1er cours de thème latin

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P. Maréchaux
Agrégation lettres classiques
2012-2013
1er cours de thème latin :
Rappel de l’organisation de l’année : un thème corrigé (fait à la maison) alterné avec une
leçon sur des points importants de la syntaxe et de la stylistique.
Thèmes proposés à la maison : thèmes progressifs avec une préférence pour les thèmes
techniques (discours indirect) et les thèmes de vocabulaire (texte du XVIe siècle posant
problème dans la compréhension. Vous n’avez pas de dictionnaire de moyen français au
concours). Autant que faire se peut, nous ferons des thèmes de styles différents. J’éviterai des
textes trop modernes que le concours renonce à donner. Cela n’exclut pas un Sartre ou un
Proust. Mais à petite dose.
Point sur la grammaire : choisir une bonne grammaire (Sausy, Morisset, Grimal). S’y tenir.
Apprendre les exemples-types par cœur en priorité. Excellent pour les « réflexes ». Ex. peritus
belli. Vous évite de chercher la construction de peritus dans le Gaffiot.
Point sur les révisions : faire des révisions systématiques. Je vous y invite. Je le rappelle dans
les copies en indiquant le paragraphe dans la syntaxe Ernout ou Sausy. Je procéderai à des
petits contrôles grammaire réguliers. Il y aura un planning de révisions.
Donc en début d’année, rafraîchir les connaissances de morphologie.
Instruments : Grammaire et Deux dictionnaires. Edon, Quicherat pour le thème ; Gaffiot,
Oxford dictionnary pour la version. Ce dernier est interdit au concours.
Travailler dans les conditions de l’examen. Indiquez-moi sur la copie le temps que vous avez
mis… Intéressant pour moi. Eviter de se plonger d’emblée dans le dictionnaire de thème.
Privilégier les phrases et les tournures simples, limpides, obvies à des tournures savantes,
compliquées. Penser au correcteur. Commencer à faire un thème en marquant dans la marge
ou sur le brouillon les tournures latines équivalentes qui viennent à l’esprit. L’idéal serait de
ne fonctionner qu’avec le Gaffiot.
Insistance cette année dans les cours (et non dans les séances de corrigés) sur un point de
syntaxe que nous développerons ; je rappellerai les règles, ferai faire des exercices sur des
phrases et réfléchirai à partir d’exemples empruntés à la littérature française. Cours de syntaxe
(Ernout, Riemann) et de stylistique. Seul petit travail supplémentaire : je donnerai quelques
phrases à faire à la maison sur la difficulté étudiée.
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Meilleur modèle pour le thème : arbitraire : César (Bellum civile, Bellum gallicum I à 5),
Cicéron (les plaidoyers, les écrits philosophiques et scientifiques, les traités rhétoriques). Les
autres sont à proscrire. N’utiliser que le vocabulaire utilisé par ces auteurs. Tite-Live, Tacite,
Virgile, non classiques donc. Seule tolérance pour les mots techniques : le lièvre par utilisé
chez Cicéron mais mot de Pline, de Varron ou d’Horace. Mais existe chez Cicéron comme
« constellation » (lepus). Donc le mot existe bien au temps de l’orateur. Seulement, le hasard
a fait qu’il ne l’a pas utilisé dans son œuvre. Il est néanmoins possible de le mettre.
En revanche, si vous avez à traduire « diacre », une occurrence chez Jérôme, mieux vaut avoir
recours à une périphrase, à une transposition dans les institutions romaines. Car diaconus ne
veut rien dire au Ie siècle avant notre ère. Réfléchir à la transgression. C’est une question
d’analyse au cas par cas.
J’utilise le logiciel de langue latine pour corriger les copies. Plus fiable que Gaffiot. Pour les
tournures et leur pertinence au Ier siècle, c’est l’idéal.
Lire en petit latin, idéalement, un texte de Cicéron (De oratore, Catilinaires, Philippiques,
Brutus). Cette année, le De signis étant au programme, c’est un texte d’ « imitation » idéal.
1°) Règles générales
I°) Le titre.
a) Titre comportant un seul nom : Les fables = De fabulis - Sur une victoire de la France =
De Gallorum uictoria quadam – Phèdre = De Phaedra. – Précepteur de prince : De
principis magistro. – un grand ministre : De claro regis procuratore. On réserve de = abl.
