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La gouvernance économique mondiale
depuis 1944
Introduction :
Définir la gouvernance : le mot est ancien, il date du Moyen-âge, et désignerait le mode
d’organisation du monde féodal. Le nom est ensuite tombé en désuétude jusqu’au XXe
siècle, mais le concept s’est maintenu. Sur le plan politique d’abord, en renvoyant la
collaboration entre états, du fait des 2 guerres mondiales, pour protéger la paix
mondiale, à travers des institutions supranationales comme la SDN ou l’ONU. Sur le plan
économique, il renvoie au contexte de mondialisation, et la gouvernance repose sur
l’idée d’un abandon de prérogatives détenues jusqu’alors par l’état (droits de douane,
contrôle aux frontières, protection de secteurs économiques, législation de toute sorte,
etc) pour favoriser les échanges économiques à l’échelle internationale et atteindre des
objectifs fixés en commun. Des institutions internationales, mettant en contact tous les
acteurs économiques, sont censées servir d’interface pour établir un dialogue, fixer un
corpus de règles que chacun s’engage à respecter dans l’intérêt de tous.
2 grands moments ont joué le rôle d’accélérateur dans l’idée de gouvernance :
l’après-guerre mondiale, avec pour corollaire, la puissance américaine qui voit dans la
construction de cette gouvernance, un moyen d’imposer au monde sa vision libérale de
l’économie. Le ralliement de la plupart des autres nations s’explique par l’idée que la
crise économique des années 30 et le repli protectionniste des nations industrialisées
ont servir le terreau du nazisme et ont entraîné le monde dans la guerre.
Les années 80 et la fin de la guerre froide ont permis l’explosion du phénomène de
mondialisation. Les échanges économiques se sont ainsi considérablement développés
entre les parties du monde, rendant nécessaire un dialogue plus soutenu entre les états
pour réguler les échanges, mais aussi les excès et les blocages nés des liens entre
économies.
Chapitre qui reprend donc le fil de ces 2 périodes : 1944, années 80, la gouvernance au
temps de la guerre froide, années 80 à nos jours, une gouvernance face aux défis de la
mondialisation.
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I. La gouvernance économique mondiale pendant la guerre froide (1944/1991)
1. Les accords de Bretton Woods : cadre du nouvel ordre économique mondial
d’après-guerre
Le contexte historique : En 1944, l’économie américaine, qui a été épargnée par
les ravages de la guerre, est l’économie la plus puissante du monde.
Les Etats-Unis se sont enrichis en vendant des armes aux autres Alliés et en leur
prêtant des fonds. Ils détiennent deux tiers des réserves mondiales d’or.
Bretton Woods se présente donc comme la manifestation à imposer un ordre
économique libéral, au service et à l’image du modèle économique US.
Dans quel état d'esprit sont-ils, ce 1er juillet 1944, les 735 délégués des 44
gouvernements invités par le président américain Franklin D. Roosevelt ? Sont-ils
en phase avec les idées qui guident la démarche américaine ? A vrai dire, aucun
d'eux ne peut dire s'ils parviendront à se quitter rapidement sur un accord. Ils
savent, en revanche, que ce qui les unit est plus fort que ce qui les divise. Tous
souhaitent éviter les erreurs commises dans les années 1920 et 1930. Tous sont
ainsi convaincus que les changes flottants et les multiples dévaluations
monétaires qui ont marqué cette période, ont contribué à précipiter le monde
dans la crise économique puis dans la guerre. Et tous gardent en tête, comme un
contre-modèle, la piteuse conférence de Londres de 1933, lors de laquelle les
grandes puissances ont été incapables de s'entendre pour restaurer la stabilité
monétaire ébranlée par la première guerre mondiale.
Les deux architectes de cet accord étaient Harry Dexter White, sous-secrétaire
américain au Trésor et John Maynard Keynes, qui, malgré des problèmes
cardiaques l'obligeant parfois à quitter le devant de la scène (il mourra vingt mois
plus tard à l'âge de 62 ans), mène avec virtuosité les pourparlers au nom des
Britanniques. White et Keynes se connaissent très bien. Voilà déjà deux ans qu'ils
réfléchissent ensemble à l'avenir du système monétaire international. Anglais et
Américains, certes, ne sont pas d'accord sur tout, notamment sur le projet de
Keynes de créer une monnaie internationale, le "bancor", convertible dans les
différentes monnaies nationales... Mais ils ont mis de côté la plupart de leurs
divergences lors d'un sommet restreint organisé à Atlantic City, dans le New
Jersey, quelques jours avant de faire route pour le New Hampshire (Bretton
Woods étant une petite station de ski site à 200Km au Nord de Boston). De
sorte qu'ils arrivent en position de force à Bretton Woods, où les accords signés le
22 juillet correspondent dans les grandes lignes à leurs projets. Ceux-ci sont au
nombre de trois.
Le premier concerne l'obligation pour chaque Etat de définir la valeur de sa
monnaie par rapport à l'or ou au dollar (Gold Exchange Standard), seule la
monnaie américaine étant désormais convertible en or (une once d'or fin
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correspondant à 35 dollars). Une sorte de retour au vieux système de l'étalon-or,
à cela près que le dollar a dorénavant détrôné la livre-sterling comme monnaie
de référence. Hantés par le souvenir des changes flottants des années 1930, les
négociateurs instaurent ainsi un régime de parités quasi fixes entre les monnaies,
l'écart entre leur valeur "plancher" et leur valeur "plafond" ne pouvant dépasser
2 %.
