La guérison radicale de notre humanité par le Christ

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La guérison radicale de notre
humanité par le Christ
(Père Louis Pelletier)
(2013)
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Enseignement n°1 - GUÉRIR DANS ET PAR LE CHRIST ........................................................... 3
Introduction......................................................................................................................... 3
1. Vivre notre vie dans la foi en la miséricorde divine ....................................................... 4
2. en comprenant le dessein de salut de Dieu sur nous ...................................................... 5
3. La grâce du baptême ne guérit pas tout.......................................................................... 6
4. Guérison et salut éternel ................................................................................................. 8
5. Suivre un chemin d’incarnation pour parvenir à une vraie spiritualisation ................ 10
Conclusion ........................................................................................................................ 11
Enseignement n°2 - GUÉRIR PAR LA FOI ET LA SUITE DU CHRIST .................................. 13
Introduction....................................................................................................................... 13
1. Le Christ vainc le mal à sa racine ................................................................................ 13
2. La purification du cœur par le regard du Christ .......................................................... 14
3. L’exercice des vertus théologales et le chemin de l’intériorité .................................... 15
1
4. Le long et difficile chemin de la transformation de notre humanité elle-même ........... 16
5. Unir la voie d’enfance et la lutte active contre nos tendances désordonnées .............. 18
Conclusion ........................................................................................................................ 19
Enseignement n°3 - GUÉRIR DANS ET PAR L’ESPÉRANCE .................................................. 21
Introduction....................................................................................................................... 21
I. CHEMINER DANS L’ESPÉRANCE ...................................................................................................... 22
Introduction....................................................................................................................... 22
1. Vivre nos espoirs humains dans une espérance divine ................................................. 22
2. L’espérance nous dilate et nous ouvre à la nouveauté de Dieu ................................... 22
3. L’espérance est notre vraie force ................................................................................. 23
4. Exercer la patience pour le plein épanouissement de l’espérance ............................... 23
5. Laisser le Christ nous ouvrir un chemin de guérison dans notre vie concrète ............ 25
6. Suivre le Christ aveuglément ........................................................................................ 25
7. Vivre la résilience dans le Christ .................................................................................. 26
Conclusion ........................................................................................................................ 27
II. LA RACINE DE L’ORGUEIL ET DE LA CUPIDITÉ................................................................................ 27
Introduction....................................................................................................................... 27
1. De la non confiance en Dieu à l’orgueil comme racine des péchés ............................. 28
2. De la non confiance en Dieu à la cupidité du cœur comme racine des péchés ............ 29
3. De la non foi en la Parole de Dieu à l’obscurcissement de l’intelligence ................... 31
2
Enseignement n°1 -
GUÉRIR DANS ET PAR LE CHRIST
Introduction
L’homme moderne ressent de plus en plus le besoin d’être guéri intérieurement de tout
ce qui l’aliène et l’empêche d’être lui-même. L’Eglise ne peut pas ne pas chercher à le
rejoindre dans cette aspiration légitime.
Nous allons aborder cette question de la guérison intérieure dans la perspective de la
maturité chrétienne comprise comme l’unification de notre humanité c’est-à-dire comme une
étape essentielle sur le chemin de la sainteté. Il importe de bien distinguer la guérison
intérieure de l’âme de la sainteté elle-même pour mieux les articuler et les unir. C’est un fait
que Jésus n’a pas seulement converti les cœurs, mais il a aussi guéri les corps tout au long de
sa vie publique. Il a tout assumé pour tout sauver. Il est le Rédempteur de tout homme et de
tout l’homme. Face à un monde blessé, l’Eglise ne peut pas mettre la guérison hors de son
champ apostolique même si sa mission se ramène à un but unique, la salus animarum. Elle se
doit de répondre à un gigantesque défi : est-ce que la foi au Christ peut transformer
réellement de l’intérieur la vie des personnes, notamment leur vie affective et sexuelle ?
« Guérir est une dimension essentielle de la mission apostolique et de la foi chrétienne en
général. Eugen Biser qualifie carrément le christianisme de “religion thérapeutique”, de
religion de la guérison. »1 Est-ce que le Christ sauve vraiment tout l’homme d’une manière
concrète ou est-ce que la foi ne fait que construire « un monde parallèle »2 lointain et abstrait,
coupé de la vie réelle ? Le scandale provoqué par la double vie de plusieurs fondateurs de
communautés nouvelles montre combien cette question est actuelle.
D’un autre côté, beaucoup, croyants ou non croyants, sont tentés de courir après toutes
sortes de thérapies brèves sans chercher à aller jusqu’à la racine du mal. Ils aspirent à un état
d’harmonie et de bien-être sans nécessairement se poser de question sur le sens de leur vie. La
guérison psychique est vécue comme un but en soi. En réalité, comme l’expérience le montre
et comme la foi nous le dit, ce n’est pas en recherchant la guérison pour elle-même que
l’on peut guérir en profondeur. D’une manière plus générale, la réalisation de soi pris
comme but ultime conduit à l’impasse3. La véritable réalisation de soi ne peut venir que
1
Jésus de Nazareth I, p. 200.
Pour reprendre l’expression de Benoît XVI dans Deus caritas est, 8.
3 « Ce n’est pas l’autoréalisation, le vouloir se faire et s’accomplir tout seul, qui procure le vrai
développement de la personne, tel que cela est proposée aujourd’hui comme modèle de la vie
moderne, mais qui se change en une forme d’égoïsme raffiné. C’est plutôt l’attitude de don, du
don de soi, qui s’oriente vers le cœur de Marie et par là oriente aussi vers le cœur du Rédempteur,
3
2
comme un fruit. Il faut prendre les choses de plus haut. Tout homme est appelé à rechercher
d’abord au fond de son cœur le Royaume. Le reste est donné par surcroît dans la force et la
lumière de l’Esprit.
Nous allons essayer de se mettre en évidences quelques grands principes, poser des
jalons sur ce chemin de la guérison intérieure dans le Christ en cherchant notamment à
articuler chemin de sainteté et chemin de guérison. Au fond il s’agit pour nous d’élaborer une
pédagogie de la sainteté adaptée à un monde blessé. Nous nous appuierons pour cela sur
l’Ecriture sainte et sur la grande tradition mystique de l’Eglise. Nous chercherons aussi à
intégrer des éléments de la psychologie moderne en les intégrant dans une vision chrétienne
de l’homme et de la vie. Nous voudrions montrer surtout comment avancer sur le chemin de
la guérison au quotidien. Nous voulons aussi mettre en évidence ce qui dépend vraiment de
notre liberté. Il s’agit, en effet, de collaborer avec sagesse à l’action du Christ notre
Rédempteur.
Pour cela nous devons partir de la contemplation du Christ Sauveur venu accomplir
l’éternel dessein de Dieu. C’est lui, en effet, le véritable « médecin des âmes et des corps »4.
1. Vivre notre vie dans la foi en la miséricorde divine
Nous ne sommes pas seuls. Nous ne sommes pas livrés au pouvoir du mal. Notre vie se
déroule tout entière enveloppée par le mystère de la Rédemption. Nous n’aurons jamais
trop confiance en Jésus5 présent et agissant dans le secret avec la puissance de son amour et
de sa lumière qui sauve6. La miséricorde divine fait tout concourir à notre salut c’est-à-dire à
notre adoption filiale. Tel est le dessein divin à l’origine de la Création : « A tous ceux qui
l'ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom »
(Jn 1, 12). C’est cela qui donne sens à tout. Là est la vie véritable et dans l’attente de cette vie
nous ne pouvons que gémir : « Nous-mêmes qui possédons les prémices de l'Esprit, nous
gémissons nous aussi intérieurement dans l'attente de l’adoption filiale et de la rédemption de
notre corps … » (Rm 8, 23).
Parce que nous n’avons pas une claire perception de la vraie finalité de notre vie, nous
nous laissons prendre par bien d’autres choses comme le montre la parabole des invités au
festin qui se dérobent. Nous sommes comme Thomas quand il dit à Jésus : « Seigneur, nous
ne savons pas où tu vas. Comment saurions-nous le chemin? » (Jn 14, 5). Nous ne voyons pas
bien où Dieu veut nous conduire. Nous manquons de sagesse et d’espérance et de ce fait nous
et vers le prochain nous permettant ainsi de nous trouver d’abord nous-mêmes. » (Benoît XVI, 23
septembre 2011).
4 Selon l’expression du catéchisme de l’Eglise catholique (cf. CEC 1509) qui affirme clairement
qu’il « est venu guérir l’homme tout entier, âme et corps ; il est le médecin dont les malades ont
besoin (cf. Mc 2, 17). » (CEC 1503).
5 « " Guérissez les malades ! " (Mt 10, 8). Cette charge, l’Église l’a reçue du Seigneur et tâche de
la réaliser autant par les soins qu’elle apporte aux malades que par la prière d’intercession avec
laquelle elle les accompagne. Elle croit en la présence vivifiante du Christ, médecin des âmes
et des corps. Elle croit en la présence vivifiante du Christ, médecin des âmes et des corps. » (CEC
1509).
6 Comme l’a si bien dit Benoît XVI : « La toute-puissance de Dieu, même dans notre vie, agit
avec la force, souvent silencieuse, de la vérité et de l’amour. » (Audience générale du 19.12.2012
(ORLF. N.51-52 (2012)).
4
buttons sur bien des choses, nous les interprétons mal, nous les vivons mal. Alors que nous
sommes en réalité « étrangers et voyageurs » en ce monde, nous sommes sans cesse tentés de
nous installer, de chercher une position stable. Alors que nous sommes faits pour être tout
ouvert et tout tourné vers Dieu, nous sommes sans cesse tentés en nous replier sur nousmêmes, de nous rechercher nous-mêmes. Comme dit Benoît XVI. « Nous nous voulons
nous-mêmes »7. Et cela le plus souvent sans en avoir conscience. Qu’est-ce que le Christ est
venu faire ? Essentiellement nous nous ouvrir un passage vers le Père, nous donner d’avoir
« libre accès auprès du Père » (Ep 2, 18).
2. en comprenant le dessein de salut de Dieu sur nous
La religion chrétienne est une « religion thérapeutique »8 d’abord en ce sens-là : Dieu
guérit le cœur. Le Christ est venu changer notre cœur de pierre en un cœur de chair, nous
donner un cœur nouveau, un cœur d’enfant qui se laisse toucher par l’amour du Père et trouve
en cet amour sa joie : « Amen je vous le dis, si vous ne vous convertissez pas et ne devenez
pas comme des enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des Cieux.… » (Mt 18, 3)9 C’est
pourquoi il « veut à tout prix purifier notre cœur » selon l’expression de saint Augustin.
Cette grâce d’un cœur nouveau nous l’avons reçue le jour de notre baptême, mais en germe
seulement : la charité divine est semblable à un grain qui doit germer, croître et fructifier pour
que notre être tout entier soit sanctifié. Notre cœur est le centre de notre être, la source d’où
jaillit la vie et c’est à partir de lui que notre humanité peut être tout entière transformée,
guérie.
Si l’on comprend la guérison à partir de cette guérison radicale qu’est la guérison de
notre cœur malade et compliqué, alors il est clair que la guérison et la sainteté se rejoignent
dans la notion d’union à Dieu, celle-ci se réalisant dans notre cœur : « Seul le chemin
d’union progressive avec lui (Dieu) constitue le vrai processus de guérison de
Selon l’expression utilisée par Benoît XVI dans son commentaire de l’Evangile de la messe de
minuit : « …avons-nous vraiment de la place pour Dieu, quand il cherche à entrer chez nous ?
Avons-nous du temps et de l’espace pour lui ? N’est-ce pas peut-être Dieu lui-même que nous
refoulons ? Cela commence par le fait que nous n’avons pas du temps pour Dieu. Plus nous
pouvons nous déplacer rapidement, plus les moyens qui nous font gagner du temps deviennent
efficaces, moins nous avons du temps à disposition. Et Dieu ? La question le concernant ne
semble jamais urgente. Notre temps est déjà totalement rempli. Mais les choses vont encore plus
en profondeur. Dieu a-t-il vraiment une place dans notre pensée ? Les méthodes de notre pensée
sont organisées de manière qu’au fond, il ne doit pas exister. Même s’il semble frapper à la porte
de notre pensée, il doit être éloigné par quelque raisonnement. La pensée, pour être considérée
comme sérieuse, doit être construite de façon à rendre superflue l’“hypothèse Dieu”. Il n’y a pas
de place pour lui. Même dans notre sentiment et dans notre vouloir, il n’y a pas de place pour lui.
Nous nous voulons nous-mêmes. Nous voulons les choses tangibles, le bonheur expérimentable,
la réussite de nos projets personnels et de nos intentions. Nous sommes totalement “remplis” de
nous-mêmes, si bien qu’il ne reste aucun espace pour Dieu. Et c’est pourquoi, il n’y a pas
d’espace non plus pour les autres, pour les enfants, pour les pauvres, pour les étrangers. »
(Homélie de la messe du 24.12.2012).
8 « Guérir est une dimension essentielle de la mission apostolique et de la foi chrétienne en
général. Eugen Biser qualifie carrément le christianisme de “religion thérapeutique”, de religion
de la guérison. » (Benoît XVI, Jésus de Nazareth I, p. 200.
9 Nous avons une belle image de cette transformation de notre cœur en un cœur d’enfant dans la
guérison de Naamân quand il descendit et « se plongea sept fois dans le Jourdain, selon la parole
d'Elisée: sa chair redevint nette comme la chair d'un petit enfant. » (2Rois, 5, 14)
5
7
l’homme. »10 Par contre, si l’on entend par guérison le fait de retrouver un état de bien-être
émotionnel, d’équilibre ou de force psychique, il faut alors bien distinguer celle-ci de la
sainteté. Il est clair, en effet, que ce n’est pas la souffrance ou l’infirmité ou la faiblesse qui,
en elles-mêmes, peuvent nous empêcher de nous unir à Dieu en nous abandonnant totalement
à Lui. Bien au contraire, comme nous le verrons mieux par la suite, la fragilité psychique
peut être la matière d’un chemin de sainteté comme aussi les souffrances morales et
psychiques, les béances dues aux péchés de nos parents11.
