Ministère de la Santé
4. Le tiers social entre famille et soignant
Christine FONTAINE, responsable du service social au centre hospitalier de Perray-
Vaucluse, Paris
Lorsque j'ai préparé cette intervention, j'ai eu l'impression de ne penser qu'à des évidences.
Effectivement, travailler avec la famille et les proches fait partie intégrante du travail de l'assistante
sociale. Dans leur fonction, les assistants sociaux ont (je cite le décret qui nous régit) : «pour
mission d'aider les personnes, les familles ou les groupes qui connaissent des difficultés sociales à
retrouver leur autonomie et de faciliter leur insertion. ». Depuis toujours, l'assistant social a é
amené à se rapprocher d'autres acteurs : institutions, travailleurs sociaux, etc. Dès lors, comment
pourrions-nous envisager de travailler sans la famille ? L'assistant social est celui qui apporte des
éléments de réalité sociale afin de contribuer à construire un projet de vie réaliste et réalisable pour
le patient. Il met en œuvre les mesures sociales qui accompagnent le soin. En premier lieu, il est
donc nécessaire de faire coïncider le projet social du patient et le projet de soin. Ces projets ne sont
pas toujours lisibles pour les proches et les familles, un temps d'explication est donc souvent
nécessaire.
Dans la rencontre avec la famille, un des objectifs du travailleur social sera de comprendre la
situation scifique de cette famille, ainsi que l'état du lien qui existe entre elle et le patient. Dans
son ressenti, l'entourage nous aide à mieux comprendre le rejet de la Cité vis-à-vis du patient mais
aussi ses réticences dans sa relation avec les autres. A l'interface du soin et du social, le travailleur
social s'attache à trouver des ponses adaptées en tenant compte de la maladie et de son
retentissement sur la gestion du quotidien. Le tiers social n'est pas «entre» famille et soignant,
comme cela est indiq dans le titre de mon intervention, mais bien « avec » la famille et les
soignants. L'assistant social peut être rassurant en resituant le temps de crise comme une étape. Il a
aussi un rôle de soutien. Accueillir la famille et les proches, c'est aussi être capable de se montrer à
l'écoute de leurs difficultés et de leurs attentes. Médiateur, l'assistant social l'est aussi surtout avec
les familles et les proches qui n'ont pas accès aux professionnels et aux associations pour diverses
raisons. Les familles ne souhaitent en général pas être tenues à l'écart de la prise en charge. Notre
travail consiste également à aller les rechercher quand cela s'avère nécessaire. Il peut également
s'agir d'informer les familles de leurs obligations. Quelquefois, la démarche peut également être de
protéger le patient d'une famille indélicate ou dangereuse.
Comment concilier alors les relations avec la famille et le secret professionnel auquel nous sommes
tenus ? Pouvons-nous parler de secret parta ? Sur le terrain, ces questions se posent en
permanence. Pour qu'un projet aboutisse, il faut qu'il soit compris et intégré par tous. Un partage de
l'information est donc nécessaire. Quelle que soit la situation, nous devons toujours avoir à l'esprit
notre pouvoir de discrétion. La meilleure façon d'éviter les malentendus est de recevoir les proches
en présence du patient. Quand il ne peut pas être présent, son accord est toujours sollicité.
En conclusion, il faut se demander si, dans la pratique, nous faisons toujours ce que nous disons.
Sommes-nous toujours assez à lcoute ? Nous avons pensé qu'il était parfois important de
formaliser ces relations par des écrits, par exemple en conventionnant les associations de familîe
dans les établissements de santé ou en éditant un livret d'accueil pour les familles. La présence des
familles et des patients dans le cadre de leur représentation par les associations dans les instances
comme le Conseil d'administration, ou comme on le fait actuellement dans des groupes de travail
qui préparent à l'accréditation par exemple, ouvre pour nous de nouvelles perspectives de
collaboration et de compréhension mutuelle. Il s'agit d'un niveau de collaboration plus collectif et
, le représentant d'association est effectivement vraiment partenaire du réseau dans lequel il opère.
