FLEXIBILITE CONTRE SECURITE. QUEL FONCTIONNEMENT

publicité
FLEXIBILITE CONTRE SECURITE. QUEL FONCTIONNEMENT POUR LE MARCHE DU
TRAVAIL EN FRANCE ?
Engagés dans ce que certains appellent « la troisième révolution industrielle », les
entreprises soulignent le besoin croissant de flexibilité pour s’adapter à l’évolution de la
demande comme des technologies et à l’élargissement de l’espace de la concurrence. De
manière schématique, les entreprises doivent faire face à deux problèmes : trouver des
modes de gestions de la main-d’œuvre leur permettant de faire face aux fluctuations de la
demande et adapter les modes de productions, les équipements, mais aussi les
compétences de leur main d’œuvre aux changements dans a nature des produits ou des
techniques.
Ce besoin de flexibilité accrue a, jusqu’ici, été principalement assuré par un
recours croissant aux contrats temporaires suscitant du même coup la montée d’un fort
sentiment d’insécurité chez les salariés. Pour les plus fragiles, cette instabilité de l’emploi a
débouché sur un risque élevé de connaître le chômage à long terme voire même de plonger
dans l’exclusion. D’où la revendication d’une plus grande sécurité, une sécurité dans
l’emploi et pas de l’emploi.
Pendant longtemps la flexibilité et la sécurité ont été jugé antagonistes, ainsi à
partir des années 1980 jusqu’aux années 2000, les stratégies d’entreprise, comme les
politiques publiques ont été presque totalement centrées sur la recherche de flexibilité, la
sécurité dans l’emploi apparaissant comme un objectif de second rang, voire une
contrainte dont on essaierait de s’affranchir. Mais la montée de la précarisation a conduit
peu à peu à faire de la lutte contre l’insécurité un objectif de premier plan, la cohérence des
sociétés modernes étant menacée. Depuis quelques années, on ne considère cependant
plus ces objectifs comme tout à fait antagonistes, ainsi peut-on trouver les voies et les
moyens de d’accroitre à la fois la sécurité des travailleurs et la flexibilité de l’économie.
I- Introduire plus de flexibilité dans le marché du travail
a – Rigidités et contre performances économiques
Les rigidités sont au centre de multiples débats dont l’un des plus important porte
sur l’effet de celles ci sur es performances économiques.
1- Le coût du travail et les modes de fixations des salaires.
Le niveau du coût du travail constitue souvent une forte rigidité économique ; c’est
essentiellement dû à l’existence d’un salaire minimum élevé et de charges salariales
importantes. Le coût du travail (salaires et charges associés) se situerait à un niveau élevé
en France, voire excessif dans la compétition internationale. Pour justifier cette idée, deux
arguments :
- le salaire minimum serait trop fort, principalement pour les salariés faiblement
qualifiés. Pour un employeur le salaire constitue la rémunération d’un travail
fourni, dont la mesure est la productivité du travail. On peut considérer que la
productivité des salariés peu qualifiée n’est pas suffisante pour comprendre un
salaire minimum, d’où le fort niveau de chômage. Depuis 1990 le coût du travail à
ce niveau de salaire a fortement baissé et plusieurs études montrent que la relation
entre le salaire minimum et l’emploi est assez distendu.
-
Les charges sociales attachées au travail en France sont particulièrement élevées
et expliquent en partie le coût du travail. L’allègement de des charges sociales serait
de nature à réduire le handicap de compétitivité de la France.
Le mode de fixation des salaires est dans certains pays une source de rigidité non
négligeable. Les pays où la négociation salariale est instituée et où le degré de
coordination entre les syndicats et patronats, et entre syndicats est fort, els compromis
sociaux débouchent souvent sur une modération salariale. Inversement dans les pays à
tradition plus conflictuelle, les salaires se fixent à des niveaux plus élevés et sont
fortement rigides.
