intéresse de plus en plus d'éditeurs. Pour le même tarif, Le Figaro propose la version numérique du journal du lendemain. « L'iPhone a
bouleversé la manière de lire un journal », explique Pascal Pouquet, directeur des nouveaux médias au Figaro. Afin de produire un effet
de contagion sur les autres supports, Le Monde propose un package, à la façon des opérateurs télécoms. Pour 29,90 euros par mois,
cette offre, baptisée Quadriplay, permet aux abonnés de jongler entre l'iPhone, le Web, le journal papier et l'iPad pour s'informer. « Pour
satisfaire les exigences de plus en plus complexes du public, nous avons inventé un écosystème de médias cohérent permettant aux
abonnés de retrouver n'importe où dans le monde l'édition du jour », assure Philippe Jannet, p-dg du Monde interactif.
L'iPad, messie de la presse?
Lancée le 28 mai 2010 en Europe (le 3 avril aux EtatsUnis), la tablette d'Apple a déjà remporté un vif succès. Au point que le cabinet
d'études américain iSuppli mise sur pas moins de sept millions d'unités écoulées dans le monde à la fin de l'année 2010, le double en
2011 et jusqu'à 20 millions d'exemplaires vendus en 2012. Au vu de ces estimations, Philippe Jannet relativise: « C'est l'effet inverse de
l'iPhone: à sa sortie, nous étions tous un peu sceptiques, puis nous nous sommes rendu compte de l'ampleur que prenait le phénomène.
Cette fois, avant la sortie de l'iPad, nous étions déjà trop enthousiastes... Il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit juste d'un outil de
distribution de contenus comme un autre. » Un avis que ne partage pas Christophe Léon, président de l'agence Pureagency.com,
spécialisée dans la convergence Webmobile, qui estime que l'objet a l'avantage de mettre en valeur les contenus: « Par rapport au Web,
l'iPad offre un confort de navigation inégalable. » Ecran large (presque la dimension d'une feuille de papier A4) et tactile, rendu des
couleurs éclatant pour les photos ou les vidéos, facile à manier: « On peut le poser sur les genoux et le feuilleter à la manière d'un vrai
journal », souligne-t-il. C'est là toute la stratégie de l'iPad: reproduire la simplicité d'utilisation d'un journal sur une tablette numérique. «
Nous sommes partis des mêmes codes que la version papier, notamment avec la même typographie, afin que l'internaute puisse tourner
les pages à l'aide d 'un doigt sans faire la différence avec un journal », explique Pascal Pouquet (Le Figaro). Une révolution dans la
consommation de l'information qui attise l'intérêt des éditeurs de presse. D'une part, grâce à l'économie des coûts d'impression et de
distribution que procure ce support. «Lors des ventes en kiosque, 50 % vont directement dans les poches de Presstalis (ex-NMPP,
principal distributeur de presse en France, NDLR), 20 % dans les coûts d'impression, constate Philippe Jannet. Ici, c'est le contraire:
Apple ponctionne 30 % de la vente des contenus, il reste RêP donc 70 % à l'éditeur. » D'autre part, pour son potentiel publicitaire. Les
éditeurs misent sur l'iPad pour négocier la publicité plus cher que sur les sites web. « Contrairement aux sites, la publicité ne vient plus
parasiter l'écran. Si l'on veut la voir en détail, un simple pivotement de l'écran suffit », souligne Christophe Léon. D'autant plus que selon
le président de l'agence Pureagency.com, elle est intégrée au contenu rédactionnel, et totalement interactive et géolocalisée.
Enfin, la tablette électronique pourrait être l'occasion pour les marques de presse de basculer vers un modèle payant. Un chemin semé
d'embûches que les éditeurs sont pourtant prêts à parcourir. « A terme, les consommateurs paieront pour un contenu de qualité comme
celui que propose l'iPad », assure Pascal Pouquet. Surtout les «applemaniaques», habitués à payer pour des services sur l'iPhone. «
L'expérience réussie de l'iPhone, à travers ses applications, pousse les éditeurs à réitérer l'essai », explique Meryem Amri, du pôle étude
de GroupM, agence de conseils médias. Sauf qu'à la différence du smartphone, l'iPad, onéreux à l'achat (de 499 à 799 euros), ne peut
prétendre pour l'instant créer un marché de masse. Peu importe, maintient Meryem Amri, « l'iPad touche un public «d'early adopters»,
principalement CSP+ et qui est prêt à payer cher pour ce produit, et donc pour le contenu correspondant ».
Imposer le payant sur le Web?
Le culte de la gratuité sur le Web s'effriterait-il? Sans nul doute, selon le magnat de la presse Rupert Murdoch. Face à la crise du papier,
l'homme, à la tête du plus grand empire médiatique du monde, News Corporation, a amorcé la bataille contre la gratuité: « L'époque des
versions gratuites des journaux va prendre fin », déclare-t-il dans une interview accordée à Fox Business Network, l'une des chaînes de
son groupe, ajoutant que dix à quinze ans seront nécessaires pour que les lecteurs abandonnent définitivement le papier. Et l'éditeur
tient parole. Depuis juin dernier, The Times est payant sur le Net. Un modèle que la France a du mal à suivre. D'après une récente étude
GfK, 89 % des internautes français estiment que les informations doivent être gratuites sur Internet. « La France est le pays qui souffre le
plus de la gratuité d'Internet, analyse Alexis Helcmanocki, directeur du pôle télécom, IT & Consumer Electronics chez GfK. Dans
l'inconscient collectif français, Internet c'est gratuit. » Un constat que partage nettement Jean-Marie Charon, sociologue des médias et
chercheur au CNRS: « Si la France est le pays où l'internaute a le moins envie de payer, c'est la faute des éditeurs de presse qui, pour
attirer le plus de lecteurs possibles sur Internet, ont fait dès le départ l'erreur de proposer leurs contenus gratuitement. » Pour pallier les
fautes du passé, pléthores d'éditeurs imposent de faire payer une partie de leurs contenus en ligne. C'est le cas de La Nouvelle
République qui, depuis juillet 2009, monétise une partie de ses contenus: « Juste les informations de proximité, précise Thierry Picard,
directeur délégué de La Nouvelle République Multimédia. Nous n'allons pas faire payer à l'internaute ce qu'il peut trouver sans frais sur
d'autres sites. » Ce modèle «freemium», associant gratuité et passage au mode payant pour la partie locale de ses contenus, La
Nouvelle République n'est pas le seul quotidien régional à s'y attacher. Depuis avril 2010, Paris-Normandie propose aussi une zone