LES RELATIONS
ENTRE LE PARLEMENT ET LES MEDIAS
Débat général animé par M. Xavier Roques
Secrétaire général de la questure de l’Assemblée nationale (France)
M. Xavier Roques (France) a tout d’abord rappelé que les médias, qui jouent depuis
longtemps un rôle important dans la vie parlementaire, y ont pris une place encore plus
considérable au cours des dernières années.
La publicité des débats, inhérente au bon fonctionnement de la démocratie, a toujours été
réelle. A l’Assemblée nationale française, elle était assurée traditionnellement par la
publication des débats au Journal officiel et par la présence du public dans l’Hémicycle, grâce
aux billets fournis par les députés à leurs électeurs. Très vite, la presse écrite a suivi les
séances et en a fait connaître la teneur, jouant ainsi un rôle historique.
Au cours des dernières années, la publicité des débats a été considérablement élargie, en
raison du développement des techniques la permettant.
Il apparaît inutile d’insister sur le bouleversement introduit par la venue de la radio et
surtout de la télévision dans l’Hémicycle, dès les années cinquante. Cette évolution
irréversible a conduit à la mise en place en 1992 d’un système d’enregistrement et de
production autonome, propre à l’Assemblée nationale un département audiovisuel est
alors créé qui fournit les images ainsi tournées aux chaînes de télévision, gratuitement et
sur simple demande. Une nouvelle étape a été franchie avec la création d’une chaîne
parlementaire en 2000. Parallèlement, la diffusion de la séance publique a été mise en ligne
sur le site Internet de l’Assemblée, elle peut être regardée en direct (et avec un léger
différé pour les questions au Gouvernement).
Cette « explosion » de l’offre d’images et d’information, éminemment souhaitable car elle
permet au citoyen d’être plus informé et de suivre plus aisément et au jour le jour les travaux
des élus, conduit néanmoins à se poser plusieurs types de questions.
Première question : quelles règles doivent régir l’accès des médias aux travaux parlementaires ?
La gestion au jour le jour de l’accès des médias dans l’Hémicycle, mais aussi dans les
salles ou couloirs proches de celui-ci, n’est pas toujours aisée : les journalistes peuvent
accéder à l’Assemblée soit après avoir obtenu une accréditation de celle-ci, soit en cas
d’appartenance à l’Association des journalistes parlementaires. Deux problèmes peuvent se
poser :
le premier peut devenir de plus en plus délicat : qu’appelons-nous « journaliste » ? La
réponse n’est pas aussi simple qu’il y parait au premier abord. A l’Assemblée, la
définition est double : elle englobe les journalistes titulaires d’une carte de presse et les
éditeurs d’organes de presse. Le périmètre peut être difficile à définir, un des problèmes
à venir étant probablement la façon dont il faudra traiter les « bloggeurs » qui sont des
éditeurs de publication et se voient appliquer le droit de la presse. Il serait intéressant de
comparer les définitions retenues dans les autres pays et les pratiques en découlant ;
le second problème est plus banal, mais fréquent : lorsque l’ordre du jour ou l’actualité
politique sont particulièrement sensibles ou importants, l’affluence — à la fois dans
l’Hémicycle et dans le salon attenant où sont autorisées les interviews est telle qu’elle
conduit à donner la priorité aux équipes de rédaction des journaux télévisés, de
préférence aux journalistes ou aux animateurs des sociétés de production d’émissions
diverses, même si celles-ci ont un contenu politique. Il s’agit d’un choix logique, mais il
est probable que les solutions diffèrent d’une assemblée à l’autre.
Deuxième question : les médias peuvent-ils intervenir dans toutes les enceintes ou doit-il subsister
des « sanctuaires » ?