Sans la création d'institutions durables, cependant, les délégués présents à
Bretton Woods savent que ces principes ne peuvent être garantis à long terme.
Deux organismes sont donc créés. L'un, le FMI, doit permettre aux pays à cours
de devises de s'en procurer. Autrement dit, leur donner la possibilité, en cas de
déficit momentané de leur balance des paiements, d'obtenir une sorte de crédit
afin d'éviter le recours aux dévaluations. De son côté, la BIRD, plus connue sous le
nom de Banque mondiale, a pour but de favoriser le développement
économique en accordant aux Etats des prêts à long terme et à faible taux afin de
financer des projets précis.
Plus encore que leurs objectifs, ce sont les modalités de fonctionnement du FMI et
de la BIRD qui font l'objet, à Bretton Woods, des discussions les plus serrées.
Chaque pays, en effet, se préoccupe avant tout de fixer sa "quote-part",
autrement dit la somme qu'il doit fournir aux deux institutions, laquelle
détermine en retour le montant de l'aide qu'il peut réclamer. Un enjeu politique
autant qu'économique. Pierre Mendès France, par exemple, négociera d'arrache-
pied pour que la quote-part française soit la plus élevée possible. La souveraineté
nationale est à ce prix au moment le général de Gaulle lutte pour le maintien
du franc.
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2. Le paradoxe « Bretton Woods » : L’échec du système, le maintient des
institutions.
Les trente Glorieuses permettent de valider dans un premier temps les
réformes mises en place à Bretton Woods
Graphique ci-dessus montre l’évolution du PIB français de 1950 à 2010. La
période des Trente Glorieuses est la plus faste avec une croissance tournant
autour de 5 à 6% annuel. Un des éléments qui explique cette croissance est
l’essor de la consommation, favorisé par la hausse du pouvoir d’achat
(augmentation salaire réel, accès au crédit >
http://www.culturepub.fr/videos/renault-4-cv-ma-4-cv) mais aussi par la plus
grande intégration de la France dans le commerce international
(exportations = facteur de croissance / marché international = concurrence
accrue et baisse des prix à l’intérieur du marché national).
Le GATT est l’illustration de cette réussite e de Bretton Woods : signé en 1947
par 23 pays emmenés par les USA, il fixe le cadre du commerce international en
limitant les droits de douane et en supprimant les restrictions quantitatives et
qualitatives sur les produits échangés. Des règles très concrètes sont ainsi mises
en place qui permettent une régulation positive du commerce international
(clause de la nation la plus favorisée = tout avantage accordé à un pays doit être
étendu à tous les membres du GATT / Une fiscalité identique pour les entreprises
et produits étrangers et nationales, etc.). La mise en place de ces règles se fait à la
suite de cycles de gociations, appelés rounds, qui engagent un nombre de pays
signataires de plus en plus important. L’Uruguay round
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(1986/1994) a ainsi
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Il a duré sept ans et demi, presque deux fois plus que ce qui avait été prévu. Lors de la phase finale, 123 pays
y ont participé. Les négociations portaient sur presque tous les domaines d’échanges, des brosses à dents aux
bateaux de plaisance, des activités bancaires aux télécommunications, des gènes du riz sauvage aux
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donné naissance à l’OMC (nouveau nom du GATT), marquant
l’approfondissement du GATT en direction des pays en voie de développement,
même si, dans le même temps, les blocages se multiplient entre pays membres,
signe que les temps à venir ne seront pas si simples surtout en période de crise.
Dans les années 60, les dollars s’accumulent (les transactions commerciales
mondiales étant payées dans cette monnaie) alors qu’une perte de confiance
grandit en parallèle (l’économie US souffre : baisse de la consommation
intérieure, endettement accru de l’Etat provoqué par la guerre du Vietnam) et
pousse les détenteurs à exiger la conversion en or. Ainsi les réserves d’or des
Etats-Unis diminuent progressivement. Le 15 août 1971, face à l’accélération
de la diminution du stock d’or de la serve Fédérale américaine, le
Président Nixon prend la décision de dénoncer la convertibilité-or du
dollar, ce qui marque de facto la fin du système de Bretton Woods. Dès fin 1971,
le dollar est dévalué une première fois, et il le sera de nouveau en 1973 (l’objectif
étant de doper les exportations pour surmonter la concurrence venue
principalement d’Asie). Les Banques Centrales des principaux pays européens
décident alors de ne plus soutenir le cours du dollar et le système monétaire
international bascule dans un régime de changes flottants. Ce que finissent par
reconnaître officiellement les accords de la Jamaïque, en 1976.
Si le retour aux changes flottants scelle, dès le début des années 1970, l'échec
du système de Bretton Woods, l'esprit de Bretton Woods, lui, survit. D’une part, à
travers ses institutions, FMI et Banque Mondiale, ensuite à travers l’idéal qu’il
cherche à construire : celui d’un monde pacifié, des nations qui dépassent leurs
oppositions, pour peu qu’elles acceptent de coopérer, un monde qui s’enrichit en
permettant aux plus pauvres de bénéficier du développement dès lors qu’ils
intègrent le cadre idéologique des mondes développés : capitaliste et libéral. Une
forme de confiance résumée par Keynes dans le discours de clôture qu'il
prononça le 22 juillet 1944 : "Si nous continuons notre tâche, le cauchemar se
terminera et la fraternité sera davantage qu'un mot."
traitements du sida. C’était tout simplement la plus vaste négociation commerciale de tous les temps et, très
probablement, la plus vaste négociation de l’histoire, tous genres confondus.
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