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Ces deux versants de l’utilité sociale – utilitariste et politique – sont exposés ici de manière clivée. Ils
constituent en fait les deux faces d’une même pièce. Ceci, parce qu’il est impossible de contribuer à la
résolution de problèmes sociaux individuels et collectifs sans se soucier des conditions socio-
économiques, donc politiques, de leur émergence. Ce que je vous propose maintenant, c’est de voir
comment gérer cette situation.
3.1. Refuser le clivage simplificateur et mortifère
Opposer l’utilité sociale versus logique comptable à l’utilité sociale versus action politique pourrait
être, me semble-t-il, une erreur stratégique mortifère. En effet, nous avons vu à quel point la logique
comptable, fondée sur un fantasme de rationalisation du vivant, est en train d’envahir tous les schémas
de pensée, depuis le vulgum-pecus jusqu’aux décideurs politiques. Il serait vain de vouloir simplement
l’ignorer, elle est omniprésente. Il s’agit donc de réfléchir à ce que nous pouvons en faire. Par ailleurs,
nous avons également vu la difficulté à repolitiser l’action sociale dans un contexte de dépolitisation
des débats de société. Il s’agit donc, ici, de réfléchir à la manière de réintroduire la délibération
démocratique au cœur des pratiques du travail social.
Autrement dit, l’utilité sociale limitée à son seul aspect de rentabilité économique est une impasse car
elle oublie la construction sociale. Inversement, l’utilité sociale réduite à sa seule dimension politique
est une erreur car elle omet la nécessité pour le travail social de développer une opérationnalité
tangible.
3.2. Construire l’alliance entre économique et politique
Il s’agit donc de travailler à une alliance de ces deux faces de la pièce. C’est par cette alliance que le
travail social pourra refonder de nouvelles légitimités. La première légitimité du travail social est de
résoudre effectivement les problèmes sociaux qu’il a à traiter au bénéfice d’individus ou de groupes.
Cette résolution suppose d’atteindre des objectifs, d’obtenir des résultats. Là, la logique comptable
peut nous être utile en démontrant la rentabilité de l’investissement, en rendant visible, lisible et
compréhensible ce qui est fait. Mais il serait suicidaire d’opérer cette démonstration en la situant
uniquement à un niveau monétaire. La démonstration économique doit, en même temps, développer
l’argument de l’utilité politique. Autrement dit, le dispositif de preuve de l’utilité sociale doit assortir
concomitamment des indicateurs économiques (coût, retour sur investissement, coûts évités,
« manque à dépenser »…) et des indicateurs de développement humain (qualité de la vie sociale, bien-
être, accès à la culture, enrichissement du capital social des habitants…). Il convient de refuser un
argumentaire qui ferait l’impasse sur l’un ou l’autre de ces deux aspects antagonistes mais
complémentaires, de ces deux faces opposées mais nécessaires l’une à l’autre.
3.3. Mettre en tension opérationnalité pragmatique et visée politique
En fait, je propose de tenir l’utilité sociale dans un champ de tensions qu’il ne faut pas réduire mais
entretenir comme la condition de l’équilibre énergétique du système d’action. Une image pour
comprendre : c’est un peu comme une bille de métal qui évoluerait dans un espace délimité par deux
aimants. Sa liberté de mouvement consiste à ne pas se laisser prendre par l’une ou l’autre des polarités
qui lui sont offertes mais de rester à juste distance de chacune d’elle pour préserver sa mobilité. C’est
cela se situer dans un champ de tension : savoir où sont nos exigences d’autonomie par rapport aux
dispositifs idéologiques qui encadrent les représentations sociétales, tenir compte des uns et des