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EVALUATION DES RESAD1
Atelier Santé Ville d’Aubervilliers
Synthèse du rapport final
A la fin des années 2000, l’Atelier Santé Ville d’Aubervilliers a développé une approche
originale de la prise en charge de la souffrance psychique. Les professionnels du social, de la
santé et de l’insertion constataient que les usagers de leurs services étaient de plus en plus
souvent confrontés à l’imbrication de troubles du comportement et de difficultés sociales.
Cette fragilité psychique et sociale rendait difficile leur accompagnement et leur suivi par un
seul acteur de la santé, de l’insertion ou du social. L’approche globale et collective de la
situation concrète des personnes a donc été privilégiée de manière à faciliter la prise en charge
et la résolution des problèmes rencontrés. Afin de développer la coordination et la
concertation entre les professionnels concernés, l’ ASV a suscité la mise en place de Réunions
d’Evaluation des Situations d’Adultes en Difficulté (RESAD). La caractéristique principale
des RESAD est de proposer une réflexion et une opportunité d’évaluation conjointe d’une
situation problématique, aux professionnels issus des domaines du social et de la médecine et
plus spécifiquement de la psychiatrie. Elle ne traite pas les cas en urgence.
Le déroulement des RESAD a été conçu afin de favoriser l’analyse et la mise en perspective
de ces situations psycho-sociales complexes à travers l’approche croisée de professionnels
aux compétences spécifiques et différenciées. Le Comité des membres permanents des
RESAD (responsable ou cadre référent du Secteur psychiatrie adultes, du Service social
municipal, du Centre municipal de santé et de la Mission locale) ont été choisis pour leur
connaissance de la situation locale et leur position hiérarchique dans leur structure. Ce Comité
s’élargit aux responsables du Pôle gérontologie de la ville, du Service des soins à domicile et
du Centre communal d’action sociale ainsi qu’à un médecin gériatre du Réseau Ville Hôpital,
lorsque la situation étudiée concerne une personne âgée. D’autres professionnels peuvent être
invités à apporter leur compétence où leur connaissance précise de la situation présentée. Les
RESAD sont organisées et animées par le coordinateur de l’Atelier Santé Ville. Le
fonctionnement des RESAD est simple : à l’aide d’une grille de lecture des cas, tout
professionnel local peut soumettre à la réflexion d’autres professionnels issus des domaines
du social et de la santé, une situation qui lui pose problème.
L’évaluation de chaque situation se conclut par une synthèse réalisée par le coordinateur de
l’Atelier Santé Ville et l’élaboration de propositions d’interventions concertées et partagées
entre les différentes structures. Le « Tableau récapitulatif des propositions » constitue la
« feuille de route » de chaque structure pouvant, à un titre ou à un autre, être impliquée dans
le suivi et la prise en charge de l’usager. Les conclusions de la RESAD sont ensuite
présentées à l’usager, informé préalablement de cette procédure, afin de recueillir son
adhésion aux mesures et démarches envisagées. En cas de blocage de la situation, le
professionnel peut demander un deuxième, voire un troisième passage en RESAD.
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Avec le concours de la Mission départementale de prévention des conduites à risques CG 93
Agence Conseil Développement Collectivités.
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Après cinq années d’existence et trois évaluations en interne, il a paru nécessaire que soit
réalisée une évaluation extérieure afin d’apprécier l’apport des RESAD aux professionnels
impliqués, de mener une réflexion sur l’évolution des RESAD et éventuellement leur
recadrage stratégique et de réaliser une capitalisation susceptible de favoriser l’essaimage de
cet outil.
A l’origine, l’évaluation devait porter sur l’appréciation par les usagers des services et des
structures, de la réalisation des objectifs assignés aux RESAD. Compte tenu des difficultés à
retrouver ces usagers ou à pouvoir entrer en contact avec eux (cas de démence sénile par
exemple), l’évaluation a été réorientée vers les « usagers professionnels ». Il s’est donc agi
d’évaluer l’efficacité des RESAD par rapport aux objectifs fixés, aux processus en cours, aux
partenariats impulsés et, d’une manière plus générale, aux services rendus aux habitants.
Cette évaluation a été réalisée à partir de l’analyse de documents mis à notre disposition et
d’une série d’entretiens ou de « focus groupe » effectués auprès des services et structures
utilisateurs des RESAD. Elle a été complétée par l’observation comme « membre invité » de
deux RESAD « personnes âgées ».
