REVUE MÉDICALE SUISSE Diabétologie Dr FRANÇOIS R. JORNAYVAZ a Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 30-1 L’année 2015 a été ponctuée de nombreux événements mar­ quants en diabétologie. Premièrement, les guidelines communes américaines (ADA) et européennes (EASD) sur le traitement pharmacologique du diabète de type 2 ont été mises à jour. L’ar­ senal thérapeutique du traitement du diabète de type 2 s’étoffe avec l’arrivée de nouvelles molécules sur le marché suisse. De plus, on complète la panoplie des insulines par la mise sur le marché de deux nouvelles insulines basales. Par ailleurs, plusieurs études de sécurité cardiovasculaire des antidiabétiques d’apparition ré­ cente ont été publiées. On note aussi l’apparition sur le marché d’une nouvelle pompe à insuline qui peut être couplée à un sensor. Finalement, on découvre une complication inattendue liée au trai­ tement par inhibiteurs du sodium-glucose cotransporteur de type 2 (SGLT-2), la décompensation acidocétosique euglycémique. tion principale est l’apparition des inhibiteurs du sodium-­ glucose cotransporteur de type 2 (SGLT-2), ou gliflozines, comme classe thérapeutique utilisable comme n’importe quelle autre classe déjà disponible, après la metformine, qui reste le pilier pharmacologique du traitement du diabète de type 2, bien entendu après les mesures hygiénodiététiques.1 L’autre modification de ces guidelines est la possibilité d’uti­ liser, combiné à de l’insuline basale, un analogue du gluca­ gon-like peptide-1 (GLP-1), plutôt que de l’insuline prandiale (rapide). Ceci est important, car une récente revue systéma­ tique et méta-analyse a démontré que la combinaison insu­ line basale et analogue du GLP-1 était plus favorable qu’une combinaison insuline basale et insuline prandiale en termes de réduction de l’hémoglobine glyquée, de réduction des hy­ poglycémies et de perte pondérale.2 News in diabetology 2015 The year 2015 was punctuated by numerous events in diabetology. First, the ADA/EASD guidelines have been updated. The pharmacological panel for type 2 diabetes treatment saw the arrival of different new molecules. Two new basal insulins were also approved. Also, cardiovascular safety trials have been published regarding ­recent antidiabetic drugs. A new insulin pump than can be coupled with a glucosensor was released. Finally, a new unexpected complication of SGLT2 inhibitors treatment was reported, the euglycemic keto-acidosis. Introduction Dans cet article, nous allons présenter les faits les plus mar­ quants dans le domaine de la diabétologie en 2015. Il faut avouer que pour le médecin de premier recours, l’apparition de nouvelles molécules antidiabétiques depuis quelques ­années sur le marché suisse ne facilite pas le choix du trai­ tement. Cependant, cela montre que le diabète de type 2 est une maladie chronique en augmentation constante, associée à de nombreuses complications notamment cardiovascu­ laires, pour laquelle il est important d’élargir l’offre thérapeu­ tique afin d’individualiser la prise en charge pour chacun de nos patients. Mise à jour des guidelines dans le traitement pharmacologique du diabète de type 2 L’Association européenne du diabète (EASD, European Asso­ ciation for the Study of Diabetes) et l’Association américaine du diabète (ADA, American Diabetes Association) ont mis à jour leurs guidelines communes datant de 2012. La modifica­ a Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme, CHUV, 1011 Lausanne [email protected] 30 30_31_38920.indd 30 Nouvelles molécules apparues sur le marché suisse en 2015 Un nouvel inhibiteur du SGLT-2, l’empagliflozine, apparaît en début d’année sur le marché. De plus, un nouvel analogue du GLP-1 injectable une fois par semaine est actuellement dispo­ nible, le dulaglutide. L’avantage de ce produit est son usage relativement simple avec un stylo facile à utiliser et qui a une aiguille cachée, mais aussi la fréquence d’administration