3. La grâce du baptême ne guérit pas tout
Nous sommes tous blessés et malades à cause du péché originel, des péchés des
autres à commencer par ceux de nos parents et de nos propres péchés. Dieu le sait, Dieu
le voit, mais il ne guérit pas tout tout de suite. L’Eglise enseigne que « " Au moment où nous
faisons notre première profession de Foi, en recevant le saint Baptême qui nous purifie, le
pardon que nous recevons est si plein et si entier, qu’il ne nous reste absolument rien à
effacer, soit de la faute originelle, soit des fautes commises par notre volonté propre, ni
aucune peine à subir pour les expier (...). Mais néanmoins la grâce du Baptême ne délivre
personne de toutes les infirmités de la nature. Au contraire nous avons encore à combattre
les mouvements de la concupiscence qui ne cessent de nous porter au mal " (Catech. R. 1, 11,
3). » (CEC 987)12.
En d’autres termes, « dans le baptisé, certaines conséquences temporelles du péché
demeurent cependant, tels les souffrances, la maladie, la mort, ou les fragilités inhérentes
à la vie comme les faiblesses de caractère, etc., ainsi qu’une inclination au péché que la
Tradition appelle la concupiscence, ou, métaphoriquement, " le foyer du péché " (fomes
peccati)13 : " Laissée pour nos combats, la concupiscence n’est pas capable de nuire à ceux
10
Jésus de Nazareth, p.200.
Cela dit il ne faut pas opposer nécessairement la recherche d’un mieux-être, d’une plus
grande harmonie avec un chemin spirituel. L’expérience montre, en effet, que certaines
personnes non croyantes peuvent commencer une thérapie simplement parce qu’elles se sentent
mal dans leur peau et qu’après avoir retrouvé un certain équilibre elle se trouvent davantage
disposées à aller plus loin. La thérapie a dégagé le terrain, les a amené à se poser des questions
plus essentielles. La grâce prévenante de Dieu aidant, elle en arrivent finalement à commencer un
vrai chemin spirituel.
12 « En ce combat avec l’inclination au mal, qui serait assez vaillant et vigilant pour éviter toute
blessure du péché ? " Si donc il était nécessaire que l’Église eût le pouvoir de remettre les péchés,
il fallait aussi que le Baptême ne fût pas pour elle l’unique moyen de se servir de ces clefs du
Royaume des cieux qu’elle avait reçues de Jésus-Christ ; il fallait qu’elle fût capable de pardonner
leurs fautes à tous les pénitents, quand même ils auraient péché jusqu’au dernier moment de leur
vie " (Catech. R. 1, 11, 4). » (CEC 979).
13 Telle est la conséquence du péché originel : « L’harmonie dans laquelle ils (Adam et Eve)
étaient, établie grâce à la justice originelle, est détruite ; la maîtrise des facultés spirituelles de
l’âme sur le corps est brisée (cf. Gn 3, 7)… » (CEC 400) « Depuis ce premier péché, une véritable
" invasion " du péché inonde le monde… “Ce que la révélation divine nous découvre, notre propre
expérience le confirme. Car l’homme, s’il regarde au-dedans de son cœur, se découvre
également enclin au mal, submergé de multiples maux qui ne peuvent provenir de son
Créateur, qui est bon. Refusant souvent de reconnaître Dieu comme son principe, l’homme a,
par le fait même, brisé l’ordre qui l’orientait à sa fin dernière, et, en même temps, il a rompu
6
11
qui, n’y consentant pas, résistent avec courage par la grâce du Christ. Bien plus, ‘celui qui
aura combattu selon les règles sera couronné’ (2 Tm 2, 5) " (Cc. Trente : DS 1515). » (CEC
1264). « Cette concupiscence que l’apôtre appelle parfois “péché” (cf. Rm 6, 12-15 ; 7,7.1420)14, le saint Concile déclare que l’Eglise catholique n’a jamais compris qu’elle fût appelé
péché parce qu’elle serait vraiment et proprement péché chez ceux qui sont nés de nouveau,
mais parce qu’elle vient du péché et incline au péché. » (DS 1515).
« Moi je suis né dans la faute, j’étais pécheur dès le sein de ma mère » (cf. Ps 50(51),
7). Que tout homme soit marqué par le péché originel signifie qu’il a comme une tendance
innée à ratifier le péché originel comme « préférence de soi à Dieu », « choix de soi-même
contre Dieu » (cf. CEC 398). L’expression « foyer du péché » montre qu’il y a un tout homme
une inclination à ce péché originel qui constitue « le principe et la racine de tous les autres
péchés »15. L’homme subit comme une pression constante à désobéir, à opposer sa volonté à
la volonté de Dieu, à se rechercher lui-même dans un idéal de perfection comme s’il était son
propre Créateur. C’est une même tentation originelle qui prend diverses formes : « Vous serez
comme des dieux… » (cf. Gn 3, 5). « Moi par moi. » A cette tendance à une exaltation de soi
orgueilleuse s’oppose le désir de Dieu inscrit dans le cœur de l’homme. Désir de vérité, de
bien, de paix, d’amour. La nature humaine « n’est pas totalement corrompue » (CEC
405). Le cœur de l’homme demeure foncièrement bon, mais il est partagé. C’est ce qui fait
dire à saint Paul : « Or si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais, d'accord avec la Loi,
qu'elle est bonne; en réalité ce n'est plus moi qui accomplis l'action, mais le péché qui habite
en moi16. » Autrement dit « l’esprit est ardent », il désire « la vie et la paix » (cf. Rm 6, 8), il
se complait dans la loi de Dieu, mais il y a aussi en nous un désir de mort (cf. Rm 8, 6), une
complicité avec le néant. Il n’y a que le cœur de Marie qui soit immaculé. De cette division
intérieure découlent tous les autres déséquilibres17.
toute harmonie, soit par rapport à lui-même, soit par rapport aux autres hommes et à toute
la création.” (GS 13, § 1). » (CEC 401).
14 « Vraiment ce que je fais je ne le comprends pas: car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais
ce que je hais. Or si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais, d'accord avec la Loi, qu'elle est
bonne; en réalité ce n'est plus moi qui accomplis l'action, mais le péché qui habite en moi. Car je
sais que nul bien n'habite en moi, je veux dire dans ma chair; en effet, vouloir le bien est à ma
portée, mais non pas l'accomplir: puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que
je ne veux pas. Or si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui accomplis l'action, mais le
péché qui habite en moi. Je trouve donc une loi s'imposant à moi, quand je veux faire le bien; le
mal seul se présente à moi. Je me complais dans la loi de Dieu du point de vue de l'homme
intérieur; mais j'aperçois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de ma raison et
m'enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux homme que je suis! Qui me
délivrera de ce corps qui me voue à la mort? Grâces soient à Dieu par Jésus Christ notre
Seigneur! » (Rm 7, 15-25).
15 Dominum et vivificantem, 33.
16 Le « péché » ici, c’est « le foyer du péché » comme le montre le passage du Concile de Trente
cité précédemment (DS 1515).
17 « En vérité, les déséquilibres qui travaillent le monde moderne sont liés à un déséquilibre plus
fondamental qui prend racine dans le cœur même de l’homme. C’est en l’homme lui-même, en
effet, que de nombreux éléments se combattent. D’une part, comme créa ture, il fait l’expérience
de ses multiples limites ; d’autre part, il se sent illimité dans ses désirs et appelé à une vie
supérieure. Sollicité de tant de façons, il est sans cesse contraint de choisir et de renoncer. Pire :
faible et pécheur, il accomplit souvent ce qu’il ne veut pas et n’accomplit point ce qu’il voudrait.
En somme, c’est en lui-même qu’il souffre division, et c’est de là que naissent au sein de la
société tant et de si grandes discordes. » (Gaudium et spes, 10, §1).
7
4. Guérison et salut éternel
On peut être sauvé sans être guéri des blessures et des maladies de son âme 18. Dans
la liturgie du sacrement des malades, l’Eglise a toujours « prier le Seigneur afin que le malade
recouvre sa santé si cela est convenable à son salut » (CEC 1512). La seule chose qui puisse
nous séparer de Dieu, c’est le péché et non pas l’inclination au péché ou les fragilités, les
déséquilibres, les souffrances liés au péché. Le péché est l’unique mal absolu. Le mal, en
effet, est la privation d'un bien. Le péché est un mal moral « sans commune mesure plus
grave que le mal physique » (CEC, n° 311) parce qu'il nous prive du plus grand bien qui est
Dieu lui-même. Il est important ici de distinguer la souffrance et le mal. L'homme souffre
lorsqu'il éprouve un mal19, le manque d'un bien pour lequel il est fait. La souffrance
provient de la différence entre ce que nous vivons et ce que nous devrions vivre. Elle grandit
la conscience qu’a l’homme du bien dont il est privé. C’est pourquoi avec la séparation de
l’âme et du corps, la souffrance éprouvée en raison de la privation de Dieu devient une
souffrance infernale ou disons plus précisément ce que la tradition de l’Eglise appelle la
« peine du dam ».
Le drame est qu'en raison de l'aveuglement, de l'endurcissement et de
« l’insensibilité » (cf. Ep 4, 19) de son cœur20, le pécheur n'éprouve pas suffisamment ce mal
du péché pour voir en lui le vrai mal absolu. Le péché anesthésie notre âme et notre
18
A fortiori de celles de son corps. A ce sujet il est bon de se rappeler que dans la liturgie du
sacrement des malades, l’Eglise a toujours « prier le Seigneur afin que le malade recouvre sa santé
si cela est convenable à son salut » (CEC 1512). Dans son commentaire de la résurrection de
Lazare, Benoît XVI s’exprime ainsi : « Chacun de nous est appelé à comprendre que, dans la
prière de demande au Seigneur, nous ne devons pas nous attendre à un accomplissement
immédiat de ce que nous demandons, de notre volonté, mais nous confier plutôt à la volonté du
Père en lisant chaque événement dans la perspective de sa gloire, de son dessein d’amour, souvent
mystérieux à nos yeux. C’est pourquoi, dans notre prière, demande, louange et remerciement
devraient se fondre, même lorsqu’il nous semble que Dieu ne réponde pas à nos attentes
concrètes. S’abandonner à l’amour de Dieu qui nous précède et nous accompagne toujours est
l'une des attitudes de fond de notre dialogue avec Lui. Le Catéchisme de l’Eglise catholique
commente ainsi la prière de Jésus dans le récit de la résurrection de Lazare : « Ainsi, portée par
l’action de grâce, la prière de Jésus nous révèle comment demander : Avant que le don soit donné,
Jésus adhère à Celui qui donne et Se donne dans ses dons. Le Donateur est plus précieux que le
don accordé, il est le " Trésor ", et c’est en Lui qu’est le cœur de son Fils ; le don est donné "
par surcroît " (cf. Mt 6, 21. 33) » (2604). Cela me semble très important : avant que le don soit
accordé, adhérer à celui qui donne ; celui qui donne est plus précieux que le don. Par conséquent
nous aussi, au-delà de ce que Dieu nous donne lorsque nous l’invoquons, le don le plus grand
qu’il puisse nous donner est son amitié, sa présence, son amour. C’est lui le trésor précieux à
demander et à toujours préserver. » (Audience générale du 14.12.2011).
19 À un mal physique correspond une souffrance physique et à un mal moral (ou spirituel)
correspond une souffrance morale (ou spirituelle) distincte de la souffrance « psychique » comme
le note avec précision Jean-Paul II : « La souffrance morale est une “douleur de l’âme”. Il
s’agit en effet de la souffrance de nature spirituelle, et non pas seulement de la dimension
“psychique” de la douleur qui accompagne la souffrance morale comme la souffrance
physique. L’ampleur de la souffrance morale et la multiplicité de ses formes ne sont pas moindres
que celles de la souffrance physique » (Salvifici doloris, n° 5).
20 Comme le dit Marthe Robin : « Oh! le terrible aveuglement des hommes qui, pour des riens,
des fumées, des chimères, qui pour un gain coupable ou quelques plaisirs impurs, ou une
éphémère vision, perdent Dieu, le bien suprême et infini, et engagent, compromettent leur éternité
et se vouent au plus atroce désespoir comme aux plus épouvantables supplices. Et cela pour
l'éternité. » (Mensuel Dieu est Amour, n° 62 Contempler, une activité d'homme, p. 40.)
8
conscience. Il nous procure même une « jouissance éphémère » (cf. He 11, 25) qui voile la
misère et la détresse profondes de l'âme qu’il a souillée21. Nous nous focalisons sur le mal
physique ou psychique parce que nous l’éprouvons plus facilement, nous en ressentons une
souffrance qui nous mobilise. Nous sommes même prêts, pour l’éviter, à pécher. Nous
oublions que le péché est la mort de l'âme et que cette mort est infiniment plus dramatique
que celle du corps. La souffrance physique ou psychique devient alors elle-même, à nos yeux,
le mal absolu jusqu’à engendrer des dérives comme l’euthanasie. À partir d’une vision aussi
restreinte et faussée des choses, il devient impossible de comprendre le sens que le Christ
donne à la souffrance22. Voilà pourquoi « il en est beaucoup (…) et je le redis aujourd’hui
avec larmes, qui se conduisent en ennemis de la croix ; (…) ils ont pour dieu leur ventre
(…) ; ils n’apprécient que les choses de la terre » (Ph 3, 18-19). Le doute semé sur la réalité
de l’enfer a désarmé les chrétiens dans le combat spirituel à mener sur le terrain de la
souffrance. Ils ne voient plus comment ce « mal » relatif qu’est la souffrance, telle qu’elle est
expérimentée sur terre, pourrait servir pour éviter le mal absolu23. L’homme moderne a besoin
de retrouver le goût de Dieu pour appréhender l’union à Dieu comme la seule vraie richesse
qui ne déçoit pas, l’unique nécessaire24. Sinon on comprend intellectuellement, mais cela
demeure abstrait et ne motive pas.
