Le développement social, côté pratique

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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
XIIèmes RENCONTRES
de la DÉMOCRATİE LOCALE
GRENOBLE
Association loi 1901
« LES PETITS MOUTONS POUR L’AUTONOMIE ET L’INTEGRATION »
3 bis, rue Brueys
34000 MONTPELLIER
Email : [email protected]
Web : www.lespetitsmoutons.asso1901.com
Tél. : 06.62.44.68.42
CONSEIL CONSULTATIF DE MONTPELLIER CENTRE
COMMISSION ACCESSIBILITE
Juin 2010
1
XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
SOMMAIRE
A. İNTRODUCTİON …………………………………………………………………………... 3
B. RENCONTRES DE LA DEMOCRATİE LOCALE ……………………………….. 4
B.1. TABLE RONDE INTRODUCTIVE ………………………………………………………… 4
B.2. POLE 1: NOUVELLES METHODES POUR UNE DEMOCRATIE OUVERTE A TOUS … 5
B.2.1. FONCTIONNAIRES ET CONSEILS DE QUARTIERS …………………………………. 5
B.2.2. DEMARCHES ET OUTILS DE LA PARTICIPATION LOCALE ………………………. 6
B.2.3. LE DEVELOPPEMENT SOCIAL, COTE PRATIQUE ………………………………… 7
B.3. POLE 7 : LA VILLE, UN CHANTIER OUVERT AU PUBLIC …………………………… 8
B.3.1. CONFLIT D’INTERET DANS L’USAGE DE LA VILLE, CONFLIT DE POUVOIR
POUR FAIRE LA VILLE ……………………………………………………………….. 8
B.3.2. APPRENDRE A FAIRE LA VILLE AVEC SES HABITANTS – PEDAGOGIE DU
PROJET URBAIN ……………………………………………………………………… 10
B.3.3. CONCERTATION CITOYENNE EN URBANISME ……………………………………. 13
C. COMMENT INSTAURER LE BIEN VIVRE ENSEMBLE …………………….. 14
C.1. INTRODUCTION ………………………………………………………………………….. 14
C.2. PROMOUVOIR LA PARTICIPATION …………………………………………………… 14
C.3. DEPLOYER LA QUALITE DEMOCRATIQUE …………………………………………... 15
C.4. SOUTENIR LES ASSOCIATIONS ………………………………………………………… 16
C.5. FORMER DES CITOYENS ACCOMPLIS ………………………………………………... 17
C.6. LAISSER UNE PLACE DE CHOIX AUX ARTS ET AUX HUMANITES ………………… 18
C.7. MORALISER LE CAPITALISME ………………………………………………………… 18
C.8. PRESERVER L’ENVIRONNEMENT ……………………………………………………… 19
C.9. AMELIORER LA CONNAISSANCE DE L’AUTRE ET CULTIVER L’EMPATHIE ……. 20
C.10. TISSER DES LIENS ENTRE LES GENERATIONS ……………………………………... 20
C.11. TISSER DES LIENS ENTRE VOISINS ………………………………………………….. 22
C.12. CREER UN RESEAU D’ENTRAIDE AU QUOTIDIEN ………………………………….. 22
C.13. TISSER DES LIENS ENTRE LES TERRITOIRES ………………………………………. 23
C.14. TISSER DES LIENS ENTRE LES CULTURES …………………………………………... 23
C.15. LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS …………………………………………... 24
C.16. SENSIBILISER A LA DIFFERENCE ET AU HANDICAP ………………………………. 24
C.17. DEVELOPPER L’ACCESSIBILITE UNIVERSELLE ………………………………….... 26
D. CONCLUSİON ……………………………………………………………………………... 28
2
XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
A. İNTRODUCTİON
Après les élections régionales de 2010, force est de constater que l’abstention reste un
phénomène majeur.
Pour sortir le citoyen de sa léthargie, il faut dépasser les paradoxes du gouvernement
représentatif, résoudre les frustrations nées des promesses non tenues et des aspirations
déçues. Il faut redonner confiance en la démocratie, après que la souveraineté populaire ait été
bafouée, suite à la ratification par le Parlement français du traité de Lisbonne, jumeau du traité
constitutionnel rejeté par les électeurs le 29 mai 2005.
L’article 3 de notre Constitution disait que « la souveraineté nationale appartient au peuple
qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Avec les articles 11 et 89,
puis 72 et 73, et enfin 88-5, il devait offrir à chaque citoyen la possibilité d’exprimer son
sentiment. Le référendum devait être « le moyen d’une démocratie continue au sein même des
institutions nationales » (Leo Hamon), censé renforcer la légitimité des décisions politiques et
faire office de contre-pouvoir ou d’arbitrage…
Cependant, celui du 29 mai 2005 en a fait un élément de folklore. Le gouvernement de
l’opinion s’est imposé, sans idées claires. Le « vote de confiance » n’a pas eu lieu et s’est
même retourné contre son instigateur.
Face à la désaffection électorale, en constante progression, les institutions nationales sont
totalement impuissantes. Un profond changement s’impose. La décentralisation avec pour
corollaire la participation citoyenne doit se poursuivre et continuer d’évoluer dans le sens du
progrès individuel et collectif, social et humain.
C’est au niveau local que l’on pourra changer les choses, lutter contre le désintérêt de la
politique et ranimer la démocratie. C’est en multipliant les expériences participatives, en
promouvant une citoyenneté nouvelle, pleine et entière, active et éclairée, en montrant que la
parole du citoyen est désormais prise en considération et qu’il dispose à présent d’un droit
d’expression utile et inaliénable. Le taux de participation peut remonter si la question de
confiance est engagée.
Pour secouer l’indifférence de la société, le politique doit donc déployer la qualité
démocratique, élargir le spectre de la participation et fixer des règles claires, pré-établies,
préservées de l’arbitraire, favorisant la transparence, le respect mutuel et la confiance
nécessaires à la construction de projets collectifs partagés.
Nous adressons à la Ville tous nos remerciements pour nous avoir convié aux XIIème
Rencontres de la démocratie locale, organisées à Grenoble les 28 et 29 mai 2010 par l’Adels
(Association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale), à l’occasion de son 50ème
anniversaire. Cet événement a redonné du souffle à nos aspirations, des outils et des méthodes
pour mener à bien nos projets dans l’intérêt général.
Après un compte rendu des conférences auxquelles nous avons assisté pendant ces
Rencontres, nous détaillons nos réactions à la lecture des Actes du Printemps de la
Démocratie 2010 à Montpellier, trop heureux de voir la démarche participative s’ouvrir aux
questions de société et à celle du bien vivre ensemble, qui englobe l’ensemble de nos
préoccupations.
Cependant, point d’angélisme. La route est encore longue et semée d’embûches.
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
B. RENCONTRES DE LA DEMOCRATİE LOCALE
B.1. TABLE RONDE INTRODUCTIVE
Le constat qui est fait sur l’état de nos démocraties est alarmant, l’idéal démocratique
atteint, l’idée même d’intérêt général est viciée, au regard de l’accroissement des inégalités
entre les individus, entre les territoires, de la prolifération des injustices sociales, de
l’exclusion d’une partie importante de la population... Le pacte social est rompu, ses acquis
partent en lambeaux. Nous observons, impuissants, apathiques, la désagrégation de nos
sociétés, la panne de l’ascenseur social, la montée du chômage de masse, la précarisation
croissante des jeunes, l’accentuation de la ségrégation urbaine, la dégradation programmée de
nos services publics, la construction de l’Europe par les capitaines d’industrie, la destruction
accélérée de notre environnement, sources de nouvelles injustices…, pendant que l’on
s’afflige devant le spectacle ahurissant du système financier et bancaire, sauvé de la faillite
par la puissance publique, spéculant aujourd’hui de plus bel, cynique et cruel, contre les Etats
et les populations, pour la domination des marchés, aux dépens de l’humanité, en imposant
des politiques antisociales, en protégeant la fraude fiscale, en déployant des parachutes
dorés...
Pour faire face aux enjeux liés à la mondialisation, à la préservation de l’environnement,
au développement équilibré et durable des villes, les politiques ont besoin des citoyens pour
construire leurs décisions, dans l’intérêt général, afin de répondre à tous les besoins
sociaux de consommation, de production et d’échange, de communication, de santé,
d’éducation, de protection contre les agressions, d’entraide, de divertissement...
La puissance démocratique et la souveraineté populaire sont attendues, afin de rehausser
le niveau moral, indispensable pour la vie en société, pour le progrès, pour empêcher le
sentiment d’injustice de se généraliser et l’omnipotence de la ploutocratie de continuer à
s’imposer et de causer du tort à l’humanité.
Trois clés sont proposées pour le renouvellement en profondeur de nos démocraties :
 L’égalité politique : possibilité égale pour tous de participer au débat public, à la
construction de la décision, à l’élaboration des choix collectifs, à l’évaluation des
politiques publiques.
 La justice sociale : possibilité pour chacun de faire entendre ses droits dans
l’espace public et de bénéficier d’un partage équitable des richesses.
 L’auto-organisation : modalité d’intervention citoyenne, droit de débattre et de
faire pour contribuer au bien commun et métamorphoser la société.
La démocratie participative représente non seulement un idéal politique moderne, mais
aussi un modèle performant, permettant de répondre réellement à tous les besoins, d’apporter
la justice, l’équité, la solidarité, la fraternité dans nos villes. On peut changer la société à
partir de l’espace local et renforcer la cohésion sociale, nous préserver des servitudes
imposées par la féodalité capitaliste, si on implique et responsabilise chaque habitant, chaque
citoyen, chaque usager de service public, si on l’associe aux décisions prises en son nom ou
pour son intérêt.
Face au « chacun pour soi », il faut développer le « faire ensemble » pour améliorer le
« vivre ensemble ». Il faut mettre à la disposition de tous les moyens de débattre, de délibérer
sur le devenir de la cité et de contribuer à l’élaboration du bien commun. Il faut protéger et
développer les solidarités sociales, sortir de l’ornière égoïste et fonder les bases d’une
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
nouvelle éthique, qui ne soit plus la recherche du profit à tout prix, à court terme, mais la
justice, l’équité, le respect d’autrui.
B.2. POLE 1: NOUVELLES METHODES POUR UNE DEMOCRATIE OUVERTE A TOUS
B.2.1. FONCTIONNAIRES ET CONSEILS DE QUARTIERS
FORUM – 28 mai 2010
Il est important de clarifier les rôles :
 L’élu est le garant politique du processus de participation : il doit présider à
chaque phase clé, veiller à l’analyse des résultats pour qu’ils contribuent à la
décision et en rendre compte aux habitants concernés.
 Le fonctionnaire est chargé de représenter l’élu, il se distingue par son niveau
hiérarchique, ses fonctions et ses services, il est soumis à une déontologie
professionnelle.
 Le conseil de quartier est consultant, et non pas donneur d’ordre. Sa mission
consiste notamment à représenter les habitants du quartier et à veiller sur leurs
intérêts communs. Cependant, dans le processus participatif, l’habitant reste un
interlocuteur à part entière, quelle que soit sa représentativité.
Habitants
Conseil de quartier
Projet
Débat
Fonctionnaire
Faisabilité
Services techniques
Projet réalisable
Ordres
Elu référent
Scénario de projet :
Le conseil de quartier soumet un projet au fonctionnaire qui représente l’élu référent. Les
services techniques en étudient la faisabilité, pour que le fonctionnaire puisse exposer à l’élu
un projet réaliste, réalisable. Le fonctionnaire est donc facilitateur sur un titre technique.
Lorsqu’il doit ensuite amener la discussion entre les habitants pour obtenir un consensus,
il devient médiateur, facilitateur de rencontres. Il organise la concertation, rédige les comptes
rendus des débats, mais il peut aussi être force de propositions. Si la chaîne marche bien, alors
le projet peut aboutir. D’où l’importance du relationnel.
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
Le processus de concertation et l’organisation de débats représentent une révolution
culturelle au sein des services (municipaux, départementaux, régionaux…). Des relations
symbiotiques se dessinent, l’association et la vie en commun de deux « organismes » qui
trouvent ainsi des conditions convenables de développement.
