DISCUSSION EN SÉANCE PUBLIQUE DE L'AMENDEMENT N°1 sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011 n°3406 10 juin 2011 * M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1. La parole est à Mme Laure de La Raudière. Mme Laure de La Raudière. Cet amendement concerne la taxe abusivement appelée « taxe Google » par son auteur. Elle a pour objet d’aligner la taxation des activités de publicité en ligne avec celles de la presse papier. D’où l’idée du rapporteur général du Sénat de taxer de 1 % tous les achats de publicité en ligne. Elle a été créée avec un objectif louable, légitime et auquel je souscris : faire contribuer les géants de l’Internet – Google, Facebook et d’autres – à l’effort fiscal national, car ils réalisent une partie significative de leur bénéfice avec des clients français, installés en France et consommant en France leurs services. Cette taxe de 1 % sur les dépenses de publicité en ligne est censée rapporter au budget de l’État environ 25 millions d’euros. Mais c’est oublier un peu vite, mes chers collègues, l’extrême facilité de délocaliser les dépenses de publicité en ligne pour les grands annonceurs. Si l’on prend une hypothèse très conservatrice de délocalisation du marché de la publicité en ligne égale à 10 %, on aura alors une perte de TVA de 49 millions d’euros. Cette taxe n’est pas équitable. En effet, elle aura pour conséquence principale de peser uniquement sur les petits annonceurs TPE-PME français, qui n’auront pas les moyens de délocaliser leurs achats d’espace publicitaire en ligne. Cette taxe est aussi un mauvais signe pour le développement de l’internet en France. On sait que le numérique représente 3,2 % du PIB français, mais 25 % de la croissance du PIB ; que 700 000 emplois nets ont été créés depuis quinze ans, tandis que 450 000 autres le seront d’ici à 2015. Cette taxe a suscité une incompréhension totale des acteurs de l’internet et même des internautes. 1/5 L’internet, vous le savez, ne s’arrête pas en France : son territoire est mondial. C’est d’ailleurs la raison de l’extrême difficulté que nous pouvons avoir sur les sujets fiscaux le concernant. C’est au niveau européen que doit être posé le débat de la fiscalité des géants de l’internet, tels Google et Facebook. M. Henri Plagnol. Très bien ! Mme Laure de La Raudière. Nous devons sans doute travailler avec nos partenaires européens pour étudier les possibilités d’une fiscalité sur les lieux de consommation et non de production pour la TVA des services en ligne. M. le président. Madame de La Raudière, je vous invite à conclure rapidement. Mme Laure de La Raudière. Le Conseil national du numérique a prévu de travailler sur ce sujet, mais a aussi exprimé un avis favorable à la suppression de la taxe Google, pour les raisons que j’indiquais. Mes chers collègues, cet amendement de suppression devrait être adopté à l’unanimité. D’abord, il ne met nullement en danger les finances publiques. Au contraire, cette taxe risque de coûter de l’argent à l’État. Ensuite, il montrerait aux acteurs de l’internet et aux internautes que les députés ont bien compris le fonctionnement d’internet et les enjeux de croissance que ce secteur représente pour notre pays. M. le président. Quel est l’avis de la commission ? M. Gilles Carrez, rapporteur général. Madame de La Raudière, vous connaissez la sagesse et l’esprit de mesure de la commission des finances ; nous avons donc souhaité garder de bonnes relations avec nos collègues du Sénat. C’est pourquoi nous avons examiné avec beaucoup d’intérêt votre amendement, mais nous nous sommes finalement ralliés à un amendement que vont vous présenter Charles de Courson ou Olivier Carré, qui tend à repousser la mesure d’un an. M. Philippe Vigier. Très bien ! M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. C’est l’heure des décisions héroïques ! M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ? M. François Baroin, ministre. Nous sommes bien conscients que le dispositif présente des inconvénients indéniables. À cet égard, la démonstration faite par Mme de La Raudière est très pertinente. Le 2/5 Conseil national du numérique, mis en place sous l’impulsion du Président de la République, travaille sur ce sujet qui anime de façon assez légitime tous les opérateurs, ainsi que les internautes. C’est la raison pour laquelle il nous semble plus sage d’attendre le processus de discussion à l’intérieur de ce Conseil national représentatif. C’est aussi la