répondent, de l’Afrique au Moyen-Orient, de l’Asie à l’Amérique du Sud ; les
menaces interagissent, quand les terroristes risquent de profiter de la
prolifération des armes de destruction massive, ou quand ils profitent des
conflits régionaux pour propager leur idéologie et diffuser le désordre.
La mondialisation crée une géographie nouvelle, où les continents se
redessinent en fonction des réseaux de transmission et de communication. Ici, à
Liège, on peut se trouver plus proche de Delhi ou de New York que des vastes
plages de la mer du Nord. Les chercheurs qui étudient une étoile depuis
l’observatoire du Paranal au Chili peuvent retransmettre leurs résultats en France
ou au Japon en quelques secondes. Les étudiants russes ou chinois peuvent
prendre connaissance des cours des universités américaines sur Internet et venir
faire en Europe une partie de leur cursus universitaire.
L’historien comme l’homme d’action courent le risque du vertige face à
l’accélération du temps. Passé, présent et futur s’aplatissent et se lisent en
abîme : notre époque se nourrit de mille légendes et de mille sources ; les
images qui passent en boucle sur nos écrans s’affranchissent de toute
temporalité, disparaissent et réapparaissent comme des fantômes, obéissant à des
logiques instantanées et médiatiques. Face à cet égarement du monde, nous
semblons chaque jour davantage perdre pied et risquer de ne pas pouvoir lutter
contre les vraies menaces : la persistance de la faim et de la maladie, la
destruction de l’environnement, les défis de la sécurité et les crises régionales.
L’histoire, comme à la Renaissance ou au siècle des Lumières, aborde un
nouveau tournant. Et nous devons livrer une double bataille : celle de l’action,
pour reprendre l’initiative sur des mécanismes de dislocation à l’œuvre du Nord
au Sud, comme le terrorisme ou la prolifération des armes de destruction
massive. Mais aussi celle de la pensée, qui doit constamment se renouveler et
rejaillir pour guider la décision et gagner un temps d’avance sur l’imprévisible.
Une révolution politique est en cours ; le monde cherche de nouveaux
repères. La nécessité de fonder un système de responsabilité collective face aux
crises apparaît au grand jour. Celle de trouver une réponse globale aux questions
simultanées du développement et de l’environnement. L’humanité, ce qu’il y a
d’humain en chacun de nous, doit reprendre ses droits.
Ce tournant passe par une révolution de la mémoire, semblable à celle
qu’opérait Thucydide quand, écrivant l’histoire de la guerre entre Athènes et
Sparte à laquelle il participait en tant que stratège, il décida de rechercher
d’abord les causes humaines des phénomènes, avant de recourir aux explications
mettant en scène les divinités.