Cependant, le fonctionnaire peut aussi faire écran, auquel cas l’inertie est à craindre. Pour
l’éviter, il faut de la méthode, des règles claires pré-établies. Le citoyen doit être bien informé.
La concertation doit faire place à un travail collaboratif.
On a besoin de formation et de pédagogie pour faire bouger les mentalités et fonder un
accord sur les fondamentaux :

L’importance de la concertation, du dialogue, de la participation citoyenne pour la
construction de l’intérêt général, afin de gagner en précision, sens, légitimité,
efficacité, utilité, qualité du service rendu, acceptabilité sociale…

L’importance du savoir d’usage pour enrichir le savoir technique des experts,
développer des solutions à la fois économiques et performantes, répondant au juste
besoin :
« Pour connaître les réponses, il faut vivre les questions. » (Maria Rainer RILKE).

La nécessité d’une réelle volonté politique, d’une commande politique de débats
participatifs.
B.2.2. DEMARCHES ET OUTILS DE LA PARTICIPATION LOCALE
Intervenants :
-
Pierre ZEMOR, praticien de la concertation locale pour une rénovation urbaine,
régionale, nationale, sur le logement social et dans le cadre de la CNDP,
administrateur de l’Adels.
-
Laure MASSON, adjointe au Maire de Grenoble, chargée de la démocratie locale.
Nous vivons les prémices d’une refondation de la démocratie, à la recherche des bonnes
pratiques participatives.
« A priori le débat public se porte mieux au niveau local qu’au niveau national.
Probablement parce que la communication est tenue, dans sa permanence et dans la
proximité, à plus d’authenticité. »
Il n’y a pas de recettes miracles, mais des méthodes, des principes, des outils, en fonction
des situations.
 Principes / démarches
Pour associer les citoyens au processus de décision et à l’élaboration de l’intérêt général, il
faut améliorer les conditions de l’accès à l’information, du partage des connaissances et des
expertises, de l’échange de la communication dans les deux sens.
Pour mobiliser les citoyens et les rapprocher du politique, il faut rédiger un contrat de
confiance, une charte de la concertation et de la démocratie locale.
Un projet bien porté doit être mis en débat :
 Ce qui importe, c’est que tous les points de vue puissent être exprimés, et pas
nécessairement toutes les personnes.
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
 La consultation doit se faire en amont du processus d’élaboration du projet,
lorsque toutes les options sont encore possibles.
 L’animateur doit être neutre, indépendant, impartial, voire formé (France Qualité
Public).
 Les règles du jeu doivent être claires, pré-établies : il faut savoir ce qui est
négociable et ce qui ne l’est pas ; les citoyens sont consultés, mais c’est l’élu qui
garde le pouvoir de décision.
 La présence de l’élu dans les groupes de travail est importante, au moins dans les
phases clé.
 Il doit dire au final ce qu’il fait des recommandations, motiver et évaluer ses
décisions.
 Outils / méthodes
Un élu peut ainsi tester les résistances à un projet municipal. Les citoyens peuvent porter
leurs actions auprès des élus, tenter de les convaincre ou organiser un rapport de force.
 Outils classiques : réunions, groupes de travail, enquêtes publiques…
 Débat public selon la CNDP (Commission Nationale du Débat Public), autorité
administrative indépendante chargée de veiller au respect de la participation du
public au processus d’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement.
 Référendum local (article 72-1 de la Constitution, révision constitutionnelle du 28
mars 2003), qui a valeur de décision sur un sujet d’intérêt communal.
 Droit de pétition à l’adresse des collectivités territoriales (Loi constitutionnelle n°
2003-276 du 28 mars 2003).
 Défenseur des droits : veille au respect des droits et des libertés par les
administrations de l’Etat et les collectivités territoriales (Loi constitutionnelle n°
2008-724 du 23 juillet 2008).
 Saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens par voie d’exception (Loi
constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008).
B.2.3. LE DEVELOPPEMENT SOCIAL, COTE PRATIQUE
Intervenant : Jean-Luc GRAVEN
Référence bibliographique : « Pédagogie du développement social – Faire cause
commune. », Jean-Luc GRAVEN, Anne-Catherine BERNE, Pascaline NOVE-JOSSERAND.
« Cause Commune » est une émanation du Secours Catholique, une expérimentation qui
dure depuis 9 ans. Elle ne s’implante pas dans les quartiers, sous forme d’accueil, de
permanences ou d’aides, mais va à la rencontre des gens. Elle ne se base pas sur des
connaissances ou un savoir pré-établis, une méthode universelle. L’important, c’est le côté
pratique et le côté humain.
La démarche de développement social avec les habitants s’inspire de diverses méthodes
d’animation non formelles. L’animateur social va à la rencontre des uns et des autres dans le
but de construire ensemble, de faire accoucher, de donner l’envie d’agir par soi-même. Il
avance avec les gens et leurs difficultés, avec des leaders en quête de reconnaissance. Il doit
prendre en compte et considérer chaque personne à part entière comme point de départ, partir
du besoin et trouver ensemble des solutions concertées, comprises et acceptées de tous.
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
Un objectif majeur consiste à résoudre le problème des personnes déconsidérées, exclues,
isolées. Le principe d’« empowerment » consiste à reconnaître les différents interlocuteurs et
augmenter leur pouvoir d’agir, pour une réelle transformation de la société.
On observe ainsi la transformation des gens, à qui l’on permet de marquer leur territoire
par des actes, acquérir de l’autonomie (par rapport à l’animateur), créer des associations, et la
transformation des institutions, avec la volonté politique d’impliquer plusieurs partenaires et
de travailler en réseau.
Cette politique des petits pas permet d’enregistrer des petites réussites, qu’il s’agit de
valoriser pour aller plus loin et bâtir un climat de confiance.
Les habitants sont au cœur de la démarche, l’animateur social doit :
1) Oser la démarche « aller vers », se jeter à l’eau, aller vers l’inconnu, vers des gens
différents, des trésors enfouis. Les habitants des quartiers défavorisés n’attendent pas
vraiment de solution à leur problème, mais ce sont les travailleurs sociaux, ces intrus, qui
attendent des réponses, manifestent de l’intérêt, de la considération, de la compréhension,
à l’égard des positions et des points de vues des différents interlocuteurs. Le but est de
fédérer les habitants pour dire ce qui ne va pas, identifier les motifs essentiels qui fondent
leurs positions, mettre à disposition différents moyens d’expression citoyenne, comme des
permanences dans les communes, des cahiers de doléances, des enquêtes, des journées de
forum – débat, créer un lieu interactif où la sensibilisation « accroche » et « fait retour ».
2) Susciter l’émergence d’une dynamique collective, afin de lutter dans les quartiers
contre le repli sur soi et sur ses problèmes, le fatalisme, la résignation, le découragement,
le sentiment d’abandon et l’impression qu’il n’y a rien à faire ensemble. Très vite, l’idée
peut se former que l’union fait la force, mais on peine toujours à y croire, quand même la
solidarité au sein de la famille s’effrite, quand règne le plus souvent entre voisins la
méconnaissance et l’indifférence la plus totale. Il faut susciter une prise de conscience
collective que l’on peut et doit faire quelque chose ensemble.
3) Renforcer la mobilisation collective, en décidant par exemple, pour des problèmes de
logements communs, de rencontrer collectivement un propriétaire, en désignant
éventuellement par mesure d’efficacité des représentants des habitants, en se faisant
épauler par une association experte.
4) Coopérer en interaction avec son environnement, afin de changer le regard des uns et
des autres, apprendre à se connaître, pour mieux vivre ensemble, améliorer les conditions
d’existence, en particulier celle des plus défavorisés, pour une société plus juste, où
chacun peut exister, plus équitable, respectueuse des besoins de tous et de
l’environnement.
B.3. POLE 7 : LA VILLE, UN CHANTIER OUVERT AU PUBLIC
B.3.1. CONFLIT D’INTERET DANS L’USAGE DE LA VILLE, CONFLIT DE POUVOIR
POUR FAIRE LA VILLE
Intervenant : Paul BLANQUART, philosophe.
 Constat
Il n’y a pas eu d’explication satisfaisante après les émeutes de 2005. On en attend une des
sciences humaines, moyennant une évolution du modèle explicatif, qui ne soit pas lié aux
classes sociales mais au territoire.
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
La question sociale est devenue une question territoriale. Mais il ne faut pas dire non plus
que tout est la faute des grands ensembles. Poser la question sociale en terme d’urbanisme
uniquement est réducteur. La cohésion sociale n’est pas seulement une question de politique
publique de rénovation urbaine (ANRU).
 La ville, un chantier ouvert au public ?
Des visites de chantiers vont-elles s’organiser ? Les maîtres d’usage (usagers –
consommateurs) face aux techno-marchands, avec lesquels il ne peut être question que
d’utilité, d’intérêt particulier, d’égoïsme dans l’utilisation ? S’il y’a participation en fait, c’est
à la volonté du chef, au projet du chef, qui n’a pas l’intention de partager son pouvoir, sa
source d’autorité et de légitimité. Aucun rapport entre le spatial construit et la citoyenneté.
 Histoire de figures et de forces sociales
Une histoire de la ville peut nous aider à repenser la société. De Colbert jusqu’aux villes
nouvelles (De Gaulle), la figure française est spatialement, socialement techno-administrative.
La gestion est centralisée, les français marchent à l’Etat. C’est l’Etat qui fait la nation et le
territoire. Les politiques sociales se ramènent à des politiques spatiales. La ville nouvelle est
conçue à partir d’une pensée fonctionnaliste, délimitée en zones. Les besoins sont définis par
des politiques sociales gérées de façon techno-administrative.
Les émeutes de 2005 ont marqué la fin de ce système.
 Globalisation
La France décline sous l’influence de la globalisation, sous l’effet des flux qui traversent
ses frontières, déstabilisent et rendent inutile cet « étatico-national ». Les villes sont traversées
par ces flux, plongées dans la mondialisation, « vidées et shootées aux allocations ».
L’humanité se partage entre ceux qui sont partout chez eux et ceux qui sont nulle part
chez eux (les migrants).
L’idéologie sociale-démocrate peine à « softiser l’entubage », à endiguer la crise
systémique, car la globalisation détruit les psychismes. Quelles forces permettront de
résister à la catastrophe psychologique ?
 Figure nouvelle
Pour affronter la logique globalisante qui désocialise et qui fabrique des gens nulle part
chez eux, pour parer aux échecs de la décentralisation et empêcher le recul de la démocratie,
une troisième figure se dessine, moyennant un travail de clarification et un travail sur soi. Le
combat d’aujourd’hui est urbain.
Globalisation
Sans globalisation
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
Sans compter sur le maître des flux, un adversaire impossible à convaincre, il faut :
 Inventer du local démocratique (volet social du développement durable) :
o Affirmer une puissance citoyenne ;
o Faire la ville à partir de la singularité de ses habitants, créer de la
différentiation pour être plus intéressant, tirer les conséquences culturelles,
interculturelles ;
o Pratiquer la tolérance et la mixité locale (mais pas de façon technoadministrative), accepter la différence pour qu’elle enrichisse au lieu de
diviser ;
o Ouvrir l’espace public à tous les publics, stimuler les contacts et les
échanges, car c’est la rencontre qui permet de fonder les opinions et
déconstruire les préjugés ;
 Intégrer la dimension planétaire, appréhender la relation entre le local et la
planétaire, le conflit fondamental dans la pratique et la pensée du lieu :
o Contribuer localement à l’universel, penser globalement pour agir
localement, car en chaque lieu, il y va de la planète entière (volet
écologique du développement durable) ;
o Singulariser chaque lieu sous l’influence cosmopolite, le monde entier doit
se refléter dans chaque ville de façon singulière ;
o Jouer le jeu des flux intra-planétaires : pour être singuliers, les territoires
doivent être reliés les uns aux autres, il faut travailler cet « entre » (les
villes) inter-essant, créer des rencontres et des échanges.
