteurs à
l'exception de l'audiovisuel, du cabotage maritime et des transports aériens.
Ses termes et sa couverture sont très larges. "Dès la date d'entrée en vigueur, au travers d'une disposition de statu
quo, l'accord octroiera aux opérateurs de services issus de la CE un accès au marché mexicain qui sera équivalent,
voire supérieur, à celui dont bénéficient actuellement les autres partenaires du Mexique, notamment les États-Unis
et le Canada". Semblable cause de statu quo est extrêmement préoccupante étant donné qu'en interdisant au
Mexique la mise en place de nouvelles normes et conditions, cela pourrait porter gravement atteinte au
développement social et économique ainsi qu'à l'autonomie d'un pays en développement.
S'agissant des services financiers, personne n'ignore la nécessité urgente d'une prévention de d'éventuelles crises
financières et d'effondrements. Toutefois, à la lecture du chapitre III, article 11, se référant aux services financiers,
aucune disposition ne semble effectivement mettre à l'abri d'une autre crise financière, la promotion de la stabilité
des services financiers concernés et, avant tout, la protection des personnes par rapport aux crises financières. La
seule référence à ce problème, cité à l'article 19, est bien trop vague et se borne à la protection des investisseurs et
des systèmes financiers. Or, le programme se limite à la libéralisation et à la déréglementation. Plus encore, le
paragraphe B, 6, d, se réfère par exemple de manière explicite aux objectifs à caractère spéculatif. Si la Banque
mondiale et le FMI s'attellent déjà à la mise en place de dispositifs de sécurité, il apparaît étrange et préoccupant
que la Commission n'ait pas pris les devants.
En outre, l'accord dispose que "… aucun mode d'approvisionnement n'est à priori exclu de toute couverture". Si
cela implique que l'éducation et la santé puissent être couvertes sans mesure de sauvegarde, voilà qui est fort
préoccupant. Votre rapporteur rappelle qu'à la faveur du rapport PE consacré à la manière dont l'UE aborde les
négociations du millénaire, adopté le 18 novembre 1999, il a été spécifiquement exigé que la santé et l'éducation
soient exclues d'une révision du GATT. Tout récemment, lors du Sommet de Nice et à l'occasion de la révision de
l'article 133, le gouvernement français est parvenu à exclure la négociation de ces secteurs qui relevaient de la
compétence de la Commission en matière de commerce, manifestant ainsi une sensibilité spécifique. Il serait par
conséquent incohérent d'incorporer l'éducation et la santé dans l'accord UE-Mexique s'agissant des secteurs à
libéraliser. En outre: "L'accord préviendra l'instauration de toute nouvelle forme de discrimination entre ou parmi
les parties aux secteurs couverts, et permettra l'élimination de toute discrimination substantielle dans les secteurs
couverts dans un délai n'excédant pas 10 ans." Voilà qui explique plus encore qu'une clause de statu quo signifie
que les restrictions imposées au Mexique par l'accord sont bien plus forte que celles dictées par l'OMC, celles-ci ne
comportant aucune disposition portant sur un cadre de 10 ans. En outre, voilà qui limite la capacité des organes
législatifs concernés qui sont chargés d'instaurer de nouvelles lois de manière pour le moins douteuse.
En fin de compte, la société civile mexicaine dans son ensemble estime que les négociateurs mexicains sont allés
au-delà de leurs compétences lors de cet accord d'autant que ce dernier définit les pouvoirs du conseil conjoint
s'agissant du démantèlement du marché mexicain des services (législation), ce qui manifestement relève de la
compétence des pouvoirs législatifs. Il serait fortement souhaitable de prêter assistance à la société civile mexicaine
qui demande la modification de cette disposition à caractère inconstitutionnel.
Investissement
À l'issue des différents effondrements économiques vécus au Mexique, les investissements revêtent une importance
toute particulière. Toutefois, la définition de la notion d'investissement enveloppe les investissements directs,
l'immobilier, l'achat d'obligations, et par conséquent les mouvements spéculatifs, ce qui ouvre la porte à de
nouvelles instabilités financières. Les seules mesures proposées visant à éviter l'impact de cet investissement se
limitent à des mesures de prévention dès lors qu'une crise sera intervenue, au lieu de s'orienter vers la stabilisation
de l'ensemble du système.
L'instauration de nouvelles exigences en matière de performance accrue est également exclue ce qui à nouveau est
hautement douteux en termes de cohésion du développement.
En outre, des problèmes se posent en ce qui concerne la clause de révision. En effet, l'article 35 de la décision du
conseil conjoint fait obligation au Mexique de réviser sa législation relative aux investissements dans un délai de
trois ans afin de le rendre compatible avec les accords internationaux en matière d'investissement.
Interrogeons-nous à nouveau sur le point de savoir si cette procédure est constitutionnellement correcte au Mexique
et votre rapporteur souhaiterait des explications précises à ce sujet. Il est en effet préoccupant puisque cette
disposition pourrait porter atteinte à la constitution mexicaine, toute modification de la législation nationale relevant
de la compétence du corps législatif et non point de l'Exécutif alors que ce dernier est le seul à être représenté au
sein du conseil conjoint, question qui mériterait également d'être éclaircie dans les meilleurs délais.
