LES ANTIDIABETIQUES
Ce cours est destiné aux étudiants de deuxième cycle des études médicales (DCEM2) à la Faculté
de Médecine de Tunis.
INTRODUCTION
Le Diabète est une maladie métabolique dont les conséquences organiques sont liées à un défaut
d'utilisation des glucides par les cellules.
Ce défaut peut s'expliquer par deux mécanismes :
- Insulinopénie : diminution ou absence de sécrétion d'insuline,
- Insulinorésistance : résistance tissulaire à l’action de l'insuline (problème des récepteurs).
Schématiquement on distingue 4 types de diabète :
* Diabète type I : diabète insulinodépendant (DID) avec une carence quasiabsolue en
insuline secondaire à une destruction sélective des cellules béta des ilots de Langerhans. Il
s'agit en général de patients dont la maladie s'est révélée à un âge inférieur à 40 ans et qui
présentent un poids réduit ou normal. Ce diabète type I est également appelé diabète
juvénile ou diabète maigre. Il expose davantage au risque de coma acidocétosique.
* Diabète de type II : diabète non insulinodépendant (DNID) caractérisé par une résistance
tissulaire à l’action de l’insuline associée à une déficience relative en l'insuline. Ce diabète
type II apparaît surtout après l'âge de 40 ans, chez les personnes en général obèses. C'est le
diabète de la maturité ou diabète gras.
* Diabète de type III : diabète secondaire à des maladies non pancréatiques ou d’origine
médicamenteuse.
* Diabète de type IV : diabète gestationnel, défini comme toute anomalie des taux de la
glycémie durant la grossesse.
L’objectif du traitement antidiabétique est la normalisation de la glycémie qui à pour
conséquence :
- la suppression des signes d’hyperglycémie (soif, polyurie, amaigrissement, acidocétose, coma
hyperosmolaire)
- la prévention de la microangiopathie et de la macroangiopathie (en métrisant les facteurs de
risque vasculaire)
Quelque soit le type de diabète, les règles hygièno-diététiques et l’activité sportive adaptée
occupent une place importante dans la prise en charge de ces patients.
SPECIFIQUESOBJECTIFS EDUCATIONNELS
1. Décrire les différentes étapes de la biosynthèse, stockage, libération et dégradation de l’insuline
2. Décrire les effets pharmacodynamiques de l’insuline.
3. Indiquer les principales caractéristiques pharmacocinétiques de l’insuline et des analogues de
l’insuline.
4. Indiquer les facteurs favorisant l’apparition des effets indésirables de l’insuline et les mesures
permettant de les éviter.
5. Expliquer les règles d’utilisation pratique de l’insuline.
6. Décrire les effets pharmacodynamiques des sulfamides hypoglycémiants.
7. Expliquer le rapport entre les caractéristiques pharmacocinétiques des sulfamides
hypoglycémiants et certains de leurs effets indésirables ou de leurs contre-indications.
8. Citer les effets indésirables et les contre-indications des sulfamides hypoglycémiants.
9. Expliquer le mode d’action antidiabétique des biguanides.
10. Citer les principales caractéristiques pharmacocinétiques de la metformine.
11. Indiquer les effets indésirables et les contre-indications de la metformine.
12. Schématiser la stratégie d’utilisation des antidiabétiques oraux.
DOCUMENT DE BASE
1. L'INSULINE :
1.1. HISTORIQUE :
En 1921, le professeur roumain Nicolas Paulesco mène des expériences sur un chien rendu
diabétique. Il démontre que l’injection intra-veineuse d’un extrait pancréatique provoque une
diminution de l’hyperglycémie et parfois même une hypoglycémie.
Les extraits les plus efficaces sont finalement obtenus au cours de l'été 1921 à Toronto
par Frederick Grant Banting avec l'aide de Charles Best un étudiant en médecine et de J. B.
Collip, un chimiste, dans le laboratoire de James Richard MacLeod.
L’insuline ainsi obtenue est utilisée pour la première fois comme médicament hypoglycémiant
en 1923. La même année, Banting et MacLeod reçoivent le Prix Nobel de physiologie et de
médecine pour leurs travaux
La découverte de l’insuline a révolutionné le traitement du diabète.
Il a toutefois fallu attendre 1955 pour que le biochimiste anglais Frédérick Sanger décrive la
structure chimique de cette protéine. Frederick Sanger a reçu le Prix Nobel de Chimie en 1958
pour cette découverte.
La synthèse chimique de l’insuline a été réalisée pour la première fois en 1965.