Notons l’importance de la personnalité de ceux qui ont en charge de penser socialement le
territoire, la nécessité des recherches et des innovations sociales, de la lutte contre la
ségrégation, la ghettoïsation et les discriminations.
La connexion urbanisme – vie sociale imposant le dialogue avec les habitants, le projet
urbain peut et doit être le cadre d’une « réconciliation ».
B.3.2. APPRENDRE A FAIRE LA VILLE AVEC SES HABITANTS – PEDAGOGIE DU
PROJET URBAIN
Intervenant : Philippe VERDIER
B.3.2.1. Analyser le contexte
 Participation des habitants :
Tirer profit des expérimentations du passé :
 Le mouvement « Peuple et Cultures » et l’entraînement mental : méthode de
travail pour entrer dans des problématiques complexes, enquêtes rigoureuses
permettant au public de participer ;
 Participationnisme des années 1970 : collaboration entre élus, responsables
locaux des partis, animateurs des techno-structures, Union de quartier et
associations de gestion des équipements.
 Grenoble : GAM (1965), Groupe d’Action Municipal, fondé sur une attitude
critique (constructive).
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
Pouvoir
Compétents
Militants
Population
De nos jours, les personnes compétentes sont de plus en plus nombreuses, suite aux
progrès réalisés dans l’éducation et la formation. Les initiatives participatives proviennent
généralement des militants associatifs.
 Contexte des idées sur la ville




Cités-jardins et socialisme municipal : des projets pensés pour les gens ;
Le Corbusier, les grands ensembles ;
Après fonctionnalisme : post-modernisme, copie d’ancien ;
Néo-Haussmannisme (îlots ouverts) : penser, anticiper, dessiner la ville pour
les usagers, le maître d’ouvrage, la reconnaissance des pairs.
B.3.2.2. Idées à suivre / erreurs à éviter
 Trois idées à suivre :
 Impliquer les habitants en amont de la conception du projet ;
 Identifier les attentes en profondeur et pas seulement les désirs de ville
marchandisés ;
 Lier l’implication des habitants à l’acquisition de notions de base sur l’espace
urbain.
 Sept erreurs à éviter :







Faire la ville avec des idées trop simples ;
Réaliser de la copie d’ancien et des objets célibataires ;
Se contenter du décor et de la couleur ;
Résidentialiser sans discernement ;
Ne pas faire l’analyse des conflits et des intérêts ;
Confondre la demande des habitants et celle des organismes HLM ;
S’occuper de tout, répondre à toutes les sollicitations.
B.3.2.3. Faire du projet urbain spatial / social
L’implication en amont des habitants doit naître d’une volonté et d’une commande
politiques. On ne fait le plus souvent du social qu’à partir du stade 3, mais il faut s’intéresser à
la population dès la première étape.
11
XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
Spatial
Déroulement politique
Social
COMMANDE
1
Découverte et diagnostic
2
Hypothèses programmatiques
Esquisses exploratoires
3
Images / concertation
4
Plan guide
Outil de communication projet
5
Première réalisation
Retour sur projet
Lorsqu’on analyse les attentes en profondeur concernant le logement, on constate
l’absence de produit traduisant la demande (appropriation de la lumière, image de soi,
jardin...). D’où la nécessité d’une réflexion collective : les envies d’aujourd’hui sont les
attentes de demain.
Pour faire émerger ces attentes, on a recours à un expert de la prise en compte des
habitants, de manière méthodologique et non pas démagogique.
 Etape 1 : découverte et diagnostic.
-
Lecture de l’espace social de la ville ;
Compréhension de son histoire.
 Etape 2 : réflexions programmatiques et esquisses exploratoires.
-
Résolution des problèmes globaux (logement des personnes âgées,
handicapées) ;
-
Enquête sociologique : exhaustive - petit échantillon (250 à 300 personnes) panel restreint (35 à 50 personnes) ;
-
Implication du tissu associatif.
 Etape 3 : image exemple et concertation.
-
-
Déontologie des images exemples ;
Initiation, formation des habitants (3 ou 4 demi-journées), afin de parcourir,
comprendre et s’approprier l’espace, lui donner un sens social (partage,
solidarité, citoyenneté) ;
Acquisition du langage de base pour les habitants et les élus.
D’où la naissance de villes villages, sans explication économique, répondant à :
-
Une logique d’explication du monde ;
12
XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
-
Une logique de cohésion sociale ;
Une logique économique et fonctionnelle.
Les vraies villes se caractérisent par :
-
Un réseau d’échanges ;
Une centralité ;
La confrontation des différences ;
La densité ;
Plus de liberté.
B.3.3. CONCERTATION CITOYENNE EN URBANISME
L’architecte qui a une bonne idée n’est pas toujours à l’écoute, même s’il veut bien faire.
Le développement du territoire est l’affaire d’une intelligence collective, qui nécessite
d’organiser des processus de travail collaboratif, avec rigueur et moyens.
La méthode « community planning » a fait ses preuves. Il s’agit de trouver ensemble un
cap collectivement intéressant (attentes et acteurs multiples).
 Phase 1 : Mobilisation des parties prenantes
Préparation de 6 à 12 mois pour approcher les acteurs et les rassembler, poser le problème,
remettre en cause et susciter l’intérêt.
-
Information, message à l’élu.
Manifestations avec les écoles, afin de mobiliser les enfants, attirer les parents.
Micro-exercices, enquêtes des jeunes auprès des habitants, boîtes à idées.
Tracts d’invitation aux ateliers publics.
Etc.
 Phase 2 : Requestionnement des acteurs du projet
Ateliers de 5 jours : énonciation des problèmes / attentes / solutions (qui peut faire quoi,
qui paie, quel type de contribution citoyenne ?).
-
-
Récolte des propositions sur des post-it au mur ;
Lecture à voix haute (tout le monde entend et se sent pris en compte), en
présence des élus, à l’écoute ;
Moments de paroles collectives ;
Passer de la parole au plan : carte sur table :
 Tables thématiques, ciblées sur des lieux…
 12 à 20 personnes par table, dont aménageurs, guides + électrons
libres…
 Sur la table : plan global, feutres, maquettes amovibles…
Séance de restitution, synthèse parlante, plans ou maquettes 3D, différents
scénarios.
 Phase 3 : Processus classique de projet urbain
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
C. COMMENT INSTAURER LE BIEN VIVRE ENSEMBLE
La deuxième édition du Printemps de la Démocratie à Montpellier a donné lieu à quantité
de réunions publiques, débats, conférences, qui ont rassemblé plus de 12.000 Montpelliérains.
Elle a été marquée par l’implication des citoyens dans l’élaboration du Plan Local de
Déplacement et la prise en compte de leur expertise d’usage.
Quelle ville voulons-nous demain ? Montpellier est aujourd’hui une ville dynamique,
cosmopolite, attractive et rayonnante, très prisée, accueillant chaque année des milliers de
nouveaux habitants. Toujours jeune avec son importante population étudiante, elle a été
choisie parmi les dix sites français du plan Campus. Pour qu’elle reste demain une ville où il
fait bon vivre ensemble, loin du chaos urbain, nous devons refonder notre démocratie,
promouvoir une citoyenneté nouvelle, active et éclairée, afin de bâtir une société plus juste,
équitable, respectueuse des besoins de tous et de l’environnement.
Comment instaurer le bien vivre ensemble ? En posant le problème, on commence à le
résoudre. En l’ouvrant à la démarche participative, on peut l’appréhender de façon
responsable, pertinente, efficace et légitime. En effet, « pour connaître les réponses, il faut
vivre les questions. » (Maria Rainer RILKE). C’est donc avec les habitants qu’il faut résoudre
les problèmes auxquels ils sont confrontés : les violences scolaires et urbaines, les
discriminations, les incivilités, la destruction de l’environnement, l’absence de solidarité,
l’indifférence généralisée…
Un projet qualitativement nouveau est en train de se créer, un modèle d’avenir capable de
surmonter les contradictions présentes, « grâce à une prise de conscience de l’oppression et de
l’aliénation et à une conscientisation individuelle et collective » (Paolo FREIRE). L’objectif
est de remettre l’humain au centre de nos préoccupations, remettre de l’humain dans les
projets pharaoniques de demain.
La clé se trouve dans le lien, la rencontre et le dialogue, entre les citoyens, les
associations, les communautés et les institutions, entre les individus de tous horizons, entre les
générations, entre les cultures, entre les territoires, les villes et les quartiers…
Ensemble, nous pouvons métamorphoser la société, changer les mentalités et les
comportements. Nous pouvons créer le consensus, ce « lien social implicite qui explique que,
par delà ce qui les oppose, les membres d’une communauté se reconnaissent une affiliation et
une fraternité culturelle qui font d’eux des concitoyens ».
Si nous tenons à la démocratie, au respect de la différence, à la compréhension des autres,
alors nous devons réfléchir aux moyens de transmettre ces valeurs et de cultiver les
compétences nécessaires à leur survie.
C.1. RANIMER LA DEMOCRATIE
C.1.1. CRISE POLITIQUE ET DEMOCRATIQUE
C.1.1.1. DIAGNOSTIC / PRONOSTIC
Après les élections régionales de 2010, force a été de constater que la désaffection électorale
reste un phénomène majeur, un symptôme du malaise ou du mal-être social, qui n’affecte pas
seulement la crédibilité et la légitimité du politique, mais aussi notre capacité à affronter les
dangers qui menacent la société, la désintégration et l’anomie.
La démocratie perd du terrain quand se répand dans la société le désintérêt de la politique et
des affaires publiques, quand se perd la confiance dans les institutions et les élites démocratiques.
Or une démocratie vivante a besoin de citoyens engagés, responsables, conscients des nécessités
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
pour l’avenir. Elle doit faire appel à la vertu politique des citoyens et à leur participation, principal
fondement de l’égalité républicaine.
Il règne ici-bas un climat ambiant délétère, fait de désespérance, d’indifférence, de fatalisme.
Les gens ne voient plus l’avenir comme un horizon de progrès et de paix. Plus aucun sentiment de
progression possible ne les anime, mais l’idée que les choses ne peuvent aller qu’en se dégradant.
Ils observent, impuissants, tétanisés, angoissés, dans une relative passivité, les évolutions de
notre société, la banalisation de la violence, des discriminations, des incivilités, l’accroissement
des inégalités, la panne de l’ascenseur social, les travailleurs pauvres, les suicides, la mise à sac
des acquis sociaux de la Libération.
La paix sociale, qui offre la possibilité du vrai bonheur pour chacun d’entre nous, ne peut être
maintenue, pérenne, en nous éloignant toujours plus de l’idéal démocratique, soit l’égalisation des
conditions, des droits et des chances, l’absence de différence héréditaire des conditions… Elle
n’est pas possible dans une société de plus en plus inégalitaire, où la démocratie n’est plus que
chimère, où la progression des richesses n’empêche pas la misère croissante du plus grand nombre.
La démocratie devrait faire des citoyens socialement égaux, non pas intellectuellement ou
économiquement égaux, ce qui serait impossible, mais politiquement et juridiquement égaux.
Toutes les occupations, toutes les professions, toutes les dignités et tous les honneurs doivent être
accessibles à tous. Chacun a l’espoir ou la perspective de s’élever dans la hiérarchie sociale. La
démocratie a foi en la perfectibilité de la nature humaine et en la possibilité de changement pour un
mieux-vivre-ensemble. Telle est la vision apaisée d’une société démocratique. Alexis de
Tocqueville prédisait un embourgeoisement généralisé, où chacun possède quelque chose et se
trouve intéressé par la conservation de l’ordre établi.
Or la situation actuelle tend plutôt vers la prolétarisation et la paupérisation de la société, où les
classes moyennes sont rongées, usées. Ce qui nous laisse craindre un autre scénario, une vision
marxiste, catastrophique, apocalyptique, de la société, où les contradictions du capitalisme
conduisent fatalement à l’explosion révolutionnaire, l’auto-destruction mettant fin au caractère
antagoniste de la société. Telle fut la société des années 1930…
Le scénario catastrophe n’est plus aussi improbable, à mesure que grandit le mécontentement,
le sentiment d’injustice et la révolte des laissés-pour-compte de la mondialisation. Gardons à
l’esprit les événements de 2005, les émeutes dans les quartiers défavorisés, qui ont tout de même
concerné plus d’une centaine de villes dans la région parisienne et autant en province.
