Imagerie optique de la cavité buccale

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I compte-rendu _ diagnostic optique
Imagerie optique
de la cavité buccale
Techniques d'imagerie novatrices et émergentes
Auteurs_Danielle Le, Anh Le, Jennifer Holtzman, Joel E. Stein & Petra Wilder-Smith, États-Unis
_La prévention de la maladie ou l'inversion du
processus de la maladie au stade précoce a pris le pas
sur la limitation de ses effets sur la cavité buccale et
c'est ainsi que le besoin d'un instrument de détection et de diagnostic sensible et précis a émergé. De
nouvelles méthodes de diagnostic optique pour la
cavité buccale, sont désormais disponibles pour les
cliniciens et présentent des caractéristiques utiles,
telles que : (a) non invasives ; (b) absence de radiation ionisante ; (c) adaptées au patient ; (d) information en temps réel ; (e) répétabilité ; et (f) images de
surface et de sous-surface en haute résolution. Cet
article va parcourir les principes étayant les approches de diagnostic optique, leur faisabilité et leur
applicabilité à l'imagerie de tissus mous et durs, ainsi
que leur utilité potentielle en tant qu'outil de diagnostic des lésions muqueuses buccales, des pathologies dentaires, et pour d'autres applications dentaires.
_Introduction
L'imagerie luminescente utilisée sur des tissus
détecte des changements minimes, tels que : (a) la
microanatomie cellulaire (par exemple, le rapport
nucléaire/cytoplasmique) ; (b) les conditions redox ;
10 I laser
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(c) l'expression des biomarqueurs spécifiques ; (d)
l'architecture et la composition des tissus ; (e) les
changements chimiques (par exemple la minéralisation) ; et (f) la vascularité/l'angiogenèse et la perfusion. Ces propriétés sont idéales à la détection de
changements (précoces) minimes, dans l'évaluation
des marges de lésions et potentiellement, la présence d'anomalies subcliniques au-delà des marges
cliniques, dans le cas d'un examen répété non invasif de lésions existantes, et lors des examens sommaires de populations à risques.
_Cancer de la bouche
A. Chimiluminescence : ViziLite
Ce système d'imagerie est utilisé pour les cavités
buccales depuis 2001. Après un rinçage avec une solution d'acide acétique diluée, la cavité buccale est
alors examinée par illumination chimiluminescente
à des longueurs d'onde de 430, 540 et 580 nm. Cette
méthode augmente les distinctions visuelles entre
les muqueuses normales et les lésions buccales
blanches (Huber et al. 2004 ; Kerr et al. 2006 ; Epstein
et al. 2006 ; Epstein et al. 2008). Les signaux détectés peuvent être relatifs à l'épaisseur altérée del'épithélium ou à la présence d'une densité supérieure du
compte-rendu _ diagnostic optique
I
comme un outil complémentaire dans le cadre de
l'identification de lésions buccales (McIntosh & Farah 2009).
B. Spectroscopie et autofluorescence
L'autofluorescence des tissus a été utilisée pour
le contrôle et le diagnostic du pré-cancer et du cancer au stade précoce du poumon, du col de l'utérus,
de la peau et plus récemment, de la cavité buccale.
Pendant le développement de la maladie, la structure cellulaire altérée (par exemple l'hyperkératose,
l'hyperchromatine et le pléomorphisme cellulaire/nucléaire accru), et/ou le métabolisme (par
exemple la concentration de flavine adénine dinucléotide et de nicotinamide adénine dinucléotide),
ont un effet sur l'interaction des tissus avec la lumière. L'imagerie par spectroscopie ou autofluorescence peut fournir des informations sur les propriétés de l’interaction avec la lumière altérée.
contenu nucléaire et de la matrice mitochondriale
qui favorisent la réflexion de la lumière. Des lésions
hyper-kératinisées ou dysplasiques apparaissent
d’un blanc distinct lorsqu'elles sont vues sous une
lumière diffuse de longueur d'onde à faible énergie.