raison pour laquelle, sur ce point, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée. M. le président. La parole est à M. Charles de Courson. M. Charles de Courson. Tout le monde sait que cette « taxe Google » porte mal son nom car Google ne paie pas ! À quoi aboutit-elle ? Les gros foutent le camp à l’étranger et seuls les petits paient. M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Eh bien oui ! C’est toujours le cas en France, non ? M. Charles de Courson. La démonstration en a été faite par notre collègue. Si le ministre accepte que l’Assemblée se rallie à l’amendement de mes collègues Carré et Martin-Lalande, c’est-à-dire à l’amendement n° 421, soit ! Mais c’est un peu comme dire : « Encore une minute, monsieur le bourreau ! ». Votons cet amendement, cette taxe n’en reste pas moins indéfendable. Néanmoins, tout le monde sera content car on aura gagné un an. Je vous rappelle en effet que cette taxe est censée s’appliquer au 1er juillet de cette année. C’est donc maintenant qu’il faut agir. Après, il sera trop tard. Notre solution est un compromis. M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle est sénatoriale ! (Sourires.) M. Charles de Courson. Si vous voulez. Comme nous pouvons tout nous dire, monsieur le rapporteur général,… M. le président. Peut-être pas quand même, monsieur de Courson ! M. Charles de Courson. …il s’agit là, en fait, d’une erreur qui a été commise par nos collègues sénateurs. Il faut le dire ; que celui qui n’en a jamais commis lève la main. Simplement, il faut maintenant la réparer. Nous avons donc proposé l’amendement n° 421 et nous donnerons satisfaction dans un an à Mme de La Raudière. M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière. Mme Laure de La Raudière. Mes chers collègues, il y a une raison technique pour laquelle je vous demande de ne pas vous rallier à l’amendement n° 421 : il vise à reporter l’entrée en vigueur au 1er juillet 2012. Or que va-t-il se passe d’ici là ? 3/5 M. Jérôme Cahuzac, L’alternance ! (Rires.) président de la commission des finances. Mme Laure de La Raudière. Des discussions doivent avoir lieu au niveau de l’Europe. Si nous l’adoptons, nous n’aurons donc pas le temps de travailler avec l’Europe. De plus, nous n’aurons qu’une seule loi de finances d’ici au 1er juillet 2012, celle pour 2012, qui viendra en novembre. Si vous voulez que je refasse la même démonstration au mois de novembre, je serai là, mais, mes chers collègues, n’oubliez pas non plus que, derrière tout cela, il y a notre crédibilité à nous tous, vis-à-vis des internautes et des acteurs du secteur, s’agissant de notre compréhension du fonctionnement d’internet. Excusez-moi, mais c’est tout de même important ! Profitons de l’avis de sagesse émis par le ministre ; supprimons cette taxe tous ensemble et dès aujourd’hui. Faisons confiance au Conseil national du numérique pour travailler sur ce sujet – il s’y est engagé – et n’oublions pas le niveau européen. Ainsi, nous aurons pour une fois réglé le problème de façon plus judicieuse qu’en reportant d’année en année cette taxe qui, Charles de Courson l’a dit, est stupide. M. le président. La parole est à M. Olivier Carré. M. Olivier Carré. Je voudrais aller dans le sens de Mme de La Raudière. L’amendement que nous avions proposé à la commission était plutôt un amendement de repli. L’idée était, comme l’a dit Charles-Amédée de Courson, de corriger une erreur. L’intention a été d’ailleurs bien comprise si j’en crois l’intervention du ministre. Il serait bon que notre assemblée en prenne l’initiative, et cela malgré l’avis du Sénat. Je le dis d’autant plus volontiers que je dois travailler avec des sénateurs, ce dont je me réjouis, sur un sujet qui n’est finalement pas si éloigné, puisqu’il s’agit aussi de taxer cette poule aux œufs d’or qu’est internet. Il serait bon que cette poule aux œufs d’or se développe vraiment et qu’elle en ait les moyens, comme on le voit dans d’autres débats, par exemple la fibre optique. Les acteurs d’internet ont besoin de moyens pour structurer notre pays, qui doit avancer dans ce domaine. Bref, si l’on peut corriger cette erreur dès maintenant, je pense qu’il faut voter l’amendement n° 1. Si toutefois vous considérez que le moment n’est pas venu et qu’il vaut mieux, comme le disait Charles-Amédée de Courson, attendre le bourreau, il y a l’amendement de repli. Mais je vous invite quant à moi à voter le premier. 4/5 (L’amendement n° 1 est adopté.) * ** 5/5