PARETO a dit : « Lorsqu’une société a perdu le sens de la discipline collective, une révolution
est proche, qui provoquera un renversement des valeurs. »
Un diagnostic précis est nécessaire, une analyse en profondeur de l’abstentionnisme, pour en
déterminer les facteurs et l’ampleur, avec le concours éventuellement de spécialistes (sociologues,
psychologues, philosophes, historiens…), afin de résoudre les frustrations nées des promesses non
tenues et des aspirations déçues, dépasser les paradoxes du gouvernement représentatif, surmonter
l’oppression et l’aliénation de notre condition, susciter une conscientisation individuelle et
collective, une dynamique d’action, de proposition et de courage…
La crise de notre démocratie est peut-être avant tout celle d’un débat que l’on n’arrive pas à
organiser. L’individu n’est en fait citoyen qu’une fois tous les cinq ans, dans l’empyrée de la
démocratie formelle. En tant que membre de la société civile, il est enfermé dans ses particularités
et ne communique pas avec le tout de la communauté.
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
C.1.1.2. LES CAUSES DE LA CRISE POLITIQUE ET DEMOCRATIQUE
 Dénis de souveraineté :
L’article 3 de notre Constitution dit que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui
l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »
Avec les articles 11 et 89, puis 72 et 73, et enfin 88-5, il devait offrir à chaque citoyen la
possibilité d’exprimer son sentiment. Le référendum devait être « le moyen d’une démocratie
continue au sein même des institutions nationales » (Leo HAMON), censé renforcer la légitimité
des décisions et faire office de contre-pouvoir ou d’arbitrage.
Cependant, celui du 29 mai 2005 en a fait un élément de folklore. Le vote de confiance n’a pas
eu lieu et s’est même retourné contre son instigateur. Le « non » français et néerlandais au TCE
(Traité Constitutionnel Européen) n’a pas été entendu, ainsi que les aspirations populaires à une
Europe sociale.
C’est ainsi que le droit et la liberté de nos peuples à disposer d’eux-mêmes ont été foulé aux
pieds.
 Liberté fictive de l’électeur dans une plouto-démocratie :
La présidentialisation effrénée risque de nous conduire vers un régime hybride entre la
démocratie et la dictature, une « démocrature » selon les termes d’Eduardo Galeano (écrivain sudaméricain), c’est-à-dire une dictature ayant l’apparence formelle de la démocratie, grâce au rideau
de fumée d’un système électoral soigneusement arrangé.
Sous SARKOZY, les liens entre les élites politiques et les cadres dirigeants de l’industrie et de
la finance n’ont cessé de se renforcer, pour façonner la France et l’Europe à leur profit, en faisant
passer l’économie avant la société, en consacrant la primauté de la finance sur la politique, en
mettant à sac les acquis sociaux de la Libération.
Que penser d’un régime qui joue sur la peur (crise financière, chômage, sécurité, pandémie,
déficit de l’assurance-maladie, tensions internationales, terrorisme…), pour se maintenir au
pouvoir et garantir ses prébendes ? Que penser d’un pouvoir qui cherche des boucs-émissaires
(Roms, étrangers, français d’origine étrangère…), qui remplit des charters (et non plus des
wagons). Que penser d’un Président qui ne cache pas sa volonté d’appropriation clanique des
rouages du pouvoir, avec notamment l’installation avortée de son fils, un médiocre étudiant en
droit de 23 ans, à la tête du plus grand centre d’affaires d’Europe ?
 Déficit démocratique de l’Europe :
 Ruse, démagogie, impudence :
Les promesses non tenues concernent les petites gens, mais pas les élites économiques
(bouclier fiscal, les exonérations patronales).
 Brouillage des repères :
Des hommes de gauche président aux destinées d’organismes internationaux soucieux de
commerce et de capitaux cosmopolites. Le clivage aujourd’hui ne se fait plus entre la droite et la
gauche, mais au niveau des principes moraux de la République qu’il est urgent de sauvegarder.
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
Un régime modéré impose une pluralité de centres de décision et d’organes politiques et
administratifs qui s’équilibrent les uns les autres. Aucun pouvoir ne doit s’étendre sans limites.
Dans une société hétérogène et hiérarchique, il faut équilibrer les forces sociales.
L’économie de l’offre passe avant la société. C’est le triomphe du marché, de la compétitivité,
de l’argent-roi, de l’égoïsme outrancier. Les libertés publiques sont grignotées. Les sans-papiers,
sans-abri, les personnes d’origine étrangères, les jeunes des banlieues, sont stigmatisés. Le toutsécuritaire s’oppose à la liberté, les discriminations enfreignent la notion d’égalité et d’impartialité,
la solidarité est mise à mal par un capitalisme effréné.
Subordination de pans entiers d’activités d’intérêt général, comme les services à la personne,
aux techniques de financiarisation et de marchandisation. Recherche du profit maximum au
détriment de la qualité des services et de l’emploi, et au prix d’inégalités accrues.
Acceptation de la primauté de la finance au détriment de la politique dans la construction de
l’Europe.
Nous vivons dans une plouto-démocratie, dont les élites ont la propriété des moyens de
production et le pouvoir politique. Les liens entre les élites politiques et les cadres dirigeants de
l’industrie et de la finance n’ont cessé de se renforcer, pour saper les fondements de notre société,
mettre à sac les acquis de la Libération, nier les principes fondamentaux de façon grossière et
méprisante, avec une telle outrecuidance…
La redistribution par l’impôt se fait désormais au profit des grosses fortunes (bouclier fiscal).
C.1.2. PROMOUVOIR LA PARTICIPATION
La construction de l’intérêt général requiert une forte participation, l’implication et la
responsabilisation de tous, sinon du plus grand nombre. Chacun de nous est source de culture et de
progrès, chacun de nous a un rôle essentiel à jouer dans la société. C’est l’effet cumulé de nos
actions individuelles et collectives qui nous mènera à la victoire contre les forces de l’absurde, vers
un monde nouveau plus respectueux de l’homme et de son environnement.
Il faut montrer que l’on peut et doit faire quelque chose ensemble, pour un mieux-être
social, pour plus de justice, d’équité et d’humanité. La participation doit permettre de tisser
des liens plus profonds entre les habitants, afin de créer des activités, des associations. Elle
donne du sens à l’idée du « vivre ensemble » qui préoccupe tant les Montpelliérains. Elle est
un puissant vecteur de transformation de la société.
Mais force est de constater que la démarche participative actuelle souffre d’une criante
inégalité de représentation des intérêts, avec des conséquences directes sur la gestion des
affaires publiques, sur le choix des priorités dans les projets et les aménagements urbains.
Pour instituer une véritable démocratie locale, il faut inévitablement élargir le spectre de
la participation, jusqu’alors essentiellement limité à quelques militants associatifs et des
retraités. Il faut aller vers les « sans voix » toujours inaudibles.
Notre démocratie ne doit pas laisser de côté les jeunes, les plus démunis, les SDF, les
personnes d’origine étrangère, les accidentés de la vie, mais aussi tous ceux qui travaillent et
n’ont pas le « loisir » de s’impliquer dans la vie locale. L’objectif est de faire de tous ces
exclus des citoyens à part entière. Chacun doit avoir une possibilité égale de participer au
débat public et d’exprimer ses attentes pour un meilleur cadre de vie.
Ce qui importe par ailleurs dans le débat, c’est que tous les points de vue puissent
s’exprimer, et pas nécessairement toutes les personnes. Pour un projet donné, il s’agit donc
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
d’identifier l’ensemble des parties prenantes, des interlocuteurs potentiels, et de veiller grâce à
différentes techniques d’animation que chacun puisse être entendu, considéré.
Qui a réellement la possibilité d’assister aux réunions publiques, à celles du Conseil
Consultatif, en pleine semaine, en fin de journée ? Le travailleur ou l’étudiant après une dure
journée de labeur ? Encore faudrait-il qu’il en ait eu vent ! Peut-on faire l’expérience d’en
organiser une un week-end, dans un lieu de proximité, de mixité, de convivialité ? Peut-on
envisager de haranguer la foule, de manière informelle, à l’occasion d’une manifestation
culturelle par exemple ? Il faut de toutes façons aller chercher les réponses aux questions que
nous nous posons, si nous voulons avancer et légitimer nos idées.
La trentième édition de l’ « Antigone des associations », au mois de septembre 2010, est
l’occasion de lancer notre deuxième saison de réunions publiques. Nous avons l’intention
d’en profiter pour présenter les projets que nous avons développés dans le cadre de la
Commission « Accessibilité » du Conseil Consultatif de Montpellier Centre et collecter les
avis suscités ?
Pour augmenter le taux de participation, favoriser le dialogue et la construction de projets
collectifs partagés, il est nécessaire de développer des outils d’information, de mobilisation et
de recueil des opinions (affichage municipal, blogs, dépliant d’information avec questionnaire
court, exposition forum, questionnaires détaillés, cahiers de doléances…). Il faut créer des
lieux ouverts, des points d’écoute, permanents, accessibles.
Mais il faut avant tout inspirer confiance dans la démarche, s’assurer de la présence des
élus référents aux réunions-clés et déployer la qualité démocratique.
C.1.3. DEPLOYER LA QUALITE DEMOCRATIQUE
Pour bâtir le climat de confiance réciproque et de compréhension mutuelle, nécessaire à la
concertation et à la co-production, il est important de fixer des règles claires, pré-établies.
Nous suggérons de co-rédiger une charte de la démocratie locale et de la faire adopter en
conseil municipal. Un forum pourrait être organisé chaque année pour en évaluer la mise en
œuvre et la faire évoluer.
Pour un projet mis en débat, il faut veiller à :
 Identifier et impliquer l’ensemble des parties prenantes, articuler les expertises
politique, technique et d’usage ;
 Prendre en compte les usages, les besoins et les attentes des habitants ;
 Diffuser une information de qualité, régulière et accessible (site internet, point
d’accueil, journal, compte rendu des travaux des instances relais…) ;
 Organiser la concertation en amont du processus d’élaboration du projet, lorsque
toutes les options sont encore possibles ;
 Rendre lisibles et compréhensibles le projet, ses tenants et ses aboutissants, détailler
ce qui est négociable et ce qui ne l’est pas ;
 Donner suite aux réunions, aux recommandations et aux projets soumis dans le cadre
du Conseil Consultatif (cf. Annexe 1) et motiver les décisions ;
 Développer des modes participatifs d’évaluation des politiques, des projets, des
services publics et des démarches participatives.
C.1.4. SOUTENIR LES ASSOCIATIONS
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
La participation n’est pas un phénomène nouveau pour les associations. Depuis plus d’un
siècle, elle représente une quête ou une réalité, pour celles qui veulent être reconnues comme
de véritables interlocuteurs dans la vie locale, des acteurs fondamentaux de développement,
d’innovation et de cohésion de la société, des vecteurs d’information et de sensibilisation,
détenteurs d’une connaissance technique, d’une compétence d’usage, d’une aptitude à déceler
et révéler les besoins sociaux, s’appliquant alors à les satisfaire. L’association loi 1901 est
l’expression organisée d’un projet collectif à finalité altruiste, à but non lucratif.
Compte tenu de leur proximité physique et morale des populations, les associations sont
des partenaires incontournables.
La cohésion sociale passe par leur soutien et le renforcement des liens inter-associatifs, le
partage des savoirs, des expériences, des moyens d’action.
Il faudrait mettre à leur disposition un lieu commun, attractif et convivial, une « Maison
du projet », offrant :
 Un espace d’information du public ;
 Un (ou des) points d’écoute pour le recensement des besoins ;
 Une place dédiée à la concertation, aux conférences ;
 Des salles de réunion, pour les groupes de travail ;
 Du matériel informatique et bureautique (imprimante, connexion internet,
photocopieur…) ;
 Un lieu ressource (fonds documentaire).
