Langue LATIN Objet d`étude Interrogations philosophiques Auteur

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Langue
Objet d’étude
Auteur
Texte
LATIN
Interrogations philosophiques
Cicéron
De finibus II, 20
Cicéron, discutant avec Torquatus, oppose Thorius et Regulus, deux personnages représentatifs, à ses yeux, des
idéaux de l'épicurisme et du stoïcisme :
Quem quidem, cum sua voluntate, nulla vi coactus, praeter fidem, quam dederat hosti,
ex patria Carthaginem revertisset, tum ipsum, cum vigiliis et fame cruciaretur, clamat
virtus beatiorem fuisse, quam potantem in rosa Thorium.
Traduction(s)
Auteur(s) / Date(s) Nisard (1848) / Martha (1999, édition revue)
Il était retourné de Rome à Carthage sans y être contraint que par la foi qu'il en avait
donnée aux ennemis; et au milieu de ses cruels tourments, déchiré par la faim et les
veilles, la vertu ne laisse pas de le proclamer plus heureux que Thorius vidant sa coupe
sur un lit de roses.
Régulus, qui de sa propre volonté, sans autre contrainte que celle de la parole donnée à
l'ennemi, quitta sa patrie pour retourner à Carthage; oui, c'est cet homme-là ! Il est
torturé par les veilles et la faim, et pourtant la vertu proclame qu'il a été plus heureux
que Thorius buvant sur un lit de roses !
Commentaire
La traduction 1 force le côté dramatique du texte latin. Ainsi, elle insiste sur les souffrances
de Regulus («au milieu de ses cruels tourments, déchiré par la faim et les veilles» doublant
« cum vigiliis et fame cruciaretur ») ; de même, «virtus clamat» se charge d'un sens
supplémentaire avec la tournure intensive «la vertu ne laisse pas de (le) proclamer». On
remarque également que des simplifications et des précisions sont apportées au texte : les
deux «cum» subordonnants ne sont pas traduits, «sua voluntate» non plus ; «ex patria» est
élucidé en «Rome», «potantem» devient «vidant sa coupe» (moins trivial, surtout quand on
boit sur un lit de roses !) . Cette traduction, assez libre, se veut évidemment littéraire, d'un
registre plutôt soutenu.
La traduction 2 est vivante, comme il sied à une discussion : marques d'oralité («oui, c'est cet
homme-là» rendant «quem quidem...tum ipsum» ; «et pourtant...!») ; fractionnement,
allègement et remaniement de la phrase latine : quant à la subordination, par exemple, le
pronom relatif de liaison «quem» est remplacé par le nom «Regulus», le premier «cum»
devient «qui», le second n'est pas traduit et se substitue à la proposition subordonnée
conjonctive au subjonctif imparfait une proposition indépendante à l'indicatif présent («Il est
torturé par les veilles et la faim»), la proposition subordonnée relative «quam dederat hosti»
est simplifiée en «donnée à l'ennemi». Cette traduction reste voisine du texte latin, dont elle
ne dénature pas le propos, tout en l'animant.
Autre traduction
Appuhn, Garnier, années 30
Au moment même où par respect de la parole donnée il a volontairement quitté sa patrie
pour revenir à Carthage où il devait être livré au supplice de la veille et de la faim, la vertu
proclame qu'il était plus heureux que Thorius vidant sa coupe sur un lit de roses.
Langue
Objet d’étude
Auteur
Texte
LATIN
Interrogations philosophiques
Lucrèce
De rerum natura I, 21-5
Le poète débute son oeuvre par une prière à la déesse Vénus :
Quae quoniam rerum naturam sola gubernas
nec sine te quicquam dias in luminis oras
exoritur neque fit laetum neque amabile quicquam,
te sociam studeo scribendis versibus esse,
quos ego de rerum natura pangere conor.
Traduction(s)
Auteur(s) / Date(s) Du Bellay (XVIème) / Ernout (1999, édition revue)
Et pour ce que toi seule entretiens la nature
Et que sans toi ne sort aucune créature
Aux rayons du beau jour, et que rien entre nous
Ne peut être sans toi, qui soit aimable et doux:
Pour ce, ta déité maintenant je désire
Etre compagne aux vers que je prétends d'écrire.
