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I. La gouvernance économique mondiale pendant la guerre froide (1944/1991)
1. Les accords de Bretton Woods : cadre du nouvel ordre économique mondial
d’après-guerre
Le contexte historique : En 1944, l’économie américaine, qui a été épargnée par
les ravages de la guerre, est l’économie la plus puissante du monde.
Les Etats-Unis se sont enrichis en vendant des armes aux autres Alliés et en leur
prêtant des fonds. Ils détiennent deux tiers des réserves mondiales d’or.
Bretton Woods se présente donc comme la manifestation à imposer un ordre
économique libéral, au service et à l’image du modèle économique US.
Dans quel état d'esprit sont-ils, ce 1er juillet 1944, les 735 délégués des 44
gouvernements invités par le président américain Franklin D. Roosevelt ? Sont-ils
en phase avec les idées qui guident la démarche américaine ? A vrai dire, aucun
d'eux ne peut dire s'ils parviendront à se quitter rapidement sur un accord. Ils
savent, en revanche, que ce qui les unit est plus fort que ce qui les divise. Tous
souhaitent éviter les erreurs commises dans les années 1920 et 1930. Tous sont
ainsi convaincus que les changes flottants et les multiples dévaluations
monétaires qui ont marqué cette période, ont contribué à précipiter le monde
dans la crise économique puis dans la guerre. Et tous gardent en tête, comme un
contre-modèle, la piteuse conférence de Londres de 1933, lors de laquelle les
grandes puissances ont été incapables de s'entendre pour restaurer la stabilité
monétaire ébranlée par la première guerre mondiale.
Les deux architectes de cet accord étaient Harry Dexter White, sous-secrétaire
américain au Trésor et John Maynard Keynes, qui, malgré des problèmes
cardiaques l'obligeant parfois à quitter le devant de la scène (il mourra vingt mois
plus tard à l'âge de 62 ans), mène avec virtuosité les pourparlers au nom des
Britanniques. White et Keynes se connaissent très bien. Voilà déjà deux ans qu'ils
réfléchissent ensemble à l'avenir du système monétaire international. Anglais et
Américains, certes, ne sont pas d'accord sur tout, notamment sur le projet de
Keynes de créer une monnaie internationale, le "bancor", convertible dans les
différentes monnaies nationales... Mais ils ont mis de côté la plupart de leurs
divergences lors d'un sommet restreint organisé à Atlantic City, dans le New
Jersey, quelques jours avant de faire route pour le New Hampshire (Bretton
Woods étant une petite station de ski située à 200Km au Nord de Boston). De
sorte qu'ils arrivent en position de force à Bretton Woods, où les accords signés le
22 juillet correspondent dans les grandes lignes à leurs projets. Ceux-ci sont au
nombre de trois.
Le premier concerne l'obligation pour chaque Etat de définir la valeur de sa
monnaie par rapport à l'or ou au dollar (Gold Exchange Standard), seule la
monnaie américaine étant désormais convertible en or (une once d'or fin