Le « Village des associations » (cf. Annexe1) pourrait leur offrir cette tribune dont elles
ont besoin pour se faire connaître et naviguer vers un monde meilleur, plus respectueux de
l’homme et de son environnement. Elles ont besoin d’un lieu de mixité, de rencontre et de
partage, un lieu permanent de sensibilisation, un lieu de démocratie participative.
C.2. FORMER DES CITOYENS ACCOMPLIS
L’éducation est-elle en crise ? N’a-t-elle pas renoncé, au nom du progrès économique et
de la recherche du profit à court terme, à cultiver chez les jeunes des compétences
indispensables à la survie de nos démocraties ? Ce afin de produire des générations de
machines utiles, dociles, techniquement efficaces, chargées d’exécuter les plans des élites
économiques visant à attirer les investissements étrangers et le développement
technologique…?
L’ « éducation pour la croissance » a oublié les facultés de pensée et d’imagination qui
constituent notre humanité et font de nos rapports des relations empathiques et non
simplement utilitaires, indispensables dans toutes démocraties, en particulier multiethniques
ou multiconfessionnelles.
Une démocratie vivante exige un peuple autonome, actif, imaginatif, critique, des citoyens
engagés, bien informés, indépendants, respectueux les uns des autres, capables de réfléchir
par eux-mêmes, de remettre en cause la tradition, d’échanger des idées dans le respect et la
compréhension des gens issus des horizons les plus divers.
Il faut lutter contre l’ignorance et la peur qu’elle suscite, contre la servitude intellectuelle
et l’abaissement du niveau moral, contre l’indifférence généralisée, la résignation et la
dépression de l’initiative personnelle. Il faut nous affranchir des préjugés que nous avons
reçus en héritage et agir selon notre entendement, notre cœur et notre humanité.
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
Comme Condorcet, nous revendiquons le droit à l’instruction pour tous les individus,
« afin de leur offrir les moyens de pourvoir à leurs besoins, d’assurer leur bien-être, de
connaître et d’exercer leurs droits, d’entendre et de remplir leurs devoirs. » (Condorcet,
Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique, 20-21 avril
1792).
Le renforcement de la vie démocratique dans la cité passe par la formation du citoyen à la
citoyenneté, l’humanisation de l’individu, la proclamation de la souveraineté des Droits de
l’Homme. Le citoyen doit apprendre à vivre dans un monde nouveau et être capable de
l’infléchir suivant les véritables besoins et les exigences de sa conscience.
Il faut rendre à l’esprit collectif sa pleine liberté, afin de reconstruire des institutions
d’entraide et de protection mutuelle... Une nouvelle société civique doit émerger, avec un
projet d’intégration et de transformation sociale.
Nous devons trouver le temps et les moyens de dispenser la culture et le sens de l’humain,
protéger l’enseignement humaniste et général, apte à forger des esprits souples, ouverts et
créatifs, et lui conférer une dimension socratique, poursuivre un idéal de questionnement
critique, afin d’élargir les horizons, exposer à de nouvelles idées et à de nouvelles
expériences. La pensée socratique est une pratique sociale qui repose sur des échanges
intensifs, dans un esprit de respect mutuel, essentiel à la résolution pacifique des différends et
des différences.
L’émancipation intellectuelle du plus grand nombre permettra de prendre en main le
progrès et de diriger l’évolution de notre société vers un authentique bien-être.
Pour la développer, il faut bien partager l’espace public, créer des lieux de convivialité, de
mixité, d’échanges et de rencontres, tel que le Village des associations.
L’objectif, c’est le développement de tout l’homme et de tous les hommes (l’un n’allant
pas sans l’autre).
C.6. LAISSER UNE PLACE DE CHOIX AUX ARTS ET AUX HUMANITES
Les humanités et les arts disparaissent peu à peu des programmes scolaires, mais aussi de
l’esprit et du cœur des parents et des enfants, alors qu’ils offrent :
 Un puissant vecteur de plaisir et d’expression pour tous ;
 Une clé pour déchiffrer les passions humaines et éviter de se faire dévorer par
elles ;
 La possibilité d’élever la conscience de soi et d’aller à la découverte de l’autre
sans risquer de se perdre ;
 Des outils pour développer l’imagination narrative, la capacité à se mettre à la
place de l’autre, à comprendre ses émotions, ses désirs, son vécu et ses besoins ;
 L’opportunité d’un dialogue supportable voire attrayant avec les préjugés, et non
pas un dialogue caractérisé par la peur et la défiance.
Chacun doit avoir la possibilité de développer tout au long de sa vie ses capacités
intellectuelles et artistiques. Les arts et les humanités doivent être à la portée de tous et
contribuer à prodiguer une éducation consciente, afin de résister aux catastrophes
psychologiques... De nouveaux progrès seront la conséquence de leur propagation.
La compréhension de notre histoire est peut-être à revoir. Qui pourrait croire en effet que
le Moyen Age, que notre imaginaire assimile à une période de barbarie et d’obscurantisme, a
20
XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
vu l’apogée des institutions d’entraide dans les cités, décimées ensuite par le développement
de l’Etat sur le modèle de la Rome impériale ? Par bonheur, l’entraide est réapparue et s’est
affirmée de nouveau dans une multitude d’associations, englobant toutes les manifestations de
la vie sociale. L’entraide est un des facteurs de l’évolution, dont l’histoire bouleverse il est
vrai notre conception du progrès, que l’on représente peut-être hâtivement par une ligne droite
ascendante. L’étude de la vie intérieure de la cité du Moyen Age et des anciennes cités
grecques nous montre en effet que l’entraide, telle qu’elle fut pratiquée dans la guilde et dans
le clan grec, combinée avec la large initiative laissée à l’individu et aux groupes par
l’application du principe fédératif, donna à l’humanité les deux plus grandes époques de son
histoire : celle des anciennes cités grecques et celle des cités du Moyen Age. La ruine des
institutions d’entraide pendant les périodes qui ont suivi correspond à une décadence rapide.
C’est surtout dans le domaine de l’éthique que l’importance dominante du principe de
l’entraide apparaît en pleine lumière. L’entraide est le véritable fondement de nos conceptions
éthiques. Elle doit s’ouvrir aujourd’hui à l’humanité entière.
La conception plus élevée qui nous dit : « point de vengeance pour les injures » et qui
nous conseille de donner plus que l’on n’attend recevoir de ses voisins, est proclamée comme
le vrai principe de la morale, principe supérieur à la simple notion d’équivalence, d’équité et
de justice, et conduisant à plus de bonheur. Pour le progrès moral de l’homme, le grand
facteur fut l’entraide, et non pas la lutte. De nos jours encore, c’est dans une plus large
extension de l’entraide que nous voyons la meilleure garantie d’une plus haute évolution de
notre espèce.
Nos institutions doivent s’engager à stimuler le goût artistique et le génie inventif, la
faculté d’adaptation, la liberté, l’initiative, l’originalité, la responsabilité, le développement
harmonieux de tout l’individu. Supprimer le mensonge, la rivalité, la jalousie, la haine.
Malheureusement, les joies qu’ils procurent sont aujourd’hui réservées à un petit nombre,
en dépit des efforts déployés pour démocratiser la culture. Quel bilan peut-on faire de la
diffusion de la culture dans les quartiers défavorisés ?
Il faut multiplier les initiatives, créer du lien entre les artistes, les publics, les générations,
et donner du sens à tous ces liens. Citons en exemple le forum à Lyon « Dialogues en
humanité », qui rassemble chaque année du 2 au 4 juillet les acteurs de la vie civile, des
philosophes, des personnalités, pour un échange vivifiant sur la question de l’humain.
Processus de création participatif : rencontre avec les habitants du lieu où l’œuvre est
exposée, réunion préparatoires pour écouter les idées des uns et des autres. Faire naître
plusieurs projets.
Il faudrait déployer à Montpellier une action culturelle permanente et de grande
envergure, l’amener dans les quartiers défavorisés et faire sortir les gens de ces quartiers de
temps en temps. Il faut renouer avec l’ambition de démocratiser la culture, mettre en
perspective ses valeurs humanistes et former le public. Le Village des associations pourrait
être un des piliers de cette entreprise.
Un nouveau danger cependant nous guette, si nous laissons des groupes cotés en Bourse
investir davantage le milieu culturel français et imposer des logiques industrielles, la
concentration, la marchandisation, l’uniformité des programmations… L’exemple des
festivals estivaux illustre bien ce phénomène, avec l’arrivée de multinationales américaines
aux commandes...
Promouvoir le loisir pour tous. Qui délivre de la fatigue et du surmenage engendrés par le
rythme urbain, la quête de productivité. Qui délivre de l’ennui, de la monotonie des tâches
21
XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
quotidiennes, par la diversion. Qui permet le développement de la personnalité, délivre des
automatismes de la pensée et de l’action quotidienne. Qui permet une participation sociale
plus large, plus libre, la culture désintéressée du corps, de la sensibilité, de la raison. Qui offre
de nouvelles possibilités d’intégration volontaire à la vie des groupements récréatifs, culturels,
sociaux, des formes nouvelles d’apprentissage tout au long de la vie. Qui permet des
conduites novatrices, créatrices.
C.7. MORALISER LE CAPITALISME
Au plus fort de la crise, M. Sarkozy lançait un appel à la moralisation du capitalisme...
En effet, l’économie est constituée de pratiques par lesquelles certains hommes se
comportent d’une certaine façon à l’égard d’autres humains, en les exploitant, en les
soumettant à des cadences infernales, avec des objectifs exclusivement mercantiles, érigeant
le profit en valeur primordiale subordonnant à elle toutes les autres.
Mais de toute évidence, il ne s’agissait pas de nous engager à respecter l’autre, à ne pas
l’instrumentaliser et à promouvoir son autonomie, pour que la vie ne soit pas une malédiction
pour les trois-quarts de l’humanité, mais un bonheur pour tous, pour que la richesse des uns
ne soit plus faite de la misère des autres…
Il est nécessaire de bousculer à présent cette étroite conception de la vie, qui consiste à
penser que les profits sont les seuls mobiles de la société. Le mal qui ronge l’humanité se
trouve-t-il dans l’utilisation qui est faite du profit net ? Ou bien de l’existence même de ce
profit, qui requiert d’asservir des millions d’hommes, de femmes et d’enfants (loin des yeux,
loin du cœur), obligés par la faim de vendre leur force de travail pour un salaire de misère ?
La morale peut-elle s’appliquer à l’ensemble des rapports avec autrui ? Après avoir investi
la vie politique et la vie sociale, peut-elle trouver sa place dans la vie économique ?
Pour prolonger nos acquis moraux, il est possible de reconnaître et de financer le
développement social et solidaire, de promouvoir l’humain contre le profit et redonner au
politique le primat sur l’économie. Peut-on envisager d’ajouter une clause de moralité dans
l’attribution des marchés passés au nom des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics ? Serait-ce une utopie ou un moyen concret de moraliser le capitalisme
(par essence immoral) à partir de l’espace local ?
Cette « nouvelle forme » d’organisation économique correspond à notre « nouvelle
forme » d’organisation politique, toutes deux balbutiantes (depuis des décennies), fondées sur
la solidarité et le respect de l’autre, mais que l’évolution ne manquera pas de renforcer, tant
elles semblent représenter l’issue incontournable pour éviter de sombrer, à l’image de tant de
civilisations anciennes dont le déclin a suivi l’apogée…
Quand le niveau moral d’une société baisse au point où il est aujourd’hui, attendons-nous
d’avance à ce que la révolte prenne des formes qui nous font frémir, comme en 2005 avec les
émeutes dans les quartiers défavorisés.
C.8. PRESERVER L’ENVIRONNEMENT
La protection de l’environnement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les
économies d’énergie, c’est l’affaire de tous. Chacun joue un rôle essentiel dans les
transformations nécessaires, car c’est la somme de nos actions individuelles qui permettra de
bâtir une société fondée sur le développement durable. C’est l’action concertée de tous les
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
acteurs (Etat, collectivités, entreprises, associations, citoyens...) qui permettra de préserver
l’environnement et de sauver la planète.