2- La protection des salariés et de l’emploi
Le patronat dénonce souvent le caractère contre productif des multiples systèmes de
protection sur le marché du travail. Ces dispositifs qui protègent soit le salarié soit
l’emploi, seraient de nature à peser sur les performances des entreprises puisqu’ils
connaissent des surcoûts.
La législation sur la protection de l’emploi est à double tranchant : inscrit dans la
durée mais elle dualise le marché du travail (salariés embauchés CDI bénéficiant d’une
forte sécurité de l’emploi vs catégories de main d’œuvre restées en dehors du
« noyau dur » du marché du L.). En conséquence la précarisation de l’emploi se trouve
concentrée sur certaines catégories. La fragilisation du lien d’emploi concerne en premier
lieu les salariés de faible ancienneté dans l’entreprise pour lesquels le risque de perdre son
emploi a été multiplié par près de 3,5 depuis le début 1970’s tandis qu’il est resté stable
pour ceux de dis ans d’ancienneté.
Par mouvement de dominos, ce mouvement de fragmentation des normes s’est
aussi accompagné d’une forte déstabilisation du système de protection sociale. Le mode
d’accès au régime de Sécurité sociale s’est trouvé historiquement lié à la nature du contrat
de L. L’assurance chômage ne couvre plus que 40% des chômeurs. Cette dérive provient
en grande partie du des choix opérés par ses gestionnaires qui ont conduit à pénaliser les
salariés ayant des références de travail courtes par des taux d’indemnisation plus faibles
quand ils ne sont pas tout simplement exclus de l’assurance chômage. De plus les récentes
modifications confrontent les assurés à un problème identique : les emplois précaires
entrecoupés de périodes de chômage et le temps partiel créent de véritables « trous de
protection sociale ». L’effet exercé porte en fait plus sur la contraction des flux d’entrée et
de sortie du chômage avec pour résultante une durée plus longue.
3- L’indemnisation du chômage et les aides sociales
On accuse parfois les systèmes d’indemnisation du chômage et d’aides sociales de
constituer des rigidités coûteuses. Le système d’indemnisation du chômage est souvent
accusé de peser sur les performances économiques globales d’une nation et
indirectement sur celles des entreprises. Le propos concerne également l’existence de
dispositifs d’aide sociale qui jouerait comme des trappes à inactivité pour les
bénéficiaires.
Les entreprises ne sont pas suffisamment impliquées dans la prise en charge des
conséquences économiques du coût du chômage. Les entreprises reçoivent peu
d’incitation financière directe à prendre en compte dans la gestion de la main d’œuvre, le
coût social du chômage. Ce cout comprend le montant des allocations chômages versées
et le coût de des aides au retour à l’emploi. Ces cotisations chômage payées par
l’employeur, assises sur la masse salariale, sont indépendants de son comportement e
gestion de la main d’œuvre, la seule exception concernant les salariés de plus de 50 ans.
4- Des règles trop contraignantes du contrat de travail
Essentiellement le problème posé par le contrant de travail concerne la difficulté de sa
rupture, cela provoque alors des surcoûts pour l’entreprise.
b – La nécessité de la flexibilité
II- Introduire plus de sécurité sur le marché du travail.
a – Sécurité ou stabilité ?
b – Les modalités de sécurisation des individus
III- Associer plus de flexibilité et plus de sécurité : la flexisécurité.
Depuis la fin des années 1970 les économies contemporaines vivent des problèmes
internes de cohésion sociale, la crise ayant provoqué tant un effritement du corps social
qu’une forte segmentation du marché du travail. Dans ce contexte la revendication plus de
flexibilité peut devenir déstabilisante et plus de sécurité illusoire, les moyens financiers
étant de plus en plus limités.
a – La philosophie générale de la flexisécurité
Le débat sur la flexisécurité s’est imposé en Europe pour tenter d’apporter des
réponses aux défis soulevés par la mondialisation. C’est aux Pays Bas que le terme est
apparu dans les années 1990 et s’est peu à peu imposé au débat européen et français
jusqu'à devenir le maitre mot des axes de réformes tant de la Commission que du
gouvernement Fillon à partir de 2007.
