
nouveaux dispositifs de participation et de concertation (Berry, Portney et al., 1993; Purcell, 2006; Revel,
Blatrix et al., 2007), mais elle passe également par la revendication d’un « droit à la ville » sous la forme
d’un programme de recherche mû par une démarche de « recherche-action » sur les institutions à créer
pour assurer un gouvernement de la ville qui soit à la fois plus démocratique (pour intégrer réellement les
habitants dans les processus de décision) et plus juste socialement. Cette notion de « droit à la ville »,
développée par H. Lefebvre (1972) et fréquemment travestie par les acteurs qui s’en réclameront par la
suite, repose sur l’idée que l’espace de la ville ne doit pas être considéré seulement du point de vue de sa
valeur d’échange (en tant que bien marchand) mais également du point de sa valeur d’usage, justifiant
ainsi la participation ou la consultation de ceux qui habitent la ville et la pratiquent sans en être les
propriétaires fonciers (Lefebvre, 2000; Purcell, 2002). Au-delà de sa double spécificité en tant qu’objet de
réflexion de la philosophie politique et objet de pratiques sociales, la notion de démocratie locale reste
encore imprécise et vague (Blondiaux, 2007), ce qui explique les ambiguïtés au gré des compréhensions
et des usages qu’en font les acteurs. Cette caractéristique de la démocratie locale amène à s’interroger sur
sa construction en tant qu’objet scientifique, et cela dans la perspective d’une meilleure compréhension
des pratiques, des dynamiques et des dispositifs du gouvernement urbain dans un contexte où la décision
publique est plus que jamais soumise à la variété des légitimités, des expertises et des voies de
contestation. Pour cela nous allons présenter les principaux enjeux analytiques et méthodologiques
attachés à la démocratie urbaine pour mieux souligner les limites et les zones d’ombre liées à son étude
actuelle, en précisant notamment l’absence d’articulation théorique entre les recherches sur les dispositifs
de gouvernance urbaine et la question démocratique.
Construire la démocratie urbaine en tant qu’objet scientifique : l’intérêt et les difficultés
L’intérêt de construire la démocratie urbaine en tant qu’objet scientifique se justifie
principalement par les évolutions de l’action publique et du gouvernement urbain. Ainsi la célèbre
question de R. Dahl (1989), « Qui gouverne ? », trouve-t-elle une nouvelle résonance et actualité dans un
système où la décision publique répond de plus en plus à une logique de négociation et de co-construction
entre des acteurs aux horizons et aux intérêts divers (Kooiman, 1993; Stoker, 1998; John, 2001; Gaudin,
2002; Rhodes, 2007). Traditionnellement le lieu de la variété des intérêts, des usages de l’espace, des
identités et des pratiques sociales, la ville est le résultat des rapports sociaux et de pratiques sociales qui
s’inscrivent dans des espaces ou des échelles spatiales donnés. À ce titre, la variété des échelles spatiales
correspondant à ces pratiques sociales ou intérêts hétérogènes fait que la ville peut être saisie comme le
lieu de la coexistence, voire de la confrontation, de diverses définitions, visions et intérêts liés à l’espace
urbain (Delaney & Leitner, 1997; Marston, 2000; Purcell, 2003). Dans ce contexte, la construction de la
démocratie urbaine en tant qu’objet scientifique s’impose à la fois en raison du tournant participatif dans
la gestion des affaires publiques locales adopté officiellement par la plupart des autorités locales dans les
pays occidentaux, mais aussi en raison des mobilisations et des contestations au sein de la société locale.
Plusieurs travers contrarient néanmoins la construction de la démocratie urbaine comme objet
scientifique. Le premier correspond à ce que l’on pourrait appeler le fétichisme du local qui consiste à
penser que l’échelon local est toujours préférable à d'autres échelles territoriales car garant de vraie
démocratie et de justice sociale. Mark Purcell (2006) a ainsi parlé de piège du local (local trap) pour
souligner la conception normative habituellement associée à cette échelle territoriale dont on pense un
peu rapidement qu’elle aurait la vertu de favoriser la démocratie et la justice sociale. Cette croyance en la
vertu du local repose sur l’idée que le rapprochement de la décision du citoyen conduit nécessairement à
des choix plus démocratiques et à des mesures plus efficaces et plus justes. Or, certaines réformes allant
dans ce sens se soldent parfois par une réduction significative du profil et du nombre d’acteurs ayant une
réelle influence sur les choix faits (Purcell, 2006). Le local et la démocratie locale doivent donc avant tout
être envisagés sous l’angle des configurations d’acteurs, des pratiques et des usages qui en sont faits.
Cette posture de recherche devient nécessaire avec la multiplication des réformes qui reposent sur l’idée
que la mise en place de nouveaux mécanismes participatifs favoriserait l’apprentissage et
l’institutionnalisation de la démocratie locale ; un peu comme si l’existence du dispositif de participation
suffisait à produire de la démocratie locale.
Mais là n’est pas la seule difficulté posée par le fétichisme du local et par la représentation
idéalisée de la démocratie. En effet, reposant sur l’image idyllique de la communauté d’individus