En dehors du péché, tout le reste, qu’il soit lié au péché ou non, peut être la matière d’un
chemin de salut. Or il y a péché là où notre liberté est engagée. Il ne faut pas confondre le
péché et la tentation. Il ne faut pas se culpabiliser pour des choses qui ne dépendent pas de
nous. La tendance au péché comme telle ne relève pas de ma liberté. Tout dépend de ce que
j’en fait, si je me rends complice d’elle dans mes actes ou non. C’est pourquoi la libération de
nos tendances désordonnées n’est pas absolument nécessaire. La conversion et le repentir
de notre cœur qui nous obtient le pardon de nos péchés constituent la condition
nécessaire et suffisante de notre salut éternel. Il reste vrai, néanmoins, que nous sommes
appelés à nous sanctifier dans tout notre être, à nous unifier… Le Christ est le sauveur de
tout l’homme. Il veut nous restaurer dans notre liberté et notre force25. C’est pourquoi nous
L'homme pécheur ressemble à un cancéreux qui s'ignore. Le cancer fait son œuvre de
corruption en lui, mais il ne ressent rien jusqu'au jour où, tout étant métastasé, il meurt d’une mort
très brutale.
22 Au fond, pour bien poser la question du mal et comprendre pleinement le sens de la souffrance
à l’intérieur du mystère de la Rédemption, il nous manque la perception intérieure du ciel et de
l'enfer. La sagesse des saints nous permettrait de dire en toute épreuve : « C'est pourquoi nous ne
faiblissons pas. Au contraire, même si notre homme extérieur s'en va en ruine, notre homme
intérieur se renouvelle de jour en jour. Car la légère tribulation d'un instant produit pour nous, de
surabondance en surabondance, un éternel poids de gloire, à nous qui ne regardons pas aux
choses visibles mais aux invisibles, les visibles en effet n'ont qu'un temps, les invisibles sont
éternelles »(2 Co 4, 16-18).
23 On ne perçoit plus ce que Jean-Paul II a appelé « la souffrance définitive : la perte de la vie
éternelle, le fait d’être rejeté par Dieu, la damnation ». On ne peut pas plus comprendre comment
« le Fils unique a été donné à l’humanité pour protéger l’homme avant tout contre ce mal définitif
et contre la souffrance définitive » (cf. Salvifici doloris, n° 14).
24 En ce sens il faut annoncer l’amour de Dieu avant de dénoncer le péché, même s’il arrive que
certains se convertissent en faisant une quasi-expérience de l’enfer.
25 Pour reprendre l’expression du Concile déjà citée dans l’enseignement introductif : « Mais le
Seigneur en personne est venu pour restaurer l’homme dans sa liberté et sa force, le rénovant
intérieurement et jetant dehors le prince de ce monde (cf. Jn 12, 31), qui le retenait dans
l’esclavage du péché. » (Ibid.)
9
21
attendons en même temps que notre adoption filiale ce que saint Paul appelle « la rédemption
de notre corps » (cf. Rm 8, 23). Nous croyons que dès maintenant par le don de l’Esprit nous
vivons de la vie du Christ ressuscité si bien que saint Paul n’hésite pas à dire que nous
sommes ressuscités avec le Christ. » (cf. Col 3, 1). Il y a un germe de vie du ciel au fond de
notre cœur et la puissance de sa résurrection ne demande qu’à se déployer dans toute notre
humanité.
5. Suivre un chemin d’incarnation pour parvenir à une vraie spiritualisation
Le mystère de l’Ascension nous laisse entrevoir qu’il y a une place pour l’homme en
Dieu. Pour l’homme tout entier. Nous n’avons pas à renier notre humanité pour nous
élever jusqu’à la hauteur de Dieu. Nous n’avons pas à nous évader de la condition humaine
pour entrer dans la condition divine. Nous avons plutôt à accueillir et à aimer notre humanité,
même et surtout dans ce qu’elle a de plus charnelle. Dieu aime la matière. Il aime notre corps,
notre humanité dans sa finitude et sa fragilité. C’est notre faiblesse qui attire sa tendresse.
Nous comprenons par là mieux pourquoi la résurrection de notre cœur et de notre corps
s’opère par la puissance de l’Esprit. Celui-ci est un Esprit filial, un Esprit d’humilité et de
confiance. Il est l’Esprit du Christ qui a gardé son cœur d’enfant face au Père. C’est cet Esprit
d’enfance qui nous dispose à la divinisation de notre humanité moyennant l’humble
acceptation de celle-ci. Nous ne pouvons être divinisés qu’en prenant place dans le cœur filial
du Christ, qu’en devenant fils adoptifs dans le Fils unique. Plus encore cet Esprit filial nous
fait aimer nos limites, nos faiblesses, il nous fait aimer dépendre de Dieu, ne rien pouvoir
faire en dehors de lui. Quand on aime vraiment Dieu, on aime se recevoir tout entier de son
amour pur et gratuit. Nos faiblesses deviennent la matière d’une réceptivité plus grande.
« C'est donc de grand cœur que je me glorifierai surtout de mes faiblesses, afin que repose sur
moi la puissance du Christ. » (1Co 12, 9). C’est le même Esprit qui nous fait suivre un chemin
qui descend et un chemin qui monte. Il nous rend petits pour nous rendre grand. « Celui qui
s’abaisse sera élevé. »
Il faut distinguer deux choses. Cet Esprit Saint nous fait aimer Dieu notre Père d’un
amour filial nouveau au fond de notre cœur. Dans la mesure où cet amour est éveillé en nous,
la puissance de cet amour est plus grande que l’inclination au mal de notre nature blessée.
C’est ce qui fait dire à saint Paul : « Vous, vous n'êtes pas dans la chair (c’est-à-dire sous
l’emprise des passions désordonnées de la chair) mais dans l'Esprit, puisque l'Esprit de Dieu
habite en vous. Qui n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient pas, mais si le Christ est en
vous, bien que le corps soit mort déjà en raison du péché, l'Esprit est vie en raison de la
justice. » (Rm 8, 9-10). Ainsi la grâce étant plus forte que la nature, tout en étant malades et
blessés dans notre humanité, nous pouvons poser des actes de charité divine, d’amour pur.
Nous pouvons agir saintement sans que notre humanité soit encore sanctifiée. Mais il faut
espérer qu’à travers tout un chemin d’acception, de réconciliation avec notre humanité, nous
puissions progressivement jouir d’une humanité pneumatique, pénétrée et transformée par
l’Esprit, purifiée et guérie en profondeur et en largeur par la grâce divine. C’est bien cette
espérance d’une rédemption de notre corps dès cette vie que saint Paul cherche à éveiller en
nous quand il dit : « Et si l'Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en
vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps
10
mortels par son Esprit qui habite en vous. » (Rm 8, 11). C’est un long chemin, le chemin de
l’unification de notre humanité en Dieu dans un Esprit filial qui pénètre et transforme tout.
Nous sommes faits pour tout vivre en petits enfants bien-aimés de Dieu. La voie d’enfance est
le secret de la sainteté, de la véritable divinisation. C’est de cette voie dont le démon a
cherché à nous détourner dès le début, dans sa jalousie26 vis à vis de la race humaine.
Le démon singe Dieu. Il cherche à nous entraîner sur le chemin d’une vie spirituelle
artificielle. Une élévation de soi par soi. Tout peut être perverti, falsifié. On peut confondre
l’humilité et la mésestime de soi, la confiance et la crédulité ou l’irresponsabilité… En se
gavant de belles littératures « spirituelles », on peut vivre sa vie spirituelle dans sa tête en se
faisant illusion, en s’y croyant, en se construisant tout un univers intérieurs « spirituel » dans
lequel on se complaît et se recherche soi-même secrètement. C’est cela à proprement parler
« planer ». Ce n’est pas prier trop, on ne prie jamais trop. C’est prier mal. C’est mettre Dieu
au service de nos idées de grandeur27. Comme on peut être facilement en décalage avec la
sagesse de la Croix qui nous fait suivre un chemin d’obéissance et de dépouillement pour
retrouver un cœur d’enfant28. Le vrai « spirituel » ne peut pas planer parce qu’il est mené par
un Esprit de vérité qui lui fait adhérer à la réalité pour adhérer à Dieu.
Conclusion
Le péché de l’homme moderne, c’est d’une manière particulière de refuser de dépendre
de Dieu jusqu’à vouloir être « esprit et volonté » c’est-à-dire se vivre comme s’il était son
propre créateur sans dépendre d’une nature humaine prédéterminée29. On peut dire pour
reprendre une expression de Maurice Clavel que c’est le péché originel au carré. Mais quand
l’âme refuse d’obéir à Dieu, le corps refuse d’obéir à l’âme. Sa dépendance aux lois du
psychisme le rappelle à sa condition de créature. L’homme moderne ne pourra jamais
parvenir à une véritable maîtrise de lui-même sur la base de l’orgueil30. Il y a là comme une
26
« Oui, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, il en a fait une image de sa propre nature;
c'est par l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde: ils en font l'expérience, ceux qui
lui appartiennent! » (Sg 2, 23-24).
27 Là est bien la forme que prend la tentation originelle chez beaucoup de croyants comme nous
l’a fait comprendre Benoît XVI dans son commentaire des tentations du Christ : « Quel est le
cœur des trois tentations que subit Jésus ? C’est la proposition d’instrumentaliser Dieu, de
l’utiliser pour ses propres intérêts, pour sa propre gloire et son propre succès. Et donc, en
substance, de se mettre à la place de Dieu, en l’éliminant de son existence et en faisant comme s’il
était superflu. Chacun devrait alors se demander : quelle place Dieu a-t-il dans ma vie ? Estce lui, le Seigneur, ou est-ce moi ? » (Catéchèse du mercredi des cendres, le 13.02.2013).
28 Comme nous le montre l’Evangile de Mc 9, 30-37 dans lequel on voit clairement le décalage
entre le Christ et les apôtres. Ils ne sont pas sur la même longueur d’onde.
29 Comme l’a expliqué Benoît XVI à propos de la théorie du gender : « L’être humain conteste
d’avoir une nature préparée à l’avance de sa corporéité, qui caractérise son être de personne.
Il nie sa nature et décide qu’elle ne lui est pas donnée comme un fait préparé à l’avance, mais que
c’est lui-même qui se la crée. (…) Il est désormais seulement esprit et volonté. La manipulation
de la nature, qu’aujourd’hui nous déplorons pour ce qui concerne l’environnement, devient ici le
choix fondamental de l’homme à l’égard de lui-même. L’être humain désormais existe seulement
dans l’abstrait, qui ensuite, de façon autonome, choisit pour soi quelque chose comme sa nature. »
(Discours à la curie romaine, le 21.12.2012).
30 L’Ecriture nous en avertit : « Au mal de l'orgueilleux il n'est pas de guérison, car la
méchanceté est enracinée en lui.… » (Si 3, 28). L’orgueil comme refus de dépendre de Dieu,
comme non-foi en son amour et en sa parole maintient le mal enraciné en nous.
11
« correction » du Seigneur au sens où saint Paul dit à propos des impies qui « ayant connu
Dieu, ne lui ont pas rendu comme à un Dieu gloire ou actions de grâces » (Rm 1, 21) : « Aussi
Dieu les a-t-il livrés à des passions avilissantes… » (Rm 1, 26)31. Telle est bien la situation de
l’homme moderne condamné à nourrir ses cochons que sont ses passions sans pouvoir se
rassasier lui-même comme esprit pour reprendre la parabole du fils prodigue souvent reprise
tant par Jean-Paul II que par Benoît XVI pour décrire la situation de l’homme moderne.
L’exaltation orgueilleuse de soi conduit à l’aliénation. « Celui qui s’élève sera abaissé » La
recherche de la guérison intérieure devient ainsi le lieu d’un combat spirituel au sens où le
Christ attend l’homme moderne sur le terrain de ses blessures pour le guérir d’abord de
son orgueil.
Impossible en effet de guérir radicalement sans se laisser conduire dans le secret de son
cœur par Celui qui est venu appeler non pas les justes mais les pécheurs. Le secret d’une
guérison en profondeur c’est-à-dire aussi d’un vrai soulagement de nos âmes32 réside dans
l’humilité avec laquelle on sait profiter de l’expérience de ses fragilités, de ses faiblesses de
caractère et de ses chutes dans des péchés charnelles pour s’humilier davantage encore, pour
briser ce fond d’orgueil, se purifier de ce « foyer du péché » qui est à l’origine de nos
déséquilibres et de nos chutes. Nous allons voir comment le Christ, l’Agneau de Dieu qui
enlève le péché du monde, nous ouvre ce chemin de guérison radicale.
A cela fait échos le proverbe : « L’impureté est le châtiment de l’orgueil. »
« Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai.
Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et
vous trouverez soulagement pour vos âmes. Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger. » (Mt
11 ; 28-30).
12
31
32
Enseignement n°2 -
GUÉRIR PAR LA FOI ET LA SUITE DU CHRIST
Introduction
Nous allons voir comment nous pouvons suivre le Christ dans notre recherche d’une
véritable guérison de notre humanité. Le chemin de la guérison devient le lieu d’un véritable
combat spirituel dont il nous faut bien comprendre les règles. Dieu nous sauve par la grâce du
baptême mais non pas sans nous, sans l’engagement de notre liberté : « Le Baptême, en
donnant la vie de la grâce du Christ, efface le péché originel et retourne l’homme vers Dieu,
mais les conséquences pour la nature, affaiblie et inclinée au mal, persistent dans l’homme et
l’appellent au combat spirituel. » (CEC 405). Le baptême efface le péché originel comme état
de séparation d’avec Dieu mais il n’efface pas la mystérieuse « inclination au péché », le
« fomes peccati » pas plus que « les souffrances, la maladie, la mort, ou les fragilités
inhérentes à la vie comme les faiblesses de caractère, etc... » qui deviennent la matière d’un
chemin de purification radical du cœur comme nous allons le montrer.
