"Il existe un état de repos en Dieu, de totale suspension de toute activité de l’esprit, dans lequel on ne
peut plus tracer de plans, ni prendre de décisions et même faire quoi que ce soit, mais dans lequel,
après avoir confié tout son avenir à la volonté divine, on s’abandonne à son propre destin. Moi, j’ai
éprouvé dans une certaine mesure cet état, à la suite d’une expérience qui, dépassant mes forces,
consuma totalement mes énergies spirituelles et m’enleva toute possibilité d’action. Le repos en Dieu,
comparé à l’arrêt de toute activité, faute d’élan vital, est quelque chose de complètement nouveau et
irréductible. Avant, c’était le silence de la mort. A sa place apparaît un sens de confiance profonde, de
libération de tout ce qui est préoccupation, obligation, responsabilité par rapport à l’action. Et
pendant que je m’abandonne à ce sentiment, une vie nouvelle commence peu à peu à me combler et,
sans aucune contrainte de ma volonté, à me pousser vers de nouvelles réalisations. Cet afflux vital
semble jaillir d’une activité et d’une force qui n’est pas la mienne et qui, sans faire aucune violence à
la mienne, devient active en moi. La seule prémisse nécessaire à une telle renaissance spirituelle
semble être cette capacité passive d’accueil qui se trouve au fond de la structure de la personne. »
Nous sommes bientôt à l’aube d’une nouvelle guerre. En 1933, les lois nazies contre les juifs
l’excluent de son poste du fait de son identité juive.
De retour à Wroclaw le 12 octobre, elle a la joie de voir la conversion de sa sœur Rosa qui attendra la
mort de sa mère pour recevoir le baptême et elle dit adieu à sa mère qui pleure. Le lendemain matin,
Édith prend le train pour Cologne. « Je ne pouvais entrer dans une joie profonde. Ce que je laissais
derrière moi était trop terrible. Mais j’étais très calme –
dans l’intime de la volonté de Dieu ».
En la Vigile de Sainte Thérèse d’Avila,
le 14 octobre 1934, elle entre au Carmel de Cologne.
Elle devient sœur Thérèse Bénédicte de la Croix, le 14
avril 1934. Sur l’image de sa profession perpétuelle du
21 avril 1938, elle fait imprimer la Parole de saint Jean
de la Croix auquel elle consacrera sa dernière œuvre :
« Désormais ma seule tâche sera l’amour ».
En novembre 1938, la haine des nazis envers les juifs éclate au grand jour. Le 31 décembre 1938, elle
part pour le Carmel d’Echt au Pays-Bas. Sa sœur Rosa la rejoint en 1940. C’est dans ce lieu qu’elle
écrit son testament, le 9 juin 1939 : « Dès à présent j’accepte la mort que Dieu m’a destinée, avec joie
et dans une totale soumission à sa très sainte volonté. Je prie le Seigneur de bien vouloir agréer ma
vie et ma mort pour sa gloire et glorification, pour toutes les intentions des très saints Cœurs de Jésus
et de Marie, et celles de la sainte Église, en particulier pour la conservation, la sanctification et la
perfection de notre saint Ordre, notamment des carmels de Cologne et d’Echt ; en expiation pour le
refus de foi du peuple juif, afin que le Seigneur soit reçu par les siens, et que son règne vienne dans la
gloire ; pour le salut de l’Allemagne et pour la paix dans le monde, enfin pour mes proches, vivants et
morts, et pour tous ceux que Dieu m’a confiés : pour qu’aucun ne se perdent. »
La même année, elle compose une prière au divin Cœur de Jésus : « Cœur divin de mon Sauveur ! Je
te promets solennellement de saisir toutes les occasions pour te procurer de la joie. Et chaque fois que
je serai confrontée à un choix, je prendrai ce qui te réjouira le plus. J’en fais solennellement la
promesse pour te prouver mon amour et pour parvenir à la perfection de mon ministère, c’est-à-dire
pour devenir une véritable carmélite, ton épouse en vérité. Je te prie de me donner la force d’observer
fidèlement mes vœux. Que ma Mère et mon Ange gardien veuillent m’y aider ! » Elle écrira
également : « La nature même de l’amour est don de soi : Dieu, qui est amour, se donne par amour
aux hommes qu’il a créés. »
Le cœur de la Carmélite est tout tourné vers l’assurance de la résurrection : « Dans la passion et la
mort du Christ, nos péchés sont consumés. Lorsque nous accueillons cette vérité dans la foi, et
lorsque nous accueillons le Christ en plénitude dans une totale adhésion de notre foi, c’est-à-dire que
nous choisissons de cheminer à la suite du Christ, Il nous conduit ‘par sa passion et par sa croix
jusqu'à la gloire de la résurrection’. C’est exactement ce que nous expérimentons dans la
contemplation : nous traversons le feu de l’expiation pour parvenir à la bienheureuse union d’amour.