L’économie mondialisée se caractérise par la montée du changement et de l’incertitude,
les entreprises sont donc obligées d’innover et de se transformer en permanence.
L’intensification de la concurrence fait de la connaissance, de la recherche et de
l’innovation des atouts majeurs de compétitivité. La Commission fait valoir dans
communication que le bilan peut être au total positif pour tous à condition que les
capacités d’adaptation des entreprises et des travailleurs d’Europe soient améliorées par
« un environnement dans lequel la sécurité et la flexibilité se renforcent mutuellement ».
La flexisécurité est un compromis certes difficile à trouver entre flexibilité et
sécurité. Elle peut être décrite comme un triangle dont le premier angle est la flexibilité du
marché du travail, le deuxième un haut niveau de sécurité sociale et le troisième une
politique active de l’emploi.
La flexisécurité a pour vocation d’apporter à la fois plus de sécurité et plus de
flexibilité. La flexibilité consiste d’une part à réussir les transitions dans la vie, il faut donc
donner plus de libertés aux entreprises pour recruter ou licencier du personnel. Il s’agit
de faciliter la progression des travailleurs vers de meilleurs emplois, de favoriser la
« mobilité ascensionnelle » et le développement optimal des talents. La flexibilité concerne
aussi l’organisation du L pour répondre avec rapidité et efficacité aux besoins de en
termes de production et maitriser les nouvelles compétences nécessaires. La sécurité
représente bine plus que l’assurance de garder son emploi. Il s’agit de donner aux
individus les compétences qui leur permettent de progresser dans leur vie et les aider à
trouver un nouvel emploi. Il s’agit aussi de leur donner des indemnités chômage adaptées
pour faciliter les transitions. Cette approche permet ainsi aux entreprises comme aux
travailleurs de tirer profit de la flexibilité et de la sécurité.
Deux conceptions de la flexisécurité s’opposent : une conception anglaise
assez restrictive et une conception européenne, plus large. Cette dernière émane des
institutions communautaires et est validée par les Etats membres. La conception anglaise
limite la flexisécurité à la formation professionnelle publique et aux services publics
d’insertion et de placement. La conception européenne met en place un Etat
professionnel des personnes, une sécurité sociale professionnelle, un statut de l’actif, etc.
Cette conception épouse assez bien les idées de la Commission. Selon elle les politiques de
flexisécurité peuvent être conçues et mise en place à travers quatre composantes. D’abord
souplesse et sécurisation des dispositions contractuelles tant du point de vue des
travailleurs que des employeurs et même des travailleurs exclus. Ensuite des stratégies
globales d’apprentissage au long de la vie pour garantir une meilleure adaptation. Puis des
politiques actives du marché du travail (PAMT) efficaces permettant aux individus de faire
face aux changements rapides et de réduire la durée de chômage. Enfin, des systèmes de
sécurité sociale moderne qui fournissent une aide au revenu adéquate, encourage l’emploi
et facilite la mobilité sur le marché du travail. Cela suppose une large gamme de
prestations de protection sociale. C’est sur la base de ces composantes que les modalités
pratiques de la flexisécurité se mettent en place.
b - Les dispositifs de la flexisécurité
1- Le transfert de droits aux travailleurs
Il peut être utile de rattacher les droits sociaux non pas aux emplois, mais aux
salariés. C’est l’idée d’une sécurité sociale professionnelle. Depuis plusieurs années on
assiste à la fois à une forte segmentation du marché du L et à l’existence de multiples
transitions dans les trajectoires professionnelles des individus. Il convient donc que
l’individu ne perde pas ses droits sociaux avec son emploi ou lorsque son statut se dégrade.
Le rapport Supiot proposait ainsi que les droits se rattachent aux salariés eux mêmes. Il
s’agit, comme le principe de la Sécurité sociale, de renforcer les garanties aux salariés
contre les risques professionnels : te est le dispositif de la sécurité sociale professionnelle.
Introduite par la CGT en 2002 l’idée de la sécurité sociale professionnelle peut
supposer jusqu’à la création d’un nouveau statut du salarié, conçu comme un nouveau
socle de garanties interprofessionnelles : droit à la formation, droit à la santé, droit à la
retraite, droit à l’emploi, droit à une carrière, droit à la démocratie sociale. Ces droits
seraient transférables d’une entreprise à une autre et opposable à chaque employeur. Ce
nouveau statut suppose une continuité du contrat de travail et de la rémunération, jusqu'à
ce que le salarié ait obtenu un reclassement effectif. Cependant des questions restent à
trancher comme le mode de financement et la mise en œuvre de ces droits. Certains
évoquent l’idée de créer une nouvelle branche « Sécurité sociale professionnelle » de la
Sécurité sociale.
Une version plus souple consisterait à créer un droit au reclassement et une
indemnisation individualisée du chômage. La durée de l’indemnisation tiendrait compte de
des difficultés objectives de chacun à retrouver un emploi. Les moyens seraient puisés
dans la taxation de licenciement, incitant les entreprises à privilégier le reclassement
interne.  Inspiration du modèle danois.
La mise en place de structures globales d’apprentissage tout au long de a vie
participe à cette logique de flexisécurité. Il apparaît essentiel tant pour la compétitivité des
entreprises que pour les l’aptitude à l’emploi à long terme des travailleurs de disposer de
stratégies globales d’apprentissages tout au long de la vie et d’améliorer l’investissement
dans les RH pour s’adapter à la rapidité des changements et des innovations. Cela améliore
les chances de l’entreprise de s’adapter aux changements économiques mais aussi les
chances des travailleurs de garder leur emploi ou de trouver un nouvel emploi, on peut
ainsi réduire le temps de chômage. Toutefois souvent ces investissements ne profitent
qu’aux personnes qualifiées et peu à celles qui sont en réel manque de qualifications, les
entreprises peuvent être découragées d’un tel investissement. Le partage des coûts par
exemple grâce à des fonds au niveau sectoriel peut en partie prévenir ce problème. Ces
stratégies d’apprentissage tout au long de la vie nécessitent une participation des
gouvernements, des partenaires sociaux, des entreprises et de chaque travailleur. On peut
alors dire que le learnfare (l’assistance par la formation) est préférable au workfare à
l’anglo-saxonne afin d’aider les individus à trouver un emploi et à évoluer sur les chemins
du travail.
2- La définition de nouvelles formes de contrat de travail
Une autre façon de donner vie au principe de flexisécurité consiste à réformer les cadres
de régulation du marché du L et de manière à fluidifier la gestion e l’emploi, par exemple
en développant une stratégie de refondation de contrats de travail. Dans ce sens plusieurs
formes de contrat de travail sont envisageables, parmi lesquels le contrat de nouvelles
embauches, le contrat unique et le contrat de missions.
Le CNE était un contrat dont l’échéance n’était pas définie, ne pouvant excéder deux
années consécutives et réservé aux entreprises ayant plus de 20 salariés ; s’il n’était pas
rompu dans les deux ans il était consolidé en CDI. Le contrat nouvelles embauches mis en
place à partir d’aout 2005 et à valider à la suite à la décision du CC, constitue la première
forme de déréglementation ciblée du contrat de travail. Pendant une période de deux ans le
contrat peut être rompu plus facilement : l’employeur n’a pas à motiver son choix et le
salarié peut démissionner sans préavis. Après ces deux premières années, les règles du
CDI s’appliquent. Ce contrat prévoyait la suspension de quasiment tous les articles du
Code du L. En cas de rupture précoce du contrat de la part de l’employeur, ce dernier devait
verser un au salarié des indemnités qui s’élèvent, sauf faute grave, à 8% du montant total
de la rémunération brute perçue depuis le début du contrat + 2% du même montant aux
Assedic pour financer des actions d’accompagnement. Le salarié bénéficie dans ce cas de
l’assurance chômage selon les règles en vigueur. Si le contrat a duré au minimum 4 mois et
que le salarié ne peut bénéficier de l’assurance chômage, une allocation spécifique est
prévue.