1. Le Christ vainc le mal à sa racine
Pour comprendre le combat spirituel que le Christ nous appelle à mener à sa suite, il
nous faut le contempler dans sa victoire sur le péché, mieux comprendre en quel sens « par sa
mort rédemptrice, Jésus Christ vainc à sa racine même le mal du péché et de la mort »33.
Sur la Croix, le Christ est l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde c’est-à-dire le
péché originel, celui qui est à la racine de tous les autres péchés. En allant jusqu’au bout de
l’obéissance filiale dans une confiance absolue et un abandon total, il a vaincu la non-foi, la
volonté d’autonomie, l’orgueil, la révolte et le repliement sur soi, qui sont à l’origine de
tous les autres péchés.
Nous avons une image de cette guérison radicale que le Christ seul peut opérer dans le
récit du serpent d’airain. Le Christ en effet se compare lui-même à ce serpent que les Hébreux
devaient regarder pour être guéris de leur esprit de murmure, de révolte contre Dieu. « Moïse
façonna donc un serpent d'airain qu'il plaça sur l'étendard, et si un homme était mordu par
quelque serpent, il regardait le serpent d'airain et restait en vie. » (Nb 21, 9). Le péché
originel est semblable au venin du serpent qui conduit à la mort. Le Christ nous en guérit :
« Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l'homme,
afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle. » (Jn 3, 14-15). C’est bien ce qui s’est
accompli à la Croix : « C'est maintenant le jugement de ce monde; maintenant le Prince de ce
33
Jean-Paul II, Redemptoris mater, 24.
13
monde va être jeté dehors; et moi, une fois élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi. »
(Jn 12, 31-32). Comme nous l’avons vu la dernière fois, ce qui nous sauve, c’est la foi au
Christ comme regard tourné vers Celui que nous avons transpercé. « Dans ses blessures
nous trouvons la guérison. » (Is 53, 5). Rappelons-nous la parole de Benoît XVI : « À partir
de ce regard, le chrétien trouve la route pour vivre et pour aimer. »34 Il trouve la route pour
aimer parce qu’il trouve le chemin de l’ouverture du cœur et de l’abandon au Père.
Le Christ seul peut nous arracher à la damnation en nous sortant de la prison de notre
propre moi. Cette libération nous rend apte à accueillir le don de l’Esprit Saint et de nous
laisser mener par lui et par là même de ne plus être esclave des convoitises de la chair 35.
Autrement dit le Christ nous prend dans sa mort qui a été une mort au péché du originel et
nous libère ainsi de l’asservissement au péché qui est dans nos « membres »36 :
« Comprenons-le, notre vieil homme a été crucifié avec lui, pour que fût réduit à
l'impuissance ce corps de péché, afin que nous cessions d'être asservis au péché. Car celui qui
est mort est affranchi du péché. Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que
nous vivons aussi avec lui, sachant que le Christ une fois ressuscité des morts ne meurt plus,
que la mort n'exerce plus de pouvoir sur lui. Sa mort fut une mort au péché, une fois pour
toutes; mais sa vie est une vie pour Dieu. Et vous de même, considérez que vous êtes morts
au péché et vivants pour Dieu dans le Christ Jésus. » (Rm 6, 3-11). Telle est la grâce du
baptême et « tout l’organisme de la vie surnaturelle du chrétien a sa racine dans le saint
Baptême » (CEC 1266). Par lui nous sommes enracinés dans la filiation divine qui nous fait
dire " Abba, Père " (Rm 8, 15). Nous sommes morts à nous-mêmes, à notre « moi » pour
vivre d’une vie nouvelle. Telle est bien le cœur du mystère du salut : le Christ « est mort
pour tous, afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et
ressuscité pour eux. » (2Co 5, 15).
2. La purification du cœur par le regard du Christ
Il faut se rappeler ici que la graine de sainteté déposée dans notre cœur avec le baptême
demande à croître jusqu’à nous faire parvenir à l’état de sainteté. Tel est le but de la vie
chrétienne. Ce qui est donné au début en germe trouve son achèvement dans la purification
complète de notre cœur, l’état d’enfance spirituelle. Néanmoins sans être encore parvenu à
la sainteté, nous pouvons déjà vivre saintement en nous laissant conduire par l’Esprit Saint.
Dans la mesure où nous nous laissons toucher et attirer par le Christ crucifié, nous sommes
libérés de l’emprise de l’esprit d’orgueil, et nous pouvons être conduit comme des tout-petits
par son Esprit filial. Nous pouvons vivre cela dans l’oraison chaque jour sans avoir encore
achevé autant la purification des sens et de l’esprit37. Ainsi l’Eglise enseigne que « la
contemplation est regard de foi, fixé sur Jésus. " Je L’avise et Il m’avise ", disait, au temps de
son saint curé, le paysan d’Ars en prière devant le Tabernacle. Cette attention à Lui est
renoncement au " moi ". Son regard purifie le cœur38. »39 (CEC 2715). Ainsi « dans
34
Deus caritas est, 12.
Au sens où saint Paul dit : « Laissez-vous mener par l'Esprit et vous ne risquerez pas de
satisfaire la convoitise charnelle. » (Ga 5, 16).
36 Rm 6, 23.
37 Nécessaire à l’entrée dans un état de sainteté stable comme le montre saint Jean de la Croix.
38 C’est ce même regard du Christ qui nous purifiera aussi par delà la mort : « La rencontre avec
Lui est l'acte décisif du Jugement. Devant son regard s'évanouit toute fausseté. C'est la rencontre
14
35
l’oraison, le Père nous " arme de puissance par son Esprit pour que se fortifie en nous
l’homme intérieur, que le Christ habite en nos cœurs par la foi et que nous soyons enracinés,
fondés dans l’amour " (Ep 3, 16-17). » (CEC 2714).
Nous pouvons vivre cette purification de l’intention profonde de notre cœur par
l’attention au Christ de la manière la plus forte dans l’Eucharistie qui est le sommet de la
contemplation. Le Christ est là réellement présent qui, dans le renouvellement de sa passion,
veut exercer toute sa puissance d’attraction sur nous, nous saisir et nous entraîner dans son
abaissement et son offrande au Père pour que notre vie devienne une vie eucharistique.
Nous pouvons laisser ce mouvement d’attraction se prolonger dans l’adoration eucharistique
pour qu’il puisse porter tout son fruit. On voit ainsi des jeunes convertis ayant rencontré le
Christ vivre des effusions de l’Esprit si fortes dans la prière et l’adoration qu’elles peuvent
donner l’impression qu’ils sont déjà parvenus à la sainteté. En réalité leur vieil homme est
toujours là, il dort simplement et s’ils quittent l’esprit de prière, d’humilité et de confiance,
l’expérience montre qu’ils retombent vite dans leurs péchés passés, leur humanité n’étant pas
profondément transformée.
3. L’exercice des vertus théologales et le chemin de l’intériorité
La base de tout, c’est la foi au Christ, le regard de foi tourné vers lui. A partir de là la
vie théologale peut se développer en nous. C’est par lui que nous mettons notre foi et notre
espérance en Dieu le Père et que nous pouvons l’aimer d’un amour filial. L’Evangile du bon
larron nous montre comment la rencontre avec le Christ peut de l’intérieur ouvrir l’homme au
don d’un amour nouveau, d’une vie nouvelle. Néanmoins cela ne suffit pas pour parvenir à la
complète purification de notre cœur et la guérison définitive de notre humanité. On peut vivre
d’une vie nouvelle en exerçant continuellement la foi, l’espérance et la charité dans notre
cœur sans avoir arraché les racines du mal en nous. La grâce étant plus forte que la nature,
dans la mesure où nous nous laissons mener par elle, nous passons au-dessus de toutes les
tendances mauvaises qui sont en nous. Comme dit saint Paul, « laissez-vous mener par
l'Esprit et vous ne risquerez pas de satisfaire la convoitise charnelle. » (Ga 5, 16). Nous ne
sommes plus sous l’emprise de l’orgueil sans être encore parvenu à consumer la racine de
l’orgueil en nous.
avec Lui qui, nous brûlant, nous transforme et nous libère pour nous faire devenir vraiment nousmêmes. Les choses édifiées durant la vie peuvent alors se révéler paille sèche, vantardise vide et
s'écrouler. Mais dans la souffrance de cette rencontre, où l'impur et le malsain de notre être nous
apparaissent évidents, se trouve le salut. Le regard du Christ, le battement de son cœur nous
guérissent grâce à une transformation certainement douloureuse, comme “par le feu”.
Cependant, c'est une heureuse souffrance, dans laquelle le saint pouvoir de son amour nous
pénètre comme une flamme, nous permettant à la fin d'être totalement nous- mêmes et avec cela
totalement de Dieu. » (Spe salvi, 47).
39 Comme l’explique Benoît XVI : « La pureté est un événement dialogique. Elle commence avec
le fait qu’il vient à notre rencontre – Lui qui est la Vérité et l’Amour –, il nous prend par la main,
il pénètre notre être. Dans la mesure où nous nous laissons toucher par Lui, où la rencontre
devient amitié et amour, nous devenons nous-mêmes, à partir de sa pureté, des personnes
pures puis des personnes qui aiment avec son amour, des personnes qui introduisent les autres
aussi dans sa pureté et dans son amour. » (Homélie de la messe pour ses anciens étudiants du
« Ratzinger Schülerkreis », le 30 août 2009).
15
Autrement dit, d’une manière plus particulière, exerçons-nous à tout moment à « nous
réjouir dans le Seigneur » au sens où comme le dit Benoît XVI : « Nous devons nous réjouir
de sa proximité, de sa présence et chercher à comprendre toujours davantage qu’il est
réellement proche, et être ainsi pénétrés par la réalité de la bonté de Dieu, de la joie que le
Christ est avec nous. »40 La joie du Seigneur est alors « notre rempart » (cf. Ne 8, 10). Elle
nous fait nous oublier nous-mêmes et passer au dessus de quantités de tentations liées au fait
que nous nous regardons trop nous-mêmes41. Le Christ nous indique ce chemin quand il dit :
« Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation: l'esprit est ardent, mais la chair est faible. »
(Mt 26, 41). Veiller en effet signifie réveiller la foi et l’espérance.
Le lieu de la formation des vertus théologales étant le cœur, le réveil de notre foi, de
notre espérance et de notre charité va de paire avec une descente dans notre cœur. On peut
dire que notre cœur est ce château intérieur dans lequel nous pouvons nous réfugier dans
les moments de tentation en réveillant la foi, l’espérance et la charité par la prière du cœur.
Ainsi le chemin de l’intériorité est le chemin de la liberté intérieure par rapport à toutes
nos tendances désordonnées. On peut dire qu’il est le premier chemin que nous sommes
appelés à suivre dans le combat spirituel, mais il ne constitue pas à lui seul un véritable
chemin de guérison de notre humanité elle-même.
4. Le long et difficile chemin de la transformation de notre humanité elle-même
« Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie totalement, et que votre être entier,
l'esprit, l'âme et le corps, soit gardé sans reproche à l'Avènement de notre Seigneur Jésus
Christ. » (1Th 5, 23). Dieu ne veut pas seulement nous faire vivre de sa grâce, il veut
sanctifier réellement notre humanité. Dieu peut nous donner au début du chemin de
grandes grâces de prière qui nous tiennent à l’abri pendant un temps de nos mauvaises
inclinations. En nous donnant des grâces sensibles de paix, de réconfort, de force 42, Dieu
40
Benoît XVI, Homélie du 16.12. 2012 à la paroisse romaine de San Patrizio, ORLF N.51-52
(2012). Comme l’a dit Benoît XVI dans son homélie de la messe de minuit le 24.12.2012 à propos
de « l’hymne de louange que les anges entonnent après le message concernant le Sauveur
nouveau-né : “Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes objets de sa
bienveillance” » : « Dieu est glorieux. Dieu est pure lumière, splendeur de la vérité et de l’amour.
Il est bon. Il est le véritable bien, le bien par excellence. Les anges qui l’entourent transmettent
simplement d’abord la joie pour la perception de la gloire de Dieu. Leur chant est une irradiation
de la joie dont ils sont remplis. Dans leurs paroles, nous entendons, pour ainsi dire, quelque chose
des sons mélodieux du ciel. Là aucune question sur l’objectif n’est sous-entendue, il y a
simplement le fait d’être comblés du bonheur venant de la perception de la pure splendeur de la
vérité et de l’amour de Dieu. Nous voulons nous laisser toucher par cette joie : la vérité existe.
La pure bonté existe. La pure lumière existe. Dieu est bon et il est la puissance suprême, audessus de toutes les puissances. De cela nous devrions nous réjouir simplement en cette nuit,
avec les anges et les bergers. » (ORLF N.51-52 (2012)).
41 On peut comprendre en ce sens la parole de l’Ecriture : « La joie du cœur, voilà la vie de
l'homme, la gaîté, voilà qui prolonge ses jours. » (Si 30, 22). On sait que le rire a un effet
thérapeutique, mais plus encore la joie du Seigneur.