En revanche l'épithélium normal absorbera la lumière et apparaîtra foncé (Lingen et al. 2008). Depuis
que la plupart des études en matière de chimiluminescence ont fait état de perceptions subjectives des
lésions intra-buccales en termes de clarté, netteté et
texture, par rapport aux examens cliniques de routine, l'interprétation des données peut varier de manière significative selon le technicien qui fait l’examen (Huber et al. 2004 ; Kerr et al. 2006). En janvier
2005, une association de bleu de toluidine avec les
systèmes ViziLite (ViziLite Plus avec le système
TBlue) a reçu l'aval de la FDA pour servir de complément lors d'examens visuels de la cavité buccale au
sein de populations présentant un risque élevé de
cancer de la bouche. Une étude multicentrique sur
des patients à risque, a révélé que la majorité des lésions présentant un diagnostic de dysplasie ou de
carcinome in situ étaient détectées et recensées
grâce à ViziLite et au bleu de toluidine (Epstein et al.
2008). Un nouveau système de chimiluminescence
(Microlux/DL, AdDent) a été présenté récemment
Au cours de la dernière décennie, différentes
formes de la technologie d'autofluorescence ont été
développées dans le cadre de l'inspection des muqueuses buccales. Le LED Medical Diagnostics Inc en
partenariat avec la British Columbia Cancer Agency,
a commercialisé le système VELscope (Lingen et al.
2008 ; Patton et al. 2008 ; De Veld et al. 2005). Lorsqu'elles sont visualisées à travers la partie oculaire
de l’instrument, les muqueuses buccales normales
émettent une autofluorescence vert pâle lorsqu'elles sont stimulées par une excitation bleue intense à une longueur d'onde de 400 à 460 nm, alors
que les lésions dysplasiques montrent une autofluorescence diminuée et apparaissent plus foncée
par rapport aux tissus environnants sains. Différentes études se sont penchées sur l'efficacité du
système VELscope dans le cadre d'un examen visuel
et ont révélé une amélioration de la capacité à distinguer les lésions buccales des muqueuses saines et
à différencier les différents types de lésions (De Veld
et al. 2005). Dans l'ensemble, la technique est très
sensible mais de faible spécificité (De Veld et al.
2005). En utilisant l'histologie comme référence,
VELscope a démontré une sensibilité et une spécificité élevées lors de l'identification de régions de dysplasie et de tumeur maligne dépassant nettement
les tumeurs cliniquement évidentes (Lingen et al.
2008 ; Patton et al. 2008 ; De Veld et al. 2005 ; Onizawa et al. 1996 ; Schantz et al. 1998). Une application clinique directe comporte une évaluation des
marges pathologiques chez le patient qui est susceptible d’avoir des lésions buccales malignes et ce
faisant, aide à guider la gestion chirurgicale (Poh et
al. 2007 ; Rosin et al. 2007). Cependant, les évaluations du système VELscope dont il est fait état proviennent de séries de cas ou de rapports de cas plutôt que d’essais cliniques, et aucune étude publiée
n'a évalué le système VELscope en tant que complé-
laser
3
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I compte-rendu _ diagnostic optique
ment de diagnostic dans le cadre du dépistage de
populations de patients (y compris les patients avec
ou sans antécédents de dysplasie/de carcinome à
cellules squameuses de la cavité buccale).
Une autre étude utilisant l'imagerie par fluorescence quantitative sur 56 patients présentant des
lésions buccales et 11 volontaires, a permis de différencier des tissus sains d’une dysplasie et d’un cancer invasif, avec une sensibilité de 95,9 % et une spécificité de 96,2 % dans le kit de formation, et avec
une sensibilité de 100 % et une spécificité de 91,4 %
dans le kit de validation. Des cartes de probabilité des
lésions valident qualitativement l'évaluation clinique ainsi que l'histologie (Roblyer et al. 2009).
D'avantage d'essais cliniques sont nécessaires pour
différentes populations afin de permettre d'évaluer
pleinement l'utilité clinique de cette technologie
prometteuse. D'autres appareils utilisant une
gamme de techniques spectroscopiques souvent
combinées à d'autres technologies, sont en phase de
développement. Parmi eux : le système FastEEM4,
l'Identafi (Remicalm) et le PS2-buccal (Schwarz et al.
2009 ; McGee et al. 2008 ; Lane et al. 2006 ; De Veld
et al. 2005 ; Wagnieres et al. 1998 ; Ramanujam et al.
2000 ; Culha et al. 2003 ; Choo-Smith et al. 2002 ; Bigio et al. 1997 ; Farrell et al. 1992). Des essais cliniques sont toujours à un stade relativement précoce, mais les premiers résultats sont encourageants. La technologie Identafi combine l'imagerie
anatomique à la fluorescence, aux fibres optiques et
à la microscopie confocale pour recenser et délimiter précisément la lésion dans la zone qui est examinée. Lors d’un test de dépistage sur 124 sujets pour
différencier entre les sites néoplastiques et non
néoplastiques de la cavité buccale, une sensibilité de
82 % et une spécificité de 87 % ont été déterminées.
Les résultats variaient entre les profondeurs
d'échantillonnage et les tissus kératinisés versus les
tissus non kératinisés (Schwarz et al. 2009). Parmi
les plus grandes difficultés des diagnostics par spectroscopie figurent le ratio signal/bruit souvent
faible, la difficulté d'identifier la source précise des
signaux, la quantification des données et la difficulté d'établir des jalons et des critères en matière de
diagnostic, particulièrement vu la vaste gamme de
types de tissus présents dans la cavité buccale. La
profondeur de pénétration des tissus est une limite
inhérente à la technologie. La mutagénicité potentielle provoquée par la lumière UV dans la structure
clinique figure également au nombre des préoccupations.
C. Photosensibilisants
Lorsque des photosensibilisants topiques ou systémiques sont administrés, leur capacité à s'accumuler dans les cellules cancéreuses et à émettre une
fluorescence sous des longueurs d'onde spécifiques
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peut servir à identifier et à délimiter les zones microscopiques de changements (Kennedy et al. 1992;
Cassas et al.2002). Cette approche permet de cartographier en 3D la surface épithéliale et la limite
sous-épithéliale, de contrôler les surfaces étendues
et elle donne l'option d'une photodestruction de la
lésion photosensibilisée. Parmi certains agents prometteurs pour la photodétection figurent l'acide
aminolévulinique (Levulan), l'hexyl aminolévulinate
(Hexvix), l'aminolévulinate de méthyle (Metvix), le
méta-tétra (hydroxyphényl) chlorine, ainsi que le
porfimère sodique (Photofrin ; Ebihara et al. 2003 ;
Leunig et al.1996, 2000, 2001 ; Chang & WilderSmith, 2005). Dans une étude clinique en aveugle
réalisée sur 20 patients présentant des néoplasmes
buccaux, la sensibilité de diagnostic avec l'aide du
diagnostic visuel par fluorescence non assistée ou
de la microscopie par fluorescence se rapprochait de
93 %. La spécificité de diagnostic était de 95 % pour
le diagnostic visuel et s’améliorait jusqu’à 97 %
grâce à la microscopie par fluorescence (Chang &
Wilder-Smith, 2005). Une étude récente utilisant
des agents fluorescents ciblés à facteur de croissance épidermique par application topique sur des
lésions de la muqueuse buccale, combinés à l'imagerie in vivo, a donné des résultats encourageants
concernant la détection de lésions, la délimitation
de la marge et comme étant un instrument possible
de guidage complémentaire pour la biopsie (Nitin et
al. 2009). En fonction du photosensibilisant et de
son mode d'application (systémique versus topique), les limitations comprennent la photosensibilisation systémique au cours de périodes prolongées, les questions relatives à la pénétration, le besoin d'une détection par fluorescence spécialisée et
d’un équipement de cartographie, et le manque de
spécificité en cas d'inflammation ou de cicatrice sur
le tissu.
D. Tomographie par cohérence optique (TCO)
La tomographie par cohérence optique (TCO) a
d'abord été présentée comme technique d'imagerie
dans les systèmes biologiques en 1991 (Huang et al.
1991). La nature non invasive de cette méthode
d'imagerie, associée à une profondeur de pénétration de 2 à 3 mm, une haute résolution (5-15 µm),
une visualisation d'images en temps réel et la capacité d'obtenir des images en coupe transversale ainsi
que des images tomographiques en 3D, offrent
d'excellentes conditions préalables pour le dépistage buccal in vivo et le diagnostic. La TCO a souvent
été comparée à l'imagerie par ultrason. Ces deux
technologies utilisent des signaux rétrodiffusés réfléchis par différentes couches dans le tissu pour reconstruire les images de structure ; la dernière mesurant le son plutôt que la lumière. L'image fournie
par TCO est une représentation 2D de la réflexion optique dans l'échantillon d’un tissu. Les images en
I compte-rendu _ diagnostic optique
coupe transversale du tissu sont construites en
temps réel, proches de la résolution histologique
(approximativement 5-15 µm avec la technologie
actuelle). Ces images peuvent être compilées pour
générer une reconstruction 3D du tissu ciblé. Ceci
permet une imagerie in vivo non invasive des structures épithéliales et sous-épithéliales y compris la
profondeur et l'épaisseur, l'apparence histopathologique et les marges périphériques des lésions.
Fig. 1_Élément essentiel pour une
thérapie efficace : le diagnostic
optique.
Différents systèmes de TCO ont reçu l'approbation de la FDA aux États-Unis pour l'usage clinique,
et la TCO est considérée par beaucoup comme une
méthode indispensable d'imagerie dans le domaine
de l'ophtalmologie. L'acquisition d'image in vivo est
facilitée par l'usage d'une sonde TCO à fibre optique
souple. La sonde est simplement placée à la surface
du tissu afin de générer des images en temps réel de
la surface immédiate, et de la sous-surface de la microanatomie cellulaire, et de la structure cellulaire,
tout en évitant la gêne, le délai et les frais encourus
avec les biopsies. Différentes études ont cherché à
découvrir l'utilité du diagnostic par TCO in vivo pour
détecter et diagnostiquer les tumeurs buccales prémalignes et malignes (Tsai et al.2008 ; Wilder-Smith
et al. 2009). Dans une étude en aveugle réalisée sur
50 patients présentant des lésions suspectes, y compris des leucoplasies et des érythroplasie buccales,
l'efficacité de la TCO pour détecter la dysplasie et la
malignité buccale a été évaluée (Wilder-Smith et al.
2009). Les images par TCO de lésions dysplasiques
montraient un épaississement épithélial visible, une
perte de la stratification épithéliale et un ralentissement de la croissance épithéliale. Des zones de carcinome à cellules squameuses de la muqueuse buccale ont été décelées dans des images par TCO, par
l'absence ou la fragilisation de la membrane basale,
une couche épithéliale dont l'épaisseur variait beaucoup, présentant des régions d'érosion et un ralentissement de la croissance important, ainsi qu'une
invasion des couches sous-épithéliales. L'analyse
statistique des données collectées lors de cette
étude a confirmé la capacité de la TCO in vivo à détecter et à diagnostiquer la prémalignité et la malignité dans la cavité buccale et ceci, avec une excellente précision de diagnostic. Pour détecter si la muqueuse était saine versus un carcinome in situ ou un
carcinome à cellules squameuses étaient présents,
la sensibilité était de 0,931 et la spécificité de 0,931;
pour détecter le carcinome à cellules squameuses
versus toutes les autres pathologies, la sensibilité
était de 0,931 et la spécificité de 0,973.
Dans une autre étude réalisée sur 97 patients,
utilisant l'imagerie par TCO pour détecter les néoplasies dans la cavité buccale (Tsai et al. 2009), les résultats ont montré que le critère principal de diagnostic pour la dysplasie/le carcinome de haut
grade in situ était le manque de schéma structurel
en couches. Le diagnostic fondé sur ce critère pour
les conditions dysplasiques/malignes versus bénignes/réactives a obtenu une sensibilité de 83 % et
une spécificité de 98 %, avec une valeur de concordance inter-observateurs de 0,76. Cette étude a
conclu que la TCO avec une sensibilité et une spécificité élevées, combinée à une bonne concordance
inter-observateurs, constitue une méthode d'imagerie prometteuse dans le cadre de l'évaluation non
invasive de zones de tissus susceptibles de présenter une dysplasie ou un cancer de haut grade.