puis­ qu’il s’agit d’un injectable une fois par semaine, injection qui peut notamment être réalisée par des infirmières à domicile chez les patients pour qui une injection pose problème (craintes, âge…). D’autre part, on assiste à la mise sur le mar­ ché de deux nouvelles insulines basales, l’insuline glargine triple concentrée U300, ainsi qu’un biosimilaire de l’insuline glargine (qui représente en quelque sorte un « générique » de l’insuline glargine). Les propriétés pharmacocinétiques et phar­ maco­dynamiques de cette insuline biosimilaire sont compa­ rables à l’insuline glargine classique (U100). Pour ce qui est de la nouvelle insuline glargine triple concentrée U300, celleci s’avère, selon les études, plus stables que l’insuline glargine U100, avec une durée d’action supérieure permettant une flexibilité du timing d’injection de plus ou moins trois heures. De plus, de manière générale, cette insuline cause moins d’hypo­ glycémies et de prise pondérale que l’insuline glargine U100.3 études de sécurité cardiovasculaire Premièrement, l’étude TECOS (Trial Evaluating Cardiovas­ cular Outcomes with Sitagliptine) a évalué la sécurité cardio­ vasculaire de la sitagliptine, un inhibiteur de la dipeptidyl peptidase-4 (DPP4) chez plus de 14 000 patients. Après un suivi médian d’environ trois ans, la sitagliptine ajoutée au traitement standard n’a pas augmenté le risque d’événements cardiovasculaires majeurs, d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, ou d’autres événements majeurs, chez les patients WWW.REVMED.CH 13 janvier 2016 06.01.16 16:14 Nouveautés en médecine 2015 avec diabète de type 2 et maladie cardiovasculaire avérée.4 Il en ressort donc que la sitagliptine est neutre sur le plan ­cardiovasculaire, tout comme les deux précédentes études menées avec la saxagliptine et l’alogliptine, quoique la saxa­ gliptine augmentait le risque d’hospitalisation pour insuffi­ sance cardiaque. L’autre étude de sécurité cardiovasculaire pour l’un des ­nouveaux médicaments disponibles sur le marché suisse est l’étude EMPA-REG. Cette étude a analysé les effets de l’empa­ gliflozine, un inhibiteur du SGLT-2, en addition au traitement standard, sur la morbidité et la mortalité cardiovasculaires des patients diabétiques de type 2 à haut risque cardiovascu­ laire. Environ 7000 patients ont été suivis sur une médiane d’environ trois ans. L’issue primaire (mortalité de cause ­cardiovasculaire, infarctus myocardique non fatal, accident vasculaire cérébral non fatal) est survenue chez 10,5 % des ­patients du groupe empagliflozine, contre 12,1 % du groupe placebo, révélant une supériorité statistiquement significa­ tive de l’empagliflozine. De plus, le nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque et la mortalité toutes causes étaient significativement abaissés dans le groupe empagli­ flozine. Ces différences étaient en général déjà marquées à partir de trois mois.5 Les mécanismes menant à un bénéfice cardiovasculaire de l’empagliflozine restent inconnus mais dépassent vraisemblablement le seul contrôle glycémique. De plus, il reste à savoir s’il s’agit d’un effet lié à la classe théra­ peutique ou à la molécule, mais d’autres études cardiovascu­ laires sont en cours pour les autres inhibiteurs du SGLT-2. Cependant, cette étude donne un espoir dans la prise en charge de nos patients diabétiques de type 2 qui sont à haut risque cardiovasculaire. du SGLT-2 avant une intervention chirurgicale élective, et de les éviter dans certaines situations, notamment en cas de néoglucogenèse réduite (par exemple en cas d’alcoolisme chronique) ou de diète pauvre en hydrates de carbone. Bien entendu, les inhibiteurs du SGLT-2 ne devraient pas être uti­ lisés chez les diabétiques de type 1 (indication non reconnue par Swissmedic).6 Conclusion Les nouvelles guidelines ADA/EASD 2015 ajoutent donc les inhibiteurs du SGLT-2 comme classe thérapeutique utilisable après la metformine, au même