42 D’une manière semblable, la grâce première que l’Eglise attend du sacrement des malades est
« une grâce de réconfort, de paix et de courage pour vaincre les difficultés propres à l’état de
maladie grave ou à la fragilité de la vieillesse. Cette grâce est un don du Saint-Esprit qui
renouvelle la confiance et la foi en Dieu et fortifie contre les tentations du malin, tentation de
découragement et d’angoisse de la mort (cf. He 2, 15). » (CEC 1520). C’est seulement ensuite
que la personne pourra unir ses souffrances à celles du Christ en entrant dans un mouvement
16
nous porte à bout de bras comme un petit encore incapable de marcher lui-même. Il peut aussi
nous donner d’être porté par la prière des frères et de goûter ainsi quelque chose de la douceur
de la communion fraternelle. Il relève ainsi ceux qui sont tentés de se décourager devant leur
misère. Grande, en effet, est la tentation du découragement chez les blessés de la vie à cause
d’un sentiment d’aliénation, de leurs rechutes continuelles, et de la culpabilité qui en découle :
« Malheureux homme que je suis! Qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort? » (Rm
7, 24). Ces grâces sensibles données gratuitement au début du chemin peuvent faire illusion.
Il peut y avoir un moment où n’étant plus porté de la même manière par des grâces sensibles,
nous touchons du doigt notre fragilité et nous risquons alors de tout remettre en cause43.
En réalité, c’est un nouveau temps du chemin spirituel qui commence, le temps pour
mettre notre humanité à niveau pour parvenir à l’unification de notre être. Il ne s’agit pas
seulement de travailler sur les passions et les convoitises de la chair, autrement dit de
travailler sur notre psychisme, mais il s’agit aussi d’aller plus loin dans la purification du
cœur. Et les purifications profondes ne peuvent se faire qu’avec le temps et elles ne
peuvent pas non plus se faire sans souffrance. On peut couper un lien d’un coup de couteau
en un instant, mais on ne peut pas rendre une bûche rougeoyante instantanément. C’est
pourquoi il ne faut pas crier victoire trop vite ni s’étonner de devoir traverser des épreuves
purificatrices : « Très chers, ne jugez pas étrange l'incendie qui sévit au milieu de vous pour
vous éprouver, comme s'il vous survenait quelque chose d'étrange. (…) Car le moment est
venu de commencer le jugement par la maison de Dieu. Or s'il débute par nous, quelle sera la
fin de ceux qui refusent de croire à la Bonne Nouvelle de Dieu? Si le juste est à peine sauvé,
l'impie, le pécheur, où se montrera-t-il? » (1P 4, 12.18).
Le difficile, comme nous l’avons vu à propos de l’amour de soi, c’est de s’accepter soimême dans sa faiblesse et sa pauvreté, d’accepter de dépendre d’un autre, de ne pas pouvoir
se sauver soi-même. Certes le chemin de l’humilité et de la confiance que le Christ a ouvert
par sa passion est toujours là accessible dans le secret de notre cœur, là où tout se noue et se
dénoue. Rien ne peut nous empêcher de poser au fond de notre cœur des actes d’abandon.
Néanmoins il faut du temps pour accepter de voir notre impuissance et renoncer jusqu’au bout
à nos prétentions secrètes. Il faut du temps pour aimer n’être rien devant Dieu et se laisser
aimer ainsi par lui purement et simplement44 dans la foi en un Amour divin attiré par « le
d’offrande et d’abandon. Des grâces semblables de paix er de réconforte peuvent être données
dans le sacrement de la pénitence sans que les personnes soient vraiment entrer dans la contrition
parfaite.
43 Il peut arriver que certains après avoir été libérés de l’emprise de passions avilissantes par la
force de l’effusion de l’Esprit Saint s’y engagent à nouveau s’y enfonçant davantage encore.
L’Ecriture a des paroles douloureuses à entendre à ce sujet : « En effet, si, après avoir fui les
souillures du monde par la connaissance du Seigneur et Sauveur Jésus Christ, ils s'y engagent de
nouveau et sont dominés, leur dernière condition est devenue pire que la première. Car
mieux valait pour eux n'avoir pas connu la voie de la justice, que de l'avoir connue pour se
détourner du saint commandement qui leur avait été transmis. Il leur est arrivé ce que dit le
véridique proverbe: Le chien est retourné à son propre vomissement, et: "La truie à peine lavée se
roule dans le bourbier." » (2P 2, 20-22).
44 Comme la petite Thérèse qui disait : « Toutes les créatures peuvent se pencher vers elle,
l’admirer, l’accabler de leurs louanges, je ne sais pourquoi mais cela ne saurait ajouter une seule
goutte de fausse joie à la véritable joie qu’elle savoure en son cœur, se voyant ce qu’elle est
aux yeux du Bon Dieu : un pauvre petit néant, rien de plus… » (Ms C, 2r°).
17
néant »45. Il faut du temps pour savoir « rebondir », savoir profiter de nos chutes pour se
laisser aimer plus profondément par Dieu dans cet état de dégoût, de tristesse que provoque le
péché46. Croire jusqu’au bout à la gratuité de l’Amour divin signifie se livrer, se laisser
toucher au plus intime de notre cœur, là où est inscrite la soif de Dieu, la soif de l’Amour
absolu. Et se laisser toucher signifie se laisser brûler, se laisser entraîner sur le chemin
d’un abandon total en réponse au « fol eros » de Dieu. Le péché originel fait que cette
livraison de nous-même au feu de l’amour divin n’est pas « naturelle ». Il y a en nous
beaucoup de résistances inconscientes. Le démon nous tient par la peur, peur de nous lâcher
nous-mêmes, de nous perdre dans l’océan de l’amour divin.
5. Unir la voie d’enfance et la lutte active contre nos tendances désordonnées
Le secret de la sainteté apparaît ici clairement comme la voie d’enfance que le Christ
nous ouvre par sa passion. Celle-ci est l’ascèse « radicale », celle qui nous permet de nous
purifier davantage jour après jour de nos résistances profondes et en définitive de notre
« fomes peccati ». C’est ici que la distinction entre l’« inclination au péché », le « fomes
peccati » et les autres conséquences en nous du péché de nos premiers parents est précieuses.
Celles-ci c’est-à-dire « les souffrances, la maladie, la mort, ou les fragilités inhérentes à la vie
comme les faiblesses de caractère, etc... » deviennent, en effet, « la matière d’un chemin de
purification radical du cœur »47 par notre pratique de la voie d’enfance. Autrement dit, toutes
nos chutes liées à la maladie ou la fragilité psychique et à nos infirmités et nos défaut innés
deviennent la matière de cet exercice d’humilité, de confiance et d’abandon à la divine
Miséricorde qu’est la voie d’enfance. Il en va de même pour les fragilités et défauts liées non
seulement au péché de nos premiers parents mais aux péchés de nos parents et nos propres
péchés. Par la voie d’enfance toutes nos chutes concrètes, nos gros péchés (comme les péchés
contre la pureté) deviennent la matière d’un travail de purification radicale. Telle est bien la
logique du mystère de la Rédemption : le Christ nous a sauvé du péché en se servant des
conséquences de nos péchés. En même que nous profitons de nos péchés concrets pour nous
humilier devant Dieu et renouveler notre confiance aveugle en sa Miséricorde divine, nous
pouvons offrir à Dieu non seulement nos fragilités, nos blessures et nos pathologies
psychiques, mais aussi notre « fomes peccati », notre fond de résistance à l’Amour divin.
Cette ascèse proprement spirituelle ne doit pas être opposée à l’ascèse pénitentielle
traditionnelle appelée « agere contra » consistant en une lutte active contre les tendances
peccamineuses qui « habitent » en nous et qui nous font « faire le mal ». La pratique de la
voie d’enfance ne nous dispense pas du combat de la mortification. La petite Thérèse a
Au sens où la petite Thérèse disait : « Je ne suis qu’une enfant, impuissante et faible, cependant
c’est ma faiblesse même qui me donne l’audace de m’offrir en Victime à ton Amour, ô Jésus !
Autrefois les hosties pures et sans taches étaient seules agréées par le Dieu Fort et Puissant. Pour
satisfaire la Justice Divine, il fallait des victimes parfaites, mais à la loi de crainte a succédé la loi
d’Amour, et l’Amour m’a choisie pour holocauste, moi, faible et imparfaite créature… Ce choix
n’est-il pas digne de l’Amour ?… Oui, pour que l’Amour soit pleinement satisfait, il faut qu’Il
s’abaisse, qu’il s’abaisse jusqu’au néant et qu’il transforme en feu ce néant… » (Ms B, 3v°).
46 Sans connaître le péché, le Christ a voulu boire à cette coupe de la tristesse du péché pour nous.
Il a été « éprouvé en tout comme nous à l’exception du péché ». Il a pris sur lui toute la puissance
destructrice du péché et il en a fait la matière de l’amour le plus grand dans son abandon filial au
Père.
47 Comme nous l’avions annoncé dans l’introduction
18
45
pratiqué les deux. Il nous faut comme elle à la fois profiter de nos défauts et lutter contre eux.
L’effort pour purifier notre cœur et l’effort pour purifier notre comportement concret. Il ne
suffit pas de s’exercer à la prière du cœur, à l’humilité et à la confiance, il faut aussi
travailler à changer notre vie. La purification du cœur et celle des mains vont de paire. Il y a
toujours une réciprocité dans la vie spirituelle étant donné la « mystérieuse corrélation entre
l’intérieur et l’extérieur » dont nous avons parlé précédemment. Il ne faut pas opposer ce
travail sur notre comportement et la voie d’enfance. Les deux doivent être fait dans la
lumière et la force de l’Esprit Saint : « Car si vous vivez selon la chair, vous mourrez. Mais si
par l'Esprit vous faites mourir les œuvres du corps, vous vivrez. » (Rm 8, 13).
Conclusion
Nous pouvons déjà à partir de là comprendre les différents écueils dans lequel on peut
tomber sur le chemin de la guérison intérieure. Il y a d’abord le piège d’une foi confiante
mal comprise, naïve qui nous fait tout attendre de la foi en Jésus, de la prière sans autre
forme de participation active de notre part. On néglige ainsi de faire les efforts concrets qui
dépendent de nous. On tombe dans une mauvaise passivité, un abandon mal compris. On se
retrouve au fond dans une attente magique alors qu’il n’y a rien de magique dans le
christianisme. Pour ceux qui comprennent la nécessité de faire des efforts de conversion, il y a
le piège de limiter ces efforts à une pratique de la voie d’enfance mal comprise. On pense
au fond qu’il suffit reconnaître sa misère, ses chutes répétés dans le péché et de les offrir à
l’Amour miséricordieux dans une confiance sans limite. Le feu de la miséricorde divine fera
le reste. On oublie que l’on risque ainsi de rester secrètement attaché à certains péchés que
l’on offre sans réellement y renoncer. Comment Dieu pourrait-il nous purifier de mauvaises
tendances avec lesquelles on garde une complicité intérieure au fond de notre cœur ?48 On
oublie la pratique de la pénitence en vue d’un vrai repentir. Chez ceux qui veulent faire des
efforts et même de grands efforts pour changer leur manière de vivre, il y a le piège de la
recherche d’une perfection morale voulue pour elle-même. On veut acquérir des vertus, à
commencer par ces grandes vertus que sont les vertus cardinales, pour se sentir plus
autonome, parvenir à la mûre possession de soi-même. On se veut libre, fort, maître de soi par
rapport à des tendances désordonnées qui nous aliènent et nous entravent dans notre vie. On
ne se rend pas compte du danger qu’il y a par là de favoriser ce fond d’orgueil, de
complaisance en soi-même qui est à la racine des autres péchés. On oublie la finalité qu’est la
filiation divine et le secret pour y parvenir qu’est la voie d’enfance. Cette recherche
orgueilleuse de perfection morale va de paire avec le volontarisme, le culte de la
performance. Nos défauts sont autant de « challenges » à relever. On ne cherche pas à faire
mourir les œuvres du corps « par l’Esprit » (cf. Rm 8, 13), mais par ses propres forces, en
jouissant ainsi secrètement de soi.
Faute de rechercher d’abord le Royaume dans une humble docilité à l’Esprit, on se
prive ainsi de la lumière et de la force divines nécessaires pour aller jusqu’au bout du
chemin de la guérison c’est-à-dire jusqu’à la racine du mal. On passe à côté des purifications
profondes. Il n’y a pas de guérison radicale. On peut certes parvenir se construire soi-même, à
acquérir jusqu’à un certain point des vertus humaines, mais celles-ci ne seront pas informées
et vivifiées par les vertus théologales comme elles doivent l’être pour nous disposer à
48
Cf. Si 5, 5-6.
19
« communier à l’amour divin ». On risque de ne présenter que « l’apparences de justes »
et de rester dans l’illusion sur soi. « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui
purifiez l'extérieur de la coupe et de l'écuelle, quand l'intérieur en est rempli par rapine et
intempérance! Pharisien aveugle! purifie d'abord l'intérieur de la coupe et de l'écuelle, afin
que l'extérieur aussi devienne pur. Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui
ressemblez à des sépulcres blanchis: au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont
pleins d'ossements de morts et de toute pourriture; vous de même, au-dehors vous offrez aux
yeux des hommes l'apparence de justes, mais au-dedans vous êtes pleins d'hypocrisie et
d'iniquité. » (Mt 23, 25-28).
20
Enseignement n°3 -
GUÉRIR DANS ET PAR L’ESPÉRANCE
Introduction
A l’origine de toute la création il y a un dessein éternel de Dieu sur l’homme. Dieu nous
a créé dans un but précis. Comme disent les théologiens, nous sommes « prédestinés ». Notre
vie a un sens que nous le voulions ou non. Ce sens dépasse infiniment ce que nous pouvons
concevoir humainement. Néanmoins nous ne pouvons bien vivre qu’en étant tourné vers ce
but ultime que Dieu a fixé « dès avant la fondation du monde ». Comme dit Benoît XVI,
« tout homme a besoin, pour pouvoir cheminer dans la bonne direction, d'être orienté
vers le but final »49. Tout ce que nous avons à vivre humainement prend son sens et sa juste
place à partir de là. Autrement dit notre chemin sur terre a besoin d’être porté par ce que
Benoît XVI a appelé dans Spe Salvi la « grande espérance ». L’espérance est précisément
cette disposition du cœur qui nous fait tendre vers une fin ultime qui nous dépasse. On espère
en une réalité que l’on ne peut pas comprendre humainement, mais que l’on recherche
confusément néanmoins50. Il y a un élan mystérieux accompagné d’un pressentiment tout
aussi mystérieux. La soif de Dieu est inscrite dans notre cœur. Et notre esprit est fait pour voir
Dieu.