La démarche participative est une des clés du développement durable. Elle doit nous
amener à transformer nos prises de conscience en actes, changer nos habitudes de
consommation, de comportement, de déplacement, d’achat. Elle doit encourager la chasse au
gaspillage, promouvoir les déplacements doux, permettre le recyclage...
Cependant, économiser l’énergie et l’eau, trier, valoriser ou composter les déchets au
quotidien, implique des équipements spécifiques, des investissements et une organisation
pratique, qu’il est indispensable de définir et de mettre en œuvre collectivement, pour plus
d’efficacité, de respect et d’utilité.
Si nous voulons mettre en pratique les principes du développement durable, alors nous
devons également promouvoir activement son volet social :
 La formation, l’information des citoyens, la mobilisation sur un Agenda 21 local ;
 L’intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées, la mobilisation
générale sur un Agenda 22 local ;
 Une politique culturelle, éducative et sociale, tournée vers la tolérance, le respect,
l’égalité, la solidarité…
La technologie verte ne peut pas tout. Nous sommes d’ailleurs confrontés à un drôle de
paradoxe, que l’on nomme « effet rebond ». Quand une ressource est exploitée avec une plus
grande efficacité, son coût diminue et on tend inévitablement à en consommer une plus
grande quantité. Au final, le bénéfice écologique est limité, voire négatif.
En France, le secteur résidentiel et tertiaire est le premier poste de consommation
d’énergie (43% du total), devant les transports et l’industrie, dont 2/3 est imputable au
chauffage. Dans ce cas, l’effet rebond conduit à la surchauffe des logements. Selon l’Ademe,
la température ambiante d’un appartement occupé ne devrait pas dépasser 19°C, alors qu’elle
atteint une moyenne de 21°C…
Si l’économie réalisée n’est pas entièrement consacrée à la surconsommation, elle permet
souvent de se doter du dernier gadget à la mode. Le sentiment de confort passe aussi par un
suréquipement en appareils électriques énergivores et polluants. Il explique également notre
prédilection pour les moyens de transport rapides ou les déplacements individuels par rapport
aux déplacements collectifs.
Le comportement individuel n’est pas seul en cause. En fait, c’est l’économie entière qui
se tourne vers cette ressource devenue bon marché, favorisant les activités qui en font un
usage intensif.
Les TIC ne sont pas en reste, dans le sens où elles favorisent des innovations plus rapides
et accélèrent ainsi l’obsolescence des biens et des services. Loin d’allonger la durée de vie et
la capacité à les réparer, le cycle de vie des produits se raccourcit, entraînant une hausse des
besoins en matières premières pour les fabriquer…
L’objectif est donc de remettre en cause le modèle actuel de consommation, fondé sur le
superflu au détriment du nécessaire, sur l’éphémère au détriment du durable, sur l’individuel
plus que sur le collectif.
C.9. AMELIORER LA CONNAISSANCE DE L’AUTRE ET CULTIVER L’EMPATHIE
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
« Si le savoir n’est pas une garantie de bonne conduite, l’ignorance est presque à coup sûr
une garantie de mauvaise conduite. »
Le bien vivre ensemble passe par une meilleure connaissance de l’autre, des autres
cultures, des minorités, de l’histoire des migrations, des relations intercommunautaires, de la
dynamique du genre, des combats pour la reconnaissance et l’égalité. On peut faire émerger
une certaine compréhension de l’histoire et du caractère des différents groupes qui la
peuplent.
Nous sommes tous pareils et tous différents à la fois, extérieurement dissemblables, mais
tous poussés par l’avidité, la convoitise, l’ambition. Intérieurement, nous nous ressemblons
tellement.
La compréhension de l’autre est sans aucun doute un facteur de paix sociale. Elle s’oppose
à l’insensibilité morale nécessaire à l’acceptation des injustices, des discriminations, des
inégalités trop criantes. En effet, il est plus facile de traiter les êtres humains comme des
objets à manipuler quand on n’a jamais appris à les considérer autrement…
Cet enseignement s’adresse à chacun de nous, petits et grands, faibles et puissants, riches
et pauvres, jeunes et vieux, français ou étrangers, hommes ou femmes… Notre démocratie est
vouée à l’échec, si elle ne repose pas sur le respect et l’attention portés à autrui. Nous devons
cultiver l’empathie, au sein de la famille, à l’école, partout dans l’espace public.
Il faut maintenant réagir à la vue des iniquités et des souffrances imposées, il faut
permettre à tous de vivre de cette vie riche et débordante, assurer à chacun tous ses droits et
tous ses moyens de bonheur.
Le meilleur moyen de fonder les opinions et de déconstruire les préjugés, source de
discriminations, d’injustices et de sclérose, c’est de provoquer la rencontre et de susciter le
dialogue. Il faut créer un (ou des) pôle(s) d’attraction, des centralités à taille humaine, des
lieux de rassemblement pour tous.
C.10. TISSER DES LIENS ENTRE LES GENERATIONS
Un mur d’angoisses et d’incompréhensions s’érige entre les générations, là où les relations
sont fondées sur des préjugés et non sur le respect.
Un exemple nous a été donné par l’anecdote du retour des bancs le long de la ligne du
tram, après qu’ils aient été enlevés à la demande des résidents, à cause des nuisances sonores
la nuit et des regroupements délinquants…
Il ne suffit pas d’agir sur les seuls effets, il faut en détecter les causes, dès le plus jeune
âge, souvent liées au délitement des repères sécurisants. On constate un rajeunissement et une
féminisation des auteurs et des victimes.
Les regroupements délinquants, qui alimentent les peurs de nombreux habitants, sont en
fait révélateurs de l’inadaptation des programmes et des moyens d’éducation ou de loisirs.
Depuis des décennies, les centres d’activités culturelles et sportives accueillent les enfants
et les adultes, mais sont relativement désertés par les adolescents, ceux-là même qui semblent
poser problème.
En fait, il ne s’agit pas tant de prévenir la délinquance que la souffrance de ces enfants,
auxquels nous devons ouvrir d’autres voies d’expression. Il faut certes leur expliquer les
règles, les rappeler sans cesse, car les transgresser fait partie de l’adolescence, mais il faut
avant tout changer le regard et considérer l’adolescent comme une personne à part entière, et
non pas comme un danger. Il faut l’écouter, avoir confiance dans sa capacité à progresser,
24
XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
dans la possibilité d’entretenir avec lui des rapports apaisés. Il faut lui ouvrir de réelles
perspectives… Mais en est-on capable ?
Le mal de ces jeunes devrait nous être familier. Le fait est qu’ils n’ont rien à quoi se
raccrocher. Ils ne savent plus à quoi vouer leur force, parce qu’on ne leur a pas appris à s’en
servir. Ils sont rongés par leur propre vide, par le doute et par leur solitude, face à un avenir
incertain. Culte de la performance, compétitivité, individualisme forcené. Qui est
l’irresponsable, quand le modèle qui circule sur toutes les ondes, le seul qu’ils puissent
vraiment capter et auquel nombre d’entre eux adhèrent volontiers, c’est celui de l’argent
facile.
Au final, rien d’autre à faire que le mal, car le mal est plus immédiatement efficace que le
bien. Alors qu’il suffirait le plus souvent qu’ils se sentent aimés ou utiles pour que l’horizon
s’éclaire.
Besoin de modèles sociaux, d’une table des valeurs, de raisons de vivre, de rencontres
entre les fils et les pères.
La colère gronde dans les quartiers défavorisés. Situation économique et sociale
inquiétante des 16-25 ans, écartés des minima sociaux. Taux de pauvreté et de chômage élevé.
Un minimum social pour les jeunes. Ils se démènent pour survivre dans l’économie
informelle.
Il faut multiplier les lieux d’écoute, s’adresser directement aux jeunes et engager avec eux
une démarche participative, afin d’élaborer des solutions adaptées, partagées, comprises et
acceptées de tous. On prévoit de créer de la cohésion dans des espaces partagés, autour
d’activités comme le jardinage ou la promenade…, qui ne laissent en fait aucune place à la
mixité, aucune place aux jeunes.
Sensibiliser et former des jeunes aux actions de solidarité internationale, mondialiser les
solidarités en partant des expériences locales.
Il ne faut pas se lasse d’avertir, de sensibiliser, de nourrir les intelligences. C’est à ce prix
que le cancer de la violence desserrera son emprise.
Il faudrait surtout, idéalement, redonner toute leur place aux parents. La solitude morale
des jeunes provient souvent d’une méconnaissance réciproque entre adultes et enfants, d’un
manque de dialogue et d’activités communes.
On le voit bien : la relative violence de ces jeunes désoeuvrés n’est finalement qu’une
contre-violence, la réponse désespérée à l’agressivité bien réelle de notre société, qui promeut
à l’envi la compétition exacerbée, l’individualisme forcené, l’hyperconsommation insensée,
dont l’abdication de certains guides naturels ne serait qu’une des conséquences, un dommage
collatéral...
Il faut aider ces familles en souffrance et celles qui sont victimes d’un accident de la vie.
En cas de coup dur, il faudrait pouvoir compter sur la collectivité, la solidarité, la fraternité…
Une cellule de crise devrait se créer automatiquement pour aider ces malchanceux à
surmonter les difficultés.
La majorité des retraités pourraient s’engager dans de tels projets qui peupleraient le
monde de buts, de valeurs, de raisons d’être. Au lieu de cela, notre société préfabrique la
condition étriquée qui est la leur dans leur dernier âge. Alors qu’ils pourraient être des
citoyens actifs et utiles. Pour cela, il aurait fallu qu’ils participent à une vie collective, aussi
quotidienne et essentielle que leur propre vie. Dans ce cas, jamais ils ne connaîtraient l’exil, la
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
solitude, l’ennui. C’est donc l’homme entier qu’il faut refaire, les relations entre les hommes
qu’il faut recréer, si on veut que la condition du vieillard soit acceptable.
C.11. TISSER DES LIENS ENTRE VOISINS
Concept d’habitat collectif intergénérationnel. Faire cohabiter dans des maisons de ville
des personnes âgées au rez-de-chaussée et une famille bienveillante à leur égard à l’étage.
Vieillir autrement, pallier la perte d’autonomie au quotidien, pouvoir compter sur son voisin
en cas de besoin, permettre de continuer à vivre chez soi (rejet de la maison de retraite,
symbole de dégradation), sécuriser concrètement l’existence, pallier aux petites défaillances
physiques quotidiennes, apporter une vie sociale pour remédier à l’isolement et à l’inaction,
catalyseurs du délabrement.
Habiter autrement : vivre ensemble chacun chez soi. Mutualiser des espaces (jardins, salle
commune, bibliothèque, salle de jeux, buanderie…), profiter d’un voisinage choisi.
Participation directe des futurs habitants à l’élaboration de leur projet commun.
Il faut apprendre à se connaître pour bien vivre ensemble, devenir plus tolérant, plus
respectueux et attentionné. Il faut instaurer le dialogue entre voisins pour optimiser les
conditions du vivre ensemble, apprendre à se supporter, à supporter et être supportable.
L’arbitrage par un tiers, choisi par les parties en litige, serait amplement suffisant dans
l’immense majorité des cas. La non-intervention de ceux qui assistent à une bagarre, ou à un
conflit qui se prépare, est simplement une mauvaise habitude que nous avons acquise depuis
que nous avons le juge, la police. L’intervention active des amis et des voisins empêcherait
une immense majorité de conflits brutaux. Apprendre à veiller tous pour soi et pour chacun à
empêcher l’agression ou à en réparer les torts. Se grouper entre soi pour satisfaire ses besoins.
Trouver les moyens d’augmenter la sociabilité humaine et d’empêcher les êtres trop emportés
ou antisociables par nature d’être un danger pour la société. L’éducation, l’existence plus ou
moins garantie, le contact plus étroit entre hommes, ont déjà opéré bien des changements
frappants dans cette direction.