Puisque tu suffis seule à gouverner la nature, et que sans toi rien n'aborde aux rivages
divins de la lumière, rien ne se fait de joyeux ni d'aimable, c'est ton aide que je sollicite
dans le poème que je m'efforce de composer sur la nature
Commentaire
La traduction 1 est essentiellement poétique et, à ce titre, prend quelques libertés avec le
texte latin. Le candidat remarquera d'abord qu'elle est écrite en alexandrins, contrainte pour le
traducteur. L'insistance de Lucrèce sur l'importance de Vénus (« Quae...nec sine te...te... » en
tête de vers) est rendue par une reprise anaphorique (« Et pour ce que toi...Et que sans toi...
Pour ce »). En revanche, le chiasme de « quicquam...quicquam » est probablement
intraduisible et Du Bellay va même jusqu'à traduire le mot une fois par « aucune créature »,
une fois par « rien », flanqué d' « aimable et doux » pour « laetum...amabile » et de l'addition
d' « entre nous ». « Aux rayons du beau jour » tire vers la métaphore « dias in luminis oras »,
plus auroral et spirituel. Le candidat observera enfin que l'allitération en -s- (« te sociam
studeo scribendis versibus esse ») est rendue par « ...ta déité maintenant je désire », effet
sonore des dentales - justifiant l'emploi du mot « déité » ; la fin de la prière est simplifiée et
le titre même de l'oeuvre contenu dans ces deux vers est gommé (« de rerum natura »).
La traduction 2, en prose, est essentiellement universitaire et respecte scrupuleusement le
texte latin. Le message est particulièrement clair. L'importance de Vénus est soulignée par
l'ajout de « suffis » («... tu suffis seule à gouverner la nature... »), par la répétition de « rien »
juxtaposé pour le chiasme de « quicquam...quicquam ». La prière est nette : « c'est ton aide
que je sollicite... », tour présentatif permettant de respecter l'ordre des mots latins (« te
sociam studeo... ») ; enfin, le groupe « versibus scribendis » devient « dans le poème »
résumant efficacement l'écriture de vers et rendant compte exactement du projet littéraire de
Lucrèce.
Autre traduction
Langue
Objet d’étude
Auteur
Texte
LATIN
Interrogations philosophiques
Cicéron
Tusculanes, IV, 19, 43
Les philosophes péripatéticiens défendent des thèses que Cicéron condamne
Quid quod iidem Peripatetici pertubationes istas quas nos exstirpandas putamus, non
modo naturalis esse dicunt, sed etiam utiliter a natura datas
Traduction(s)
Auteur(s) / Date(s) Jules Humbert (1931)
Mais les Péripatéticiens ne s’en tiennent pas là ; non contents d’appeler naturelles les
passions que, à notre avis, il faut extirper, ils disent que la nature nous les a données
pour notre bien
Commentaire
Pour éviter la traduction convenue et scolaire du « quid quod iidem Peripatetici » par « que
dire du fait que ces mêmes Péripatéticiens », J. Humbert a commencé sa phrase par « Mais
les Péripatéciens ne s’en tiennent pas là », proposition qu’il fait suivre des deux points. C’est
là une manière bien plus légère d’ajouter un argument supplémentaire.
De même, « non contents de » rend le balancement « non modo … sed etiam ». De même
encore, le verbe conjugué « putamus », suivi dans le texte latin d’une proposition infinitive,
devient un groupe nominal en incise « à notre avis ».
Comme souvent, le traducteur a préféré l’actif au passif : « pertubationes … a natura datas »
est rendu par « la nature nous les a données ».
Il apparaît donc que J. Humbert a cherché et réussi à éviter le plus possible dans sa
traduction des procédés rhétoriques trop pesants.
Autre traduction
Langue
LATIN
Objet d’étude
Interrogations philosophiques
Auteur
Sénèque
Texte
Lettres à Lucilius, LXXVI, 32
Hoc laboramus errore, sic nobis imponitur, quod neminem aestimamus eo quod est, sed
adjicimus illi et ea quibus adornatus est.
Traduction(s)
Auteur(s) / Date(s) H. Noblot (1957)
A quoi tient l’erreur qui fait notre mal, l’illusion qui nous abuse ? A ce que nous ne
prisons jamais un homme pour ce qu’il est ; nous ajoutons à la personne, par surcroît,
son équipage.
Commentaire
Le traducteur a donné à la première partie de la phrase de Sénèque l’aspect d’une question
rhétorique qu’il a fait suivre de sa réponse. Ce procédé rend plus vivante l’argumentation de
Sénèque : la phrase latine annonçait simplement l’explication introduite par quod au moyen
d’un démonstratif d’une part « hoc errore » et d’un adverbe d’autre part « sic ».
En revanche, l’antithèse, fortement marquée en latin « sed », n’est pas soulignée par le
traducteur : un simple point virgule sépare les deux dernières propositions.