à un exposé théorique ; lorsque le texte est narratif il est préférable d’avoir recours à une
interrogation indirecte qui sous-entend un hic dicitur : ex. Crésus et Esope se rend ainsi :
quomodo Aesopus cum Croeso egerit. Dialogue de Sylla et d’Eucrate peut être traduit de
deux façons : Dialogus inter Sullam Eucratemque ou Qui fuerit inter Sullam Eucratemque
dialogus. La concordance se fait au présent ou parfait du subj. Il faut exprimer que le fait
appartient au passé, d’où le subj. Parfait (un présent exprimerait la simultanéité par
rapport à dicitur ou narratur). Parfois il faut développer l’idée contenue dans le texte au
lieu de s’en tenir à une traduction disciplinée du titre : ex. meurtre d’Esope. (Quomodo
Aesopus a Delphicis interemptus sit). ex. un texte de Montesquieu où il est question d’une
ambassade envoyée par les habitants de Tirynthe au dieu Apollon afin de lui demander de
les débarrasser du rire. Le titre est Le rire des Tirynthiens : de préférence à De
Tirynthiorum risu on traduira Quid Tirynthiis euenerit, qui facere non possent quin
riderent ou bien Quomodo Tirynthii risum tenere non potuerint.
b) Titre se présentant sous la forme d’une interrogation : on sous-entend le verbe qui signifie
« on expose, on démontre » et l’on a recours à l’interrogation indirecte. Ex. « Comment
lire les auteurs latins ? » = Quomodo scriptores Latini sint legendi ? « Les abeilles sontelle aussi intelligentes qu’on le prétend ? » = Num apes tanta intelligentia praeditae sint
quanta censeantur ? L’interrogation indirecte se justifie aussi quand le nom essentiel du
titre équivaut à un terme interrogatif latin : ex. « Desseins d’un moraliste » = Quid morum
magister sibi proposuerit - « Jugement sur l’Art d’aimer d’Ovide » = Quid iudicii de
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Nasonis arte amatoria factum sit. – Rome, écrasée par sa grandeur : Quomodo Roma sua
magnitudine oppressa sit.
c) Le verbe se présente sous la forme d’une affirmation : on sous-entend le verbe signifiant
« on dit que, on démontre que » et l’on a recours à la proposition infinitive : ex. « Il y eut
a Rome une sorte d’Académie » = Quasi quamdam academiam Romae fuisse – « On lit
rarement un poème épique en entier »= Perraro poema epicum perlegi. – « Les poètes ont
influencé les langues »=Poetas linguas quasi formauisse et finxisse. [chez Cic.,
influencer=modeler. Modeler les langues se dit formare et fingere. C’est une image
courante dans le De oratore, III, 177 et 190].
On ne perdra pas de vue que dans les deux derniers cas il s’agit d’une affirmation ou d’une
interrogation indirecte. Conclusion : dans un titre, on devra proscrire l’indicatif.
2°) Traduire : comprendre le texte français.
Avant de se lancer dans la traduction, il faut lire attentivement l’ensemble du texte et élucider
toutes les difficultés d’interprétation.
Les textes proposés peuvent être empruntés à tous les siècles du XVIe siècle à nos jours. Il faut
s’attendre à se heurter aux auteurs les plus lointains, qui emploient un lexique vieilli ou
d’apparence moderne. On se méfiera donc des faux-amis : ex. « commettre » au sens latin de
committere signifie « confier » chez Montaigne - « s’apprivoiser à » = « s’habituer à » - « miracle » =
« objet d’étonnement » (sens de miraculum), etc.
3°) Traduire : apprendre le réflexe latin.
L’étude des différences structurelles entre le français et le latin implique quelques remarques
fondamentales :
Le latin subordonne, le français juxtapose (1)
Le latin est concret, le français est abstrait (2)
Le latin est synthétique, le français est analytique (3)
Le latin est concis (précision implicite), le français est précis (précision explicite) (4)
a) 1er exemple : subordonner.
« La croyance générale à la supériorité du mérite militaire sur le mérite civil est un
préjugé qu’il faut battre en brèche ».
Impossible de traduire cela mot à mot.
Imaginer un tour équivalent chez un écrivain du XVIe siècle : « on pense en général que le
mérite militaire l’emporte sur le mérite civil : il faut battre en brèche ce préjugé ».
Ensuite, penser la phrase en latin en subordonnant : « comme la plupart des gens pensent…,
il faut… ».