Mal comprises, et surtout mal appliquées, les idées de liberté de l’individu, dans un milieu
où la notion de solidarité n’est pas suffisamment accentuée par les institutions, peuvent
amener à des actes qui répugnent aux sentiments sociaux de l’humanité.
Le bien vivre ensemble nécessite par exemple de résoudre le problème des nuisances
sonores. Les uns se plaignent des voisins, les autres des bruits de l’extérieur, des lieux de
convivialité et de rencontres, de la rue où on déambule et où se forment opportunément des
regroupements délinquants… Mais où peuvent-ils donc se côtoyer, s’ils en ont le droit ?
Bien souvent, on ne supporte pas les bruits que l’on génère soi-même. La meilleure
solution est évidemment de régler le problème à l’amiable, de se rencontrer et de dialoguer,
ou d’améliorer l’isolation. Pour les bruits d’équipements collectifs, il faut s’adresser au syndic
de l’immeuble. Pour les bruits d’équipements individuels, des mesures simples et pratiques
suffisent parfois (réglage, calage…).
La lutte contre le bruit passe en fait par plus de respect et plus de tolérance, moins
d’aigreur, certaines dispositions pour vivre en bonne entente avec le voisinage. Il peut être
parfois nécessaire de rappeler les bons usages. Mais il faut tout faire pour éviter l’ultime
recours par voie de justice, quand les droits sont irrémédiablement bafoués.
Tisser des liens avec ses voisins, c’est aussi rattacher les plus isolés à la communauté,
faire naître de nouvelles solidarités et finalement peut-être créer un réseau d’entraide au
quotidien.
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
C.12. CREER UN RESEAU D’ENTRAIDE AU QUOTIDIEN
Le besoin d’entraide avait trouvé un dernier refuge dans le cercle étroit de la famille,
parmi les voisins des quartiers pauvres des villes, dans les villages, dans les associations. Il
s’affirme à nouveau dans notre société moderne et revendique son droit d’être, comme il l’a
toujours été, le principal facteur de progrès. Nous voulons mettre en évidence l’importance de
l’entraide dans l’évolution de l’humanité. L’homme trouve dans l’association la meilleure
arme pour la « lutte pour la vie ».
Il faut aider les personnes en situation de handicap qui veulent vivre chez elles comme
tout le monde.
Des aides sont attribuées aux personnes handicapées à plus de 80% pour embaucher une
tierce personne, mais bien souvent sans commune mesure avec le besoin réel. Il est illusoire
de prétendre que ces personnes, au chômage forcé, puissent avoir le choix de vivre de manière
indépendante si elles ne bénéficient pas d’un soutien familial ou d’une rente d’indemnisation.
Notre objectif, c’est la résurrection des fraternités pour un mieux vivre ensemble. D’après
un sondage, 90% des personnes interrogées seraient prêtes à rendre régulièrement de petits
services à leurs voisins.
Nous devons identifier et encourager ces aidants informels, c’est à dire non professionnels
(voisins, amis, camarades d’école, collègues de travail, membres de la famille…), qui peuvent
accomplir diverses tâches, moyennant quelques conseils et prescriptions, un soutien logistique
et technique, voire des incitations fiscales ou une prime symbolique, en tous cas de la
reconnaissance pour leur comportement exemplaire :







Aide à la vie domestique (entretien du logement, du linge, tâches ménagères) ;
Aide aux déplacements dans le logement et à l’extérieur ;
Accompagnement dans la vie sociale : courses, rendez-vous, loisirs, tourisme, etc.
Aide à la réalisation des tâches administratives ;
Soutien psychologique ;
Droit au répit, consistant à relayer ponctuellement l’entourage ;
Surveillance et sécurité de proximité.
Il faut agir en complémentarité avec les professionnels, aider ces aidants dans leur mission :


Aide « médicalisée » pour les soins de nursing et de réadaptation
quotidiens (changement de sonde urinaire, kinésithérapie curative, préventive…) ;
Assistance dans les actes de la vie quotidienne (lever, toilette, soins du corps et
esthétique, habillement, repas, coucher, garde de nuit).
Il faut organiser ces aides informelles, en collaboration avec les équipes pluridisciplinaires
spécialisées du retour et du maintien à domicile ou dans l’emploi, avec le CCAS et les
organismes de protection sociale.
Des forces vives pourraient être recrutées parmi les SDF, les bénévoles associatifs, les
jeunes, les étudiants, les personnes condamnées à des travaux d’intérêt général, etc.
Nous avons tenté de créer en 2008 l’association « Un abri pour la vie », dont l’objet était de
fournir à des SDF un toit, de quoi se nourrir et se vêtir, en échange de services rendus à la
communauté, d’un peu de leur temps pour aider les enfants à l’hôpital ou les personnes
handicapées dans leur quotidien. Nous avons malheureusement essuyé un refus de la
préfecture…
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
C.13. TISSER DES LIENS ENTRE LES TERRITOIRES
« Favoriser l’émergence de quartiers avec une place centrale autour de laquelle pourrait
s’agréger une vie sociale, diminuer les besoins en déplacements, favoriser la vie de quartier,
alléger la pression sur l’Ecusson à qui on demande de répondre à tous les besoins culturels et
commerciaux. »
Pour lutter contre la ghettoïsation, nous suggérons de tisser des liens entre les territoires,
entre les villes de l’agglomération, entre les différents quartiers.
C’est à l’occasion des VIIIème Rencontres du sport solidaire, organisées à Toulon du 4 au 6
juin 2010, que nous est venue l’idée de proposer un tournoi de football interquartier, sous le
sceau de la solidarité et du bien vivre ensemble. Ce serait l’occasion d’entendre les jeunes et
de nouer des liens dynamiques entre les quartiers.
Tisser des liens avec les autres territoires pour un partage des expériences.
C.14. TISSER DES LIENS ENTRE LES CULTURES
Le débat sur l’identité nationale est stérile, voire même « contre-productif ». Il divise au
lieu de rassembler. Il recherche l’assimilation, au lieu de construire le vivre ensemble dans le
respect de la différence.
Il faut rejeter la solution qui serait un syncrétisme, une fusion vague et inconsistante des
différentes cultures, à laquelle il faut opposer la communication et le dialogue. Il faut
encourager la démarche citoyenne qui permet d’aller vers l’autre, de lui parler et de l’écouter,
de fonder les opinions et de déconstruire les préjugés.
Chaque peuple est un composé de goûts et d’inclinations variés, de besoins et de
ressources multiples, de capacités et de puissance inventives de toutes sortes. La diversité est
le trait caractéristique de chaque territoire et de ses habitants.
Pour construire une ville ouverte à tous, il faut accepter et comprendre les personnes de
cultures différentes, bannir les jugements moraux hâtifs. On ne peut plus pratiquer le
dogmatisme de la vérité unique. Rencontre autrement que par le choc de la conquête et de la
domination. On peut même prendre conscience de la relativité de nos connaissances, de la
faiblesse de notre style de vie, de la pauvreté de nos ambitions. D’une culture à l’autre, on ne
sort pas de l’espèce humaine. Il est possible de comprendre par sympathie et par imagination
l’autre que moi.
« Seule une culture vivante, à la fois fidèle à ses origines et en état de créativité sur le plan
de l’art, de la littérature, de la philosophie, de la spiritualité, est capable de supporter la
rencontre des autres cultures, non seulement de la supporter mais de donner un sens à cette
rencontre. » (Paul Ricœur)
Soutenir le dialogue interculturel implique concrètement de créer des lieux et d’investir
l’espace public.
On a cru un temps que la construction européenne pouvait nous conduire vers le progrès
de l’humanité, mais en fin de compte, ce n’est pas par le haut qu’on harmonise les politiques
sociales… On pourrait aller voir ce qu’il se passe chez nos voisins. De la recette du bonheur,
les pays scandinaves ont quelques ingrédients, une vision plus humaniste de la vie en société.
Pour les finlandais par exemple, un toit, c’est un droit. La Finlande est le seul pays à s’être
réellement engagé à réduire le nombre de SDF, avec succès… La garantie matérielle de
l’existence à tous les membres de la société n’est pas une utopie. Elle est réalisable.
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
C.16. LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS
Le constat est unanime pour tous les types de discriminations : la sensibilisation est très
insuffisante, l’indifférence généralisée. L’insertion est souhaitée, mais l’exclusion est
constatée.
La réduction des discriminations relève pourtant du bien commun. Toutes les sociétés à
toutes les époques ont leurs points aveugles, des catégories de la population qui, en raison de
caractéristiques physiques ou culturelles, sont soumises à des traitements différenciés dans la
société, victimes d’une discrimination collective.
Pour lutter activement contre les discriminations, qu’elles soient sociales (par l’éducation
populaire et les contrats aidés), ethno-raciales (par des ateliers forum sur le respect, la
tolérance, le jugement, l’inégalité ou l’injustice), en raison de l’âge ou du handicap (…), liées
à une particularité sexuelle, à une profession stigmatisée, à une maladie, à une addiction…, il
faut développer notre capacité à voir l’entière humanité de gens avec qui nos relations sont au
mieux superficielles, au pire polluées par des préjugés avilissants.
Par ailleurs, pour comprendre pleinement les discriminations, il ne suffit pas au citoyen ou à
l’élu d’être informé. Il lui faut faire l’expérience participative du discriminé, ce que permettent la
littérature ou le théâtre, mais aussi peut-être la télé-réalité.
D’où notre projet d’expérience médiatisée, la mise en situation de handicap d’une personnalité,
dans le but de montrer aux téléspectateurs l’épreuve physique et morale, fustiger le surhandicap
généré par la société et rendre visibles toutes les barrières à l’intégration.
C.17. SENSIBILISER A LA DIFFERENCE ET AU HANDICAP
La personne handicapée est aujourd’hui reconnue comme un sujet de droit à part entière,
qui interroge nos valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité. Les deux premières sont instituées.
La liberté sera recouvrée par la mise en accessibilité généralisée de la société, l’égalité passera
par l’égalisation des chances, le respect de la dignité, de la participation, de la nondiscrimination, du droit à compensation. La troisième valeur républicaine ne peut pas être
imposée, mais elle nous invite à refouler nos tendances individualistes, égoïstes, qui détruisent
les solidarités et causent ainsi du tort à l’humanité.
Une politique locale transversale et intégrée du handicap contribuera à améliorer
concrètement, efficacement et durablement les conditions du « vivre ensemble », parce que le
handicap ne doit plus être traité dans des politiques à part et qu’il est nécessaire d’avoir le
« réflexe handicap » dans toutes les politiques publiques.
L’accessibilité à la vie sociale dépend étroitement de la qualité de l’espace public. Une
sortie en fauteuil roulant peut rapidement se transformer en chemin de croix, quand il n’y a
pas de cheminements ou de toilettes adaptés, quand les équipements, les lieux publics, les
parcs, les commerces ne sont pas accessibles.
Cependant, le plus difficile à supporter n’est pas le côté pratique, qui trouve des solutions
quand l’intelligence et la compréhension sont au rendez-vous, mais assurément le regard des
gens, compatissant, condescendant, culpabilisant, focalisant sur le manque, la cécité ou le
fauteuil roulant, ignorant les capacités et les qualités qui se trouvent en face d’eux.
Les représentations et les comportements évoluent, mais trop lentement, faisant toujours
d’une différence, d’une déficience ou d’un retard la raison d’une mise à l’écart. Il est temps
d’effectuer un changement d’approche et de mettre l’accent sur la relativité des inadaptations.
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
Nous devons multiplier les actions de sensibilisation sur tous les fronts (intégration
sociale, scolaire et professionnelle), afin de remettre les choses à leur juste place et garantir
une qualité d’intégration. Nous devons apprendre à l’opinion publique à devenir réceptive aux
capacités des personnes handicapées et aux stratégies fondées sur l’égalité des chances, la
non-discrimination et l’intégration.
Nous devons faire tomber les préjugés qui privent les personnes handicapées des objectifs
et des moteurs de la vie. La société condamne injustement un très grand nombre d’entre eux à
une vie étriquée, alors qu’il doit être possible de garder une vie richement humaine malgré un
handicap.
