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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
27 octobre 2011 (*)
«Manquement d’État – Article 49 CE Sécurité sociale Restriction à la libre prestation
des services Frais médicaux non hospitaliers encourus dans un autre État membre
Absence de remboursement ou remboursement subordonné à une autorisation préalable»
Dans l’affaire C-255/09,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 9
juillet 2009,
Commission européenne, représentée par MM. E. Traversa et M. França, en qualité
d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, Mmes M. L. Duarte et A.
Veiga Correia ainsi que par M. P. Oliveira, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par:
République de Finlande, représentée par Mme A. Guimaraes-Purokoski, en qualité
d’agent,
Royaume d’Espagne, représenté par M. J. M. Rodríguez Cárcamo, en qualité d’agent,
ayant élu domicile à Luxembourg,
parties intervenantes,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. J. Malenovský, Mme R. Silva de
Lapuerta, MM. E. Juhász et D. Šváby (rapporteur), juges,
avocat général: Mme V. Trstenjak,
greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 février 2011,
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ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 avril 2011,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour
de constater que, en ne prévoyant pas, dans le décret-loi n° 177/92, du 13 août 1992,
fixant les conditions de remboursement des frais médicaux engagés à l’étranger (Diário
da República I, série-A, nº 186, p. 3926), ou dans toute autre mesure du droit national, la
possibilité de remboursement des frais médicaux non hospitaliers encourus dans un autre
État membre, sauf dans les circonstances prévues par le règlement (CEE) n° 1408/71 du
Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux
travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se
déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le
règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que
modifié par le règlement (CE) n° 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18
décembre 2006 (JO L 392, p. 1, ci-après le «règlement n° 1408/71»), ou, dans les cas où
ledit décret-loi reconnaît la possibilité de remboursement des frais médicaux non
hospitaliers effectués dans un autre État membre, en subordonnant le remboursement à
l’octroi d’une autorisation préalable, la République portugaise ne s’est pas conformée aux
obligations qui lui incombent au titre de l’article 49 CE.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
2 Aux termes de l’article 22, paragraphe 1, du règlement n °1408/71:
«Le travailleur salarié ou non salarié qui satisfait aux conditions requises par la
législation de l’État compétent pour avoir droit aux prestations, compte tenu, le cas
échéant, des dispositions de l’article 18 et:
a) dont l’état vient à nécessiter des prestations en nature nécessaires du point de vue
médical au cours d’un séjour sur le territoire d’un autre État membre, compte tenu de la
nature des prestations et de la durée prévue du séjour
ou
[…]
c) qui est autorisé par l’institution compétente à se rendre sur le territoire d’un autre
État membre pour y recevoir des soins appropriés à son état,
a droit:
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i) aux prestations en nature servies, pour le compte de l’institution compétente, par
l’institution du lieu de séjour […], selon les dispositions de la législation qu’elle
applique, comme s’il y était affilié, la durée de service des prestations étant toutefois
régie par la législation de l’État compétent;
[…]»
Le droit national
3 Le décret-loi nº 177/92 réglemente l’assistance médicale à l’étranger pour les
affiliés du service national des soins de santé portugais (ci-après le «SNS»).
4 L’article 1er dudit décret-loi prévoit:
«1. L’assistance médicale hautement spécialisée à l’étranger, qui ne peut être
dispensée dans le pays faute de moyens techniques ou humains, est régie par le présent
décret-loi nº 177/92.
2. Les bénéficiaires du service national de la santé en sont les destinataires.
3. Sont exclues du champ d’application du présent décret-loi les propositions de
déplacement à l’étranger émanant d’institutions privées.»
5 L’article 2 du décret-loi nº 177/92, qui fixe les conditions pour le remboursement
intégral des frais prévu à l’article 6 du même décret-loi, dispose:
«Les conditions suivantes sont essentielles pour l’attribution des bénéfices prévus à
l’article 6:
a) l’existence d’un rapport médical hospitalier favorable, rédigé de manière
circonstanciée par le médecin en charge du patient, et approuvé par le chef de service
concerné;
b) l’approbation dudit rapport par le directeur médical du service hospitalier dans
lequel le patient a reçu des soins;
c) la décision favorable du directeur général des hôpitaux, sur la base d’un avis du
service technique.»
6 S’agissant du pouvoir de décision et du mode d’intervention, l’article 4, paragraphe
1, du décret-loi nº 177/92 précise:
«Il appartient au directeur général des hôpitaux de se prononcer sur l’assistance médicale
à l’étranger sollicitée par les intéressés, conformément aux conditions prévues à l’article
2.»
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La procédure précontentieuse
7 À la suite d’une demande d’informations sur la conformité de la législation et des
pratiques nationales avec la jurisprudence de la Cour relative à l’application des règles du
marché intérieur dans le domaine des soins de santé, adressée à tous les États membres
par la Commission le 12 juillet 2002, la République portugaise a, par lettre du 17 janvier
2003, fourni des informations au sujet de la législation portugaise applicable en la
matière.