Enfin, se préoccuper du choix (elegantia) des mots :
« le mérite militaire » : pas meritum (=service rendu, acte, conduite). Trouver un mot concret :
res=exploits, gloire, mérite : exemple classique chez Cicéron : habuit secum scriptores suarum
rerum, il eut avec lui les historiens de ses propres exploits.
mérite militaire : res bellicae par opposition à res urbanae (mérite civil).
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« la croyance » : opinio qui désigne toute croyance.
« battre en brèche » : garder l’image (« détruire » serait trop faible) : c’est à la lettre « attaquer à
coup de canon pour ouvrir une brèche », entamer l’activité, le crédit de qqn.
Pugnare est bon ; minuere est meilleur (=mettre en pièces, affaiblir, amoindrir). Ex. opinionem
minuere=chercher à détruire un préjugé, réfuter une opinion, faire disparaître des soupçons.
TRAD. Cum plerique arbitrentur res bellicas maiores esse quam urbanas, minuenda est haec opinio.
Autre exemple : « le goût est naturel à tous les hommes, mais ils ne l’ont pas tous en
même mesure » (Rousseau).
Proscrire le mot à mot encore ;
« le goût est naturel à tous les hommes »= naturellement, tous les hommes jugent du bon
goût, mais cette faculté de jugement, l’un la possède plus grande que l’autre. Natura
omnes homines de elegantia iudicant, sed facultatem iudicandi alius alio maiorem
possidet.
Ensuite transformer la coordination en subordination,
Cum natura omnes homines de elegantia iudicent, hanc facultatem iudicandi alius alio
maiorem possidet.
2°) 2ème exemple : relier les phrases entre elles.
Découvrir la suite des idées. A partir du XVIIIème siècle, les auteurs l’indiquent
moins que ne le faisaient les Latins qui jalonnaient à peu près toutes leurs phrases de
mots de liaisons. Noter les expressions suivantes :
Quae cum ita sint, dans ces conditions.
Qua de re, à ce propos, à ce sujet.
Quam ob rem, c’est pourquoi.
Unde ou ex quo fit ut, d’où il résulte que.
Quod si, et si, si en effet, or si, si donc (nég. Quod nisi).
« Qui ne serait justement étonné qu’au cours des siècles on trouve un nombre
d’orateurs si restreint ? C’est que l’éloquence dont je parle est quelque chose de plus
difficile qu’on ne pense ».
« étonné » : tourner « qui ne s’étonnerait ».
« au cours des siècles » : tourner par un concret : « ex omni memoria aetatum ».
« c’est que » : rendre par un « mais en fait » : sed enim.
TRAD. Quis non iure miretur ex omni memoria aetatum tam exiguum numerum oratorum inueniri ? Sed
enim maius est hoc quiddam quam homines opinantur.
Il y a, disent encore nos sages, même dose de bonheur et de peine dans tous les états.
Maxime aussi funeste qu’insoutenable.
TRAD. Hi sapientes aiunt quoque uoluptatis et doloris in omni uitae condicione eumdem esse modum ; quod
non solum perniciosum esse, sed omnino non probari uidetur.
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Usage du relatif quod pour traduire le mot « maxime ». Sententia n’aurait pas lieu d’être ici.
3ème exemple : ne pas calquer le latin sur le français pour la place des mots.
- Le déterminant précède le déterminé : ex. « un corps frêle »= fragile corpus ; « il parle avec
bienveillance »= benigne loquitur…
Excepté le possessif : ex. frater meus.
- Ce principe s’applique par extension à la phrase complexe : les conditionnelles, les
causales, les concessives, les temporelles précèdent généralement la principale.
« tu le peux, si tu le veux »=si uis, potes.
« je mourrai puisque je suis né »=quia natus sum, moriar.
- Idem pour les finales : ut pugnaret profectus est, « il partit pour aller combattre ».
- En revanche, les complétives et consécutives suivent la principale :
« il tomba de telle sorte qu’il se cassa une jambe » : ita cecidit ut crus frangeret.
- Lorsque le déterminé est constitué par un groupe de deux ou plusieurs mots, le
déterminant est généralement enclavé entre eux : « le courage incroyable de
Rusticus »=incredibilis Rustici fortitudo ; « ta bonté à mon égard »=tua erga me humanitas ; « le
grand ouvrage de Sénèque sur la colère »=magnum illud Senecae de Ira uolumen.
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