49
Sacramentum caritatis, 30.
Benoît XVI exprime très bien le paradoxe de l’espérance : « Dans sa longue lettre sur la prière
adressée à Proba, une veuve romaine aisée et mère de trois consuls, Augustin écrivit un jour: dans
le fond, nous voulons une seule chose – « la vie bienheureuse », la vie qui est simplement vie,
simplement « bonheur ». En fin de compte, nous ne demandons rien d'autre dans la prière. Nous
ne marchons vers rien d'autre – c'est de cela seulement dont il s'agit. Mais ensuite, Augustin ajoute
aussi: en regardant mieux, nous ne savons pas de fait ce que, en définitive, nous désirons, ce que
nous voudrions précisément. Nous ne connaissons pas du tout cette réalité; même durant les
moments où nous pensons pouvoir la toucher, nous ne la rejoignons pas vraiment. « Nous ne
savons pas ce que nous devons demander », confesse-t-il avec les mots de saint Paul (Rm 8, 26).
Nous savons seulement que ce n'est pas cela. Toutefois, dans notre non-savoir, nous savons que
cette réalité doit exister. « Il y a donc en nous, pour ainsi dire, une savante ignorance (docta
ignorantia) », écrit-il. Nous ne savons pas ce que nous voudrions vraiment; nous ne connaissons
pas cette « vraie vie »; et cependant, nous savons qu'il doit exister un quelque chose que nous ne
connaissons pas et vers lequel nous nous sentons poussés. » (Spe salvi, 11).
21
50
I. CHEMINER DANS L’ESPÉRANCE
Introduction
Nous allons essayer de voir comment en cheminant dans l’espérance nous pouvons nous
laisser guérir radicalement par le Christ. Nous sommes « sauvés par l’espérance »51.
1. Vivre nos espoirs humains dans une espérance divine
Nous sommes faits pour espérer. C’est l’espoir qui fait vivre comme dit le proverbe. Si
nous nous fermons à l’espérance que l’Esprit veut sans cesse éveiller en nous, nous nous
enfermons dans des espoirs à mesure humaine que l’on peut appeler des « petits espoirs »52.
Certes nous avons besoin aussi de petits espoirs, comme de celui d’avoir un toit, mais ces
petits espoirs ont besoin d’être vécus à l’intérieur de la grande espérance. De là découle une
distance, une sagesse pour les bien vivre53. Ils risquent sinon de prendre la place de la
« grande espérance » : on est souvent tenté d’absolutiser ce qui demeure relatif. Ils deviennent
alors des espoirs trompeurs qui nous conduisent sur des chemins d’idolâtrie. On peut ainsi
faire du mariage le but ultime de sa vie. On poursuit « désespérément » un idéal de mariage
qui conduit à idolâtrer le conjoint. Le besoin d’adorer Dieu est dévié. D’une manière
particulière, l’espérance nous permet de ne pas rester enfermé dans la recherche d’un état de
guérison, de santé psychique selon l’image que nous nous en sommes fait ou plutôt que le
monde nous fait miroiter. Elle assume, purifie et ordonne le désir de guérison comme aussi
celui de « développement personnel », de « réalisation de soi ».
Il n’y a pas à nier la légitimité du désir humain de bien-être psychique ou de
développement de nos capacités humaines. Il y a à vivre ces désirs humains à l’intérieur d’un
désir divin. Autrement dit les vivre dans un esprit d’espérance. Il ne faut pas opposer
l’humain et le divin, mais comprendre que l’homme passe infiniment l’homme. Nous ne
pouvons vivre d’une manière vraiment humaine qu’en étant orienté vers une réalité qui
dépasse infiniment l’humain, « ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui
n'est pas monté au cœur de l'homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment » (1Co
2, 9). C’est ainsi que nous pouvons parvenir à un vrai bonheur dès cette terre. Un bonheur à la
fois naturel et surnaturel. Un bonheur fait de choses humaines vécues divinement et de choses
divines vécues dans les réalités humaines, à travers elles.
2. L’espérance nous dilate et nous ouvre à la nouveauté de Dieu
Ainsi l’espérance « dilate le cœur dans l’attente de la béatitude éternelle. L’élan de
l’espérance préserve de l’égoïsme et conduit au bonheur de la charité. » (CEC 1818). Elle
nous fait dire avec le psalmiste : « Des hauteurs il tend la main pour me saisir, il me retire du
Pour reprendre le titre de l’encyclique de Benoît XVI Spe Salvi.
Pour reprendre l’expression utilisée par Benoît XVI dans Spe Salvi.
53 Autrement dit plus nous tournerons notre cœur vers Dieu seul dans une espérance aveugle,
plus la lumière nous sera donnée pour discerner ce que nous devons faire concrètement pour
réaliser nos petits espoirs. La sagesse donnée aux cœurs purs (cf. Si 51, 20 ; Mt 5, 8) peut guider
nos pas. L’espérance fait reposer notre cœur en Dieu et « la paix de Dieu, qui surpasse toute
intelligence, gardera nos cœurs et nos pensées, dans le Christ Jésus » (Ph 4, 7) c’est-à-dire dans sa
lumière.
22
51
52
gouffre des eaux (…) Il m’a dégagé, mis en large, il m’a libéré car il m’aime » (Ps 17).
L’espérance nous ouvre à l’inouï de Dieu. Elle nous libère de l’étroitesse d’esprit et de cœur,
de notre enfermement dans une vision trop humaine du bonheur, de la réussite de notre vie.
Elle nous permet de sortir de nos projets humains et du cercle du connu pour nous faire
marcher sur des chemins nouveaux non tracés. « Heureux les hommes dont tu es la force :
des chemins s'ouvrent dans leur cœur ! Quand ils traversent la vallée de la soif, ils la changent
en source. » (Ps 83). La vie est tellement plus riche et plus grande que ce que nous pouvons
imaginer. Nous en avons une vision beaucoup trop rétrécie. Nous nous enfermons dans de
fausses croyances engendrant de faux espoirs. D’une manière particulière l’homme moderne a
perdu le sens de sa transcendance par rapport au monde. Il a perdu la foi en lui-même, la foi
au primat de l’esprit, de la vie intérieure. Beaucoup limitent leur propre vie par une vision
déterministe de la vie. Quel gâchis ! Ne restons pas enfermés dans nos visions trop
humaines ! Ayons le courage de lâcher nos certitudes humaines . Laissons le feu éclairer notre
esprit et dilater notre cœur. Nous pourrons ainsi aller de l’avant sur les chemins toujours
nouveaux que Dieu ouvre sous nos pas, sûrs de sa victoire sur le mal.
3. L’espérance est notre vraie force
L’espérance est la vraie force. Elle nous donne l’élan pour aller de l’avant54. Elle
« protège du découragement ; elle soutient en tout délaissement » (CEC 1818). « Mais moi je
me réjouirai dans le Seigneur, j'exulterai en Dieu mon Sauveur! Mon Seigneur est ma force, il
rend mes pieds pareils à ceux des biches, sur les cimes il porte mes pas. » (Ha 3, 18-19). Elle
« est aussi une arme qui nous protège dans le combat du salut (…) Elle nous procure la joie
dans l’épreuve même : " avec la joie de l’espérance, constants dans la tribulation " (Rm 12,
12). » (CEC 1820).
En nous faisant prendre « appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du
Saint-Esprit » (CEC 1817), elle nous fait marcher « sans appui et pourtant appuyé »55. Elle est
intimement liée à l’esprit d’enfance. Elle nous rétablit dans l’humilité et la confiance des toutpetits qui tiennent la main de leur père pour marcher sur le bon chemin. En elle est contenu
les secret de la guérison. Comme nous l’avons déjà vu, la guérison définitive de notre
humanité consistant essentiellement à retrouver un cœur d’enfant, le chemin qui y conduit
doit être vécu lui-même dans l’esprit d’enfance.
4. Exercer la patience pour le plein épanouissement de l’espérance
« Mais rappelez-vous ces premiers jours, où après avoir été illuminés, vous avez
soutenu un grand assaut de souffrances (…) Et, en effet (…) vous avez accepté avec joie la
spoliation de vos biens, sachant que vous étiez en possession d'une richesse meilleure et
stable. Ne perdez donc pas votre assurance; elle a une grande et juste récompense. Vous avez
besoin de constance, pour que, après avoir accompli la volonté de Dieu, vous bénéficiiez de la
promesse. » (Hb 10, 32. 34.35.36). L’Ecriture est pleine d’exhortation à la persévérance :
« C'est par votre persévérance que vous sauverez vos vies! » (Lc 21, 19). De même l’épître
Elle nous donne de déployer nos ailes comme des aigles selon l’image du prophète Isaïe :
« Ceux qui espèrent dans le Seigneur renouvellent leur force, ils déploient leurs ailes comme des
aigles, ils courent sans s'épuiser, ils marchent sans se fatiguer » (40, 31).
55 Selon l’expression de saint Jean de la Croix dans ses poésies.
23
54
aux Hébreux nous exhorte à courir « avec constance l’épreuve qui nous est proposée les yeux
fixés sur Jésus » (cf. Hb 12, 2). L’espérance se creuse en nous au travers des épreuves. Si
du moins nous acceptons de devoir exercer la vertu de patience. Espérance, c’est attendre ce
que l’on ne voit pas56. La patience nous fait attendre. Il y a des moments dans la vie où il faut
tenir bon simplement. Résister. On ne voit pas d’issu. Nos espoirs humains se sont effondrés,
notre cœur avec. Reste plus qu’à laisser gémir en nous l’Esprit Saint. Nos gémissements
humains peuvent alors devenir la matière d’un gémissement divin. « Ne sachant qu’espérer
mais non désespéré. »
L’espérance purifie notre cœur. Elle nous ouvre ainsi à des lumières nouvelles et des
chemins nouveaux. Dieu travaille dans le secret57. Il nous prépare à franchir des seuils. Il
opère de nuit un travail de purification et d’élargissement de notre cœur. C’est le moment de
la prière des pauvres, de ceux qui ne savent pas quoi demander tellement ils se sentent perdus,
désorientés, sans repère58. « Un pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses
angoisses » (Ps 33)59. L’espérance ne déçoit point60 : le fruit ne tardera pas à venir. Notre
tristesse se changera en joie61. Il sera bien au-delà de ce que notre imagination humaine peut
penser. C’est le moment de remettre notre âme entre les mains de Dieu par notre fidélité à
faire le bien, d’accomplir jour après jour notre devoir d’état, sans chercher à comprendre :
« Nous désirons seulement que chacun de vous montre le même zèle pour le plein
épanouissement de l'espérance jusqu'à la fin; de telle sorte que vous ne deveniez pas
nonchalants, mais que vous imitiez ceux qui, par la foi et la persévérance (patience), héritent
des promesses. » (Hb 6, 11-12). Tout cela se réalise de la manière la plus forte au moment des
purifications passives des sens ou de l’esprit. Dieu nous fait la grâce de traverser des nuits
obscures, des longs tunnels, des grands déserts. Saint Jean de la Croix le décrit
56
Car « voir ce qu'on espère, ce n'est plus l'espérer: ce qu'on voit, comment pourrait-on l'espérer
encore? Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c'est l'attendre avec constance. » (Rm 8, 24-25).
57 Il nous apprend la sagesse dans le secret en purifiant notre cœur, en le rendant capable de voir
Dieu.
58 Nous pouvons faire nôtre aussi la prière du prophète Jérémie dans le livre des lamentations :
« Mon âme est exclue de la paix, j'ai oublié le bonheur! J'ai dit: Mon existence est finie, mon
espérance qui venait de Seigneur. Souviens-toi de ma misère et de mon angoisse: c'est absinthe et
fiel! Elle s'en souvient, elle s'en souvient, mon âme, et elle s'effondre en moi. Voici ce qu'à mon
cœur je rappellerai pour reprendre espoir: Les faveurs du Seigneur ne sont pas finies, ni ses
compassions épuisées; elles se renouvellent chaque matin, grande est sa fidélité! "Ma part, c'est le
Seigneur! dit mon âme, c'est pourquoi j'espère en lui." Le Seigneur est bon pour qui se fie à lui,
pour l'âme qui le cherche. Il est bon d'attendre en silence le salut du Seigneur. » (Lm 3, 17-26).
59 Dieu entend le gémissement intérieur de notre âme et il exauce nos prières dans le « grand cri »
de son Fils sur la Croix où il expire en livrant l’esprit (cf. Mc 15, 37 ; Jn 19, 30b) : « Toutes les
détresses de l’humanité de tous les temps, esclave du péché et de la mort, toutes les demandes et
les intercessions de l’histoire du salut sont recueillies dans ce Cri du Verbe incarné. Voici que le
Père les accueille et, au delà de toute espérance, les exauce en ressuscitant son Fils. » (CEC 2606).
« Et moi, dans mon trouble, je disais : “Je ne suis plus devant tes yeux.” Pourtant, tu écoutais ma
prière quand je criais vers toi. » (Ps 30, 23)
60 « Nous nous glorifions encore des tribulations, sachant bien que la tribulation produit la
persévérance, la persévérance une vertu éprouvée, la vertu éprouvée l'espérance. Et l'espérance ne
déçoit point, parce que l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous
fut donné. » (Rm 4, 4-5).
61 Il y a un temps pour tout, un temps pour la tristesse car « toute correction ne paraît pas sur le
moment être un sujet de joie, mais de tristesse » (Hb 12, 11) et un temps pour la joie car « Plus
tard cependant, elle rapporte à ceux qu'elle a exercés un fruit de paix et de justice. » (Hb 12, 12).