8 Le 28 juillet 2003, les services de la Commission ont publié un rapport de synthèse
intitulé «Application des règles du marché intérieur aux services de santé Mise en
œuvre par les États membres de la jurisprudence de la Cour» [SEC(2003) 900].
9 Sur la base des informations dont elle disposait, la Commission a adressé à la
République portugaise, le 18 octobre 2006, une lettre de mise en demeure dans laquelle
elle alléguait que, en prévoyant, dans le décret-loi n° 177/92, de subordonner le
remboursement des dépenses relatives à des prestations non hospitalières exposées dans
un autre État membre à l’octroi d’une autorisation préalable, qui n’est accordée que dans
des conditions limitées, la République portugaise ne s’est pas conformée aux obligations
qui lui incombent au titre de l’article 49 CE.
10 Par lettre du 12 janvier 2007, la République portugaise a répondu qu’elle
comprenait «difficilement que les services de santé puissent être soumis aux principes du
marché intérieur», et que «la position adoptée par l’État portugais sur la base de
l’interprétation constante de la Cour de justice des Communautés européennes pouvait
être considérée au sens large, et amener à conclure que la législation d’un État membre
subordonne la prise en charge des soins de santé à l’octroi d’une autorisation préalable».
11 Au vu de ces éléments de réponse, la Commission a, le 29 juin 2007, adressé à la
République portugaise un avis motivé dans lequel elle a indiqué que la réponse de cette
dernière ne contenait pas d’éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause les
principes fondamentaux et la jurisprudence constante de la Cour, et l’invitait à prendre les
mesures nécessaires pour se conformer à l’avis motivé dans un délai de deux mois.
12 Dans sa réponse audit avis motivé, datée du 4 septembre 2007, la République
portugaise a soutenu que «le décret-loi n° 177/92 ne faisait pas obstacle à l’application de
la législation communautaire en matière d’accès des citoyens portugais aux soins de santé
dans l’espace de l’Union européenne ou de droits fondamentaux des citoyens européens
consacrés par le traité sur l’Union européenne».
13 Le 12 février 2008, la République portugaise a informé la Commission de son
intention de «poursuivre la réflexion interne sur les conséquences financières du
système», une réflexion qui nécessiterait un délai supplémentaire d’un mois au minimum
compte tenu d’une modification récente de la composition du gouvernement.
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14 À la suite d’un rappel qui lui a été adressé par la Commission le 18 juin 2008, la
République portugaise a réitéré, par lettre du 24 juillet 2008, la position défendue en
réponse à l’avis motivé.
15 Le 15 avril 2009, la Commission a adressé à la République portugaise un avis
motivé complémentaire afin de préciser la portée de l’infraction au droit communautaire
qui lui était reprochée. La Commission considère que, en ne prévoyant pas dans le décret-
loi n° 177/92 ou dans aucune autre mesure du droit national la possibilité de
remboursement des prestations non hospitalières dispensées dans un autre État membre,
si ce n’est dans les situations prévues par le droit communautaire dans le règlement
n° 1408/71, la République portugaise ne respecte pas les obligations qui lui incombent au
titre de l’article 49 CE, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour.
16 Par lettre du 15 mai 2009, les autorités portugaises ont répondu à l’avis motivé
complémentaire que «le remboursement des dépenses engagées pour des traitements à
l’étranger par les bénéficiaires du SNS est prévu par le décret-loi n° 177/92» et que «la
législation portugaise n’exclut pas le remboursement des frais médicaux encourus à
l’étranger par un bénéficiaire du SNS, même sous la forme d’une consultation auprès
d’un médecin spécialiste, dès lors que la procédure d’attestation préalable du besoin
clinique est respectée».
17 N’étant pas satisfaite par ces explications, la Commission a décidé d’introduire le
présent recours.
La procédure devant la Cour
18 Par ordonnance du président de la Cour du 17 novembre 2009, le Royaume
d’Espagne et la République de Finlande ont été admis à intervenir au soutien des
conclusions de la République portugaise. La République de Finlande n’a toutefois pas
déposé d’observations ni participé à l’audience.
19 Lors de l’audience, la Commission, invitée par la Cour à expliquer les
conséquences qu’elle tirait de l’arrêt du 5 octobre 2010, Commission/France (C-512/08,
non encore publié au Recueil), et de son impact dans le cas d’espèce, a indiqué qu’elle se
désistait partiellement de son recours, en vertu de l’article 78 du règlement de procédure
de la Cour.
20 Par acte du 24 mars 2011, la Commission a confirmé ce désistement partiel et
précisé que son recours ne vise plus que le sort des frais médicaux non hospitaliers
exposés dans un autre État membre, à l’exception de celui de certaines prestations
médicales qui, bien que dispensées dans un cabinet, nécessitent le recours à des
équipements matériels lourds et onéreux, limitativement énumérés dans la législation
nationale, tels qu’une caméra à scintillation munie ou non de détecteur d’émission de
positons en coïncidence, un tomographe à émissions, une caméra à positons, un appareil
d’imagerie ou de spectrométrie par résonance magnétique nucléaire à utilisation clinique,
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