Le nouveau sens commun des Européens
25 mai 2009 - Sur fond de crise économique et d’Europe politique en panne ,
l’environnement et le développement durable apparaissent comme des sujets qui
rassemblent les Européens de l’Ouest. C’est ce que nous dit Hélène Plisson, Directrice
d’études Ipsos Marketing, en s’appuyant sur des enquêtes récentes de l’Institut.
Les prochaines élections européennes n’ont pas l’air de passionner les foules. Qu’est-ce qui
préoccupe et rassemble donc les Européens ?
Hélène Plisson : « Leur intérêt se tourne essentiellement aujourd’hui vers la crise
économique. Dans la dernière vague d’Economic Crisis Monitor™ (2), 75% des Espagnols et
72% des Français se disent inquiets à ce sujet. Ce qui fédère vraiment les Européens en ce
moment, c’est d’abord cette préoccupation liée à l’état de l’économie. De ce côté-là, rien ne
va plus pour eux. Dans tous les pays, les scores sont élevés. Particulièrement en Grande-
Bretagne et en Espagne où, respectivement, 92% et 90% des gens jugent mauvaise la situation
économique de leur pays. »
L’inquiétude à propos de la crise est partagée. Y a-t-il une réaction commune ?
H.P. : « La crise fait craindre l’avenir. Une peur qui se traduit elle-même par la volonté de
dépenser moins. Les intentions d’achat baissent, c’est très net. Les gens nous disent avoir
modifié leur consommation depuis les trois derniers mois, surtout en France 82%) et en
Italie (80%). Une chose très frappante se dessine en même temps, à savoir que la plupart des
Européens considèrent la crise comme une bonne opportunité pour changer leur style de vie et
de consommation. Au Royaume-Uni, ils sont ainsi 76% à penser que de tout ce marasme
ressort une possibilité de modifier son mode de vie. Ils sont 71% en Espagne, 64% en France,
58% en Italie et 46% en Allemagne à le penser aussi. »
Des Européens en quête de sens
Quelles sont donc les valeurs refuge des consommateurs européens ?
H.P. : « Dans cette période où l’on ne croit plus vraiment au projet politique et la
consommation est remise en question, il existe quelques catégories de produits qui semblent
faire office de bouée de sauvetage. Pour ne parler que de l’alimentation, nous constatons que
les intentions d’achat de produits issus de l’agriculture biologique et du commerce équitable
sont élevées. »
Est-ce vraiment si nouveau ?
H.P. : « Non. C’est un mouvement que nous observons depuis un certain temps déjà. La
différence, c’est que la consommation des produits bio et de ceux issus du commerce
équitable n’est plus l’apanage de gens considérés comme écolos, bobos ou idéalistes. C’est
une tendance désormais forte dans la consommation. A une époque la politique et
l’économie font tant douter, les gens se rattachent à une consommation responsable qui donne
du sens à l’achat. »
C’est peut-être bien pour se nourrir, mais ce n’est pas forcément le meilleur moyen de
dépenser moins ?
H.P. : « La période de restriction économique dicte aux consommateurs européens de faire
des arbitrages. Ce qui est intéressant, c’est que ces arbitrages dans une période de crise
amènent un certain nombre de gens à privilégier ces types de produits bio et éthiques dans
leurs intentions d’achat, alors même, il est vrai, qu’ils sont souvent plus chers. Mais leur
force, c’est d’avoir du sens. »
Une Europe du mieux consommer
Vous voulez dire que, ça y est, en Europe, tout le monde devient un éco ou bio-consommateur
?
H.P. : « Les gens ne le font pas encore forcément mais disent qu’ils ont l’intention de le faire.
L’heure semble être au consommer moins et moins cher, mais aussi au consommer mieux.
C’est une notion qui transcende tous les Européens de l’Ouest. Dans tous les pays sur lesquels
nous nous sommes penchés, les produits les plus attirants actuellement, ceux que les gens ont
le plus l’intention d’acheter, sont les produits responsables. Comme si les Européens étaient
unis par le même désir de bâtir un monde meilleur de la consommation ! »
Quelles sont les catégories de produits du secteur alimentaire, pour ne parler que de lui, qui
tirent avantage de la situation ?
H.P. : « Les produits frais, les fruits et légumes. Là, pour le coup, on constate depuis le début
de la crise que la part de la population qui en achète plus souvent actuellement est
supérieure à la part de ceux qui en achètent moins souvent. Ajoutons les produits bons
pour l’environnement ou socialement responsables. Il y a aujourd’hui chez les
consommateurs Européens en général, c’est indéniable, une quête de sens. »
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