LES DERNIÉRES CONTROVERSES Marc 12,1-44
Au chapitre 12 de l’Evangile de Marc, Jésus, au Temple de Jérusalem, reprend les
avertissements des prophètes, surtout ceux d’Ezéchiel (Ez 34,10) dénonçant la
trahison des pasteurs du peuple d’Israël qui auraient du avoir soin du troupeau et ont
gardé pour eux les richesses.
Parabole des vignerons meurtriers. (Mc 12,1-12)
Marc donne la dernière parabole de son Evangile. Jésus porte son attention sur les
vignerons (moins sur la vigne, symbole du Peuple élu). Ce n’est pas le peuple
d’Israël qui est en cause, mais les autorités qui le guident. Dieu est patient avec son
Peuple, jusqu’à envoyer son Fils bien-aimé (Mc 1,11 ; 9,7). À la démesure du cœur de
Dieu répond l’abîme de l’endurcissement des vignerons qui veulent s’accaparer la
vigne et prendre la place du Fils. Pour accomplir son Œuvre, Dieu arrête cette
prétention violente et donne sa vigne à d’autres, c'est-à-dire aux païens (Mt 21,43 ; 1 P
2,9-10).
Jésus, le Sauveur, est rejeté par les gardiens de la vigne (Is 5,1-7), selon la prophétie
de David (Mc 12,10). Après sa mort et sa résurrection (Mc 8,31), Jésus devient le Roi
de l’univers nouveau, où Juifs et païens sont appelés à ne faire qu’un en Lui.
Aux versets 9-10, Jésus en appelle aux Ecritures (Ps 118,22 ; Ac 4,11 ; 1 P 2,4-10) avec
une petite parabole qui se greffe sur la précédente et annonce la Résurrection.
La parabole s’achève (v.12) par l’annonce du procès de Jésus qui complète le sens de
la parabole.
L’impôt à César. (12,13-17)
Marc présente une seconde controverse (cf. 11,27-33) qui oppose Jésus et des
dirigeants juifs parmi les pharisiens et les hérodiens (3,6 ; 8,11). La coalition contre
Jésus se durcit.
La question piège au sujet de l’impôt à César en est l’objet (Ac 5,37). Si Jésus répond
oui, il sera accusé de collaboration avec l’ennemi ; s’il répond non, il sera dénoncé
comme un dangereux résistant.
Il commence par nommer leur hypocrisie. Puis, il répond en soumettant ses
accusateurs à un test révélateur : lui présenter une pièce de monnaie (v. 15) que tout le
monde possède (même à l’intérieur du Temple sacré) pour les transactions
commerciales. Elles sont toutes à l’effigie de César et considérées comme impures.
Nous connaissons cette fameuse réplique : Rendez à César ce qui est à César, et à
Dieu ce qui est à Dieu (v. 17a). L’Etat, même étranger, est l’Etat, mais Dieu seul est
Dieu, et Jésus n’a rien d’un César. (cf. le motif de sa condamnation : le roi des juifs.)
Tous sont appelés à mesurer leurs responsabilités religieuses.
L’homme créé à l’image de Dieu doit se donner à Dieu dont il est issu, et est appelé
à la conversion.
Ainsi, Jésus déjoue le piège et se place au dessus des partis pris des collaborateurs
et des nationalistes. Les questionneurs sont renvoyés à leur question. Que vaudrait
leur autorité religieuse qui ne rendrait pas à Dieu ce qui lui revient ?
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La résurrection des morts. (Marc 12,18-27)
Cette nouvelle controverse s’instaure entre Jésus et les Sadducéens qui
appartiennent aux classes supérieures du sacerdoce. Conciliants avec l’occupant,
conservateurs en religion, ils n’admettent pas la croyance en la résurrection, apparue
deux siècles plus tôt avec le prophète Daniel dans une période de persécution. Jésus
l’admet, comme les pharisiens (Ac 23,8).