Le titre IV consacré aux investissements et paiements afférents, indique à l'article 33 (b) que "le développement
d'un cadre juridique favorable aux investissements des deux parties, notamment au travers de la conclusion, le cas
échéant, par les États membres de la Communauté et le Mexique d'accords bilatéraux visant à promouvoir et à
protéger les investissements tout en évitant la double taxation". Ce type d'accord bilatéral existe déjà entre le
Mexique et les États membres de l'UE, une ratification devant intervenir au Royaume-Uni et en Irlande. Ce type
d'accord a été sévèrement critiqué pour une large part dans la civile mexicaine, étant prouvé qu'il octroie un régime
préférentiel aux investisseurs étrangers qui peuvent faire appel aux tribunaux internationaux en vue du règlement de
litiges évitant ainsi le recours à des tribunaux internationaux alors que les investisseurs nationaux ne sont pas
habilités à le faire. Par ailleurs, étant donné que la taxation des sociétés étrangères basées au Mexique, du fait des
autorités mexicaines est pratiquement exclue, les pertes fiscales pourraient être considérables. Tout comme les
observateurs mexicains, votre rapporteur propose un rapport quant aux pertes fiscales mexicaines découlant des
accords bilatéraux.
Droits de propriété intellectuelle
En ce domaine, les dispositions reposent sur un certain nombre de conventions internationales. Tout au long de cet
accord, il est souvent fait référence aux conventions internationales extrêmement vagues, dans la plupart des cas,
d'où la porte ouverte à des interprétations conflictuelles. Il est curieux de constater que le domaine de la biodiversité
et des conventions qui y sont liées ne soit pas mentionné de manière explicite alors qu'il n'est pas fait référence à de
nouvelles conventions et protocoles importants. S'agissant du protocole relatif à la sécurité biologique, non inséré
pour des raisons d'ordre chronologique, il serait utile d'indiquer une référence positive quant à la nécessité du
processus de ratification. En ce qui concerne notamment le Mexique, des normes élevées de protection contre
l'exploitation et l'extinction des espèces s'imposent d'urgence afin de sauvegarder la biodiversité du pays, des
recommandations devant par ailleurs être formulées en ce sens.
Étant donné que par ailleurs l'accord prévoit une coopération dans le secteur de la biotechnologie, toute incohérence
devrait être écartée et les aspects mentionnés précédemment devraient constituer une priorité en matière de
coopération.
Autre source de préoccupation, le titre IV, article 36, paragraphe 4 disposant que dans un délai de trois ans les deux
parties devront avoir adhéré au traité de Budapest relatif à la reconnaissance internationale des dépôts de
micro-organismes en vue d'une procédure relative aux brevets (1977, modifié en 1980). Comment est-il possible
que l'Exécutif s'engage lui-même non seulement à soumettre ce traité à l'attention des Chambres législatives
correspondantes tout en garantissant sa ratification? D'un point de vue juridique, le texte mérite d'être modifié, faute
de quoi il portera à nouveau atteinte à la constitution mexicaine.
Règlement des litiges
Le dispositif envisagé est calqué sur le modèle qu'offre l'OMC en matière de règlement des litiges et souffre par
conséquent des mêmes problèmes: il n'existe aucune participation de la société civile et la hiérarchisation des
résultats des dispositifs et des systèmes juridiques nationaux semble privilégier le premier dispositif cité. Il n'existe
aucune disposition concernant les conventions ou la législation méritant d'être examinée. Afin de prévenir tout
mode d'arbitrage unilatéral fondé sur des préoccupations rigoureusement économiques, les références à la
législation environnementale et du travail ainsi que les conventions afférentes mériteraient d'être mises en place.
Par ailleurs, des références doivent être faites aux dispositifs de consultation avec la société civile, les groupements
de consommateurs concernés, les syndicats etc. C'est en ce sens que l'annexe III, paragraphes 40, 41 et l'article 43
mériterait d'être largement prolongée.
Conclusions
Bien que cet accord ne soit pas encore entré en vigueur dans sa totalité, il est déjà temps d'entreprendre sa révision
s'agissant d'un certain nombre de volets.
Votre rapporteur recommande d'ajouter les points suivants au prochain projet d'ordre du jour du conseil conjoint:
I. La compatibilité des compétences du conseil conjoint avec la constitution mexicaine et, de manière générale,
l'obligation redditionnelle de toute négociation et décision arrêtée par le conseil conjoint devrait avoir rang de
priorité à l'ordre du jour. Ses compétences en termes de libéralisation des services, investissement, propriété
intellectuelle et règlement des litiges, devraient se borner uniquement aux dispositions de la constitution mexicaine.
Un protocole pourrait être envisagé visant à rappeler et clarifier les compétences du Sénat mexicain et du Parlement
européen s'agissant du mandat de négociation et de la conclusion des mesures de libéralisation.
II. La surveillance effective de la situation des droits humains au Mexique ainsi que dans l'UE devrait être
inscrite à l'ordre du jour du conseil conjoint. Afin de rendre le strict contenu de la clause relative aux droits humains
compatible à titre opérationnel et juridiquement contraignant, votre rapporteur propose de réformer les articles 58
et 39 de l'accord global. À cet égard, le conseil conjoint devrait envisager un accord parallèle en matière de
coopération s'agissant des droits humains. Il serait à cet égard utile de consulter les organisations des droits humains
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