Le Conseil génétique - u n e s d o c . u n e s c o . o

United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture
International Bioethics
Committee (IBC)
Comité international
de bioéthique (CIB)
Distribution: limitée CIP/BIO/95/CONF.002/4
Paris, 15 décembre 1995
Originale : anglais
L
Le
e
c
co
on
ns
se
ei
il
l
g
gé
én
né
ét
ti
iq
qu
ue
e
______________
Rapporteur : Michel Revel
Ce rapport concerne le conseil génétique et ses implications bioéthiques. Il est une
suite logique des Rapports de 1994 sur le dépistage et les tests génétiques et sur la thérapie
génique(1, 2), puisqu'il concerne l'impact de ces applications scientifiques sur l'individu (né ou à
naître) et quelquefois sur la société.
Des tests génétiques de plus en plus nombreux sont à notre disposition, ce qui confère
à la spécialité du conseil génétique une place sans cesse plus importante dans la pratique
médicale. Le conseil génétique fait le lien entre les technologies génétiques, dont certaines
ont été acquises grâce au Projet sur le Génome Humain, et le traitement des patients. On peut
le définir comme un processus de communication qui inclut un diagnostic, une explication et
des choix (section II.1). Le présent rapport examine d'une part les objectifs et la pratique du
conseil génétique aujourd'hui, d'autre part les enjeux bioéthiques liés aux questions
scientifiques, à la protection des personnes qui reçoivent le conseil (les consultants) et les
problèmes moraux qu'ils posent à la société dans son ensemble.
I. Les objectifs du conseil génétique
Le Rapport du Comité international de bioéthique de l'UNESCO (CIB) de 1994
(1)
dresse une liste des tests génétiques, auxquels il faut ajouter en 1995 plusieurs nouveaux tests
d'ADN. Il indique qu'il est possible :
de diagnostiquer des maladies congénitales et héréditaires sur des patients
malades atteints avec une certitude et une précision accrues (par exemple, en
définissant la mutation en cause) ;
d'évaluer les risques de contracter la maladie chez des individus ou des familles
non encore atteints (par exemple, maladies à déclenchement tardif et gènes de
susceptibilité, porteurs sains) ;
de prendre des mesures pour tenter d'atténuer l'expression clinique de cette
maladie, de diminuer le risque de la contracter et de tenter de la prévenir (par
exemple, par le contrôle, par un diagnostic clinique précoce, par une thérapie
génique somatique) ;
d'évaluer les risques de naissance d'enfants porteurs d'une maladie génétique et
de prendre des décisions sur le destin du foetus (mesures à prendre à la
naissance, interruption volontaire de grossesse) ;
de donner des moyens d'éviter la conception ou l'implantation d'embryons
porteurs de maladies génétiques (par exemple, consultation prénuptiale,
implantation sélective, stérilisation).
Les tests génétiques devraient s'accompagner, dans la mesure du possible, du conseil
génétique. L'objectif du conseil génétique est de communiquer aux patients, aux parents ou
aux familles, des informations et des possibilités de choix, décrites plus haut. Cette activité
doit être considérée comme un acte médical concernant un état pathologique pour lequel un
patient (y compris une future mère) ou une famille viennent chercher de l'aide auprès d'un
médecin. Le conseil génétique vise également à faciliter la prise de décision d'un individu
face à différentes options.
Cependant, puisque les tests génétiques se multiplieront à mesure qu'on disposera de
nouvelles sondes génétiques pour les 3000 maladies génétiques connues (peut-être 5% de la
totalité des gènes humains), et qu'il pourrait y avoir une tendance à développer le dépistage
génétique, le domaine de la consultation pourra progressivement s'élargir :
aux familles ayant une histoire de maladies (par exemple, cancers,
avortements, problèmes psychiatriques) ;
aux populations à risque du fait de l'âge de la reproduction, de l'environnement
(exposition à des radiations ou à des mutagènes, modes de vie) ou de facteurs
géographiques (régions présentant une haute fréquence d'une maladie
génétique, telle que la ß-thalassémie à Chypre et en Sardaigne, ou la maladie
de Tay-Sachs chez les Juifs originaires d'Europe de l'Est) ;
2
à l'ensemble de la population (programmes de dépistage, tests génétiques
"vendus en grande surface"), avec toutes les inquiétudes qu'il peut soulever et
qui doivent être appréciées par rapport aux éventuels bénéfices de santé
publique.
En maints aspects le conseil génétique se situe donc parmi les objectifs de la pratique
médicale (médecine prédictive). Cependant, certaines des questions qu'elle soulève doivent
être considérées comme relevant plutôt du domaine de la recherche scientifique, puisque les
connaissances concernant les gènes impliqués dans l'étiologie des maladies humaines, les
limites de leur variabilité normale et de leur polymorphisme, leur interaction avec les facteurs
environnementaux et avec d'autres gènes, sont encore en train d'évoluer. Ceci devrait se
répercuter sur le processus d'information et de communication qui est une partie du conseil
génétique. Ce processus est délicat et requiert une grande expertise dans l'information des
consultants (section III).