L’analyse des procédures montre que l‘objet même des RESAD a été respecté : toutes les
situations présentées en réunion ont concerné des personnes connaissant une accumulation de
difficultés sociale, psychique et de santé. Dès le début, la mise en place des RESAD s’est
accompagnée de l’élaboration d’un manuel des procédures et d’une formalisation des
réunions. Ces procédures sont intéressantes, non seulement en tant que telles, mais surtout
parce qu’elles ont entraîné l’émergence d’une série de processus concrets.
Ainsi, l’instauration des RESAD s’est traduite par une meilleure gestion de l’action.
L’utilisation de l’outil commun qu’est « la grille de lecture » permet une distanciation du
professionnel d’avec la situation qu’il présente et une meilleure rationalisation de son
approche. L’analyse croisée réalisée par des professionnels qui se situent dans des champs
complètement différents permet une avancée dans la compréhension de la situation, car elle
prend en compte un ensemble de facteurs qui n’étaient pas toujours apparus au professionnel
demandeur. Parfois le passage en RESAD a permis de faire émerger des situations de détresse
physique, sociale et mentale que les services sociaux de la ville ne connaissaient pas car les
intéressés ne s’étaient pas manifestés auprès d’eux, ou ENCOREde diagnostiquer des
situations de troubles psychiques qui n’avaient été perçus par les services sociaux, ce qui a
entraîné une réorientation de leurs actions.
La RESAD est également un lieu de régulation et de concertation qui permet d’arriver plus
facilement à l’élaboration de propositions consensuelles et opérationnelles. Le diagnostic
partagé renforce la cohérence interne des propositions et facilite la répartition de la prise en
charge des personnes par les différents professionnels concernés. Les interventions des
différents services peuvent alors être phasées et articulées les unes par rapport aux autres.
L’utilisation de la grille de lecture, la synthèse réalisée à la fin de chaque réunion et l’envoi à
tous les participants du « Tableau récapitulatif des propositions » concourent à une
formalisation de l’accompagnement. La visibilité des actions en cours ou à réaliser, des
objectifs poursuivis et des résultats attendus sert de cadre de référence pour le professionnel.
Cette formalisation est considérée par de nombreux professionnels comme très importante car
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elle traduit un projet de prise en charge ou d’accompagnement collectif et le rend lisible à
tous, y compris à l’usager.
La gestion et la formalisation des RESAD ont souvent amené une modification et une
évolution des partenariats en développant une meilleure connaissance des autres structures et
des autres professionnels. Plus important, l’enchaînement des RESAD et les différents
échanges qui ont lieu au cours des réunions ont conduit certains participants à apprécier
différemment les cœurs de métier, le fonctionnement et les limites des autres structures,
services ou professionnels. Les partenariats existants se sont consolidés, les relations
interpersonnelles multipliées et des services ou des structures qui se connaissaient peu y ont
trouvé l’occasion de travailler ensemble. Toutefois, le partenariat avec les médecins
généralistes reste insuffisant malgré l’engagement du médecin représentant du Réseau Ville
Hôpital dans les RESAD.
L’identification des acteurs a permis l’instauration de relations de travail en dehors des
RESAD, même si cette pratique de coopération en réseau n’est pas encore très habituelle.
Parallèlement les RESAD constituent un moment de rupture de l’isolement des professionnels
confrontés à l’échec. L’exposition de la situation à d’autres professionnels rompt le face à
face avec l’usager et la replace dans une autre perspective. L’évaluation concertée et la prise
en charge collective de l’usager ouvrent d’autres possibilités d’intervention au professionnel
qui s’en trouve redynamisé. Les RESAD peuvent être également considérées comme un lieu
de socialisation des professionnels car elles suscitent des relations inter-personnelles, des
discussions et des contacts parmi un ensemble varié de partenaires. En résumé, les RESAD en
renforçant les liens entre les professionnels de la santé, du social et de l’insertion sont un
facteur, encore modeste, d’intégration professionnelle.
Mais les RESAD ne produisent pas une uniformisation des pratiques et des comportements,
chaque participant gardant les siens. Plus que lieu de formation ou de transfert de
connaissance, les RESAD favorisent un partage d’expériences.