La production de l’insuline humaine par biosynthèse ou par hémi- synthèse a été introduite en
1980.
En 2000, apparition de nouvelles insulines « les analogues » : les analogues rapides et les
analogues lents.
1.2. STRUCTURE CHIMIQUE :
L’insuline est une protéine de petite taille ayant un poids moléculaire de 5800 Da.
L'insuline est constituée de 2 chaînes A et B qui comportent respectivement 21 et 30 acides
aminés reliés par 2 ponts disulfures (figure 1). Il existe des différences structurales des deux
chaînes de l’insuline en fonction de l’espèce. L’insuline du porc diffère par un seul acide aminé
alors que l’insuline de bœuf diffère par deux acides aminés.
Figure 1 : Structure de l’insuline
1.3. BIOSYNTHESE, SECRETION ET METABOLISME :
L’insuline est synthétisée par les cellules béta qui constituent 75% des ilots de Langerhans. Elle est
synthétisée sous forme d’une chaine unique polypeptidique : la préproinsuline qui se transforme en
proinsuline biologiquement inactive. Ce précurseur de structure polypeptidique donne naissance à
l'insuline active après détachement d'un fragment : le peptide C (peptide de connexion) et de 4
acides aminés.
L’insuline est stockée ensuite dans des granules à l’intérieur des cellules bêta sous forme de
cristaux formés de 2 atomes de Zinc et de 6 molécules d’insulines (héxamère).
L’insuline ainsi que le peptide C sont libérés, en quantité équimolaire, dans la circulation générale
par exocytose dans la veine pancréatico-duodénale qui la conduit directement au foie, presque
de 50% de la quantité d’insuline est détruite. Le reste de l’insuline se distribue dans l’ensemble de
l’organisme.
L’insuline est libérée à un taux basal faible et continu et à un taux élevé sous l’effet de différents
stimuli essentiellement le glucose, mais aussi d’autres sucres tel que le mannose, certains acides
aminés (leucine, arginine), les acides gras et les corps cétoniques.
Le système nerveux autonome intervient dans la régulation de la sécrétion d'insuline. Le système
sympathique inhibe la sécrétion d'insuline par les récepteurs alpha et l'augmente par les récepteurs
bêta. Le système parasympathique stimule la sécrétion d'insuline par les récepteurs muscariniques.
La dégradation de l’insuline se produit essentiellement au niveau du foie, du rein et du muscle :
- L’insuline endogène : 60% par le foie et 40% par le rein
- L’insuline exogène administrée par voie sous cutanée : le rapport est inversé, 40% par le foie
et 60% par le rein.
1.4. ORIGINE DES INSULINES COMMERCIALES :
a. insuline animale :
Les préparations commerciales d’insuline contenaient de l’insuline de bœuf ou de porc. La
différence de structure entre les insulines animales et humaines explique, les problèmes de
résistance à l’insuline par formation d’anticorps anti-insuline et explique les incidents d’allergie.
L’insuline animale a été abandonnée au profi de l’insuline humaine depuis 1984.
b. insuline humaine :
La production industrielle d’insuline humaine se fait par deux techniques :
- l’hémisynthèse : par des procédés chimiques, nous obtenons de l’insuline humaine à partir de
l’insuline porcine qui diffère de l’insuline humaine par un seul acide aminé.
- la biosynthèse : le gène codant la synthèse de l’insuline est inséré dans l’ADN des bactéries (E.
Coli), ces micro-organismes vont se multiplier en culture et produire de l’insuline, qui est alors
purifiée. Ces insulines humaines sont moins allergisantes que les insulines animales.
c. analogues de l’insuline :
Ces nouvelles insulines sont commercialisées depuis 1996. Ils sont obtenus par modification de la
structure chimique de l’insuline humaine (changement d’un acide aminé par un autre). Ces
analogues, issus de la génie-génétique, ont les mêmes propriétés pharmacodynamiques que
l’insuline humaine, mais diffères par leurs propriétés pharmacocinétiques (absorption, distribution,
biotransformation et élimination).
Les analogues d’insuline sont de deux types :
- les analogues à action rapide : début d’action plus rapide et durée d’action plus courte que
l’insuline ordinaire.
- les analogues à action prolongée : durée d’action est intermédiaire ou lente
1.5. PHARMACODYNAMIE :
1.5.1. Mécanisme d’action de l’insuline :
L’insuline agit par l’intermédiaire des récepteurs membranaires spécifiques activité tyrosine
kinase) localisés dans la plupart des tissus en particulier le foie, le muscle et le tissu adipeux.
L’insuline se fixe sur ces récepteurs avec une forte affinité. Le complexe insuline-récepteur
entraine l’activation par phosphorylation de plusieurs protéines qui sont responsables des effets
multiples :
- régulation du transport du glucose : translocation des transporteurs de glucose vers la
membrane pour augmenter le captage du glucose.
- régulation du métabolisme du glucose : activation de la glycogène synthétase et inhibition de la
néoglucogenèse.
- augmentation de la synthèse protéique.
- régulation du métabolisme lipidique
L’affinité des récepteurs à l’insuline est diminuée par les corticoïdes et augmentée par l’hormone
de croissance.
1.5.2. Effets de l’insuline :
a. Métabolisme glucidique :
L'insuline entraîne une réduction de la glycémie par action conjuguée aux niveaux :
- hépatique :
Elle entraîne :
- une pénétration du glucose dans les cellules,
- une inhibition de la glycogénolyse,
- une stimulation de la glycogénogenèse,
- une inhibition de la néoglucogenèse.
- musculaire et adipeux :
Elle augmente la captation et l'utilisation du glucose par les cellules musculaires et les adipocytes.
b. Métabolisme lipidique :
Elle stimule la synthèse de glycérol à partir des glucides.
Elle inhibe la lipolyse par inhibition de la triglycéride-lipase.
Elle accroît la synthèse endogène des triglycérides.
Elle réduit la libération des acides gras non-estérifiés et contribue ainsi à réduire la cétogenèse.
c. Métabolisme protidique :
L'insuline accroît la pénétration des acides aminés dans la cellule.
La synthèse des protides est augmentée et leur catabolisme diminué.
d. Insuline et potassium :
Elle augmente la captation cellulaire du potassium parallèlement à celle du glucose. En effet,
l'insuline stimule la pompe Na-K-ATPase faisant entrer K+ dans les cellules. Cette propriété peut
être utilisée dans le traitement de l'hyperkaliémie par association de soluté glucosé hypertonique
et d'insuline.
1.6. PHARMACOCINETIQUE :
L’insuline n’est administrée que par voie parentérale : voie sous-cutanée, voie intramusculaire et
voie intraveineuse.
L’insuline circulante est faiblement liée aux alpha et bêta-globulines. Elle est dégradée par
plusieurs organes notamment le foie, le rein, le muscle. Son élimination est rénale.
L’insuline ne passe pas la barrière placentaire mais sa destruction est accrue par le placenta.
Dans la circulation générale, l’insuline ordinaire a une demi-vie courte de 5 à 6 min, mais la demi-
vie terminale des insulines et des analogues commercialisés est beaucoup plus longue et variable
de 4 heures à plus que 24 heures. Cette demi-vie terminale est déterminée par la vitesse de
résorption de l’insuline à partir de son site d’injection.
Cette vitesse de résorption conditionne :
- le délai d’action
- le pic d’action
- la demi-vie terminale
Ainsi, par voie sous cutanée, l’insuline ordinaire a un délai d’action de 20 à 30 min, le maximum
d’effet est obtenu en 2 à 3 heures et l’effet hypoglycémiant peut se prolonger jusqu’à 8 heures.
Pour obtenir un profil pharmacocinétique le plus proche de la sécrétion physiologique de l’insuline
plusieurs autres insulines à délais d’action et durées d’action plus longues ou plus courtes ont été
mises au point par :
- modification du pH,
- adjonction de la protamine : insuline NPH (Neutral Protamine Hagedorn) à action intermédiaire,
- adjonction du Zinc : insuline lente et ultra-lente,
- modification de la structure chimique de l’insuline humaine : insuline analogue (rapide ou lente).
Les insulines commercialisées (insuline humaine ou analogues de l’insuline) ont la même
concentration de 100 UI/mL et ce quelque soit le conditionnement (flacon, stylos, cartouches).
On peut classer les insulines en 3 catégories en fonction de leur durée d'action :
- les insulines rapides : insuline ordinaire et analogues rapides. Leur durée d'action est
d'une heure par voie intraveineuse, de six heures par voie sous-cutanée.
- les insulines intermédiaires : de durée d'action intermédiaire en général entre douze et
dix-huit heures par voie sous-cutanée.
- les insulines lentes, ultra-lentes et les analogues d’action prolongée : la durée
d'action est égale ou supérieure à vingt-quatre heures par voie sous-cutanée.
1.6.1. Les insulines rapides :
a. Les insulines ordinaires : d’action rapide et courte
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