Ce fut un échec car la stabilité de la lentille intra oculaire n’était pas assurée . La
méthode fut abandonnée et resta en sommeil pendant vingt ans .
Toutefois les chirurgiens ne s’avouèrent pas totalement vaincus . Vingt ans après
des japonais , puis des américains , des hollandais imaginèrent des solutions pour
fixer cet implant à l'iris de façon stable. Après bien des échecs et des malfaçons ,
cette technique d’implantation de cristallins artificiels revint en force de part le
monde : la France fut un des derniers pays à l’admettre en raison de l'opposition
farouche de "patrons" âgés qui avaient du mal à se recycler dans une technique
chirurgicale révolutionnaire exigeant une grande sûreté de main et , il faut bien le
dire , pas toujours fiable dans ses débuts .
C’est un peu aussi par hasard que je découvris moi-même cette nouveauté en Mars
1977 pourtant unanimement décriée et condamnée par la Faculté .
En effet j’avais comme client Monsieur G.,le maire de Marmande , un homme dans
la soixantaine affecté d’une très forte myopie , et pour lequel j’avais diagnostiqué ,
en outre une cataracte unilatérale . Je lui proposais donc l’intervention de cette
cataracte , ce qui était assez simple dans son cas , puisque son énorme myopie
devait compenser l’absence de cristallin , corrigeant en même temps sa cataracte et
sa myopie pour cet œil et lui permettant de retrouver une vision acceptable de son
œil opéré sans lunette . C’est en effet ce qui se produisît après son opération , mais
la vision de l’œil non opéré devenait incompatible car toujours très myope et il ne
pouvait donc utiliser les deux yeux ensembles . Afin de rétablir sa vision binoculaire
je lui proposais de lui adapter une lentille cornéenne sur l’œil sain , solution toute
nouvelle venue d’Amérique et qui commençait à faire son chemin en France .
Afin de maîtrisez l’adaptation des lentilles cornéennes je m’inscrivis à un congrès sur
le sujet , qui se tenait à Perpignan . Le dernier jour du congrès fut consacré à la
présentation d’une nouveauté naissante sur le nouveau et l’ancien continent : « les
implants intra-oculaires dans la chirurgie de la cataracte » .
Un registre était mis à la disposition des congressistes pour s’inscrire à un cours
privé en Hollande chez le Docteur Worst , pionnier en implantation de cristallins
artificiels . J’inscrivit mon nom , et reçus trois mois plus tard une invitation à me
rendre à Groningen pour assister à ce cours .
Je m’y rendis en Février 1978 , et enthousiasmé par la méthode , je posais mon
premier implant ( spécialement commandé chez le Dr Worst ) le 13 avril de la même
année , chez une sympathique grand mère de 85 ans , non sans lui avoir expliqué
tous les risques qu’elle encourait , en me faisant confiance pour la première
opération de ce type que j’entreprenais : elle accepta avec enthousiasme . Ce fut
quasiment un miracle .
Encouragé , je choisis soigneusement la personnalité et le cas des clients auxquels
je le proposais par la suite , mais là commença un long et décourageant parcours .
Je me heurtais non seulement à beaucoup de lacunes dans cette méthode trop
nouvelle , mais aussi à l’hostilité quasi unanime de la Faculté et des confrères
environnants , restés en retrait par manque d’ambition , de volonté ou bien englués
le cul dans la graisse et la routine , beaucoup n’ayant même pas fait l’effort de
s’adapter à la micro-chirurgie qui nécessitait de réapprendre tous nos gestes
décuplés par le microscope .
Au fil des mois et même des années qui suivirent j’eus beaucoup de durs moments
de découragement et de nuits blanches faisant face seul aux responsabilités et aux
complications dues aux inconnues d’une méthode en pleine évolution et en outre à
l’hostilité des professeurs de facultés . Mes confrères ne m’épargnaient pas. La