Prenons l’exemple des travaux des commissions permanentes. A l’Assemblée, les médias
n’y sont pas admis systématiquement : ils assistent parfois aux auditions des ministres
(qu’elles portent ou non sur un texte), mais jamais aux débats sur le texte lui-même. En
revanche, la commission publie systématiquement un communiqué de ses travaux, à l’issue
de chaque réunion ; il est vrai que la rédaction de ce document demande un certain délai, qui
devient de moins en moins compatible avec l’instantanéité qui régit aujourd’hui la
communication médiatique. De son côté, la division de la presse rapporte également la
teneur des travaux de la commission en faisant un compte rendu oral des débats et des votes
aux journalistes qui le souhaitent, à charge pour eux de rencontrer les députés concernés afin
de procéder à des vérifications. La possibilité d’autoriser les journalistes à assister à
l’ensemble des réunions de commissions a fait l’objet de réflexions à plusieurs reprises, mais
n’a jamais débouché sur une décision en ce sens, les députés préférant pouvoir délibérer
dans un cadre plus serein, loin de la pression médiatique.
Une évolution récente et importante doit toutefois être rapportée : les médias ont pu
assister à la presque totalité des travaux de la commission d’enquête sur le procès d’Outreau.
L’Assemblée les a filmés et a en fourni les images aux télévisions sur leur demande. Elles ont
été très largement diffusées. Les auditions des acquittés et du juge ont eu un très grand
retentissement, même à l’étranger, et ont d’ailleurs suscité de nombreuses analyses
contradictoires et parfois passionnées sur la nécessité ou l’opportunité de les diffuser.
Vos expériences pourraient nous éclairer : dans vos Parlements respectifs, les travaux des
commissions sont-ils ouverts systématiquement au public ? Dans ce cas, quel-les conclusions
peut-on en tirer ? Ces réflexions conduisent à une nouvelle question.
Troisième question : le Parlement doit-il fournir une information « officielle » ou appartient-il aux
journalistes de venir la chercher ?
Il n’existe pas d’information « officielle » à l’Assemblée nationale française, celle-ci étant
davantage un lieu de reportage qu’une entité homogène délivrant une information. Dans ce
lieu, cohabitent en effet au moins quatre sphères de communication politique :
la communication du Président de l’Assemblée ;
la communication des groupes politiques ;
la communication des « stars » de la vie politique qui sont également députés ;
la communication des députés « de base ».
En fonction des circonstances, les journalistes demandent ou reçoivent de l’information de
l’une ou l’autre de ces sphères. L’Assemblée nationale en tant que telle n’est pas identifiée
comme source d’information, sauf pour des éléments très factuels : la division de la presse
fournit des renseignements ou publie des communiqués à propos des agendas, des
procédures, des éléments historiques… En résumé, l’Assemblée nationale française n’a pas
de porte-parole, alors qu’il existe un porte-parole du Gouvernement. Au contraire, dans
certains pays, l’assemblée dispose d’un porte-parole et certains membres de l’Association
pourront peut-être en parler.
Ceci dit, il faut revenir sur cette notion d’information officielle. Il existe tout de même,
dans une certaine mesure, une information que l’on pourrait presque qualifier « d’officielle »
à l’Assemblée nationale. On peut considérer que les images de la séance publique sont ainsi
des images « officielles ». Lors des questions au Gouvernement, une seule chaîne publique
est habilitée à tourner des images en plus de celles réalisées par le département
audiovisuel de l’Assemblée ; à la suite d’un accord informel, elle réalise un montage qui
comporte en très grande majorité les images de l’Assemblée et, en proportion beaucoup plus
limitée, les siennes ; les autres chaînes ne peuvent diffuser que les images fournies par
l’Assemblée. En revanche, toutes les chaînes peuvent venir filmer les débats portant sur un
texte, mais s’en abstiennent en fait et reprennent les images de l’Assemblée. On peut donc
considérer que cette dernière a donc une « mainmise » réelle, quoique pas totale, sur les
images de la séance.
Cette mainmise a pu également être constatée lors de l’ouverture à la presse de la
commission d’enquête sur Outreau. Les caméras ont été interdites en raison d’un manque de
place dans la salle et seules les images tournées par l’Assemblée ont été diffusées : cette
décision, qui résulte à l’origine d’une contrainte purement physique, a eu en fait des
conséquences plus « politiques », car elle a permis d’édicter des règles de déontologie. Par
exemple, lors de l’audition du juge Burgaud, il a été décidé de ne pas filmer les réactions des
acquittés : le message a donc été unique, contrôlé et certainement différent de ce qu’il aurait
été si toutes les chaînes avaient pu introduire des caméras.