La manière dont les choix pratiques ouverts aux consultants sont présentés est une part
importante du conseil génétique : elle touche à des conceptions morales, sociales ou
traditionnelles, ce qui renforce le cadre éthique du conseil. Celui-ci devrait faire bénéficier
les consultants des aspects bénéfiques des tests génétiques : une meilleure évaluation des
risques génétiques qui souvent rassure, la possibilité d'une préparation ou d'une intervention,
des capacités plus sûres d'une reproduction saine (section IV). Toutefois, les questions
morales, l'incidence des intérêts et des pièges socio-politiques, devraient être le souci constant
du conseiller génétique (section V).
II. La pratique du conseil génétique : une enquête
Cette partie du rapport se fonde sur les réponses à un questionnaire visant à obtenir des
informations sur la manière dont le conseil génétique est pratiqué dans différents pays. Ces
réponses ont été fournies par des membres du CIB et des professionnels éminents. (Etats-
Unis d'Amérique : Dr A. Robinson, "National Jewish Center for Immunology and Respiratory
Medicine", Denver, Colorado ; Prof. V.B. Penchaszadeh, Génétique médicale, "Beth Israel
Medical Center", New York ; Royaume-Uni : Dr D. Shapiro, "Nuffield Council on
Bioethics" ; Italie : Prof. A. Bompiani, Société italienne de bioéthique, Comité national de
bioéthique ; Chili : Dr R. Cruz-Coke, Service de génétique, Hôpital J.J. Aguirre, Université
du Chili ; Mexique : Dr R. Lisker Y. ; Argentine : Dr L. Vidal-Rioja, IMBICE ; Japon :
Dr D. Macer, "Institute of Biological Sciences", Université de Tsukuba ; Israël : Dr R.
Carmi, Service de génétique, Hôpital Soroka, Ben Gurion University, Beer-Sheba ; Chine :
Dr Qiu Renzong, Bioéthique, Académie chinoise des sciences sociales, Pékin ; Zaïre : Rev.
J.-M. Mpendawatu, Vatican.) Nous donnons ici, pour éclairer leurs opinions, quelques
extraits de leurs réponses, mais il serait souhaitable, pour une étude plus complète, de
consulter l'ensemble des documents.
2.1 Définition du conseil génétique
Les définitions données convergent pour admettre qu'il s'agit d'une communication
d'informations concernant un état génétique diagnostiqué, permettant de prendre une décision,
aussi autonome que possible, tout en protégeant les particularités psychologiques et éthiques
de la personne qui demande la consultation. S'il est défini dans de nombreux pays comme
une relation médecin-patient, le conseil génétique, du fait de sa complexité, a fait naître une
nouvelle profession, notamment aux Etats-Unis d'Amérique : celle de conseillers génétiques
non-médecins.
• ETATS-UNIS D'AMERIQUE :
Un procès de communication qui suppose un diagnostic, des explications et des choix
(comme toute consultation médicale). Toutefois, dans le conseil génétique, il existe un besoin
plus grand de détails, en particulier pour l'explication et la décision, pour lesquels un soutien
humain et psychologique joue un rôle essentiel. Les conseillers sont engagés dans l'éthique
du "droit des gens au savoir".
3
• ROYAUME-UNI :
Le conseil génétique comprend la précision du diagnostic, une appréciation des risques
et un rôle de soutien, afin de s'assurer que les personnes sont en mesure de bénéficier tant de
l'information génétique que des interventions disponibles.
• ITALIE :
Les objectifs, les méthodes et les indications de la consultation génétique sont les
suivants :
Objectif : apporter une information aux patients (et/ou à leurs consanguins),
risquant de contracter une maladie qui peut être héréditaire, sur :
- les conséquences de la pathologie en question
- la probabilité de la contracter et de la transmettre
- la possibilité de la tenir en échec et de la soigner
Méthodes : - construction et analyse des antécédents familiaux
- calcul (mendélien ou empirique) du risque de récurrence
- estimation du coefficient de consanguinité
- analyses plus spécifiques
Cas où la consultation est indiquée :
- maladie connue ou présumée dans la famille du patient
- malformation congénitale
- retard mental
- consanguinité
- avortements répétés, infertilité (également section II.3).
• CHILI :
Un processus médical de communication entre un médecin et un consultant dans
lequel le savoir scientifique, les données et les faits sont échangés afin de fournir un cadre
permettant de comprendre le problème génétique du patient et de la famille.
• ARGENTINE :
Mieux nommée "information génétique" - un instrument utile à la médecine
préventive.
• ZAIRE :
Information sur une éventuelle pathologie, non thérapeutique mais prédictive.
II.2 Qui fait du conseil génétique ? Combien compte-t-on de conseillers,
grosso modo ? Quelles sont leurs qualifications professionnelles ?
Sont-ils titulaires d'une autorisation ou d'un diplôme ?