Pour homogénéiser les différents niveaux de protection de l’emploi selon les
différents type de contrat a été mis en place en 2005 le CNE. Avec le CNE le gouvernement
avait cherché à infléchir la rigueur croissante de la législation de la protection de l’emploi,
mais sans toucher à la législation touchant les CDD. Le contrat avait pour objectif de
limiter le recours des entreprises aux stages et aux CDD de courte durée, de restreindre le
contournement de la loi par les entreprise qui faisaient se succéder des CDD sur des postes
de L identiques ou encore de faciliter l’embauche des entreprises qui ne voulaient pas
contourner la loi. Ces contrats pouvaient potentiellement contribuer à réduire les
discriminations en facilitant l’intégration de certaines catégories. Un contrat moins
protecteur pouvait être de nature à encourager les employeurs tester les compétences de
personnes issues de groupes perçus comme à risque.
De nombreuses critiques ont cependant été faites au CNE. En effet sa justification
économique était contestable, la technique peu efficace eu regard de son objectif (qui était
de réduire le recours au juge à propos de la rupture du contrat) et ses effets à long terme
étaient inopportuns en terme de chômage.
Le constat général de la situation du marché du L en France est clair : la
segmentation du marché est excessive ce qui provoque une forte disparité de statuts.
Ainsi conviendrait-il d’homogénéiser les contrats de L existants en substituant au grand
nombre de dispositifs mis en place un contrat médian, le contrat unique.
Fondamentalement l’objectif serait de clarifier les règles inhérentes à la rupture du contrat
de travail. L’idée serait qu’en contrepartie de l’allègement de ces règles, la sécurité des
salariés puisse être renforcée par une meilleure indemnisation du chômage et un meilleur
appui au reclassement sur le modèle de la flexisécurité à la danoise.
Plusieurs versions du contrat unique existent mais elles ont des caractéristiques
communes : existence ou non d’une période d’essai, les modalités de rupture pour motif
lié à la personne, le profil de l’indemnisation su salarié licencié et des pénalités pour
l’entreprise, les conséquences de la démission sur le salarié comme sur l’employeur. Cahue
et Kramarz ont proposé en 2004 un contrat de travail unique aux caractéristiques
suivantes : sa durée est indéterminée, il n’y a pas de période d’essai, en cas de rupture au
cours des 18 premiers mois l’indemnité légale de licenciement vaut pour 10% de
l’ensemble des salaires versés depuis le début et au delà des 18 premiers mois elle croit
plus lentement avec l’ancienneté, l’employeur en cas de rupture verse au service public de
l’emploi une contribution de solidarité égale ç une fraction de la rémunération totale
depuis le début du contrat, en contrepartie l’entreprise est dégagée de toute obligation de
reclassement.
Avec ces caractéristiques, de nombreux spécialistes insistent sur le fait que la
protection de l’emploi deviendrait continue et progressive avec l’ancienneté dans
l’entreprise, ainsi parle-t-on de contrat unique à droits progressifs. Le contrat de travail
unique présente un volet sécurité et un volet flexibilité susceptibles malgré tout
d’introduire des risques. Volet flexibilité : un tel contrat pourrait être rompu par
l’employeur à tout moment sans moyennant des indemnités de licenciement croissant
avec l’ancienneté ; cette rupture serait sans recours judiciaire possible pour en rendre le
coût certain. Cependant cela ouvrirait la porte à tous les abus du fort (employeur) contre le
fable (salarié). En outre les employeurs seraient incités à sélectionner encore davantage à
l’embauche, donc à accroitre l’exclusion. Enfin les salariés en congé parental, maladie ou
maternité ne seraient pas assurés de retrouver leur place. Volet sécurité : le contrat
s’accompagnerait d’une profonde modification du système d’assurance chômage dont le
financement serait assuré par les entreprises proportionnellement aux licenciements
effectués et à la longueur de la période de chômage des personnes licenciées. Les partisans
d’un tel projet estiment qu’il responsabiliserait les entreprises et les inciterait à veiller à
l’employabilité de leurs salariés.
Le contrat de mission à objet défini est un contrat de L dont la durée est
déterminée par l’horizon de la tâche. Lors des négociations de l’année 2000 le Medef avait
proposé la création d’un contrat d’émission d’une durée comprise entre 18 mois et cinq
ans, bâti sur le modèle des contrats de chantier BTP. Bien que les discussions aient donné
lieu à un accord de principe, il n’a pas été ratifié. En 2003 la proposition a cependant été
reprise dans le cadre du Plan national d’action en vue de « simplifier et sécuriser le droit
du L » qui a remis son rapport en janvier 2004.
Ce contrat peut être opportun dans le cadre d’activité particulière. Ce contrat
également appelé contrat de projet serait alors réservé aux cadres ou aux personnels
qualifiés pour la réalisation d’un projet dont la durée ne peut être déterminée. Le contrat
prendrait fin une fois la mission accomplie avec une durée minimale de deux ans,
sensiblement plus longue qu’un CDD donc. Les travailleurs bénéficieraient de garanties de
formation et de temps de travail conformes aux CDI. Ils percevraient à la fin de la
« mission » une indemnité. Ces dispositions ont pour objet d’éviter que ce type de contrat
ne devienne une façon de contourner les contraintes d’un CDI. De plus le risque
d’insécurité est a priori limité puisque les personnes concernées pourraient même se
trouver dans une situation plus stable qu’actuellement où elles exerceraient avec un statut
de pseudo indépendant ou sous la forme d’un portage salariale.
3- Pénaliser les entreprises qui abusent de la flexibilité
Les entreprises ne sont pas assez engagées financièrement relativement au coût
social du chômage. Dans le système actuel, les entreprises sont peu amenées à prendre en
compte dans la gestion de leur main d’œuvre le coût social du chômage.
En effet le mode de financement de l’assurance chômage n’incite pas l’employeur à
prendre en compte le coût social des séparations qu’il met en place. Les cotisations
payées par l’employeur, assises sur la masse salariales, sont indépendantes du mode de
gestion de sa main d’œuvre. En conséquence les entreprises mettraient fin à nombre de
contrats par rapport à ce qui serait optimal socialement. Pour remédier à cela deux pistes
s’offrent : la modulation des cotisations chômage et la taxation des licenciements.
Blanchard et Tirole, par exemple, proposent de réformer le mode de financement
des assurances chômage en liant la cotisation de l’entreprise à sa politique en matière de
licenciement, c’est à dire à moduler les cotisations chômage. Pour que le coût social du
chômage soit totalement internalisé par l’entreprise la contribution devrait être égale à la
somme des indications chômages versées par l’Unedic et du coût, pour l’ANPE, de l’aide à
la recherche d’emploi. En contrepartie de cette responsabilisation financière des
entreprises, la décision de licencier devrait leur être laissée : aucune intervention de
l’administration ou du juge, sauf pour vérification qu’une faute grave n’est pas un
licenciement économique déguisé.
Cette solution se rapproche du principe de pollueur payeur à l’assurance chômage.
Des avantages et des inconvénients à la fois macro et micro économiques peuvent être
tirés du dispositif de modulation des cotisations sociales. Faire peser sur les entreprises un
coût supérieur pour les licenciements serait de nature à les inciter à réduire les
licenciements, et surtout à moins licencier les salariés ayant un fort risque de ne pas
retrouver un emploi ; cela aurait alors l’avantage de mieux faire coïncider les intérêts de
l’entreprise avec l’intérêt général. Plus encore cela conduirait à renforcer l’effort de
formation du salarié. Inversement peuvent apparaître quatre risques : accroitre la
sélectivité à l’embauche, fragiliser plus encore les entrepris en difficulté, pousser au
transfert d’activités vers des sous-traitants et pousser la firme à recourir à des contrats
atypiques non soumis au mêmes contraintes en fin d’emploi.
L’autre solution, plus radicale, serait de taxer les licenciements. Economiquement
permettrait de rapprocher la valeur sociale et la valeur privée d’un emploi. Le système
dans lequel l’entreprise ne paie rien à la caisse d’assurance chômage en cas de
licenciement implique une double incitation au licenciement : directe par l’absence
d’internalisation par l’entreprise de l’impact du licenciement sur la caisse d’assurance
chômage, et indirect dans la mesure où cette caisse doit être financée autrement que pas
des versements des entreprises lors des licenciements, en l’occurrence par des cotisation
sur les actifs qui renchérissent le coût du L. Deux raisons principales permettent
d’expliquer le pourquoi la valeur privée d’un emploi est différente de sa valeur sociale et
dans quelle mesure cette différence est source d’inefficacité économique : d’abord le coût
subit par l’entreprise qui licencie est inférieur au coût de ce licenciement pour la
collectivité. Les allocations perçues sont en effet financées aussi par les entreprises qui ne
licencient pas. En outre le non emploi exerce souvent des effets négatifs sur l’état de santé
des individus et peut avoir des répercussions néfastes en matière de criminalité, éléments
non pris en compte par les entreprises mais ayant un coût pour la collectivité. En second
lieu, le système français en vigueur génère un renchérissement du coût relatif du travail
pour les firmes qui licencient le moins, ce qui pèse sur les créations d’emplois dans
l’économie. Les chômeurs et les inactifs contribuent en effet très peu au financement de
l’ensemble des biens collectifs et des transferts. Aussi la perte des prélèvements
obligatoires et le surcoût sous forme de transferts sociaux induit par le passage du statut
de salarié à celui de non employé aliment-t-il la hausse du coût du L de la population
employée.
4- Réformer les politiques de l’emploi.
La réaffirmation de l’Etat dans les politiques de l’emploi perdu de plus crédibiliser le
mouvement de flexisécurité. Une flexisécurité réussie impose aussi une réforme des SP de
l’emploi. Pour la réussir il apparaît nécessaire d’une part de réaffirmer le rôle éminent de
l’Etat dans les politiques de l’emploi et d’autre part de réformer les SP de l’emploi.
Réaffirmer le rôle de l’Etat garantit dans le processus de flexisécurité implique la
puissance publique et éloigne le risque d’un déplacement significatif du centre de gravité
des politiques de l’emploi vers l’entreprise. La création d’une S2curité social
professionnelle participe de cette logique.
Une réforme des SP de l’emploi pourrait être engagée afin de simplifier le dispositif
pour les utilisateurs et d’accroitre l’efficacité des services fournis. Deux mesures vont
dans ce sens : réformes de l’accompagnement des demandes d’emploi d’une part (mise en
place d’un agent unique référent tout au long du parcours professionnels des chômeurs)
et une amélioration de la gouvernance des services publics de l’emploi d’autre part (fusion
ANPE-Unedic ce qui implique une clarification des responsabilités entre l’Etat les
collectivités locales et les partenaires sociaux).
Conclusion.
La flexisécurité apparaît être un mouvement inéluctable de la société
contemporaine, le besoin de flexibilité des entreprises étant une tendance lourde et la
nécessité de sécurité un droit pour les salariés. Elle est inéluctable aussi car elle est une
alternative crédible à une stratégie qui rechercherait dans tous les domaines la flexibilité
maximale, dans laquelle la sécurité de l’emploi ne serait que la production ex post d’une
plus grande efficacité économique et du retour au plein emploi. Malgré tout elle ne
s’impose pas sans heurt ni réticence. Trois interrogations restent majeurs : la
flexisécurité se déploie-t-elle dans ou hors de l’entreprise ? Il est à craindre que sécurité se
déploie hors de l’entreprise et la flexibilité à l’intérieur. Quel est l’avenir du droit du L ? La
responsabilité sociale de l’entreprise progresse-t-elle ? inversement, ne peut on pas
penser que l’entreprise s’exonère peu à peu de cette responsabilité au moment même où
ses relations à l’éthique font l’objet de vives critiques ?
Téléchargement