D'autres études ont utilisé l'analyse directe de profils scan par TCO plutôt que des critères se basant sur
les images, dans le but de délimiter l’emplacement
et les marges des lésions cancéreuses de la bouche
(Tsai et al. 2008). L'utilisation des paramètres numériques des profils scan en tant que critère de diagnostic, a montré que la constante du déclin dans la
courbe exponentielle de l'intensité du signal de la
TCO le long de la profondeur du tissu, se réduisait à
mesure que le point du scan se déplaçait latéralement sur la marge d'une lésion. De plus, la déviation
standard de la fluctuation de l'intensité du signal de
la TCO, augmentait de manière significative le long
de la zone de transition entre les parties normales et
anormales. Les auteurs sont parvenus à la conclusion que de tels paramètres peuvent s'avérer utiles
dans la définition d'un algorithme visant à détecter
et à cartographier les marges des lésions d'un cancer de la bouche. Une telle capacité a une importance énorme d'un point de vue clinique dû au besoin de mieux définir les marges d'excision pour être
en mesure d’éliminer les lésions buccales prémalignes et malignes chirurgicalement.
_Pathologies dentaires et autres
applications
La diffusion lumineuse, la réflexion, l'absorption
et la fluorescence induite par laser peuvent fournir
de nombreuses informations quant à la structure et
Fig. 1
14 I laser
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ser la TCO in vivo pour concrétiser en image un tissu
sain et déminéralisé et sur les procédés de restauration (Colston et al. 1998). Une publication récente a
décrit l'usage de la TCO in vivo pour déterminer l'efficacité d'un inhibiteur de la pompe à protons dans
le traitement du reflux gastro-œsophagien en surveillant l'érosion dentaire avec la TCO (Wilder-Smith
et al. 2009). L'étude s'est avérée intéressante du fait
que les chercheurs ont été capables de déceler une
association entre les médicaments et une réduction
de l’érosion de l'émail.
Fig. 2
Fig. 2_Dysplasie sévère sous lumière
blanche. (Avec l'aimable permission
de 14th Floor Solutions ; VELscope®)
la pathologie des tissus durs. Les techniques décrites
ci-dessous — TCO, TCO sensible à la polarisation
(TCO-SP), la fluorescence par laser (DIAGNOdent,
KaVo), la fluorescence quantitative induite par laser
(FQL), la transillumination par fibre optique — exploitent ce concept, affichant différents degrés de
spécificité et de sensibilité dans le cadre de la détection de la déminéralisation et du déclin des matrices
dentaires, de la structure anatomique de l'organe
dentaire, ainsi que des biofilms microbiens et du
tartre qui y est attaché.
_Caries dentaires
A. Tomographie à cohérence optique
Comme décrit ci-dessus, la TCO mesure l'intensité de la lumière rétrodiffusée pour créer des
images. La lumière ne voyage pas à vitesse constante
lorsqu'elle traverse différentes structures. Elle est
plus rapide dans les matières à indice de réfraction
bas et plus lente dans ceux à indice de réfraction
moyen à élevé. De plus, lorsque la lumière se heurte
à un brusque changement dans la réfraction, l'onde
est réfléchie soit extérieurement soit intérieurement. L'intensité de la réflexion dépend de la variation de la réfraction, de l'angle selon lequel la vitesse
voyage et de la polarisation de la lumière. Si le changement de réfraction entre les milieux est graduel,
la réflexion sera minime (Brenzinski et al. 2006 ; Colston et al. 1998 ; Feldchtein et al. 1998 ; Otis et al.
2000). Le changement entre les tissus durs tels que
l'émail et la dentine, et entre des milieux sains et déminéralisés ou carieux peut alors être interprété
pour créer des images des tissus durs en 2D ou 3D.
Différentes propriétés optiques font donc encore
l'objet de recherches, en tant que quantificateurs
potentiels des changements de minéralisation permettant de détecter les caries dentaires (Li et al.