Pour eux, la seule règle de foi se trouve dans les cinq premiers livres de la Bible (la
Torah écrite). Ils rejettent les doctrines apparues ensuite chez les prophètes et les
sages. C’est le cas de la résurrection des morts (Dn 12,2-3 ; 2 M 7,1-23).
Pour attaquer cette croyance, les Sadducéens opposent à Jésus un exemple tout à
fait théorique : la loi du lévirat (Lévir : beau-frère), pour assurer la descendance, la
stabilité des biens par l’héritage et préserver la postérité.
Jésus ne peut pas leur répondre en s’appuyant sur le livre de Daniel qui n’a pour eux
aucune autorité. Aussi, il se fonde sur la Loi du Pentateuque, Parole de Dieu
incontestée (Dt 25,5-10).
Cette histoire extravagante relève d’une hypothèse d’école typique des débats de
l’époque dans le monde des rabbins. Elle présente la doctrine de la résurrection
comme une impasse.
Jésus accuse les Sadducéens d’être dans l’erreur, de méconnaître à la fois les
Ecritures et la puissance de Dieu (v. 24), et de penser la résurrection comme une
simple reconduction de la vie terrestre. La vie des ressuscités n’est pas
rationnellement concevable, et ne doit pas être imaginée sur le mode de l’existence
présente. Le problème de la procréation ne s’y pose plus : « On ne se marie pas, on
est comme des anges. »
12. 26-27 : L’Ecriture annonce-t-elle la résurrection des morts ? Pour pondre,
Jésus choisit un passage du « livre de Moïse, au récit du buisson ardent » (Ex 3,1-6). Il
fait appel aux patriarches : Abraham, Isaac et Jacob, partenaires de l’Alliance, entrés
dans la vie nouvelle auprès de Dieu. Le Dieu de l’Alliance n’est pas « le Dieu des
morts, mais des vivants ». La foi en la résurrection des morts ne peut trouver des
« preuves » dans l’Ecriture, mais des appuis. Elle dépasse les raisonnements
humains et repose directement sur la confiance absolue au Créateur dans sa Toute-
Puissance.
Jésus conclue cet affrontement avec les sadducéens par : « vous êtes complètement
dans l’erreur. » (v. 27b)
Dans ce passage, deux manières de se référer à l’Ecriture s’affrontent. La première
s’y réfère comme un réservoir d’arguments théologiques pour justifier une série de
conclusions logiques sur le salut. La seconde, de Jésus, cherche à nous faire entrer
dans la visée des textes fondateurs pour nourrir la relation au Dieu de vie et d’amour.
Le plus grand commandement. (Marc 12,28-34)
Jésus se trouve toujours dans les parvis du Temple (11,27). À la suite des
controverses où elles s’y déroulent, ce passage s’annonce différent. Un scribe,
spécialiste des Ecritures, s’approche de Jésus (v. 28a). Il a une opinion favorable du
Maître.
La tradition juive recense 630 préceptes divins. La question se posait sur le
commandement le plus important.
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Dans sa réponse, Jésus ne répond pas directement par les dix commandements (Ex
20,1-17), mais par la prière que tout juif prononce chaque matin dans sa profession de
foi : le Shema Israël (Ecoute Israël) : Dt 6,4-5.
La récitation du Shema Israël comporte trois chapitres :
- Le premier nous appelle à la connaissance et la reconnaissance de la royauté
céleste,
- Le second, à l’acceptation du « joug des commandements divins »,
- Le troisième nous trace le chemin vers la sainteté individuelle par la domination
de toute tentation, à l’intérieur de nous-même et à l’extérieur.
Jésus ajoute : Tu aimeras de tout ton esprit (l’ouverture du cœur), de toute ton
intelligence, comme un développement du premier chapitre du Shema Israël. Jésus
apporte une lumière nouvelle sur la connaissance de Dieu (1 Jn 5,20), et notre amour
du prochain en est transfiguré.