Les diverses expériences à cet égard seront donc intéressantes à confronter.
Pour poursuivre sur cette question des images « officielles » qui, décidemment, n’est pas
simple, il ne faut pas oublier que l’évolution des techniques limite considérablement leur
portée : il est possible aujourd’hui de capturer et d’exploiter les images de l’Assemblée sans
qu’elle puisse exercer aucun contrôle ; la fabrication de produits dérivés pose de multiples
problèmes, dont, en particulier, celui du droit à l’image.
Quatrième question : quelle doit être la place de la chaîne parlementaire ?
Depuis 2000, l’Assemblée s’est dotée d’une chaîne de télévision parlementaire. Elle a en
effet éprouvé le besoin de mieux faire connaître son action, grâce à une chaîne qui lui soit
propre et qu’elle finance entièrement par une subvention. Le Sénat dispose également de sa
propre chaîne. D’autres Parlements étrangers en ont fait autant ou s’apprêtent à le faire.
L’existence de cette chaîne pose plusieurs questions, parmi lesquelles le contenu de ses
programmes et son coût.
La loi reconnaît à la chaîne son indépendance éditoriale, mais lui fixe un cadre en lui
imposant de remplir « une mission de service public, d’information et de formation des
citoyens à la vie publique, par des programmes parlementaires, éducatifs et civiques » et de
veiller « à l’impartialité de ses programmes ».
Plusieurs débats sont apparus à cet égard, notamment sur la proportion que doivent avoir
respectivement la diffusion des travaux de l’Assemblée et les autres émissions. De surcroît, la
teneur de celles-ci a d’ailleurs parfois été critiquée surtout dans le pas car certains
estimaient qu’elle ressemblait trop aux autres chaînes d’information, ne donnait pas
suffisamment la parole aux députés et ne laissait pas assez de place à la spécificité de la vie
parlementaire.
Le coût de la chaîne parlementaire est également source d’interrogations lancinantes (un
amendement avait, voici quelques années, proposé de la supprimer…). Aujourd’hui, le
principe de son existence n’est plus remis en cause, mais son coût continue de progresser
chaque année, en raison, d’une part, de son passage depuis mars 2005 sur la télévision
numérique terrestre (TNT), ce qui accroît considérablement son audience, mais aussi les frais
de diffusion, et, d’autre part, de sa « visibilité » plus grande elle n’est plus une chaîne
confidentielle —, ce qui l’incite à réaliser des programmes plus ambitieux et à se doter
d’équipements techniques plus performants.
Il est à supposer que plusieurs membres de notre Association rencontrent des problèmes
similaires, mais peut-être tous les Parlements disposant d’une chaîne parlementaire n’ont-ils
pas pris les mêmes orientations à l’origine.
Cinquième question : dans quelle mesure l’Assemblée peut-elle être un lieu de tournage de films ?
L’Assemblée nationale française est un lieu de plus en plus prisé pour les tournages de
films. Si c’est un moyen de mieux faire connaître ce monument historique qu’est le Palais-
Bourbon, celui-ci ne doit toutefois pas masquer la vocation de l’Assemblée nationale. C’est
pourquoi, selon une jurisprudence constante des Questeurs, l’autorisation de tournage n’est
donnée que pour des sujets ayant un rapport étroit avec l’activité actuelle ou passée de
l’Assemblée. Les deux derniers films ainsi réalisés ont porté sur le débat relatif à la
séparation de l’Eglise et de l’Etat et sur celui concernant le vote des femmes. Une
autorisation vient d’être refusée pour un film dont le sujet n’avait aucun rapport avec le
Parlement.
Telles sont quelques pistes de réflexion, parmi d’autres la question est vaste et sujette à
d’importantes et rapides évolutions.
Mme Claressa Surtees (Australie) a présenté la contribution suivante :
Reconnaissance par le Parlement du rôle des médias
En Australie, la plupart des membres de la communauté se basent sur les comptes rendus
des médias pour obtenir des informations sur les débats parlementaires, et sur la politique et
les activités du gouvernement. Le Parlement australien a depuis longtemps reconnu
l’importance du rôle des médias dans la diffusion d’informations sur les débats
parlementaires. Si les comptes rendus des médias sont impartiaux et exacts, ils peuvent
contribuer de manière significative à une démocratie parlementaire efficace. La
reconnaissance par le Parlement de l’importance du rôle joué par les dias se traduit par
des dispositions généreuses prises depuis longtemps quant à l’accès des médias au
Parlement.