2009). Lors des débuts de la TCO, deux groupes de
chercheurs se sont penchés sur la possibilité d'utili-
16 I laser
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B. La TCO sensible à la polarisation
L'émail et la dentine présentant de forts effets
polarisants, des changements dans la polarisation
fournissent d'avantage d'informations structurelles que la TCO conventionnelle (Brezinski, 2006).
La lumière est diffusée en une polarisation et la réflexion est lue dans les deux polarisations. Bien que
nous n'ayons pu trouver d’études cliniques utilisant
la TCO sensible à la polarisation (TCO-SP), des recherches approfondies ont été réalisées par Fried
ainsi que d'autres chercheurs, et ont montré que
cette technologie a le potentiel de surveiller la déminéralisation/reminéralisation, et de quantifier la
structure dentaire déminéralisée, même sous le matériau d’obturation (Manesh et al. 2009 ; Chen et al.
2005 ; Jones et al. 2006 ; Jones & Fried 2006 ; Ngaotheppitak et al. 2005 ; Chong et al. 2007 ; Jones et al.
2004). Malheureusement, la technologie TCO-SP n'a
pas encore permis de déceler les caries radiculaires
(Lee et al. 2009).
C. La fluorescence induite par laser
La lumière rétrodiffusée de la fluorescence induite par laser s'avère être un instrument permettant de détecter et de quantifier l’activité de la carie
(Zandona & Zero 2006). Une lumière de laser rouge
(longueur d'onde de 655 nm) est absorbée par une
matière organique et inorganique dans la dent et est
ensuite rediffusée depuis la matière organique en
tant que lumière fluorescente proche-infrarouge.
L'appareil fournit une impression numérique et diffuse un signal audible lorsqu'une carie est détectée.
Les résultats des études relatives à l'utilité du diagnostic avec DIAGNOdent varient considérablement (Chong et al. 2003 ; Kuhnisch et al. 2008). Le
manque de cohérence dans le diagnostic peut refléter : (a) le besoin pour les cliniciens d'apprendre à
utiliser correctement l'appareil ; (b) les tâches et/ou
le tartre affectant l’interprétation ; et (c) la difficulté
à déterminer la valeur numérique à laquelle l'intervention chirurgicale est indiquée (Shi et al. 2000).
Cependant, la littérature semble être cohérente
dans la manière de décrire DIAGNOdent comme
étant un instrument plus efficace dans la détection
des caries dentaires que celle des caries de l'émail.
Un des autres avantages du DIAGNOdent réside
compte-rendu _ diagnostic optique
I
dans sa capacité à identifier la structure dentaire infectée qui a été excavée (Lussi et al. 2004). Si le niveau élevé des résultats faussement positifs de
DIAGNOdent peut être un désavantage pour certains cabinets dentaires, cet instrument peut s'avérer utile dans un examen visant à détecter les caries,
pour une population à haut risque ayant un accès limité aux soins dentaires.
D. Fluorescence induite par laser
La fluorescence induite par laser utilise des longueurs d'onde d'excitations multiples variant de
290 à 450 nm pour mesurer la perte minérale de
l'émail et de la dentine (Hall & Girkin 2004). Contrairement au système DIAGNOdent, cet appareil fournit des images du tissu cible codées par couleurs. La
structure dentaire saine apparaît en fluorescent et
la structure dentaire cariée apparaît foncée (Hall &
Girkin 2004). La carie diffuse de la lumière et cartographier la lésion cariée peut alors s'avérer difficile.
Il est intéressant de noter que la nature prédictive de
cette technologie dépend de la population (Hall et al.
2004). Chez une population à haut risque, la fluorescence induite par laser permet d'éviter de nombreux cas de caries (.90–.98) futures (Zandon & Zero
2006). Ceci qui n'est pas le cas chez une population
à faible risque. Les taches, la plaque et la fluorose
peuvent avoir un impact sur la fluorescence induite
par laser (Zandona & Zero 2006). La lumière UV à
haute intensité peut générer des radicaux libres, potentiellement toxiques pour les tissus vivants.
E. Transillumination par fibre optique
Cette approche utilise les changements dans la
diffusion et l'absorption des photons grâce aux caractéristiques structurelles, pour détecter les caries
en temps réel. La sécurité est l'un des avantages de
cette technologie, les UV ne sont pas utilisés. Dans la
transillumination par fibre optique avec imagerie
numérique ou DIFOTI, la lumière traversant la dent
est interprétée par un appareil numérique de l'autre
côté de la dent. La DIFOTI semble fonctionner sur les
lésions précoces en surface ; cependant, sa spécificité est faible et peut conduire à un sur-traitement
et à l’impossibilité de déterminer la profondeur de la
lésion, ce qui limite les zones d'usages potentielles
(Young et al. 2005 ; Bin-Shuwaish et al. 2008 ;
Schneiderman et al. 1997). Récemment, Wu et Fried
ont utilisé la transillumination proche infrarouge
(NIR) pour mettre en images les caries dentaires (Wu
& Fried 2009). Cette technologie tire avantage de la
transparence d'un émail sain à 1.310 nm, ce qui est
considérablement réduit dans une structure dentaire malade. Les zones déminéralisées à la surface
de l'émail apparaissent plus claires, alors que les lésions plus profondes apparaissent plus foncées. Cependant, les contrastes faibles en comparaison avec
le signal de réflectance élevé et la baisse d'efficacité
Fig. 3
avec l'épaisseur grandissante de la dent, constituent
des défis cliniques importants. Bien que nous
n’ayons été capables d'identifier la moindre étude
utilisant la transillumination proche infrarouge
(NIR), le concept s'annonce très prometteur, car il
permet aux cliniciens de surveiller la reminéralisation de l'émail.
Fig. 3_La lésion vue en utilisant la
visualisation par fluorescence du
VELscope. (Avec l'aimable
permission de 14th Floor Solutions ;
VELscope®)
_Autres applications dentaires
Parodontie
A. Fluorescence avec sonde parodontale pour
DIAGNOdent
Étant donné que le tartre apparaît d’une manière
fluorescente qui est différente de celle des tissus
sains, l'usage de la fluorescence induite par laser a
été préconisé comme moyen de détecter le tartre résiduel, après un surfaçage ou un détartrage radiculaire. La sonde parodontale du DIAGNOdent est
meilleure que les méthodes conventionnelles pour
aider à la détection clinique de dépôts résiduels de
tartre sous-gingivaux (Kasaj et al. 2008 ; Krause et
al. 2003 ; Krause et al. 2005). Des sons audibles et des
valeurs mesurables, sont les signes de la présence de
tartre lors de l'examen et peuvent sensibiliser le patient quant au niveau de tartre présent, ce qui l'incitera d'avantage à suivre le traitement recommandé.
B. La tomographie à cohérence optique
Différentes études in vitro ont démontré l'usage
potentiel de la TCO en tant qu'instrument complémentaire dans le cadre du diagnostic de la maladie
parodontale. Des études effectuées sur des sujets
porcins ont montré des images haute résolution de
tissus parodontaux, des interfaces émail-cément et
gencive-dent (Colston et al. 1998). Alors que les résultats d'études précoces in vivo se sont avérés prometteurs, une imagerie cohérente des tissus parodontaux reste un défi en raison de la profondeur de
pénétration limitée et des tailles des numérisations
laser
3
_ 2012
I 17
I compte-rendu _ diagnostic optique
par TCO (Colston et al. 1998). Une autre étude effectuée par Baek et al., a démontré l'efficacité de la TCO
pour suivre les changements du ligament parodontal pendant les déplacements orthodontiques de la
dent au sein d'une population de rats (Baek et al.
2009).
Endodontie
A. La fluorescence avec la sonde parodontale
DIAGNOdent
Une évaluation en temps réel de la condition microbienne du système du canal radiculaire s'avérerait utile dans le cadre de la pratique clinique endodontique pour déterminer les critères d’évaluation
du traitement biomécanique. Le DIAGNOdent, en
combinaison avec un prototype d'embout saphir
conçu pour l'évaluation parodontale, a été utilisé
dans le cadre d'une étude ex vivo sur des dents extraites, afin d'évaluer la chambre pulpaire et le tiers
coronal du système radiculaire. Les propriétés de
fluorescence des colonies bactériennes, des biofilms
dans les canaux radiculaires, du tissu pulpaire mou
et de la dentine saine ont été évalués sur 50 dents
extraites présentant une pathologie endodontique.