24
admirablement dans La nuit obscure. C’est là que s’opèrent les purifications radicales
permettant les guérisons radicales. Purification des racines du mal : de notre orgueil, de notre
esprit de possession, de domination, bref du « péché originel » au sens du « fomes peccati ». Il
faut comprendre aussi que le travail de purification de notre cœur se réalise non seulement à
travers ces grandes et longues nuits obscures, mais aussi à travers les mille et une petites
épreuves de la vie. La petite Bernadette disait en ce sens : « Il faut beaucoup d’humiliation
pour faire un peu d’humilité. ».
5. Laisser le Christ nous ouvrir un chemin de guérison dans notre vie concrète
Il est essentiel de savoir se laisser faire par le Christ Thérapeute sur les chemins de notre
vie quotidienne. Dieu nous fait tout concourir à notre bien. La guérison s’opère au travers de
multiples canaux. Ce qui prime, c’est la vie réelle, ce que à travers quoi Dieu nous fait
passer dans sa Providence toute-puissante. L’Ecriture est pleine d’exhortation nous
appelant à accueillir humblement dans la foi les épreuves de la vie pour qu’elles puissent
produire tout leur fruit de sanctification en nous62 : « Mon fils… tout ce qui t'advient, acceptele… »63. Certes certaines paroles ou charismes peuvent avoir un effet immédiat de libération
et guérison étonnant comme le sourire de la Vierge dans la vie de la petite Thérèse. Par là des
étapes importantes peuvent être franchies. Mais gardons conscience que les vieilles maladies
de l’âme relèvent d’un chemin de purification qui ne peut de faire qu’avec le temps 64. Oui,
l’essentiel, c’est le chemin de vie que Dieu ouvre sous nos pas jour après jour. Comment ne
ferait-il pas tout concourir à notre guérison si nous demeurons dans une espérance vive pleine
d’humilité et de confiance ? « Fais confiance au Seigneur, agis bien, habite la terre et reste
fidèle ; mets ta joie dans le Seigneur : il comblera les désirs de ton cœur. » (Ps 36).
6. Suivre le Christ aveuglément
Le Christ nous demande de le suivre avant que de comprendre. C’est en le suivant dans
sa confiance et son abandon au Père que la lumière se fait progressivement : « Le Christ
n'explique pas abstraitement les raisons de la souffrance, mais avant tout il dit: « Suis-moi »!
Viens! Prends part avec ta souffrance à cette œuvre de salut du monde qui s'accomplit par ma
propre souffrance! Par ma Croix! Au fur et à mesure que l'homme prend sa croix, en
s'unissant spirituellement à la Croix du Christ, le sens salvifique de la souffrance se manifeste
Comme l’a rappeler le Concile Vatican II : « Ainsi donc tous ceux qui croient au Christ iront en
se sanctifiant toujours plus dans les conditions, les charges et les circonstances qui sont celles de
leur vie et grâce à elles, si cependant ils reçoivent avec foi toutes choses de la main du Père
céleste… » (Lumen gentium, 41).
63 « Mon fils, si tu prétends servir le Seigneur, prépare-toi à l'épreuve Fais-toi un cœur droit,
arme-toi de courage, ne te laisse pas entraîner, au temps de l'adversité. Attache-toi à lui, ne
t'éloigne pas, afin d'être exalté à ton dernier jour. Tout ce qui t'advient, accepte-le et, dans les
vicissitudes de ta pauvre condition, montre-toi patient, car l'or est éprouvé dans le feu, et les élus
dans la fournaise de l'humiliation. » (Si 2,1-5). Précisons ici qu’accepter les situations peut
signifier accepter de devoir faire tout son possible pour les changer. Comme des situations
d’injustice commise contre des personnes dont nous avons la charge. L’abandon commence par
l’obéissance au dictamen de notre conscience morale.
64 D’autant plus que les grâces de guérison ponctuelles, arrivant « tout d’un coup » ont, le plus
souvent, été préparées mystérieusement à notre insu depuis longtemps au travers des multiples
chemins de purification. Les choses sont mûres à un moment pour que, de manière charismatique,
la guérison s’opère.
25
62
davantage à lui. »65 Ad lucem per crucem ! Ne soyons pas comme les mules qui se buttent et
qu’il faut mâter par le mord : « Je vais t'instruire, te montrer la route à suivre, te conseiller,
veiller sur toi. N'imite pas les mules et les chevaux qui ne comprennent pas, qu'il faut mater
par la bride et le mors, et rien ne t'arrivera. » (Ps 31, 8-9).
Faisons attention à la manière dont nous utilisons notre mémoire. Nous pouvons nous
piéger nous-même en cherchant à imaginer l’avenir à partir du passé. Dieu aime tourner les
pages, il aime « faire toutes choses nouvelles » comme il le dit dans l’Apocalypse : « Voici, je
fais toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5). « Bénis le Seigneur, ô mon âme, n'oublie aucun de
ses bienfaits ! Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; réclame ta vie
à la tombe et te couronne d'amour et de tendresse ; il comble de biens tes vieux jours : tu
renouvelles, comme l'aigle, ta jeunesse. » (Ps 102, 2-5). Ses chemins ne seront jamais ceux
que nous aurions pu imaginer à partir de notre expérience passée. Entrons dans le silence de
Marie au pied de la Croix, elle qui est « la Mère de l’espérance » et par notre patience
laisserons la Providence toute-puissante nous conduire sur les chemins nouveaux que Dieu a
préparés pour nous dans sa sagesse et sa miséricorde.
Remarquons que ce que nous disons là sur l’espérance peut être vécu par des gens ayant
un cœur ouvert à Dieu sans être encore en état de poser des actes explicites de foi et
d’espérance. Dans la vie spirituelle il y a du plus et du moins. Il y a des gens qui ont le sens de
l’amour véritable et c’est la vie éternelle qu’ils recherchent confusément sans en avoir
conscience. Ce sont ceux qui comme dit Jésus « appartiennent à la vérité »66, se laissent
guider humblement par l’unique Berger des âmes67. Sans le savoir elles suivent déjà l’unique
Pasteur des âmes et si elles persévèrent dans leur amour de la vérité, elles finiront par
rejoindre le « seul troupeau »68.
7. Vivre la résilience dans le Christ
Le terme de « résilience » signifiant au départ la capacité de résistance des matériaux
aux chocs a été vulgarisé grâce à son utilisation en psychologie par Boris Cyrulnik qui l’a
défini comme la « capacité à se développer quand même, dans des environnements qui
auraient pu être délabrant » autrement dit de la capacité de surmonter les obstacles et les
blessures de la vie, de rebondir. Ce terme est maintenant utilisé par les arboriculteurs qui font
remarquer que les arbres ont pour la plupart un immense de pouvoir de résilience c’est-àdire de résistance, de réaction positive aux agressions (dues aux hommes ou aux animaux),
aux traumatismes (comme celui d’une tempête faisant tomber des grosses branches), aux
périodes de sècheresse. Il faut se dire qu’un vieil arbre est une collection de blessures plus ou
moins graves, plus ou moins profondes mais toujours surmontées, même si cela ne paraît pas
tout de suite à l’œil nu. Non seulement les arbres parviennent à survivre quand on les coupe
très sévèrement, mais ils trouvent moyen de continuer à se développer sous des formes
nouvelles, originales, hors normes.
65
Jean-Paul II, Salvifici doloris, 26.
Littéralement sont « de la vérité »
67 « Celui qui appartient la vérité écoute ma voix. » dit Jésus.
68 « J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cet enclos; celles-là aussi, il faut que je les mène;
elles écouteront ma voix; et il y aura un seul troupeau, un seul pasteur. » (Jn 10, 16).
26
66
Les arbres là aussi nous enseignent. Ils nous disent que quelque soit la profondeur du
mal qui nous a été fait il y aura pour nous toujours la possibilité d’aller de l’avant, de trouver
un nouvel équilibre dans une nouvelle forme de vie. Mais ce n’est pas nous qui devons nous
projeter comme si nous étions notre propre Rédempteur. C’est Dieu et Dieu seul qui peut
créer du nouveau, faire une création nouvelle en tournant le mal en un bien plus grand.
« Ainsi parle le Seigneur, celui qui traça dans la mer un chemin, un sentier dans les eaux
déchaînées (…) Ne vous souvenez plus des événements anciens, ne pensez plus aux choses
passées, voici que je vais faire une chose nouvelle, déjà elle pointe, ne la reconnaissez-vous
pas? Oui, je vais mettre dans le désert un chemin, et dans la steppe, des fleuves. » (Is 43,
16.18.19). Cette transformation du mal en bien s’opère mystérieusement, elle ne peut se
laisser observer ni calculer. « Ainsi, avec le temps, on peut découvrir que Dieu, dans sa
providence toute-puissante, peut tirer un bien des conséquences d’un mal, même moral, causé
par ses créatures… »69 Mais chacun de nous s’il prend le temps de relire sa vie peut dire :
« Devant moi, tu as ouvert un passage. » (Ps 30). Ne regardons pas en arrière, mais laissons le
Seigneur élargir l’espace de nos tentes. Ce qui dépend de nous, ce n’est pas de donner sens
aux choses mais de vivre les choses dans la foi et l’espérance, les yeux fixés sur le Christ,
Chemin, Vérité et Vie.
Conclusion
L’essentiel de notre collaboration consiste à nous laisser conduire par l’unique vrai
médecin des âmes dans une foi et l’espérance patiente. C’est d’abord de cette manière que
nous laissons se faire en nous le travail mystérieux de la grâce au quotidien. Il nous reste à
préciser la manière dont nous devons vivre ce combat de la foi et de l’espérance.
II. LA RACINE DE L’ORGUEIL ET DE LA CUPIDITÉ
Introduction
Pour mieux comprendre la manière dont nous devons vivre le combat de la foi et de
l’espérance, nous allons mettre en évidence deux péchés fondamentaux à la racine des autres
et découlant directement du péché originel au sens du « fomes peccati » : l’orgueil et la
cupidité, l’orgueil étant premier. Il y a comme deux pôles principaux. A cela correspond les
deux appels fondamentaux du Christ pour le suivre : l’appel à renoncer à soi-même, à une
image de soi et l’appel à se détacher de tous ses biens. Nous montrerons aussi à la fin
comment le « fomes pecatti » est à l’origine de l’obscurcissement de notre intelligence.
« Dieu n’est en aucune façon, ni directement ni indirectement, la cause du mal moral (cf. S.
Augustin, lib. 1, 1, 1 : PL 32, 1221-1223 ; S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 79, 1). Il le permet
cependant, respectant la liberté de sa créature, et, mystérieusement, il sait en tirer le bien : Car le
Dieu Tout-puissant (...), puisqu’il est souverainement bon, ne laisserait jamais un mal quelconque
exister dans ses œuvres s’il n’était assez puissant et bon pour faire sortir le bien du mal lui-même
(S. Augustin, enchir. 11, 3) » (CEC 311).
27
69
1. De la non confiance en Dieu à l’orgueil comme racine des péchés
Dieu nous a créés de telle manière que la foi soit la base de tout. La foi a deux aspects :
la confiance en Dieu et l’adhésion sa Parole. La confiance en Dieu est première. L’adhésion à
la Parole en découle. Le péché originel signifie d’abord le doute par rapport à la bonté de
Dieu. Tout péché inclut « un manque de confiance en sa bonté. » (CEC 398) L’homme est
fait pour se laisser aimer par lui et trouver en lui sa joie. Nous avons vu comment en se
fermant à cet amour premier de Dieu, l’homme s’est préféré lui-même à Dieu. Il se cherche
lui-même au lieu de chercher Dieu. Il s’est centré sur lui-même70. Il y a en nous au départ un
égocentrisme foncier. A cela se rajoute les repliements sur nous-mêmes dus à de douloureuses
déceptions71. On ne veut plus prendre le risque d’ouvrir son cœur. A la blessure du péché
originel se surajoute la blessure liée au péché de nos parents.
Nous comprenons aussi que nous avons réagi aux blessures infligées par la vie sur
fond de péché originel. Cette égocentrisme foncier qui pousse l’homme à tout vivre pour soi,
à se vivre soi-même au centre de tout, à tout ramener à soi, tout voir et vivre en fonction de
soi signifie en même temps une complaisance en soi. Ne pouvant se complaire en Dieu, il va
chercher à se complaire en lui-même. D’où découle une tendance à s’élever lui-même. Cette
exaltation de soi est l’orgueil dans ce qu’il a de plus profond. Il se confond d’une certaine
manière avec le péché originel comme la racine de tous les péchés72. C’est le péché secret que
l’Esprit Saint seul peut dévoiler et qui fait dire au psalmiste : « Préserve aussi ton serviteur de
l'orgueil : qu'il n'ait sur moi aucune emprise. Alors je serai sans reproche, pur d'un grand
péché. » (Ps 18).
L’homme est fait pour voir sa grandeur et sa dignité en se laissant regarder par Dieu. Ne
sachant plus vivre sous le regard de Dieu, il va chercher à se complaire en lui-même au
travers du regard des autres Qui n’a ressenti à certains moments ce besoin de se prouver
quelque chose à soi-même en le prouvant aux autres ? Il va passer de la crainte de Dieu
comme unique Juge à la crainte des hommes. Il tombe dans un besoin aliénant de plaire à
l’autre au sens où saint Paul dit que l’homme marié cherche à plaire à sa femme ou de plaire
« aux hommes » au sens où le Christ dit à propos des pharisiens : « En tout ils agissent pour
se faire remarquer des hommes. » (Mt 23, 5). Certains sont plus dans l’affectif, d’autres sont
plus dans le pouvoir, la domination. D’un côté, c’est une dépendance aliénante à une créature.
Beaucoup n’arrivent pas à croire à l’amour parce qu’ils n’ont pas connu l’amour véritable.