Christine GARCETTE, déléguée du CLICOSS 93, centre de ressource pour les travailleurs
sociaux
J'interviens en tant que déléguée du CLÏCOSS 93 qui a pour mission de favoriser le partenariat
entre tous les intervenants du champ médico-social en Seine-Saint-Denis. Il existe huit CLICOSS
en France, qui correspondent aux anciens Comités de coordination des services sociaux publics et
privés.
Les domaines de la santé mentale et du travail social sont deux mondes qui ont du mal à se
coordonner, et ce au détriment du malade. Le service social joue un rôle essentiel d'interface entre
les soignants et les familles. J'insiste sur la nécessité d'espaces tiers de médiation où professionnels
du soin et intervenants sociaux peuvent se rencontrer. Par «intervenants sociaux », j'entends les
travailleurs sociaux, les délégués à la tutelle, les assistantes sociales des secteurs, les bénévoles
associatifs, les personnels des structures municipales, les responsables des structures
d'hébergement, etc. Par méconnaissance des symptômes et des effets possibles des traitements mais
aussi par manque de formation spécifique en santé mentale, les intervenants sociaux se sentent
démunis face à un trouble de comportement ou face à une agressivi potentielle que les cadres
institutionnels de leurs missions tolèrent de moins en moins bien. La tentation est grande de ne pas
recevoir la personne malade ou de l'orienter vers des structures spécialisées, en oubliant
l'importance de pouvoir offrir à toute personne en souffrance des lieux d'accueil et d'écoute non
stigmatisants. Pour passer ce sentiment d'isolement, je voudrais citer quelques exriences qui
ont vu le jour en Seine-Saint-Denis.
Le groupe Interface réunit tous les deux mois, sur les communes de Bondy et de Pavillon-sous-
Bois, des professionnels du champ sanitaire et social, du secteur public et du secteur privé.
Travailler en partenariat ne veut pas dire se décharger sur l'autre d'une situation difficile. Chacun
travaille autour de situations conctes à rechercher des suivis communs de proximi comme
trouver un hébergement après une hospitalisation, comment travailler ensemble sur un projet
d'insertion professionnelle en tenant compte des rechutes possibles, comment insérer les
problématiques de santé mentale dans les projets de ville, etc.
Une autre expérience concerne les RESAD, des Réunions d'Evaluation des Situations d'Adultes en
Difficulté, à Aubervilliers. A la demande du service social des secteurs, elles réunissent des
professionnels de secteurs divers. Cela permet d'apporter des éclairages complémentaires sur des
situations individuelles, d'aider à des orientations et d'envisager des alternatives telles que la
création de pensions de famille permettant un accompagnement médical et social des personnes.
Ces deux exriences ont permis de prendre conscience de besoins mais aussi de sécuriser un
personnel. Les familles sont à la fois demandeuses, bénéficiaires et parties prenantes de ces lieux de
médiation. Les professionnels leur évitent d'évoquer sans cesse des quotidiens douloureux et la
crainte de justifier des demandes d'aides en leur fournissant un fèrent qui se charge d'un
partenariat global. Cela est particulièrement difficile pour des familles en situation de précarité. Les
familles sont sollicitées par les professionnels pour les faire bénéficier de leur propre expertise de la
maladie mentale. L'UNAFAM, en particulier, participe sur le partement de Seine-Saint-Denis
aux réunions du CLICOSS 93, dont ils sont adrents. Leur psence active dans les groupes de
travail que nous organisons a permis de changer le regard sur l'aide aux aidants, sur les groupes de
paroles de parents d'enfants handicapés ou sur la question des tutelles et curatelles.
Par ces exemples, j'ai voulu montrer que le tiers social, qui n'est plus seulement un intervenant,
peut construire des modes de faire et de penser qui sont moins discriminants à l'égard des personnes
malades.
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