La dentine et le tissu pulpaire mou, tout deux sains,
ont rendu une lecture de fluorescence moyenne de
5 (sur une échelle de 100), alors que les biofilms d'enterocoque faecalis et de streptocoque mutant dans
les canaux radiculaires, ont montré une augmentation progressive des signaux fluorescents au fil du
temps. Les lectures de fluorescence se sont réduites
à des mesures ramenées au seuil de « valeurs saines »
lorsque les canaux radiculaires étaient traités endodontiquement et que les biofilms bactériens, créés
de manière expérimentale, étaient éliminés. Des lectures de fluorescence élevée ont été enregistrées
dans les canaux radiculaires et dans les chambres
pulpaires des dents extraites, avec preuves radiographiques de pathologie périapicale et preuves par
microscopie à balayage électronique d'infection
bactérienne (Sainsbury et al. 2009).
B. La tomographie à cohérence optique
Dans le cadre d'une étude menée sur des dents
extraites, la précision de diagnostic de la TCO haute
résolution utilisant une sonde intra-canal de
0,5 mm de diamètre pour la cartographie des canaux
ovales, des ailettes non nettoyées, des zones à
risques et des perforations radiculaires, était
presque similaire à celle trouvée dans l'histologie
(Shemesh et al. 2007). La sonde a été introduite facilement dans un canal radiculaire préparé et sa
souplesse a permis une pénétration et une progression facile à travers les courbures. La sonde optique
a fait une rotation à l'intérieur d'une gaine de sonde,
de façon à ce que les lignes adjacentes dans chaque
rotation puissent s'accumuler, pour former un cadre
montrant une coupe transversale de l'architecture
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des tissus dans la paroi. Le scan a été rapide, à peu
près 15 secondes pour une racine de 15 mm de long.
Les auteurs sont parvenus à la conclusion que la TCO
à fibre optique s'avère prometteuse dans le domaine
de l'imagerie endodontique in vivo.
Une autre étudeex vivo a mesuré une micro-fuite
apicale à la suite d'un traitement endodontique par
TCO(Todea et al. 2009). L'imagerie par TCO s'est avérée efficace dans l'identification du scellement apical. Cependant, dans les situations cliniques réelles,
l'usage de la TCO pour les diagnostics périapicaux est
limité par sa profondeur de pénétration réduite dans
l'os contenant la dent.
_Conclusion
Les technologies optiques émergentes s'avèrent
très prometteuses pour toute une série d'applications de diagnostics buccaux, avec des capacités de
haute résolution, d'imagerie tomographique par
coupe transversale de microstructure dans plusieurs systèmes biologiques. La TCO peut produire
des images dont la résolution est d’un ou deux
ordres de magnitude plus fin que l'ultrason standard. En tant que tel, la TCO fonctionne de manière
plus efficace en tant que « biopsie optique » exclusive, pour délimiter les images de coupe transversale
des structures tissulaires, à l’échelle microscopique.
Cette technologie d'imagerie optique biomédicale
prometteuse fournit des images de tissus in situ et
en temps réel, sans avoir besoin de recourir à la biopsie chirurgicale et d'utiliser plusieurs spécimens.
L'imagerie par TCO permet également la détection et
le diagnostic des stades précoces de la maladie dans
les dents, les tissus parodontaux et les muqueuses,
et facilite l'examen à grande échelle de populations
à haut risque. En raison de la vitesse d'innovation
dans ce domaine, le coût et la facilité d'utilisation de
pareilles méthodes s'améliorent sans cesse, tant et
si bien que ces appareils deviennent disponibles
pour les cliniciens dentaires. Nous pensons que l'utilisation de ces appareils donne de nombreux avantages aux patients et aux cliniciens._
_contact
Dr Petra Wilder-Smith
Beckman Laser Institute
University of California, Irvine
1002 Health Sciences Rd.
Irvine, CA 92612, États-Unis
Tél.: +1 949 824 7632
Fax: +1 949 824 8413
[email protected]
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