Des différences apparaissent entre les pays où le conseil génétique est fait par des
médecins spécialisés, ou par des généralistes possédant plus ou moins de compétence et
d'expérience en génétique médicale, et des pays où il existe en outre un corps professionnel de
conseillers génétiques qui ne sont pas médecins. Des psychologues et des spécialistes de
l'éthique peuvent y prendre part dans certains pays. La demande croissante de conseillers
génétiques de tous les types est évidente dans tous les pays. Lorsqu'il est donné, le nombre de
conseillers par million d'habitants varie de 6-4 (Israël, Etats-Unis d'Amérique, Italie), à
2,9 (Royaume-Uni), à 1,1 (Chili), et 0,3 (Chine).
• ETATS-UNIS D'AMERIQUE :
Plusieurs groupes de professionnels qualifiés :
- médecins généticiens : médecins, souvent pédiatres
- docteurs (PhD) en génétique médicale
- conseillers : niveau d'une maîtrise scientifique
4
- certaines consultations sont faites par des médecins non spécialisés, tels que
des obstétriciens, d'autres par des infirmières et des travailleurs sociaux (ces
derniers n'étant pas très bien formés pour le moment).
La majorité des conseillers bien formés et qualifiés (les trois premiers groupes)
travaillent dans des cliniques approuvées et certifiées par le "American Board of Medical
Genetics" (Bureau américain de génétique médicale). La plus grande part du conseil
génétique professionnel aux Etats-Unis est faite par des conseillers génétiques qui possèdent
le niveau d'une maîtrise ès sciences et qui ont eu deux ans de formation en génétique médicale
(au cours de leurs études supérieures) après leur sortie du Collège (au niveau d'un troisième
cycle). Cette formation doit être certifiée par "l'American Board of Genetic Counselling"
(ABGC). Le programme inclut tous les aspects de la génétique humaine et médicale et les
étudiants doivent être supervisés par des médecins généticiens certifiés par le Bureau. Ils
doivent présenter un rapport sur 50 cas qu'ils ont suivis. L'enseignement inclut : génétique
clinique, génétique moléculaire, cytogénétique, techniques de consultation, facteurs
psychosociaux influençant le conseil, éthique et génétique des populations. Pour être
qualifiés, les conseillers génétiques doivent réussir un examen préparé par l'ABGC. Ceux qui
possèdent le niveau d'une maîtrise ès sciences travaillent sous la supervision d'un médecin
généticien qui possède un doctorat, sous le nom duquel les responsabilités sont prises.
Il y a actuellement environ 950 conseillers génétiques ainsi qualifiés aux Etats-Unis et
60 équipes de formation. Il existe également une organisation professionnelle, la "National
Society of Genetic Counsellors" (NSGC), qui publie une revue (Journal of Genetic
Counselling) et qui possède un programme actif de formation continue. La NSGC a rédigé un
Code d'éthique auquel tous les conseillers doivent adhérer et qui souligne la nécessité de la
confidentialité, du respect de l'autonomie et de la vie privée.
La demande de conseillers génétiques qualifiés excède l'offre mise à la disposition du
public. La demande devrait encore s'accroître, du fait du Projet sur le Genome Humain et de
l'importance accordée aujourd'hui aux risques de maladies génétiques.
Du fait de la demande, les soignants non spécialisés devront se procurer des services
génétiques dont on a communément besoin. On voit de plus en plus fréquemment des
médecins non spécialisés se partager les services d'un conseiller génétique spécialisé. Les
médecins généralistes ont en général une connaissance insuffisante de la génétique humaine et
de la génétique médicale. Un petit nombre d'infirmières, en particulier celles qui s'occupent
de la santé maternelle et infantile, ont été certifiées par l'ABMG et il y existe une Socié
d'infirmières spécialisées en génétique.
Les suggestions pour l'avenir sont :
- d'enseigner davantage la génétique médicale dans les écoles médicales ;
- de former davantage de conseillers génétiques ;
- d'enseigner la génétique dans les écoles d'infirmières.
Dans le futur, tous ceux qui font du conseil génétique devront posséder des
connaissances beaucoup plus complexes en génétique moléculaire (pour être au courant des
différents laboratoires de recherche spécialisés dans des tests permettant de déceler des
maladies particulières), afin de pouvoir comprendre et expliquer au consultant ce qui est en
jeu et obtenir son consentement éclairé. Il sera question des besoins particuliers des minorités
ethniques aux Etats-Unis d'Amérique à la section II.6.
• ROYAUME-UNI :
En 1990, le personnel médical dans les centres génétiques était composé de
125 spécialistes, dont 48 généticiens cliniques. De plus, environ 40 personnes, chargées de
tenir les registres, bien que n'étant pas médecins, ont une formation sanctionnée par le "Joint
Committee on Higher Medical Training". Ils sont tenus d'établir des relations avec les familles
à haut risque. L'équipe comprend en outre 80 membres du personnel paramédical, dont des
infirmiers et des infirmières spécialisés. Une formation de deux semaines leur est proposée
par le "Institute of Child Health", suivie d'un stage de 6 mois sur le terrain. La formation des
généralistes et des infirmiers est encouragée par un groupe de volontaires, le "Genetic Interest
Group" (GIG).
1 / 33 100%

Le Conseil génétique - u n e s d o c . u n e s c o . o

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !