THEORIE DE LA CONNAISSANCE ET PHILOSPHIE DES SCIENCES I. Stengers
COURS 1 : 19.09.05
Des questions peuvent se régler pe à l’intercours, ou bien, comme je ne fais pas de
permanence, en prenant rendez-vous via mail, si quelque chose doit vraiment se discuter.
Alors deuxième chose, à part, bien évidemment, notre début de licences, puisque je suppose
que je suis le premier cours ? Ah non ? ! Alors bienvenu tout de même. C’est pas une
inauguration, mais commencer vos licences, c’est pas rien. J’ai toujours remarqué que, en tout
cas au niveau des examens, dès janvier il y avait une différence qualitative entre les étudiants
qui m’ont eu en deuxième candi et les étudiants que je recevais à partir des licences. C’est
quelque chose qui compte. Même si le diplôme de candis n’a de valeur que de condition de
possibilité pour accéder aux licences.
Problèmes pratiques : les changements d’auditoires
1
d’abord. Puis pour ceux qui ont déjà
suivi mon cours de 2e candi, …
2
et donc qui ont l’habitude de ma manière d’interroger aux
examens, c’est la même chose, en plus compliqué, c’est-à-dire que le choix de lecture doit
correspondre à un niveau de licence. Donc plus de livres de Gould et des choses comme ça,
mais des livres plus serrés. Vous pouvez vous lancer dans du Latour mais aussi dans du
Stengers mais aussi dans du … . Donc ça doit être des choses … . Alors pour ceux qui ne
connaissent pas ma manière d’interroger (qui est dans ce cas, pour avoir une idée ? Oulala !
Alors j’y vais doucement). Donc d’abord je demande que ceux qui ne peuvent presque pas
venir au cours car manquer disons deux ou trois cours sur les douze, ce n’est pas un
problème m’envoient un email et je leur fais un programme spécial, pour eux. Ceux qui
peuvent venir au cours, sont censés en connaître l’intention et les moyens, c'est-à-dire je ne
suis pas censée vous parler sur un mode tel que vous puissiez dire : comme elle nous laisse la
liberté (parce que c’est de ça qu’il s’agit) de ne pas répéter comme des perroquets ce qu’elle a
dit au cours, alors on peut négliger ce qu’elle pense. Non non non, vous êtes censés ne pas le
savoir dans les détails, donc je ne demanderai pas : qu’est-ce que j’ai dit à propos de ? Mais
vous êtes censés avoir compris l’intention et de quoi il en … . Et vous devez choisir par vous-
même, et, si vous hésitez, en vérifiant auprès de moi que le choix est adéquat, une lecture, un
livre moyen, ou une partie de gros livre (disons 150pg c’est dans le truc normal), qui a un
rapport pertinent avec l’un des thèmes importants du cours. Je cite beaucoup d’exemples,
mais un petit exemple ne fait pas un raccord important. Ca fait partie de l’épreuve. Quand j’ai
commencé avec ce système je me suis dit : est-ce que les étudiants ne vont pas trouver ça trop
simple, mais je me suis rendue compte que c’est une vraie épreuve. Ca fait partie de l’épreuve
il n’y a parfois pas de doute, si c’est un livre que j’ai cité en donnant cours, et je vais alors
évidemment pas vous demander en quoi est-ce pertinent. Mais si il y a doute, et si vous vous
demandez : mais est-ce que je peux faire ça ? Je dirais : oui, mais là vous devez vraiment le
défendre, défendre la pertinence. Donc pas question de dire : je suis tombé sur ce livre. C’est
très mauvais, parce que ça fait partie de l’épreuve que le choix est d’un livre pertinent, mais
qui vous permet de partir du coup dans une direction qui vous intéresse. Donc un choix de
livre pertinent, et une lecture qui ne soit pas un simple résumé. Car je déteste le par coeur, et
je ne vous demande pas du par coeur par rapport à mon cours. C’est pas pour avoir du par
coeur par rapport à quelque chose d’autre, vous voyez. C’est pour que justement
éventuellement vous vous serviez du cours pour mettre en contraste, pour regarder, pour
discuter, pour dire : puisque je vous donne le choix d’un livre qui vous intéresse, pour me
montrer, m’expliquer votre intérêt. Donc nous sommes en licences, et je crois que ce n’est
1
Ndrt : je laisse tomber ce passage, vu qu’elle n’explique qu’elle ne sait pas encore où le cours se déroulera
après.
2
Ndrt : mot inaudible
jamais trop tôt : bientôt, à Pâques, vous devrez choisir un sujet de mémoire de licences, et là
vous devrez choisir un thème qui vous intéresse assez pour travailler dessus plusieurs fois.