Un des effets inattendus des RESAD est la production de légitimité. Le passage en RESAD
permet au professionnel demandeur d’exposer et de valoriser sa démarche et de la faire
reconnaître par les autres participants. Elle constitue un lieu de légitimation de son
intervention, de son positionnement du professionnel et en définitive de son métier. Cette
légitimation joue également en interne, c’est à dire que les conclusions des RESAD ne sont
pratiquement jamais remises en cause dans la structure d’origine du professionnel demandeur
car elles ont déjà été validées par le Comité permanent. Le positionnement institutionnel des
membres du Comité permanent, leur engagement collectif et l’aspect formalisé des RESAD
favorisent en outre les négociations avec les structures extérieures ou les usagers et justifient
à leur égard le déroulement et les modalités de la prise en charge.
On assiste, d’ailleurs, à un glissement, perceptible chez certains professionnels, vers une
fonction d’expertise attribuée aux membres du Comité permanent. L’idée première des
RESAD était la co-construction entre les différents membres du Comité permanent et les
professionnels demandeurs d’une expertise commune : l’expertise de la RESAD.
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Actuellement on peut observer une tendance chez quelques professionnels demandeurs, à
considérer le Comité permanent comme une réunion d’experts dans différents domaines.
La création et le fonctionnement des RESAD, ont-ils produit une transformation des modes de
fonctionnement et d’organisation interne des différents services ou structures ? L’évaluation a
montré qu’il y a un décalage entre la perception par les professionnels du social et de
l’insertion de l’impact des RESAD sur l’organisation des services et la réalité concrète
(nouveau profil dans le recrutement, intégration des RESAD comme dispositif dans
l‘organisation des services). Comme si ce dispositif produisait insensiblement une
transformation organisationnelle, fonction du nouveau mode de coopération et de ses enjeux,
que des professionnels ne peuvent (ou ne veulent ?) encore reconnaître.
Un autre effet induit des RESAD est l’évolution sensible des pratiques des professionnels qui
se sont appropriés de ce dispositif (intervention conjointe de différents services, structures ou
médecins généralistes, multiplication des relations individuelles etc.). Il semblerait que la
possibilité de faire appel aux RESAD, crée pour les professionnels un « filet de sécurité »,
leur permettant ainsi une plus grande liberté d’action et leur ouvrant des marges de
manœuvre plus importantes. Il est intéressant de noter que parmi quelques professionnels du
social et de l’insertion, chemine l’idée de reproduire le schéma des RESAD, ces réunions
étant destinées à évaluer uniquement des situations sociales complexes.
Deux points demeurent problématiques dans l’atteinte des objectifs des RESAD. Le premier
concerne les usagers et le second l’implication des médecins généralistes.
S’il est indéniable que les RESAD contribuent à l’amélioration de la prise en charge des
usagers, il est moins sûr qu’au final la situation de l’ensemble des usagers se soit améliorée.
La gestion de l’urgence n’étant pas la vocation des RESAD, le plan de prise en charge
concertée arrive parfois trop tard (surtout lorsqu’il s’agit de personnes âgées) ou bien sa mise
en œuvre rencontre des difficultés d’ordre pratique ou administrative ce qui bloque la
situation. L’absence de retour sur le suivi d’une situation est d’ailleurs une des frustrations des
professionnels concernés quel que soit leur champ de compétence. Ainsi il serait souhaitable
que le suivi des situations s’effectue d’une manière plus collégiale.
La participation des médecins généralistes est la pierre d’achoppement des RESAD. Malgré
les efforts réalisés en terme de défraiement, d’adaptation des horaires de réunion, leur
participation est encore très faible alors qu’ils sont les acteurs de santé de première ligne. Une
réflexion approfondie doit être envisagée afin de les amener à participer à l’élaboration d’une
politique locale de santé publique concernant la souffrance psychique de manière plus
spécifique.
En conclusion, les objectifs assignés aux RESAD lors de leur création, ont été quasiment tous
atteints. La fonction « passerelle » entre des champs de compétence aussi différents que la
médecine (en particulier la psychiatrie) et les services sociaux est réelle, même si elle reste à
améliorer. La quasi totalité des professionnels de la santé, du social et de l’insertion sont
favorables au maintien des RESAD, car elles ont facilité leur travail au quotidien. Il n’en
demeure pas moins nécessaire de renouveler et d’élargir la communication sur les objectifs, le
fonctionnement et les enjeux des RESAD afin de toucher le plus grands nombre de
professionnels locaux.
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Les RESAD constituent un outil précieux de prise en charge collective des personnes en
souffrance psychique, à la hauteur de la participation et de l’adhésion des professionnels
concernés et de leur aspiration au décloisonnement.
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