Comme l’explique le père Thomas Philippe : « L’affection naturelle d’une mère pécheresse n'a
plus du reste la pureté, la délicatesse la générosité requise pour répondre adéquatement à l'attente
de ce 1e amour. À son insu, souvent la mère déçoit son enfant. Il a l'impression d'être délaissé,
abandonné, incompris ; d'où ses larmes, ses angoisses, parfois si différentes du cri habituel de
l'animal. Le premier amour de l'enfant pour sa mère perd peu à peu l'absolu de sa confiance, de
son abandon. En réaction de défense à ces angoisses, le moi alors apparaît et prend la place de
l'amour. L'enfant garde certes une affection profonde pour sa mère, mais qui n'a plus, de façon
actuelle et consciente, le caractère immédiat et total du véritable amour. » (La vie cachée de
Marie, p. 32)
72 « Le contraire de l’humilité est l’orgueil, comme la racine de tous les péchés. L’orgueil qui est
arrogance, qui veut avant tout le pouvoir, l’apparence, apparaître aux yeux des autres, être
quelqu’un ou quelque chose, n’a pas l’intention de plaire à Dieu, mais de plaire à soi-même,
d’être acceptés par les autres et — disons — vénérés par les autres. Le «moi» au centre du
monde: il s’agit de mon moi orgueilleux, qui sait tout. » (Lectio divina de Benoît XVI aux
prêtres de Rome, le 23. 02. 2012)
28
70
71
J’existe dans le regard de l’autre. C’est le besoin de séduire pour se rassurer. De l’autre côté,
c’est la recherche de la vaine gloire. Cette recherche de la vaine gloire s’oppose directement à
la foi qui nous fait trouver notre gloire dans l’amour pur et gratuit de Dieu pour nous :
« Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez votre gloire les uns des autres, et ne
cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique ? » (Jn 5, 44). Comme le monde juge selon les
apparences, on peut passer sa vie à se faire-valoir en présentant des apparences. Nous vivons
dans un monde de « challenge », de « performance » qui exprime bien cet enfermement dans
la vaine gloire. De là découlent toutes sortes de déséquilibres comme l’activisme ou de
pathologies comme le narcissisme, la « toute-puissance », le perfectionnisme, sans oublier la
dépression comme le deuil impossible dernière laquelle se cache un problème de fond : la
capacité de s’accepter soi-même dans ses limites, ses pauvretés, de se réconcilier avec soimême. L’homme ne peut faire le deuil d’un idéal de vie qu’en se laissant toucher par l’amour
gratuit de son Père du ciel.
On voit bien comment l’idéalisme peut être facilement contaminé par cette recherche
d’un idéal de soi. On peut ainsi se marier en réaliser un idéal de mariage que l’on s’est fait et
se rechercher soi-même ainsi. On court sans s’en rendre compte après une « réalisation de
soi » selon le modèle imposé par le monde. On risque alors de se marier non parce qu’on est
réellement touché et attiré par l’autre, mais parce que l’on projette sur lui la possibilité de
réaliser cet idéal de mariage. La secrète recherche de soi aveugle. Certains imaginent
pouvoir changer l’autre se voyant déjà comme son « sauveur ». L’homme n’est pas fait pour
se rechercher lui-même. En se recherchant lui-même il se referme de plus en plus dans sa
subjectivité, dans un univers intérieur de pensées, d’images, de représentations dans lequel il
se sent maître et roi. Tout tourne autour de lui. Il vit dans son monde, dans l’illusion sur luimême, de plus en plus coupé de la réalité. On peut passer sa vie dans la recherche de choses
vides, vaines, chimériques, enfermé que l’on est dans son projet et ses calculs, dans l’image
que l’on s’est faite de soi et de sa vie. Comme il est facile de passer à côté de « la grandeur et
la beauté de la vie et du réel » tels que Dieu nous les donne dans sa Providence.
2. De la non confiance en Dieu à la cupidité du cœur comme racine des péchés
« Si l’homme existe, c’est que Dieu l’a créé par amour et, par amour, ne cesse de lui
donner l’être ; et l’homme ne vit pleinement selon la vérité que s’il reconnaît librement cet
amour et s’abandonne à son Créateur. »73 L’homme est fait pour vivre en enfant bien-aimé de
Dieu dans une confiance absolue et un abandon total à Dieu. Il est fait pour dire comme le
psalmiste : « Je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant,
comme un petit enfant contre sa mère. » (Ps 130). Parce qu’il a laissé Satan défigurer le
visage de Dieu à ses yeux, il a perdu cette confiance filiale en l’amour tout-puissant et
inconditionnel de Dieu. Dès lors ne pouvant s’appuyer sur Dieu, l’homme recherche en luimême son propre appui. En cherchant désespérément à s’appuyer sur ses propres forces, il ne
peut être en réalité qu’insécurisé. C’est pourquoi il va chercher à se « sécuriser dans
l’humain », à « faire de la chair son appui » (Jr 17, 5) et va ainsi tomber dans la cupidité et par
là même dans toutes sortes d’idolâtries74. En mettant sa richesse, son trésor, sa sécurité dans
les choses de la terre, l’homme y met, d’une manière consciente ou non, son cœur selon
73
74
Gaudium et spes, 19.
Notons que l’enfant absolutise et qu’il peut ainsi facilement tomber dans l’idolâtrie.
29
l’avertissement du Christ : « Car où est ton trésor, là sera aussi ton cœur » (Mt 6, 21). C’est
pourquoi la cupidité, sous toutes ses formes, « est une idolâtrie ». Aussi l’Ecriture nous
avertit-elle du danger : « Si vous amassez des richesses, n'y mettez pas votre cœur. » (Ps
61)75.
Or « le culte des idoles sans nom est le commencement, la cause et le terme de tout
mal. » (Sg 14, 27). Saint Paul nous le fait bien comprendre quand il dit : « Quant à ceux qui
veulent amasser des richesses, ils tombent dans la tentation, dans le piège, dans une foule de
convoitises insensées et funestes, qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car la
racine de tous les maux, c'est l'amour de l'argent. Pour s'y être livrés, certains se sont égarés
loin de la foi et se sont transpercé l'âme de tourments sans nombre. » (1Tm 6, 9-10). Ainsi
faute d’adorer Dieu en se reconnaissant dépendant de lui, en mettant son appui en lui, il va se
retrouver entraîner dans toutes sortes de convoitises mauvaises. Se sécuriser dans ses
richesses au lieu de sécuriser en Dieu, telle est la racine de bien des vices comme l’avarice, la
jalousie, l’envie… L’idolâtrie est la perversion du besoin d’adorer Dieu inscrit dans le cœur
de l’homme. L’homme ne pouvant trouver un fondement sûr et stable à sa vie qu’en Dieu
n’en finira jamais de vouloir amasser et de s’attacher ainsi à toutes sortes de biens, allant de
fausses sécurités en fausses sécurités. Dans sa volonté d’indépendance vis à vis de Dieu, il
tombe dans des dépendances aliénantes. La peur de manquer est à l’origine de beaucoup de
déséquilibres, de déviations dans nos vies. La cupidité naît de la non confiance et nous
maintient dans la peur. Au fond de nous-mêmes nous savons que nous ne sommes assurés de
rien. Aucune richesse humaine ne parvient à nous sécuriser pleinement. Le Christ lui-même
nous le rappelle dans l’Evangile : « Attention! gardez-vous de toute cupidité, car, au sein
même de l'abondance, la vie d'un homme n'est pas assurée par ses biens. » (Lc 12, 15). Le
démon se sert de cette peur viscérale pour nous faire tomber dans ses pièges.
Sa vie relationnelle est contaminée par l’esprit de possession. On cherche en l’autre
ce qui nous manque par insécurité et l’on se l’approprie76. D’où l’impureté77. Saint Paul dit
ainsi à propos des idolâtres : « Aussi Dieu les a-t-il livrés selon les convoitises de leur cœur à
une impureté où ils avilissent eux-mêmes leurs propres corps; eux qui ont échangé la vérité de
Dieu contre le mensonge, adoré et servi la créature de préférence au Créateur, qui est béni
éternellement! Amen. » (Rm 1, 24-25). Il se retrouve comme le fils prodigue condamné à
nourrir ses cochons c’est-à-dire les convoitises de la chair sans pouvoir nourrir son esprit.
Autrement dit « la cupidité dessèche l’âme » en la coupant de la source d’eau vive78.
Rappelons-nous l’image du chardon dans la steppe : « Maudit l'homme qui se sécurise dans
l’humain, qui fait de la chair son appui et dont le cœur s'écarte du Seigneur! Il est comme un
75
De même saint Paul dit à Timothée : « Aux riches de ce monde, recommande de ne pas juger
de haut, de ne pas placer leur confiance en des richesses précaires, mais en Dieu qui nous
pourvoit largement de tout, afin que nous en jouissions. Qu'ils fassent le bien, s'enrichissent de
bonnes œuvres, donnent de bon cœur, sachent partager; de cette manière, ils s'amassent pour
l'avenir un solide capital, avec lequel ils pourront acquérir la vie véritable. » (1Tm 6, 17-19).
76 Comme cela se voit chez de nombreux jeunes couples. Si cet attachement malsain n’est pas
purifié, cela aboutit au divorce.
77 Le lien entre l’impureté et la cupidité apparaît clairement en 2P 2, 14 où saint Pierre dit à
propos de ceux qui « par convoitise impure suivent la chair » : « Ils ont les yeux pleins d'adultère
et insatiables de péché, ils allèchent les âmes mal affermies, ils ont le cœur exercé à la cupidité,
êtres maudits! »
78 Comme l’Ecriture nous en avertit : « L'homme jaloux n'est pas content de ce qu'il a, la cupidité
dessèche l'âme. » (Si 14, 9).
30
chardon dans la steppe: il ne ressent rien quand arrive le bonheur, il se fixe aux lieux brûlés
du désert, terre salée où nul n'habite. » (Jr 17, 5-6). C’est ainsi que celui qui se veut autonome
se retrouve abaissé79.
3. De la non foi en la Parole de Dieu à l’obscurcissement de l’intelligence
La non-foi du péché originel signifie en même temps en même temps le refus de se
soumettre à la vérité de la Parole de Dieu. L’obéissance à la vérité est la première manière
d’obéir à Dieu, de dépendre de lui. Comme l’enseigne Jean-Paul II, la « désobéissance
originelle présuppose le refus, ou au moins l’éloignement de la vérité contenue dans la Parole
de Dieu qui crée le monde »80. L’homme en sortant de l’obéissance de la foi, en refusant
d’écouter Dieu, est atteint dans sa capacité à aimer la vérité, à se laisser guider par elle, à
vivre dans et par la vérité. En voulant décider de lui-même de ce qui est bien et de ce qui est
mal il s’est blessé lui-même dans le réalisme de l’intelligence qui suppose une passivité, une
réceptivité à la lumière, l’accueil d’une vérité que je ne fabrique pas et à laquelle je me
soumets. Sa raison prisonnière d’elle-même, fermée à la lumière divine fonctionne à vide.
L’homme pense sans voir.
L’homme n’est pas fait pour penser de lui-même. Il est fait pour écouter Dieu et
s’ouvrir ainsi peu à peu à son appel, au vrai but de sa vie 81. L’homme qui n’écoute pas est un
homme qui construit sa vie sur la base de raisonnements vains. Il a perdu le sens. Il devient
incapable de juger des choses selon leur vraie valeur. Il raisonne à vide sans voir, sans vraie
perception intérieure privé qu’il est de la lumière de Dieu. On se perd dans de vains
raisonnements. C’est bien ce que dit saint Paul à propos de ceux qui « ayant connu Dieu, ils
ne lui ont pas rendu comme à un Dieu gloire ou actions de grâces » : « Ils ont perdu le sens
dans leurs raisonnements et leur cœur inintelligent s'est enténébré: dans leur prétention à la
sagesse, ils sont devenus fous » (Rm 1, 21-22). A partir de sa prétention à juger de lui-même,
il se retrouve « livré à son intelligence sans jugement pour faire ce qui ne convient pas :
remplis de toute injustice, de perversité, de cupidité, de malice; ne respirant qu'envie, meurtre, dispute,
fourberie, malignité; diffamateurs… » (cf. Rm 1, 28.29). C’est pourquoi « il est important que les
fidèles soient formés à reconnaître la racine du péché dans la non-écoute de la Parole du
Seigneur »82
On se croit « libre penseur » alors qu’en réalité on est « ballotté et emporté à tout vent
de la doctrine, au gré de l'imposture des hommes et de leur astuce à fourvoyer dans l'erreur »
(Ep 4, 14). On se retrouve dépendant de la pensée dominante, comme aussi du mauvais
exemple d’autrui. On n’a pas de vision propre faute de lumière. On adhère à des opinions.
D’où le conformisme de plus en plus grand qui règne de notre société. A cela se rajoute « la
79
Nous verrons par la suite comment il peut trouver dans cet abaissement, moyennant celui du
Christ, le chemin de sa rédemption.
80 Dominum et vivificantem, 33.
81 Dieu nous a créés par sa parole et il « nous parle continuellement » et de multiples manières.
Avant d’être fait pour aimer, l’homme est fait pour écouter et d’une manière plus large pour
« capter ». Il est réceptif dans tout son être. Il reçoit sans cesse des « informations » qu’il accueille
et assimile plus ou moins bien. La vie, le désir, le mouvement se développent à partir de là. La vie
de l’homme est une réponse. La parabole du semeur nous montre que la réussite de notre vie
dépendra de la manière dont nous aurons accueilli et garder la Parole du Royaume.
82 Benoît XVI, Verbum Domini, 26.
31
servitude des passions » qui peuvent l’entraîner sans que sa raison ait la force de résister. A
partir de là l’homme marche dans les ténèbres en se laissant conduire par des raisonnements
flottants sans fondement. Dans son aveuglement il tombe dans toutes sortes de pièges c’est-àdire de péchés.
32
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