Une personne handicapée doit pouvoir s’épanouir sans préjugés dans des apprentissages,
des professions, des activités créatrices, des participations à la vie publique, des actions dans
la société à la hauteur de ses compétences et de sa volonté. La technologie permet aujourd’hui
de compenser et surmonter des handicaps de plus en plus lourds, laissant émerger de très
riches qualités individuelles et collectives.
Une personne handicapée doit pouvoir construire une vie affective, autre composante
essentielle du bonheur, dont l’accès est semé d’embûches. Le problème n°1 d’un(e)
célibataire handicapé(e) est de faire des rencontres. L’espace public doit lui faciliter cette
tâche.
Le travail est une autre composante essentielle du bonheur, une conquête pour
l’autonomie, dont les personnes handicapées ne devraient pas à être privées, sous prétexte de
rentabilité. Le travail permet d’éviter les régressions et facilite la structuration et la confiance
en soi nécessaires à une meilleure autonomie. Qui plus est, l’assistance à la personne à qui
l’on permet de travailler est d’un moindre coût social, financier et humain.
Il faut savoir que :
 Une personne handicapée peut être des plus compétentes, avoir des talents, des dons,
des capacités d’adaptation, à mettre au service d’une activité, quelles que soient ses
aptitudes, puisqu’une inaptitude peut être compensée par des aides techniques ou des
aménagements spécifiques ;
 Elle peut être un maillon essentiel de progrès collectif dans la chaîne d’une équipe, en
ressuscitant les fraternités, en changeant les mentalités, en aidant à relativiser, etc.
 Elle peut former un binôme très performant avec son auxiliaire professionnel et
disposer d’aides techniques très efficaces et productives (par exemple, un logiciel de
reconnaissance vocale permet de produire un texte en 5 minutes quand il en faut plus
de 25 au clavier) ;
 Les aménagements des locaux et des postes de travail sont financés par l’Agefiph
(Association pour la gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées),
offrant l’occasion d’améliorer le confort et les conditions de travail pour tous.
L’évolution de la situation de l’emploi dépendra aussi des efforts réalisés en matière
d’intégration scolaire. 80% des personnes handicapées n’atteignent pas le bac, alors que
l’insertion professionnelle est conditionnée par le niveau de qualification atteint. Une
mauvaise orientation est parfois en cause.
L’école ordinaire est sans doute le meilleur lieu d’intégration. Elle doit à tout prix
s’adapter pour accueillir et prendre en charge des enfants et des adolescents qui requièrent un
peu plus d’attention et qui ont la possibilité de réaliser leur potentiel, si les conditions le
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
permettent (accessibilité, aménagement de l’emploi du temps, conduite d’un soutien et de
soins particuliers…).
La finalité du diagnostic/plan d’accessibilité est de permettre à tout usager de bénéficier
des services publics.
Il faut mettre en avant la recherche d’un meilleur environnement et d’un meilleur
équipement, mais aussi celle d’une meilleure interaction. Le désir d’intégration doit s’appuyer
sur l’idée que la différence apporte au groupe un réel enrichissement humain, social,
culturel… Nous devons mettre en valeur les bénéfices offerts à tous les enfants : l’élimination
des barrières et des préjugés qui gangrènent la société, l’enseignement de la tolérance et du
respect, le développement de l’entraide et du travail collectif… Ce sont nos enfants qui vont
bâtir une société plus juste, plus équitable, où l’intégration se fera naturellement.
C.18. DEVELOPPER L’ACCESSIBILITE UNIVERSELLE
Le passage et la circulation des personnes à mobilité réduite dans les espaces publics sont
choses de plus en plus fréquentes, mais pas encore banales… Elles pourront l’être quand nous
aurons atteint la qualité de ville souhaitée, quand ne se posera plus le problème crucial des
toilettes, quand tous les feux seront sonorisés, etc.
La lecture du compte rendu de l’atelier débat « Une Ville accessible à tous » me laisse
coi, dubitatif. Je suis inquiet d’apprendre qu’ « il existe des conflits d’usage entre les
différents handicaps. L’harmonisation est difficile à mettre en place mais il faut trouver un
compromis. Le handicap ne pose pas le même problème selon sa nature : le handicap moteur
pose la question de l’accessibilité tandis que le handicap visuel soulève la question de la
sécurité. ».
Concrètement, l’accessibilité n’est toujours pas évaluée, au point que les militants
envisagent de créer un bureau d’études ou de mener des actions fortes pour exiger
l’application de la loi de 2005. La Ville procèderait actuellement à un inventaire des rues en
matière d’accessibilité et des places de stationnement pour les personnes à mobilité réduite…
Pour les ERP (Etablissements recevant du public) la date limite du diagnostic est fixée au
1er janvier 2010 pour les ERP de 1ère et 2e catégorie, ainsi que tous les ERP appartenant à
l’Etat ou à ses établissements publics, et au 1er janvier 2011 pour les autres.
Pour l’élaboration des plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des
espaces publics, les communes disposaient d’un délai de 3 ans à compter de la date de
publication du décret d’application du 21 décembre 2006.
Dans le meilleur des cas, ces plans de mise en accessibilité doivent faire partie intégrante
des plans de déplacements urbains lorsqu’ils existent et réciproquement tenir compte des
dispositions du PDU et du plan local de déplacements, s’ils existent.
Alors que le PLD s’intègre dans le PDU de l’Agglo, nous regrettons que le plan
d’accessibilité n’en fasse pas de même. La prise en compte des personnes handicapées fait
pourtant partie des attentes exprimées, mais ne se retrouve pas dans les conclusions et
principes du PLD acceptés. Nous espérons un sursaut à la rentrée, avec la présentation des
grands axes du PLD. La concertation à priori n’est pas encore achevée.
L’objectif est d’articuler les différents diagnostics (voirie, espaces publics, transports…).
Celui des ERP peut avantageusement s’articuler avec les autres diagnostics bâtiment Grenelle
et sécurité (mise en conformité des ascenseurs, DPE, diagnostic thermique, sécurité incendie,
gros entretien). Il s’agit d’agréger l’ensemble des diagnostics pour éviter une somme de
réponses inadaptées et trouver des financements communs.
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XIIèmes RENCONTRES de la DÉMOCRATİE LOCALE – GRENOBLE
La démarche participative est dans l’esprit de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et
des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, puisqu’elle invite
l’ensemble de la société à s’inscrire dans une démarche volontariste, responsable et concertée, pour
une France accessible au plus tard en 2015.
En annexe 2, nous envisageons la réalisation d’un diagnostic/plan d’accessibilité partagé, le
zonage du territoire urbain et un repérage humain des cheminements nécessaires.
Le premier objectif est d’obtenir une commande politique (1) claire, non ambiguë, puis de
nommer un comité de pilotage (2), constitué de représentants municipaux, institutionnels, associatifs
et citoyens, chargé de superviser, coordonner et contrôler, les missions des équipes projets
« accessibilité » et « concertation ».
La démarche pourrait avantageusement s’appuyer sur des engagements réciproques entre les élus
et les citoyens, consignés dans deux chartes distinctes : une charte de l’accessibilité et une charte de
la participation et de la démocratie locale. Ces dernières pourraient être co-élaborées en six mois tout
au plus et validées en conseil municipal.
La phase de préparation (3) consiste à :
 Recueillir les éléments utiles au travail de diagnostic ;
 Réaliser un découpage pertinent du territoire urbain en zones homogènes (résidentielles,
commerciales, industrielles, de loisirs…), rationnellement distribuées, permettant la
distinction nette et précise des zones accessibles et des zones inaccessibles ;
 Définir et mettre en place les outils cartographiques ;
 Rédiger un (ou des) questionnaires d’enquêtes sur les conditions d’existence, les
habitudes et les projets de vie, les pratiques de déplacement, les besoins et les aspirations
des citoyens en situation de handicap.
L’étape simultanée de communication (4) doit impliquer dans la démarche l’ensemble des
parties prenantes, identifier les interlocuteurs potentiels, créer des alliances fortes et
fructueuses entre :
 Les associations représentatives de personnes handicapées ;
 Les associations représentatives des commerçants : Fédération régionale des
commerçants, usagers et consommateurs du grand Montpellier et de la Région
Languedoc-Roussillon ;
 Les artisans et leurs représentants (syndicats, CCI…) ;
 Les responsables des établissements recevant du public (les restaurateurs, les
professionnels de santé, de tourisme et de loisirs...) ;
 Les institutions à toutes les échelles (Europe, Etat, Région, Département, Agglo) ;
 L’Architecte des Bâtiments de France.
Une réunion publique de lancement du projet de diagnostic partagé pourra couronner cette phase,
afin d’expliquer de vive voix la stratégie à développer, consulter les avis, appeler la critique
constructive, expliquer les éventuelles dérogations au respect intégral de la réglementation.
Elle doit conduire à la constitution d’autant de groupes de travail que de zones prédéfinies (5).
Les citoyens volontaires les plus engagés, valides et handicapés, pourront bénéficier d’une formation
complémentaire sur les exigences légales et réglementaires, la méthodologie à mettre en œuvre, les
solutions existantes à notre disposition, etc.
La collecte des données (6) passe par le repérage humain, en fauteuil roulant ou avec une canne
blanche, en binôme mixte valide/handi. Dans chaque zone, on examine le bâti, les espaces publics, la
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voirie et les espaces verts. On définit des itinéraires selon les modes de déplacement (piéton, vélo,
transport en commun, voiture…).
Les données collectées sont compilées (7) dans une base de données actualisable et une
représentation cartographique accessible à tous.
L’objectif suivant est de définir au regard des besoins les priorités de mise en accessibilité. On
peut recourir à une enquête publique (8) sur les besoins et les aspirations des citoyens en situation de
handicap et de leur entourage, leurs pratiques de déplacement…
Dans la concertation (9), on hiérarchise les zones prioritaires, on définit des projets pour
ces zones et on établit une programmation de réalisation des travaux de mise en accessibilité.
Les solutions d’amélioration pourront être de type architectural, technique, organisationnel ou
comportemental.
Un plan d’actions (10) est établi dans les normes, définissant les zones prioritaires, les
projets associés, leur programmation et leur évaluation budgétaire.
Le plan d’accessibilité doit ensuite être porté devant les citoyens (11), validé, voire
amendé, puis présenté en conseil municipal pour qu’il soit finalement adopté (12).
L’application du plan d’accessibilité doit faire l’objet d’une évaluation (13) dont la périodicité
est fixée par le plan.
Une évaluation participative de la démarche doit enfin être menée (14), afin de mesurer l’impact
de la participation sur la décision et constater l’efficacité et l’utilité des mesures adoptées.
On peut se mettre en réseau avec des expériences analogues, comme celle qui a été menée par
l’agglomération de Valenciennes, qui a développé une méthode de diagnostic impliquant les
différents acteurs locaux. Cette agglomération présentait l’intérêt d’avoir mené un réaménagement
important autour du projet de ligne de tramway avec une forte mobilisation d’un collectif
d’associations de personnes handicapées.
D. CONCLUSION
Nous aurions apprécié de voir figurer dans les Actes du Printemps de la Démocratie 2010
un bref exposé et une première évaluation des projets élaborés au sein des Conseils
Consultatifs.
Le document de soumission 2009 rédigé dans le cadre de la Commission « Accessibilité »
du Conseil Consultatif de Montpellier Centre n’a toujours pas eu de retour… Une seule et
unique réunion a pu être organisée en plus d’un an.
Notons que des projets sont susceptibles de répondre à l’appel à idées sur le site de l’EAI
(Village des associations) ainsi qu’à l’appel à projets concernant l’attribution des crédits de
proximité (Réseau Entraide).
Résister à l’épreuve des faits, car les espérances soulevées sont encore trop souvent à la
hauteur des frustrations engendrées.
Renforcer et soutenir la dynamique associative dans la ville, qui joue un rôle
indispensable dans la cohésion sociale et notre démocratie.
Mission civilisatrice. La décentralisation ne doit pas s’arrêter là. Permettre la satisfaction
de tous les besoins sociaux.
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