Il joint à ce premier commandement un second (v. 31a) qui prescrit l’amour du
prochain, en citant le passage du Lévitique 19,18.
Ces deux commandements, qui n’en font qu’un seul, expriment l’essentiel de la Loi
de Moïse. La ponse de Jésus provoque l’entière satisfaction du scribe qui reprend
pratiquement les mêmes paroles, en insistant sur le caractère du Dieu unique (Dt
4,35). Puis il conclut avec les paroles du prophète Osée 6,6, que l’amour de Dieu et
du prochain est préférable à tous les sacrifices offerts au Temple.
sus parle de remarque judicieuse et lui adresse un compliment : « Tu n’es pas loin
du Royaume de Dieu (v. 34a) ». Quel chemin reste-t-il à parcourir pour y entrer ?
Le temps des controverses est révolu.
Le Messie et David. (Marc 12,35-37)
Marc rappelle une scène où c’est Jésus qui interroge avec deux questions. Une foule
nombreuse l’écoute avec attention (v.37b). La Maître contredit de nouveau l’opinion
des scribes à son sujet (35-37a), puis dénonce leur hypocrisie (v. 38-40).
La discussion porte tout d’abord sur le titre qu’on lui donne : « Fils de David ». Une
tradition voyait le Messie comme un descendant du grand roi (S 7,14-27). L’aveugle
de Jéricho (10,48-49) et la foule à Jérusalem (11,10) le nomment ainsi. Jésus, voyant
toute l’ambiguïté politique de ce titre (nationalisme et royalisme), ne l’a jamais utilisé
pour lui-même.
Jésus répond aux scribes, comme souvent, en faisant appel aux Ecritures. Il reprend
le Psaume 110 (le psaume le plus souvent cité dans le Nouveau Testament : Ac 2,36 ; He
1,13 ; 5,6), tenu pour un psaume messianique et attribué à David : « Le Seigneur
(Dieu) a dit à mon Seigneur (le Messie) : Siège à ma droite (Ps 110,1). » Ainsi, le
Messie, fils de David est appelé par Jésus « Seigneur », titre divin et de la
résurrection.
Pour Marc, Jésus est plus qu’un messie de la descendance de David. Par sa
Résurrection il dévoile le mystère divin de sa personnalité, inscrite dans l’Ecriture.
Dans les versets 38-40, Jésus, comme un prophète passionné, dénonce une dernière
fois ses adversaires : ces scribes et ces pharisiens qui recherchent la gloire, dévorent
le biens des pauvres et tombent dans l’hypocrisie religieuse.
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Marc place dans la bouche de Jésus son propre enseignement à ce sujet, adressé à sa
communauté de Rome dans les années 70, profondément troublée par ses débats
religieux internes. Ils deviennent, dans la mémoire de l’Eglise, les adversaires types
de la Bonne Nouvelle.
L’offrande de la veuve pauvre. (Marc 12,41-44)
C’est le dernier épisode de Jésus au Temple de Jérusalem. La scène se passe près de
la salle du trésor où l’on dépose son offrande. Suite à sa parole contre les scribes qui
dévorent le bien des veuves (12,40), Jésus présente le geste prophétique d’une veuve.
Des riches mettent de grosses sommes (v.41b). Mais le regard de Jésus se déplace sur
une pauvre veuve (Dt 24,12-22), qui s’avance et dépose deux piécettes (v. 42). Ce
passage rappelle l’histoire d’Abel le juste (Gn 4,4) ; celle d’Elie et de la veuve de
Sarepta qui donne tout ce qu’elle a, sa vie même (1 R 17,10-12 ; Dt 6,5 ; Is 58,10).
Mais surtout, Jésus voit dans le geste de cette femme l’annonce prophétique du don
total de sa vie sur la Croix, et l’exemple parfait du disciple qui offre sa vie en
offrande pour le Royaume des Cieux.
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