titre que les autres catégories d’antidiabétiques oraux ou injectables. L’un de ces inhibiteurs du SGLT-2, l’empagliflozine, a démontré une réduction de la mortalité notamment cardiovasculaire chez les patients dia­ bétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire. Cependant, ces molécules sont aussi associées à un risque d’acidocétose euglycémique et il convient donc de sélectionner soigneuse­ ment les patients pour lesquels les inhibiteurs du SGLT2 sont indiqués. Les inhibiteurs de la DPP4 semblent être plutôt neutres sur le plan du risque cardiovasculaire. Finalement, de nouvelles insulines basales sont disponibles et augmentent encore l’arsenal thérapeutique. Cependant, au final, il con­ vient de bien réfléchir aux risques et bénéfices de chacune de ces classes thérapeutiques antidiabétiques, afin d’individua­ liser la prise en charge d’un patient donné. Conflit d’intérêts : L’auteur n’a déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article. Nouvelles technologies Une nouvelle pompe à insuline, qui peut être couplée à un sensor mesurant la glycémie en continu, a été mise sur le mar­ ché suisse en 2015. L’avantage est que l’association de la pompe et du sensor permet au patient, notamment à risque d’hypoglycémies, de prévenir ces dernières grâce à une com­ munication entre le sensor et la pompe qui peut anticiper les hypoglycémies en s’arrêtant avant celles-ci. Il s’agit donc d’un avantage technologique qui va faciliter la vie de certains pa­ tients, essentiellement les diabétiques de type 1 avec hypo­ glycémies fréquentes, notamment nocturnes, et qui nous rap­ proche de plus en plus du concept de pancréas artificiel. Nouvelles complications médicamenteuses L’année 2015 a aussi été marquée par des cas rapportés d’aci­ docétoses euglycémiques (donc sans hyperglycémie) chez les patients traités par inhibiteurs du SGLT-2 (canagliflozine, dapagliflozine et empagliflozine). La physiopathologie menant à ces acidocétoses n’est pas totalement élucidée, mais on sait que ces médicaments augmentent les taux de glucagon, ce qui est connu pour augmenter la synthèse des corps cétoniques. Un déficit de sécrétion d’insuline constitue aussi un facteur de risque. Par ailleurs une néoglucogenèse diminuée et une prise de glucides réduite constituent aussi des facteurs de risque. Dès lors, il est recommandé de suspendre les inhibiteurs www.revmed.ch 13 janvier 2016 30_31_38920.indd 31 Implications pratiques La metformine reste le pilier pharmacologique du traitement du diabète de type 2 Le médecin de premier recours a le choix entre de nombreuses catégories médicamenteuses après la metformine Les études de sécurité cardiovasculaire sur les nouveaux antidiabétiques sont plutôt rassurantes à l’heure actuelle Les inhibiteurs du SGLT-2 (sodium-glucose cotransporteur de type 2) peuvent parfois causer une acidocétose euglycémique 1 ** Inzucchi SE, Bergenstahl RM, Buse JB, et al. Management of hyper­ glycemia in type 2 diabetes : A patientcentered approach : Update to a posi­ tion statement of the American Diabete­s Association and European Association for the Study of Diabetes. Diabetes Care 2015;38:140-9. 2Eng C, Kramer CK, Zinman B, et al. Glucagon-like peptide-1 receptor ago­ nist and basal insulin combination treatment for the management of type 2 diabetes : A systematic review and meta-analysis. Lancet 2014;384:2228-34. 3Goldman J, White JR. New insulin glargine 300 U/ml for the treatment of type 1 and type 2 diabetes mellitus. Ann Pharmacother 2015;49:1153-51. 4Green JB, Bethel MA, Armstrong PW, et al. Effect of sitagliptin on cardio­ vascular outcomes in type 2 diabetes. N Engl J Med 2015;373:232-42. 5 * Zinman B, Wanner C, Lachin JM, et al. Empagliflozin, cardiovascular outcomes, and mortality in type 2 dia­ betes. N Engl J Med 2015;373:2117-28. 6 * www.sgedssed.ch/fileadmin/files/ news/Ketoazidose-SGLT2_DEF_15-0803_FR.pdf * à lire **à lire absolument 31 06.01.16 16:14