Donc la question : qu’est-ce qui m’intéresse, qu’est-ce qui me fait penser en philo, par où je
suis en train d’aller, quels sont les auteurs qui me font bien penser, qui me mettent dans
l’activité, c’est une question que vous allez devoir bientôt vous poser, et c’est un entraînement
que de vous demander à propos de mon cours : comment je peux, et avec quel auteur je peux
le prolonger, sur un mode qui me permette de le présenter non pas en résumant, mais en
rendant présent. Vous voyez ce que je veux dire ? Il y a une différence entre présenter et
rendre présent, c'est-à-dire qu’est-ce que l’auteur est en train de FAIRE. Quel est le faire de
l’auteur ? Et non pas : l’auteur nous dit. Si vous voyer la petite différence. ‘L’auteur nous dit’
ça veut dire : il dit ça, il pourrait dire autre chose, c’est lui, c’est pas moi. Ca c’est un résumé.
Qu’est-ce que l’auteur est en train de faire ? Là, vous êtes mis en pensée. Ca ne veut pas dire
que vous devez avoir VOTRE opinion sur tout ce qu’il dit, ça veut dire que vous le mettez en
relief, dans son activité d’écrire, et c’est le genre de choses dont vous aurez besoin dans un
mémoire de licence parce que justement éventuellement vous devrez avoir à faire à plusieurs
faire différents, qui ne sont pas des désaccords mais des approches différentes d’un même
problème. Vous voyez, donc vis-à-vis aussi de choisir un livre au niveau de licences, où les
auteurs sont en train non pas de raconter une histoire mais de fabriquer des problèmes.
Et donc, pour ceux qui n’ont pas encore eu d’examen avec moi, je ne suis pas un monstre, les
étudiants ratent rarement. Mais l’idée est que vous pouvez arriver avec tout le matériel que
vous voulez. Il y en a qui arrivent avec 5 livres de chaque côté, il y en a d’autres avec juste un
livre. Il y en a qui ne prennent même pas le livre mais qui arrivent avec des feuilles de notes,
ou même bien qui prennent le livre. Donc ce n’est pas un examen par coeur, vous pouvez jeter
un oeil sur vos notes. La seule chose que j’exclus, c’est : lecture. Donc il faut que vous
puissiez me parler, et non pas me lire un texte. Ca, c’est une chose. Et il faut que vous ayez
bien le texte en [tête]
3
, parce qu’il peut m’arriver de vous poser une question sur ce que vous
avez dit, et je n’aime pas – pour une raison que vous comprendrez peut-être qu’on me dise :
oui mais j’y viens plus loin. Non (rire) Je peux éventuellement bouleverser l’ordre que vous
avez prévu, vous voyez. Donc il faut que vous ayez ce que vous avez à me dire, que vous
ayez votre hypothèse (comment, quel est le bon ordre), mais que vous soyez tolérant avec moi
par rapport à l’idée que je peux décider tout d’un coup, si ça m’intéresse bien ce que vous
avez dit, que j’aimerais bien tout suite savoir un peu plus comment vous allez par là. C’est pas
pour vous embêter. C’est justement parce que j’essaie d’avoir une écoute assez active pour
vous demander ici d’aller un peu plus loin dans ce que vous êtes en train de me dire.
D’accord ?
Donc vous prévoyez une matière à exposer sur un quart d’heure, et l’autre quart d’heure
(puisqu’un examen dure en moyenne une demie heure) est réservé à une discussion, à la fin,
ou qui peut prendre place pendant. Ca c’est une liberté que je me donne. Finalement vous
avez … du terrain et de l’entrée en matière. Moi j’ai la liberté, après l’entrée en matière – ça
c’est vous qui le faites, comment vous entrez dans le terrain. Mais une fois que vous y êtes
engagé, je peux rentrer dedans aussi pour … avec. D’accord ?
Est-ce que pour les étudiants qui ont déjà eu mes examens, ça correspond un peu à
l’expérience ? Oui ? Donc que les nouveaux arrivants demandent aux anciens, s’ils veulent
plus de détails sur l’éthologie de la bête (rires).
Donc je citerai des livres, au fur et à mesure. Parfois je peux oublier la référence, alors vous
pouvez toujours m’emailer – parce que j’ai tous mes livres chez moi – et me demander : vous
avez cité tel livre, qu’est-ce que c’est etc. Ca j’accepte tout à fait bien, si j’ai oublié la
3
Ndrt : [xxx] = elle semble dire xxx, mais pas sûr
référence, et je vous la renvoie directement. Parce que parfois c’est en vous parlant que je me
dis : ah tiens, ben ici cet auteur-là, ça pourrait être utile de le mettre dedans. Puisqu’un cours
c’est à la fois préparation et une improvisation. C’est en ça qu’un cours est intéressant à
donner. Ok.
Alors dernière chose pratique, que les étudiants qui m’ont eu en candis le savent bien : les
questions pendant l’exposé sont bienvenues ! D’abord je termine ma phrase ou peut-être
même mon idée avant de répondre ou de donner la parole, mais les questions sont
hyperbienvenues, y compris et même hautement les ‘ici j’ai pas compris’. Je dis toujours : un
qui ose dire qu’il n’a pas compris, s’il y a un il y en a probablement 10 autres qui
éventuellement ne savent même pas qu’ils n’ont pas compris, mais en entendant un ‘je n’ai
pas compris’, vont dire : ah ben oui, c’est vrai ça, moi non plus. Donc ceux qui osent dire ‘j’ai
pas compris’ (mais c’est pas la seule question qui est la bienvenue) rendent service à tout le
monde. Et c’est en tant que tel que j’entends le ‘j’ai pas compris’.
Deuxième point : vous pouvez poser des questions pendant le cours. Il y a interruption en gros
vers 17h15. Et je demande toujours pas aujourd’hui, puisqu’on n’a pas encore de passé – et
au début du cours et après l’interruption : y a-t-il des questions ? Donc je vous encourage
beaucoup, ceux qui aiment bien .. , à un peu réfléchir après le cours, pour que éventuellement
la semaine suivante, vous avez une question à me poser. C’est en général merveilleux, parce
que ça m’épargne la transition ‘nous avons vu la semaine passée’, puisque grâce à la question,
la transition est se faisant. Donc je vous encourage beaucoup à consacrer, le lundi soir ou
mardi etc, juste à griffonner une question, pour ceux qui ont l’esprit [de l’escalier] : au fond,
quand elle dit ça, est-ce qu’on n’aurait pas pu dire autrement ? Ou là, j’ai pas compris. Mais
c’est un peu embêtant si vous me dites ‘j’ai pas compris’ trois leçons après. Et si vous me
dites ‘j’ai pas compris’ sur le tard, tâchez de noter ce que vous n’avez pas compris, parce que
moi je peux oublier comment j’ai dit, vous voyez. Les ‘j’ai pas compris’, c’est mieux de les
poser tout de suite, parce qu’à ce moment-là je le sais, ce que j’ai dit. Si vous me dites : je n’ai
pas compris ce que vous avez dit à propos de Heidegger, bon, alors je me demande : qu’est-ce
que j’ai dit à propos de Heidegger ? (rire) C’est un peu embêtant. Donc voilà les conditions
pratiques, cette fois-ci, du suivi du cours. Et plus les étudiants interviennent, pour moi mieux
c’est. Mais je sais que ça doit se mériter, moi, je veux dire. Des questions ?
Alors on se lance dans l’entrée en matière, puisque ceci n’était pas une entrée en matière,
c’était tourner autour. L’entrée en matière, ben, c’est probablement la dernière fois que je la
ferai, puisque c'est le dernier cours qui s'intitule ‘philosophie des sciences et théorie de la
connaissance’. J’ai profité du passage en master pour changer de titre et le faire plus à mon
goût. Toutes les années, jusqu’à celle-ci inclus, et de la même manière qu’en candis je vous
disais : le cours de méthodologie des sciences, l’un de mes buts c’est de vous faire
comprendre pourquoi en ce qui ME concerne (et pour ceux qui ne me connaissent pas encore :
j’ai eu un passé scientifique bref, mais enfin j’ai tout de même une licence en chimie, avant de
faire la philo), comprendre les sciences a très peu à voir avec construire une méthodologie des
sciences. Donc déjà en candis (je vous explique pourquoi, et je reprendrai un peu ces raisons
aujourd’hui) donc pourquoi j’hérite de ce titre mais je n’hérite pas de l’esprit. De la même
manière, théorie de connaissance et philosophie des sciences ou l’inverse, me met dans la
même situation.
Mais chaque fois c’est une situation intéressante. C’est pour ça que peut-être que même quand
je changerai d’intitulé, je devrais fabriquer quelque chose qui mette en garde. Intéressant
pourquoi ? Parce qu’un double titre comme ça, ça veut sans doute dire que dans un passé,
auquel je succède, il y avait deux cours, et que quelque part on les a rassemblés, peut-être
pour faire des économies déjà, ou bien Dieu sait pourquoi, je n’en sais rien. Mais le fait qu’on
les a rassemblés, c’est à dire qu’on se soit dit : tiens au fond, ça veut dire un peu la même
chose, ou en tout cas, entre les deux la conséquence est bonne, signifie un véritable problème,
qu’il s’agira ni de poser, ni de contourner, mais de TRAVERSER.
Si je réussis, au cours de cette année, quand vous entendrez, pris sur un mode quasi
synonyme, théorie de la connaissance et pensée sur les sciences - ou épistémologie, un des
autres mots pour ça est épistémologie, et personnellement quand je suis entrée en philo après
avoir fait de la chimie, c’était le premier mot que je n’avais pas compris : épistémologie.
C’était mon destin, mais je ne l’accepte toujours pas. Donc quand vous entendrez une
conséquence trop directe entre ‘qu’en est-il de la connaissance ?’ et ‘philosophie des
sciences’, vous aurez la puce à l’oreille, et vous direz : tiens ben voilà encore un exemple de
ce qu’Isabelle Stengers tente de mettre en cause. Mettre en cause, ça signifie plus que
critiquer, ça veut dire : mettre en CAUSE de penser. Fabriquer une cause qui vous fait penser.
Ca, c’est une des idiosyncrasies que j’introduirai. J’aime bien employer le mot ‘cause’, non
pas comme en physique : relation de cause à effet, comme une boule de billard, la cause étant
le mouvement d’une boule qui … l’autre, qui prend comme effet du choc une certaine vitesse.
Ca c’est une relation de cause à effet. Mais n’oubliez pas qu’en français, faire de la
philosophie c’est souvent profiter du génie d’une langue, qui dit des choses plus compliquées
que ce qu’on en retient. Ben le mot ‘cause’ peut aussi être employé au sens : cela me FAIT
penser. Et à ce moment-là votre pensée n’est pas l’effet. On pourrait dire que la cause a un –
j’aime bien le mot aussi – ‘efficace’, au sens où ça SUSCITE votre pensée. Mais ce n’est pas
de l’ordre de la ressemblance, il n’y a pas d’homogénéité. Donc j’espère que mon cours sera
pour vous une CAUSE de pensée, au sens non pas que vous pensez comme moi, mais que
vous pensez sur votre mode à cause de moi. Vous voyez ? Ca veut dire que je vous aurais
donné matière à penser, et appétit à penser autrement.
Et donc je peux vous donner appétit à penser CONTRE la normalité de la relation entre
théorie de la connaissance et philosophie des sciences. Qu’est-ce que c’est que cette
normalité ? Que signifie cette normalité ? Elle signifie en gros que, pour beaucoup de
philosophes, et même pour beaucoup de non philosophes et alors c’est une habitude de
pensée, que lorsque certains philosophes l’acceptent, c’est un thème de pensée, mais pour
beaucoup, c’est simplement une habitude de pensée. Eh bien, le succès des sciences dites
modernes donc ça veut dire : dites apparaissant quelque part au début du XVIIe siècle,
Galilée associé à la fondation de la science moderne, j’en ai parlé en candis, j’y reviendrai un
tout petit peu (Galilée initie une nouvelle science) traduirait que, enfin, l’homme (parce que
quand on parle de la connaissance, l’homme n’est pas loin), la femme, l’humain a découvert
(un peu tard, il est vrai, puisqu’il avait déjà quelques milliers d’années d’expérience derrière
lui, mais tout de même, finalement) au XVIIe siecle ce qu’il en était de la connaissance enfin
rationnelle. Il a ENFIN réussi à démêler le mélange terrible de superstitions, d’opinions, de
passions, et de savoir, où il était enfermé. Et donc la réussite des sciences nous dit et c’est
seul aux philosophes d’ENTENDRE ce discours; les scientifiques TRAVAILLENT, les
scientifiques sont enfin dans la bonne voie, c’est eux qui le font. Les philosophes regardent les
scientifiques travailler, et doivent dégager (c’est ça l’épistémologie, en la caricaturant) la
morale de ce travail, c'est-à-dire en quoi ces sciences qui progressent nous disent quelque
chose d’une connaissance enfin rationnelle. Et donc entre philosophie des sciences ou
réflexion sur les sciences, et théorie de la connaissance, la conséquence est bonne, elle est …
immédiate.
C’est une position qui peut être illustrée directement : pe vous avez rencontré certainement
aux candidatures Immanuel Kant. Bon ce qu’il appelle la ‘révolution copernicienne’ dans la
préface de la 2e édition de la CRP : il cite des scientifiques modernes. Il y a Galilée et ses
boules, il y a Stahl, chimiste (bon, Kant est allemand, s’il aurait été français il aurait dit
Lavoisier, car pour les allemands, c’est Stahl qui a fondé la chimie moderne, pour les français
c’est Lavoisier). Enfin, l’intention de tout cela est nette : il y a là des ruptures dans la vie des
savoirs, ruptures que vous rencontrez dans les publications à propos des savoirs, puisque
avant, c’est l’histoire des idées, après c’est l’histoire des sciences. L’alchimie, vous la
trouverez dans l’histoire des idées, la chimie vous la trouvez dans l’histoire des sciences. A
partir de là, les choses sérieuses commencent. Il n’y a plus question de décrire les ‘idées’ des
auteurs : puisqu’ils font de la science, les idées ne leur appartiennent plus. Leurs idées sont
‘scientifiques’. Et qu’est-ce que ça veut dire ? Eh bien ça, c’est à la philosophie des sciences
de le dire, mais ce que les philosophes des sciences doivent essayer d’expliquer, c’est en quoi
ce ne sont plus des idées personnelles, c’est en quoi se sont des idées qui se dégagent de leur
époque, des convictions de la personne, des traditions culturelles et intellectuelles. Quelque
part on a transcendé tout ça, les sciences ont a réussi à se dégager de tout ça, et elles ont leurs
histoires propres.
Bon, je vous ai dit en candis, que quand on veut tout de même parler de l’histoire de la
personne, eh bien on parle de la logique de la découverte ou de la logique de l’invention, par
rapport à la logique de la justification, qui elle marque pourquoi ce ne sont pas les idées d’une
personne, mais des idées qui trouvent leur justification par des raisons scientifiques.
Bon, eh bien Kant et la ‘révolution copernicienne’ : c’est une des versions (pour aller très
vite) de ‘la conséquence est bonne entre philosophie des sciences et théorie de la
connaissance’, puisque la révolution copernicienne marque cette transformation du rapport de
l’homme à la connaissance et à ce qu’il y a à connaître. Vous connaissez, je suppose, ce dire
célèbre de Kant dans cette préface, selon laquelle il ne s’agit plus d’interroger la nature
comme un maître (comme si elle était un maître, au pied de la nature), mais au contraire de
l’interroger comme un juge d’instruction. Et qu’est-ce que ça veut dire, qu’on puisse
interroger la nature comme un juge ? C’est que le rapport de force s’est transformé : si
j’écoute la nature comme si elle était un maître, je dois apprendre d’ELLE comment la
décrire. Si je l’interroge comme un juge, ça veut dire : j’AI le code, c’est MOI qui sais ce qui
compte, c’est moi qui ai la définition du délit. Donc si celui qui est interrogé me dit : « bon,
j’avais un peu mal au ventre avant d’assassiner cette vieille dame, et ça m’a mis de mauvaise
humeur », il est en train de bavarder. Peut-être que ses avocats pourront faire valoir ça, mais
en ce qui concerne l’établissement du délit, ça ne vaut pas. Donc la différence entre l’anecdote
et l’établissement des FAITS, au sens où ils COMPTENT du point de vue du code (et le code
FAIT le juge) est ce qui crée le rapport de force entre le juge et celui qui est soupçonné, ou à
propos de qui on monte un dossier. Et il ne s’agit plus d’apprendre de la personne pourquoi
elle a fait ce qu’elle a fait. Ca ce seront peut-être des psys, des experts qui l’interrogeront
comme ça. Il s’agit de voir comment son cas rentre dans des catégories, qui, d’une manière ou
d’une autre, pré-existent, mais doivent s’actualiser à propos de lui. Et chez Kant vous savez
que justement, ces catégories appartiennent à l’entendement, et que donc la nature est
interrogée du point de vue de principes qui correspondent aux catégories de l’entendement.
Donc vous voyez là quelque chose qui correspond tout à fait à ce que je vous avais dit :
philosophie des sciences théorie de la connaissance. C’est bien une théorie de la
connaissance rationnelle que Kant propose, et il emploie le succès des sciences pour
l’interpréter et remonter à la connaissance, qui permettrait de comprendre pourquoi il y a eu
succès. Et Kant parle à ce sujet du ‘factum’, le ‘factum’ c’est quelque chose de plus ‘noble’
qu’un fait, historique. ‘Factum’ pour un philosophe, c’est un peu [l’innovation] comme quand
nous disons LE politique, et pas LA politique etc. C’est pour parler de quelque chose dans le
monde qui n’est pas contingent : le factum c’est ce point historique qui le situe lui-même
comme philosophe. Depuis qu’il y a des humains, les mêmes catégories de l’entendement ont
été à l’oeuvre, et pourtant, ce n’est que quand Kant parle (donc fin XVIIIe, quand Kant
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