Les deux premières, quant à elles, ne sont pas traduites de façon littérale : le complément de
cause de la phrase latine devient sujet de la phrase française (« l’erreur qui fait notre mal ») ;
la tournure impersonnelle « nobis imponitur » est remplacée par un tournure personnelle
« l’illusion qui nous abuse ».
Enfin, c’est un groupe nominal « son équipage » qui est chargé de traduire le pronom ea suivi
de la relative « quibus adornatus est ». Le mot équipage a peut-être le tort de laisser de côté
l’idée de parure, d’ornement, contenue dans le verbe.
En somme, une traduction élégante, fidèle sans être littérale, mais qui cherche peut-être trop
à se donner l’allure d’une phrase d’un moraliste du XVIIème siècle !
Autre traduction
Langue
Objet d’étude
Auteur
Texte
LATIN
Interrogations philosophiques
Sénèque
Lettres à Lucilius, LXXX
Sénèque, troublé dans sa méditation par les cris du public d’un spectacle de « sphaeromachia » - jeu de ballonprovenant d’un stade voisin de sa demeure, compare l’exercice du corps et l’exercice de l’âme :
Illud maxime revolvo mecum : si corpus perduci exercitatione ad hanc patientiam potest qua et pugnos
pariter et calces non unius hominis ferat, qua solem ardentissimum in ferventissimo pulvere sustinens aliquis et
sanguine suo madens diem ducat, quanto facilius animus corroborari possit ut fortunae ictus
invictus excipiat, ut projectus, ut conculcatus exsurgat ! Corpus enim multis eget rebus,
ut valeat ; animus ex se crescit, se ipse alit, se exercet.
Traduction(s)
Auteur(s) / Date(s) Gaillard et Martin, 2005
Mais voici l’idée que je tourne et retourne plus que toute autre : si le corps peut arriver par un entraînement à
cette endurance qui lui fait supporter les coups de poing et les coups de pied de plus d’un agresseur, ou bien
permet à un homme de passer toute une journée sous un soleil de feu, dans une poussière torride, trempé de son
propre sang, combien est-il plus facile, pour l’âme, de fortifier son énergie, afin de recevoir
sans se laisser vaincre les coups de la Fortune et, terrassée, piétinée par elle, se relever
toujours ! Car le corps a besoin de mille choses pour être vigoureux : l’âme tire d’ellemême de quoi se développer, s’alimenter, s’exercer.
Commentaire
La traduction tirée d’un recueil de morceaux choisis, respecte le texte et la pensée de
Sénèque. Lexicalement, on retrouve le vocabulaire de l’endurance, qu’il s’agisse de
l’entraînement - « fortifier son énergie » pour l’infinitif présent passif « corroborari » - ou de
ses effets – « sans se laisser vaincre » développant et contextualisant l’adjectif « invictus »,
« se relever toujours » pour le subjonctif présent « exsurgat », dont la permanence est
renforcée dans la traduction par l’adverbe « toujours » ; de même, les assauts de la
« fortuna » personnifiée par la majuscule initiale - « Fortune » -, « ictus », « projectus »,
« conculcatus », sont fidèlement rendus : « coups », « terrassée », « piétinée ». L’opposition
entre le corps et l’âme, marquée par la place de « multis » et de « ex se » dans la phrase
latine, est soulignée par la traduction de l’un par « mille », signe courant du grand nombre, et
de l’autre par « tire d’elle-même », le verbe au présent de l’indicatif rendant évident et
accentuant le caractère « autosuffisant » de l’âme (« ex se »… « ipse »). Syntaxiquement, la
traduction de la propositon subordonnée interrogative privilégie le groupe « quanto
facilius », au détriment du verbe « possit », et la répétition de la conjonction de subordination
finale « ut » est gommée par « afin de…et… », moins insistant.
Autre traduction
Noblot, traduction revue par Veyne, coll. Bouquins, 1993
Mais il est entre toutes une considération que je tourne et retourne. Si le corps peut arriver par l’entraînement
à cette capacité de résistance qui lui fait endurer coups de poing et coups de pied de plusieurs assaillants ; qui
permet à un homme de durer tout un jour, en plein soleil, dans une poussière brûlante, tout dégouttant du sang
qu’il perd, combien il serait plus facile à l’âme de fortifier son énergie, pour recevoir, sans
lui accorder victoire, les coups de la Fortune, et terrassée, foulée par elle, se relever
toujours ! Le corps ne conserve sa vigueur qu’au prix de multiples conditions. L’âme se
développe, s’alimente, s’exerce en tirant tout d’elle-même.
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