La gouvernance économique mondiale depuis 1944 Introduction : Définir la gouvernance : le mot est ancien, il date du Moyen-âge, et désignerait le mode d’organisation du monde féodal. Le nom est ensuite tombé en désuétude jusqu’au XXe siècle, mais le concept s’est maintenu. Sur le plan politique d’abord, en renvoyant la collaboration entre états, du fait des 2 guerres mondiales, pour protéger la paix mondiale, à travers des institutions supranationales comme la SDN ou l’ONU. Sur le plan économique, il renvoie au contexte de mondialisation, et la gouvernance repose sur l’idée d’un abandon de prérogatives détenues jusqu’alors par l’état (droits de douane, contrôle aux frontières, protection de secteurs économiques, législation de toute sorte, etc) pour favoriser les échanges économiques à l’échelle internationale et atteindre des objectifs fixés en commun. Des institutions internationales, mettant en contact tous les acteurs économiques, sont censées servir d’interface pour établir un dialogue, fixer un corpus de règles que chacun s’engage à respecter dans l’intérêt de tous. 2 grands moments ont joué le rôle d’accélérateur dans l’idée de gouvernance : l’après-guerre mondiale, avec pour corollaire, la puissance américaine qui voit dans la construction de cette gouvernance, un moyen d’imposer au monde sa vision libérale de l’économie. Le ralliement de la plupart des autres nations s’explique par l’idée que la crise économique des années 30 et le repli protectionniste des nations industrialisées ont servir le terreau du nazisme et ont entraîné le monde dans la guerre. Les années 80 et la fin de la guerre froide ont permis l’explosion du phénomène de mondialisation. Les échanges économiques se sont ainsi considérablement développés entre les parties du monde, rendant nécessaire un dialogue plus soutenu entre les états pour réguler les échanges, mais aussi les excès et les blocages nés des liens entre économies. Chapitre qui reprend donc le fil de ces 2 périodes : 1944, années 80, la gouvernance au temps de la guerre froide, années 80 à nos jours, une gouvernance face aux défis de la mondialisation. 1 I. La gouvernance économique mondiale pendant la guerre froide (1944/1991) 1. Les accords de Bretton Woods : cadre du nouvel ordre économique mondial d’après-guerre Le contexte historique : En 1944, l’économie américaine, qui a été épargnée par les ravages de la guerre, est l’économie la plus puissante du monde. Les Etats-Unis se sont enrichis en vendant des armes aux autres Alliés et en leur prêtant des fonds. Ils détiennent deux tiers des réserves mondiales d’or. Bretton Woods se présente donc comme la manifestation à imposer un ordre économique libéral, au service et à l’image du modèle économique US. Dans quel état d'esprit sont-ils, ce 1er juillet 1944, les 735 délégués des 44 gouvernements invités par le président américain Franklin D. Roosevelt ? Sont-ils en phase avec les idées qui guident la démarche américaine ? A vrai dire, aucun d'eux ne peut dire s'ils parviendront à se quitter rapidement sur un accord. Ils savent, en revanche, que ce qui les unit est plus fort que ce qui les divise. Tous souhaitent éviter les erreurs commises dans les années 1920 et 1930. Tous sont ainsi convaincus que les changes flottants et les multiples dévaluations monétaires qui ont marqué cette période, ont contribué à précipiter le monde dans la crise économique puis dans la guerre. Et tous gardent en tête, comme un contre-modèle, la piteuse conférence de Londres de 1933, lors de laquelle les grandes puissances ont été incapables de s'entendre pour restaurer la stabilité monétaire ébranlée par la première guerre mondiale. Les deux architectes de cet accord étaient Harry Dexter White, sous-secrétaire américain au Trésor et John Maynard Keynes, qui, malgré des problèmes cardiaques l'obligeant parfois à quitter le devant de la scène (il mourra vingt mois plus tard à l'âge de 62 ans), mène avec virtuosité les pourparlers au nom des Britanniques. White et Keynes se connaissent très bien. Voilà déjà deux ans qu'ils réfléchissent ensemble à l'avenir du système monétaire international. Anglais et Américains, certes, ne sont pas d'accord sur tout, notamment sur le projet de Keynes de créer une monnaie internationale, le "bancor", convertible dans les différentes monnaies nationales... Mais ils ont mis de côté la plupart de leurs divergences lors d'un sommet restreint organisé à Atlantic City, dans le New Jersey, quelques jours avant de faire route pour le New Hampshire (Bretton Woods étant une petite station de ski située à 200Km au Nord de Boston). De sorte qu'ils arrivent en position de force à Bretton Woods, où les accords signés le 22 juillet correspondent dans les grandes lignes à leurs projets. Ceux-ci sont au nombre de trois. Le premier concerne l'obligation pour chaque Etat de définir la valeur de sa monnaie par rapport à l'or ou au dollar (Gold Exchange Standard), seule la monnaie américaine étant désormais convertible en or (une once d'or fin 2 correspondant à 35 dollars). Une sorte de retour au vieux système de l'étalon-or, à cela près que le dollar a dorénavant détrôné la livre-sterling comme monnaie de référence. Hantés par le souvenir des changes flottants des années 1930, les négociateurs instaurent ainsi un régime de parités quasi fixes entre les monnaies, l'écart entre leur valeur "plancher" et leur valeur "plafond" ne pouvant dépasser 2 %. Sans la création d'institutions durables, cependant, les délégués présents à Bretton Woods savent que ces principes ne peuvent être garantis à long terme. Deux organismes sont donc créés. L'un, le FMI, doit permettre aux pays à cours de devises de s'en procurer. Autrement dit, leur donner la possibilité, en cas de déficit momentané de leur balance des paiements, d'obtenir une sorte de crédit afin d'éviter le recours aux dévaluations. De son côté, la BIRD, plus connue sous le nom de Banque mondiale, a pour but de favoriser le développement économique en accordant aux Etats des prêts à long terme et à faible taux afin de financer des projets précis. Plus encore que leurs objectifs, ce sont les modalités de fonctionnement du FMI et de la BIRD qui font l'objet, à Bretton Woods, des discussions les plus serrées. Chaque pays, en effet, se préoccupe avant tout de fixer sa "quote-part", autrement dit la somme qu'il doit fournir aux deux institutions, laquelle détermine en retour le montant de l'aide qu'il peut réclamer. Un enjeu politique autant qu'économique. Pierre Mendès France, par exemple, négociera d'arrachepied pour que la quote-part française soit la plus élevée possible. La souveraineté nationale est à ce prix au moment où le général de Gaulle lutte pour le maintien du franc. 3 2. Le paradoxe « Bretton Woods » : L’échec du système, le maintient des institutions. Les trente Glorieuses permettent de valider dans un premier temps les réformes mises en place à Bretton Woods Graphique ci-dessus montre l’évolution du PIB français de 1950 à 2010. La période des Trente Glorieuses est la plus faste avec une croissance tournant autour de 5 à 6% annuel. Un des éléments qui explique cette croissance est l’essor de la consommation, favorisé par la hausse du pouvoir d’achat (augmentation salaire réel, accès au crédit > http://www.culturepub.fr/videos/renault-4-cv-ma-4-cv) mais aussi par la plus grande intégration de la France dans le commerce international (exportations = facteur de croissance / marché international = concurrence accrue et baisse des prix à l’intérieur du marché national). Le GATT est l’illustration de cette réussite née de Bretton Woods : signé en 1947 par 23 pays emmenés par les USA, il fixe le cadre du commerce international en limitant les droits de douane et en supprimant les restrictions quantitatives et qualitatives sur les produits échangés. Des règles très concrètes sont ainsi mises en place qui permettent une régulation positive du commerce international (clause de la nation la plus favorisée = tout avantage accordé à un pays doit être étendu à tous les membres du GATT / Une fiscalité identique pour les entreprises et produits étrangers et nationales, etc.). La mise en place de ces règles se fait à la suite de cycles de négociations, appelés rounds, qui engagent un nombre de pays signataires de plus en plus important. L’Uruguay round1 (1986/1994) a ainsi 1 Il a duré sept ans et demi, presque deux fois plus que ce qui avait été prévu. Lors de la phase finale, 123 pays y ont participé. Les négociations portaient sur presque tous les domaines d’échanges, des brosses à dents aux bateaux de plaisance, des activités bancaires aux télécommunications, des gènes du riz sauvage aux 4 donné naissance à l’OMC (nouveau nom du GATT), marquant l’approfondissement du GATT en direction des pays en voie de développement, même si, dans le même temps, les blocages se multiplient entre pays membres, signe que les temps à venir ne seront pas si simples surtout en période de crise. Dans les années 60, les dollars s’accumulent (les transactions commerciales mondiales étant payées dans cette monnaie) alors qu’une perte de confiance grandit en parallèle (l’économie US souffre : baisse de la consommation intérieure, endettement accru de l’Etat provoqué par la guerre du Vietnam) et pousse les détenteurs à exiger la conversion en or. Ainsi les réserves d’or des Etats-Unis diminuent progressivement. Le 15 août 1971, face à l’accélération de la diminution du stock d’or de la Réserve Fédérale américaine, le Président Nixon prend la décision de dénoncer la convertibilité-or du dollar, ce qui marque de facto la fin du système de Bretton Woods. Dès fin 1971, le dollar est dévalué une première fois, et il le sera de nouveau en 1973 (l’objectif étant de doper les exportations pour surmonter la concurrence venue principalement d’Asie). Les Banques Centrales des principaux pays européens décident alors de ne plus soutenir le cours du dollar et le système monétaire international bascule dans un régime de changes flottants. Ce que finissent par reconnaître officiellement les accords de la Jamaïque, en 1976. Si le retour aux changes flottants scelle, dès le début des années 1970, l'échec du système de Bretton Woods, l'esprit de Bretton Woods, lui, survit. D’une part, à travers ses institutions, FMI et Banque Mondiale, ensuite à travers l’idéal qu’il cherche à construire : celui d’un monde pacifié, des nations qui dépassent leurs oppositions, pour peu qu’elles acceptent de coopérer, un monde qui s’enrichit en permettant aux plus pauvres de bénéficier du développement dès lors qu’ils intègrent le cadre idéologique des mondes développés : capitaliste et libéral. Une forme de confiance résumée par Keynes dans le discours de clôture qu'il prononça le 22 juillet 1944 : "Si nous continuons notre tâche, le cauchemar se terminera et la fraternité sera davantage qu'un mot." traitements du sida. C’était tout simplement la plus vaste négociation commerciale de tous les temps et, très probablement, la plus vaste négociation de l’histoire, tous genres confondus. 5 Focus : Des transcriptions inédites de Bretton Woods retrouvées par hasard (décembre 2012) « Les textes ont été découverts par hasard dans un ministère américain. Tombées dans l'oubli, des transcriptions inédites de la conférence de Bretton Woods lèvent totalement le voile sur la difficile naissance en 1944, du FMI et de la Banque mondiale, piliers de l'architecture économique et financière mondiale de l'après-guerre. "J'étais venu chercher un ouvrage dans la bibliothèque du Trésor et j'ai vu qu'il y avait un rayon 'documents non-référencés'. J'ai simplement voulu savoir ce qu'il y avait dedans", explique Kurt Schuler, un économiste du ministère. Ce passionné d'histoire met alors la main sur de volumineux tomes noirs datés du 1er au 22 juillet 1944 et renvoyant à la "Conférence monétaire et financière des Nations unies", plus connue sous le nom de Bretton Woods, ville du New Hampshire (nord-est des Etats-Unis) qui accueillait le sommet. M. Schuler découvre les échanges, parfois tendus, entre délégués de 44 nations venus poser les fondations du système financier international à l'initiative de la Grande-Bretagne et de son représentant, l'économiste John Maynard Keynes. Principal enseignement de ces archives déterrées : les débats les plus vifs à l'époque ne sont pas très éloignés de ceux qui animent aujourd'hui le FMI. Contestant une proposition américaine, plusieurs pays s'opposent alors aux "quote-parts" qui leur sont attribuées et qui détermineront leurs droits de vote au sein de l'institution. "En dépit du discours très éloquent et émouvant du délégué des Etats-Unis, [...] je tiens à dire que les quotes-parts proposées pour mon pays sont inacceptables", s'écrie le représentant iranien. Le délégué chinois campe sur la même ligne, mais tient à dire qu'il "hésite grandement à exprimer une note de discorde à cette conférence". Même les grandes puissances donnent de la voix. "C'est avec grande déception que nous avons noté que les quotes-parts que vous avez établies ne répondent pas à nos attentes", soutient Pierre Mendès France au nom du "Gouvernement provisoire de la République française". Selon lui, la France ne se voit pas reconnaître l'influence qu'elle "va probablement" exercer après la guerre. "Ce document est d'une grande valeur historique", commente de son côté Eric Rauchway, historien à l'université UC Davis en Californie (ouest). "Nous savions déjà [...] que des discussions avaient eu lieu dans les chambres d'hôtels, les couloirs et les bars, mais on voit ici que les négociations ont également éclaté en pleine session", dit-il. A Bretton Woods comme aujourd'hui, les pays émergents cherchent également à se faire une place de choix au sein du conseil d'administration du FMI, le principal organe de décision. "Nous pensons que les pays du Moyen-Orient devraient obtenir un siège en tant qu'entité économique unique. Il va sans dire que les petits pays ont besoin d'être bien représentés", assure le représentant de l'Egypte. Son vœu ne sera toutefois pas exaucé. » 6 3. Les années 70 et 80 : l’impossible « Consensus » de Washington ou l’échec de Bretton Woods dans la construction d’un monde néo libéral. Le Consensus de Washington est un ensemble de directives de politique économique mises au point lors d'une obscure réunion tenue en 1979 et appliqué aveuglément pendant toutes les années 80, menant l'Argentine à la banqueroute et bien d'autres pays à la misère. Ce fameux " Consensus " a été rédigé par un groupe d'économistes américains, des fonctionnaires du Gouvernement des Etats-Unis, de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International. Un consensus très limité qui n'a jamais fait l'objet d'aucun débat général et n'a été soumis à aucun vote, ni même été ratifié formellement par les pays auxquels il a été imposé. Le "Consensus" augurait qu'avec son application la croissance économique augmenterait, la pauvreté diminuerait et que l'emploi croîtrait. C'est tout le contraire qui s'est passé. Principes du Consensus de Washington : le " Consensus " a ordonné une discipline budgétaire dirigé par une passion pour l'élimination du déficit et une application rigoureuse des doctrines néolibérales. Il repose sur 7 piliers parmi lesquels: la discipline fiscale, libéralisation commerciale (Suppression des protections douanières, ce qui a pour résultat l'éradication de l'industrie nationale naissante, ou peu adaptée au marché, au profit de l'investissement étranger (transnationales). A partir de là, dépendance aux produits importés (fin de l'autosuffisance) et aux devises internationales ($ principalement) puisque les importations se payent en devises...), privatisation de l'ensemble des entreprises (Pertes d'emplois énormes, perte du contrôle de l'Etat sur les prix des services de bases comme l'eau, l'électricité, la téléphonie,... (exemple avec la guerre de l'eau en Bolivie). Résultats du Consensus de Washington : L'Amérique Latine, principale victime de ce " Consensus ", est un clair exemple du désastre qu'il a entraîné. En 1980, il y avait 120 millions de pauvres; en 1999, 220 millions. 45 % de la population ; et les 20 % les plus riches sont près de 19 fois plus riches que les 20 % les plus pauvres, alors que, à l'échelle mondiale, les riches sont, en moyenne, 7 fois plus riches, "seulement" (...). Après une décennie d'application théologique aveugle des directives du Consensus de Washington, l'Amérique Latine est au bord du précipice. La dette est passée de 492 milliards de dollars en 1991 à 787 milliards en 2001. Chemins de fer, télécommunications, lignes aériennes, services d'eau potable et d'énergie ont été pratiquement liquidés et livrés à des macro-entreprises américaines et européennes. Les dépenses publiques en éducation, santé, logement et aides sociales ont été réduites ; les mesures de contrôle des prix ont été abolies, les salaires gelés et des millions de travailleurs ont été licenciés par 7 les nouveaux propriétaires des entreprises publiques privatisées. Des importations massives (avec baisse des tarifs douaniers, évidemment) afin d'alimenter la surconsommation des classes élevées et moyennes ont provoqué la disparition de presque toutes les entreprises nationales (exemple frappant en Argentine). Et le chômage a augmenté. Selon l'OIT (Organisation Internationale du Travail), 84 % des emplois qui avaient été créés à l'âge d'or de l'application du " Consensus " étaient des emplois précaires assortis de bas salaires. Le " Consensus de Washington " a été un échec retentissant, et James Wolfensohn, président de la BM, avait proclamé en novembre 2002, dans une réunion en Amérique Latine, préparatoire du Forum Économique Mondial de Davos : " Le Consensus de Washington est mort ". La force des faits. II. Mondialisation et Gouvernance mondiale depuis la fin de la guerre froide 1. L’essor de l’économie mondiale La mondialisation s’accélère à la fin de la guerre froide : exportations mondiales x4 entre la fin des années 70 et le milieu des années 80, x 7 de 1985 jusqu’à aujourd’hui. Le domaine des transports progresse, aussi bien sur le plan matériel (conteneurs) que sur le plan immatériel (finances et informations avec la révolution internet depuis le début des années 2000) et accompagne le processus de mondialisation. La mondialisation concerne toujours les anciens pôles de l’économie mondiale, mais s’ouvre de plus en plus à de nouveaux territoires : pays émergents, le long de leurs façades maritimes, développement de vastes métropoles. Les villes mondiales, traditionnellement 3 (New-York, Londres, Tokyo) sont de plus en plus nombreuses. On en compte actuellement une trentaine, avec une surreprésentation des métropoles asiatiques. Le monde devient progressivement multipolaire (BRICS). Cet essor entraîne une modification majeure en termes de gouvernance mondiale. L’ancien système hérité de Bretton Woods ne correspond plus au nouveau visage de l’économie mondialisée. Le G7 (1976) devient le G8 avec l’entrée de la Russie (1998), davantage pour des raisons géopolitiques qu’économiques par ailleurs (l’éco russe est en pleine reconversion après la fin de l’URSS et connait des difficultés profondes, mais impossible d’ignorer une puissance nucléaire qui possède pratiquement 50% du stock d’ogives mondial avec un siège au sein du conseil de sécurité de l’ONU). 8 Le G8 cohabite maintenant avec le G20, inauguré à Berlin en 1999. À l’origine Forum de consultation entre pays industrialisés et pays émergents, il prend de l’importance en 2008 dans le contexte de la crise financière. Au sommet de Pittsburgh, il est ainsi présenté comme l’évolution à venir pour la coopération économique internationale. Les pays du G20 pèsent pour 90% du PIB mondial et les 2/3 de la pop mondiale (G8 + Af. du Sud, Brésil, Inde, Chine, Mexique, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Corée du sud, Indonésie, Turquie, U.E). 2. Une gouvernance paralysée par de multiples blocages Premier blocage : institutionnel. Les institutions de la gouvernance restent ceux de la période précédente. Malgré les avancées avec les « G », les principes de cette gouvernance sont assurés par tout un ensemble d’institutions mal équilibrés (certaines « fortes », d’autres « faibles » sur le plan juridique et/ou financier). Deuxième blocage : l’efficacité dans les interventions des institutions. Problème de leur segmentation dans la gestion des dossiers : chaque institution étant appelée à gérer un domaine précis, alors que les enjeux actuels demandent une intervention transversale. Exemple de l’environnement : pris en charge par le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), mais quid des réfugiés climatiques appelés à être de plus en plus nombreux ? Quid des effets économiques du réchauffement climatique ? Quid des effets sur la santé des populations ? Problème d’un manque de communication, d’organisation. Pas de solution globale à un problème global. 9 Troisième blocage : la légitimité. Problème dans la non-représentation de certaines parties du monde, appelées à occuper une place de plus en plus importante dans l’avenir (Afrique = 2 milliards d’habitants attendus pour 2050, ¼ de l’humanité, alors que 4 états européens + U.E occupent 5 places dans le G20 pour « seulement » 500 millions d’hab. – vraisemblablement moins en 2050-). 3. L’inefficacité dans la gestion des crises La multiplication des crises économiques à l’échelle mondiale ces dernières années remettent en cause le système de la gouvernance pour 2 raisons : incapacité à les gérer, mais aussi une prolifération qui s’expliquent par l’organisation du système lui-même. L’incapacité à gérer les crises: le cycle de Doha révèle le poids des états qui privilégient l’option nationale au détriment de la solidarité internationale. Retour de pratiques protectionnistes. Une étude américaine montre ainsi que les 3 principaux indicateurs économiques (prod. Industrielle, cours de la bourse, volume des échanges commerciaux) ont plongé entre 2008 et 2011 plus vite qu’en 1929/1930. Les échanges commerciaux ont été divisés par 2 (-1/3 au Brésil, en Chine, -25% en France, -23% aux USA). Depuis, la situation s’est plus ou moins stabilisée mais la reprise reste modeste. Stratégie protectionniste pour protéger les entreprises nationales, protéger des secteurs de la concurrence internationale. Les rencontres du G20 n’y changent rien, bien au contraire, elles bloquent sur les crispations des états à vouloir les abandonner. Entre 2008 et 2009, on dénombre 425 initiatives dans ce sens dont 172 relèvent de membres du G20. 18 pays dans le monde sont les plus actifs en matière protectionniste, 12 intègrent le G20 (politique de préférence nationale, relèvement des frais de douane, plan de relance nationale). Prolifération des crises par le système : connexion entre places financières mondiales qui explique la contamination des crises d’un pays à l’autre. L’exemple le plus flagrant étant celui des subprimes en 2008. Prêts immobiliers « pourris » à destination des populations américaines les plus fragiles avec des taux variables. Retournement de conjecture qui a entraîné un relèvement des taux, par voie de conséquence, un surendettement des ménages. Les banques qui avaient financé ces prêts se sont retrouvées elles-mêmes à court de liquidité. Contamination car ces produits financiers étaient diffusés à l’échelle de la planète. Mise en danger des banques européennes et asiatiques. Une inefficacité qui entraîne une réaction de la part de la société civile : mouvement des indignés, altermondialisme. Les voix s’élèvent de plus en plus pour critiquer l’opacité du système et ses dérives. Forum à Porto Alegre en 10 2001 : « un autre monde est possible » en débattant de toutes sortes de thèmes, l’agriculture en priorité. Aujourd’hui, le débat s’étend à tous les domaines avec un mot d’ordre en commun : la gestion de la mondialisation doit être plus transparente et démocratique. 4. La construction envisageable ? d’un ordre économique mondial est-il finalement 3 positions à considérer : La position utopiste : Ex : Jérémy Rifkin, La troisième révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l'énergie, l'économie et le monde, 2012. Il décrit la mise en place progressive d’un système coopératif entre tous les acteurs, relations de pouvoirs horizontales, libre adhésion à une communauté mondialisée s’autorégulant, gouvernance par le bas, forme de démocratie participative. Point de départ : le monde est en train d’entrer dans une nouvelle ère industrielle. La 3e Rév. indus qu’on nous promet depuis une vingtaine d’années semble sur le point d’émerger. Bonne nouvelle : l’UE est pour l’instant la partie du monde la mieux engagée dans ce processus. R. rappelle d’abord que tout système technique à l’origine des précédentes Rév indus a reposé sur le binôme réseaux d’information et de com et nouvelle source d’énergie. La 3e Rév indus ne devrait pas faire exception avec la mise en réseau numérique du monde couplée au développement des énergies renouvelables (qui devraient permettre de résoudre les problèmes énergétiques de la planète tout en créant des millions d’emplois). Ces nouvelles méthodes de production énergétiques fonctionneront de façon décentralisée. Chaque bâtiment devenant autonome d’un point de vue énergétique et revendant ses surplus à ceux qui en ont besoin par le biais d’un réseau Quel rapport avec « la gouvernance » ? : Dans sa 2e partie, Rifkin explique comment la mise en place de ce nouveau modèle économique devrait se répercuter sur le fonctionnement des sociétés humaines à l’échelle planétaire. L’avènement de l’ère des petits producteurs changeant leurs excédents dans des communautés info-énergétiques signifie la fin des compagnies centralisées géantes. Autrement dit la démocratisation de l’énergie devrait permettre un changement radical dans notre perception du capitalisme : Rifkin parle de « capitalisme distribué » et dans notre perception du pouvoir à toutes les échelles : Rifkin parle alors de « pouvoir latéral » et « d’économie coopérative » dont il voit déjà les 1ers signes : communauté linux, projet wikipédia (déjà 30 fois plus volumineuse que l’Encyclopedia britannica), réseaux de sociabilité (facebook, myspace), entrepreneuriat social en ligne (entreprises hybrides à mi-chemin entre lucratif et non-lucratif), … 11 Qu’est ce que la « gouvernance par le bas » ? : Cette analyse prospective de Rifkin a au moins un mérite : proposer une vision renouvelée de ce que pourrait devenir la gouvernance mondiale à partir d’indices tendanciels actuels. Celle-ci est une alternative à l’apparente contradiction entre l’exercice d’un pouvoir « local » perçu comme démocratique car issu des peuples et d’un pouvoir global pensé comme beaucoup plus diffus et illégitime. Le concept novateur de « pouvoir latéral » propose une vision du monde dans laquelle à tous les niveaux de pouvoir les notions de coopération, de réseau permettent de dessiner une sorte de démocratie directe à l’échelle mondiale, une conscience civique planétaire. La position pessimiste : position de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001. Ancien conseiller du président Clinton. Il obtient son prix Nobel sur ses travaux portant sur la théorie de l’information asymétrique, qui concerne en grande partie l’idée de gouvernance éco mondiale. Il développe ainsi l’idée que le fonctionnement des marchés financiers est non réglementé et ne fonctionne pas aussi bien que le suppose l’organisation économique générale. Et, par voie de conséquence, l’intervention de l’état peut se justifier. Il ne condamne pas l’idée de gouvernance éco mondiale en tant que telle, il considère simplement qu’elle doit s’appuyer sur des institutions plus efficaces, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, et sur des états aux prétentions moins hégémoniques et égoïstes. Les obstacles à lever sont impossibles actuellement (Etats-Unis soucieux de protéger leur agriculture et accordent des subventions rendant impossible toute concurrence par les marchés émergents ; la Chine qui refuse d’appliquer des principes internationaux en matière de protection de l’environnement, par exemple celui de pollueur-payeur, un regard global qui pèse sur des problèmes complexes aux échelles multiples: déforestation en Amazonie = pb pour l’humanité, donc lutte contre la déforestation et pression sur le Brésil, mais pratique d’abord locale qui est le fait de paysans pauvres que l’on n’intègre pas dans les discussions, etc.) Position médiane : une gouvernance est possible avec un modèle qui semble s’imposer, celui de l’U.E : La construction européenne peut être considérée comme une sorte de laboratoire de la gouvernance : Elle repose sur l’identification d’intérêts communs supérieurs : volonté de préserver la paix par la création d’interdépendances fortes de nature d’abord économiques. Des premiers pactes fondateurs des années 50 au traité de Lisbonne, tout un corpus de texte lie les états engagés les uns aux autres sur la base d’obligations égales et réciproques. Des règles qui favorisent la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. Des mécanismes indépendants de contrôle : commission européenne, cours de justice européenne, cours européenne des droits de l’Homme…des possibilités de recours. 12 La construction européenne se veut au-delà de la géopolitique : en dépassant les vieilles rivalités de frontière, en faisant de chaque état membre un « partenaire ». Certes, des obstacles à l’heure actuelle avec le problème de l’endettement, de la difficulté à créer un consensus solidaire pour « partager » les problèmes et adopter des solutions en commun, mais quand il était question de sortir de l’euro suite au désastre grec, espagnol, italien il y a 2 ans, il semble aujourd’hui que les mesures prises en termes de gouvernance nous aient permis de sortir de la zone critique de turbulences (fonds européen de stabilité financière, 2010, qui peut soutenir à hauteur de 750 milliards d’euro les états en difficulté financière). Conclusion : Et si la mondialisation n’était qu’un mythe ? Au-delà des débats, critiques et observation des défaillances de la gouvernance éco mondiale, il y a cette question, que des économistes se posent ouvertement : les failles du système ne s’expliquent-elles par notre tendance à surestimer l’impact de la mondialisation dans nos sociétés ? Ainsi Pankaj Ghemawat, professeur à l’IESE de Barcelone, auteur d’un ouvrage sur le sujet, World 3.0, parle de semi-mondialisation à travers de nombreux exemples : 2% des étudiants sont inscrits dans une université à l’étranger, 3% des gens vivent hors de leur pays de naissance, à peine 7% de la production mondiale de riz traverse une frontière, moins de 1% des entreprises américaines ont une activité hors des Etats-Unis. Finalement, on échange d’abord avec son voisin, seulement 20% du PIB mondial vient des exportations. Pour ce qui est des flux financiers et d’informations, les chiffres de Ghemawat sont encore plus frappants : les IDE ne représentent que 9% de l’investissement fixe mondial, 20% des actions échangées sur une place boursière sont détenues par des investisseurs étrangers, moins de 20% du trafic internet est transfrontalier. Donc la question de la gouvernance mondiale se pose peut-être finalement mal. Il est possible que l’idée même de mondialisation doive être d’abord discutée avant de démontrer des modalités de son organisation. Egalement, une manière d’expliquer pourquoi la place des états au sein de cette gouvernance ne doit pas être vue nécessairement comme un obstacle, mais tout simplement que ce dernier occupe la place qui doit être la sienne dans un monde moins connecté qu’il ne le semblerait. 13