Lorsque le Parlement provisoire fut initialement occupé en 1927, les circonstances
historiques faisaient qu’il existait une pénurie de bureaux adaptés à Canberra. C’est ce qui à
l’origine conduisit à l’aménagement de locaux pour accueillir les représentants des médias
au sein même du Parlement. Le Parlement ayant accepté cette situation, lorsque le nouveau
bâtiment fut occupé en 1988, un coin du deuxième étage fut réservé à la tribune de presse
parlementaire fédérale. L’occupation continue par les médias de locaux au sein du Parlement
est acceptée en dépit du fait qu’une grande partie du travail réalisé par ces personnes et
entreprises n’est pas directement liée aux affaires du Parlement. Il est très fréquent que
certains journaux et chaînes de télévision ne disposent pas de bureaux à Canberra autres que
ceux mis à disposition au sein du Parlement, et leurs employés sont basés au Parlement à
plein temps pour couvrir des événements à Canberra et dans les environs, qu’il s’agisse
d’affaires parlementaires ou non.
Le Premier ministre et tous les autres ministres de l’exécutif, outre les simples sénateurs et
députés, travaillent principalement dans leurs bureaux parlementaires lorsqu’ils se trouvent
à Canberra. Il est extrêmement pratique pour ces deux groupes de co-habiter dans un même
bâtiment. Les opportunités d’interaction informelle, qui viennent s’ajouter aux rapports
formels, s’en trouvent considérablement multipliées.
Il est actuellement prévu que les médias aient accès à des bureaux et des structures dans
l’ensemble du Parlement. En outre, des tribunes spéciales sont réservées dans les deux
chambres aux membres de la tribune de presse parlementaire fédérale pour observer les
débats parlementaires. En outre, chaque chambre dispose d’équipements de re-transmission
radio (depuis 1946) et télévisée (depuis 1988).
Tribune de presse parlementaire fédérale
La tribune de presse parlementaire fédérale du Parlement australien est composée de
représentants des principales agences de médias australiennes, qu’il s’agisse des médias
électroniques ou de la presse écrite, ainsi que des journalistes et photographes indépendants.
Ils ont tous des bureaux et des studios à leur disposition dans le Parlement. En outre, l’une
des quatre tribunes du Sénat et de la Chambre des Représentants (la tribune située
respectivement derrière le siège du Président du Sénat et derrière celui du Président de la
Chambre des Représentants) est réservée à l’usage exclusif des membres de la tribune de
presse. Tous les jours lors de la période des questions, pendant laquelle des questions orales
peuvent être adressées aux Ministres, jusqu’à cinq photographes, employés par une agence
de presse ou indépendants, sont autorisés à accéder aux tribunes nord et sud des chambres
pour prendre des photos des débats, à condition de respecter les lignes directrices
spécifiques déterminées par le Président d’Assemblée concerné.
La coutume veut depuis longtemps que la tribune de presse forme un comité de ses
membres afin de gérer leurs affaires au sein du Parlement. Ils choisissent parmi leurs rangs
un Président et un Vice-président pour représenter leurs intérêts, et c’est avec le Président de
la tribune de presse que les Présidents d’Assemblée communiquent de manière formelle au
sujet des relations de la tribune de presse avec le Parlement. Il est attendu que le Président, le
Vice-président et les quatre membres du comité général guident les membres de la tribune
de presse en vue d’adopter un comportement acceptable lors de leur travail dans le
Parlement.
Règles relatives aux médias et leur mise en application
Traditionnellement, et plus récemment en application de la loi en vigueur, les Présidents
d’Assemblée sont responsables du contrôle et de la gestion dans l’enceinte du Parlement.
L’accès des médias au Parlement est accordé en dernier ressort par un Président
d’Assemblée ou les deux. Dans une large mesure, les relations parlementaires avec les
1 / 29 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !