Étude de documents Term L, ES Énoncé : Étudiez le document de

Étude de documents Term L, ES
Énoncé : Étudiez le document de façon critique en insistant en particulier sur le contexte dans lequel il a été
élaboré. Vous montrerez en quoi il est révélateur des permanences et des changements du socialisme
allemand.
Pour vous aider, utilisez le plan suivant :
I Un congrès dans un contexte de guerre froide
II Une rupture dans l'histoire du socialisme allemand
III Le résultat d'une l'ente évolution historique
Document : Le programme de Bad Godesberg (1959) : extraits
Valeurs fondamentales du socialisme
[…] Nous nous opposons à toute dictature, toute forme de domination totalitaire et autoritaire la dignité de
l'homme est méprisée, sa liberté supprimée et ses droits réduits à néant. […].Le socialisme ne se réalisera que
par la démocratie ; la démocratie ne peut s'accomplir que par le socialisme. […] Les communistes se réclament
à tort de la tradition socialiste. En réalité, ils en ont trahi la pensée.
Propriété et pouvoir
[…] La division de l'Allemagne menace la paix. La surmonter est indispensable pour le peuple allemand. […]
Un contrôle public efficace doit empêcher les abus de la part des grandes entreprises. Les moyens les plus
importants dont dispose ce contrôle sont le contrôle des investissements et le contrôle des positions dominant le
marché1
L'expansion économique
[…] Le but de la politique économique du Parti social-démocrate est l'accès de tous à la prospérité croissante.
La libre consommation et le libre choix de l'emploi sont des points fondamentaux ; la libre concurrence et la
libre-entreprise sont des éléments importants d'une politique économique social-démocrate. […] Une économie
totalitaire ou dictatoriale détruit la liberté. C'est pourquoi le Parti social-démocrate approuve un marché libre
règne la concurrence.
Notre route :
Le mouvement socialiste accomplit une mission historique. Il est d'une protestation naturelle et
morale des travailleurs salariés contre le système capitaliste. […] Éliminer les privilèges des classes dirigeantes
et donner à tous les hommes liberté, justice et bien, c'est là tout le sens du socialisme.
Malgré de lourds revers et nombre d'erreurs, le mouvement ouvrier a pu aux XIXe et XXe siècles
gagner la reconnaissance d'un grand nombre de ses revendications. Le prolétaire d'antan […] a conquis la
liberté de réunion, la liberté de l'organisation syndicale, le droit de grève. Il est en train d'imposer son droit à la
cogestion2. […] D'un parti de la classe ouvrière, le SPD est devenu un parti du peuple ouvert à tous. […] Les
communistes étouffent les libertés. Ils violent les droits de l'homme et le droit des peuples et des personnes à
disposer d'eux-mêmes. À leur pouvoir s'oppose aujourd'hui un nombre croissant de personnes y compris dans
les pays communistes. aussi, des changements s'accomplissent. Les espoirs du monde reposent sur une
organisation basée sur les principes du socialisme démocratique qui veut créer une société respectueuse de la
dignité humaine, libérée de tout besoin et de toute crainte, de toute guerre et de toute oppression, en lien avec
toutes les personnes de bonne volonté. »
Le programme du Parti social-démocrate allemand (SPD), défini au Congrès de Bad Godesberg, en RFA,
en 1959
1 Contrôle d'entreprises puissantes dont l'activité domine le secteur économique
2 Démocratisation de la gestion d'entreprise grâce à une participation active des salariés aux décisions
concernant les conditions de travail et la gestion de l'entreprise.
Corrigé
Introduction
Le congrès de Bad Godesberg est l'un des épisodes les plus importants de l'histoire du socialisme allemand au
XXe siècle. Il est resté gravé dans les mémoires comme un tournant crucial dans l'histoire de cette famille politique, un
moment (re)fondateur auquel on continue de faire régulièrement référence. Pour en étudier la portée, nous disposons d'un
extrait de la déclaration finale de ce congrès qui a réuni, en novembre 1959 en RFA. Ce congrès a marqué un acte
important dans l'histoire de ce parti, constituant clairement une rupture avec le marxisme.
I - Un congrès dans un contexte de guerre froide
Le congrès de Bad Godesberg se tient en 1959, en pleine Guerre froide. L'Europe est scindée en deux blocs,
séparés par le « rideau de fer ». L'Allemagne est elle-même divisée en deux États rivaux, la RDA communiste et la RFA
d'inspiration libérale. C'est dans ce contexte qu'il faut inscrire la décision du SPD (Parti socialiste de RFA), de rompre
avec le marxisme dont se réclame l'État communiste à la tête de la RDA voisine.
Ainsi, dès le premier paragraphe, il est question de « dictature » et donc du rejet du communisme. L'assimilation
du de dernier à un système dictatorial, sert à justifier le renoncement au marxisme et la condamnation du système
soviétique. L'ensemble des critiques portées contre la « dictature » communiste (mépris de la dignité humaine,
suppression de la liberté, etc.) vise les dirigeants de la RDA, qui, d'après le SPD, « se réclament à tort de la tradition
socialiste ».
Le contexte de la Guerre froide est clairement présent puisque le document fait explicitement appel à la
réunification de l'Allemagne. Dans ce texte, le SPD prend la fense de « la libre concurrence et la libre-entreprise »
de façon surprenante de la part d'un Parti socialiste. Il faut y voir la mise en avant des bienfaits supposés de la société de
consommation, selon le modèle des États-Unis. Dans chaque passage de la déclaration, les exemples sont nombreux
visant à critiquer et à prendre le contre-pied de ce qui se fait en RDA, afin de vanter les mérites du modèle libéral en
vigueur à l'Ouest, mais sans prendre la peine d'évoquer ses éventuels aspects négatifs.
II. Une rupture dans l'histoire du socialisme allemand
La déclaration du congrès de Bad Godesberg s'affirme clairement en rupture avec la tradition anticapitaliste,
antibourgeoise et antilibérale du socialisme allemand. C'est surtout vrai dans la partie consacrée à l'économie, lorsque le
SPD se donne pour objectif « l'accès de tous à la prospérité croissante ». Le SPD a pour programme l'enrichissement de
tous afin que chacun soit en mesure d'accéder à la consommation.
Autrement dit, le système capitaliste et libéral, jadis honni des socialistes, est désormais accepté et revendiqué. Il
ne s'agit donc plus de renverser l'ordre économique, comme le préconisaient Marx, mais de l'accepter tout en le
corrigeant. D'où le rejet catégorique du communisme à qui est déniée l'idée même de socialisme. En effet, le
communisme constitue un modèle alternatif au modèle libéral avec lequel il est incompatible. Le SPD affirme donc
clairement que son objectif n'est pas de changer mais de perfectionner le modèle libéral afin d'en corriger les défauts.
III. Le résultat d'une lente évolution idéologique
Bien que la déclaration du congrès soit une rupture majeure dans l'histoire du SPD, ses auteurs cherchent à se
justifier en montrant qu'elle ne constitue pas une trahison, mais bien une simple mise au point. Dans ce but, ils font dans
la dernière partie du texte intitulée « notre route » le résumé de l'histoire du mouvement socialiste allemand.
Pour mieux insister sur le caractère « naturel » de cette conversion assumée à la sociale démocratie, les auteurs du
texte commencent par se réclamer d'une « mission historique » dont serait investie le SPD : celle d'œuvrer pour
l'amélioration des conditions de vie des travailleurs. Les socialistes allemands reconnaissent des « lourdes et nombreuses
erreurs » commises au cours de leur histoire. On peut y voir une allusion à la révolution des spartakistes en Allemagne, et
de manière plus générale, la tentation de s'inspirer de l'URSS.
Les dissensions entre socialistes sont également implicitement critiquées pour avoir facilité l'accès au pouvoir
d'Hitler, en 1933. Malgré ces erreurs, sur lesquelles le SPD passe sans s'attarder, le texte insiste sur les nombreux progrès
sociaux obtenus grâce à l'action des socialistes. Ce qui revient à considérer que l'on peut obtenir des changements sans
passer par la révolution, d'où l'abandon du marxisme-léninisme au profit d'un réformisme assumé. D'un parti de
« protestation » au service des ouvriers, le SPD est devenu un « parti du peuple ouvert à tous ».
Conclusion
Ce texte présente le mérite de résumer toutes les divergences qui ont caractérisé l'histoire du socialisme allemand,
depuis ses origines jusqu'à nos jours. Le SPD a été le premier à rompre explicitement avec l'idéologie marxiste en 1959,
alors que de nombreux partis socialistes continuent et continueront à entretenir l'ambiguïté quant à leur relation à Marx.
Le débat n'en continue pas moins d'agiter le parti, comme en témoigne la récente scission de son aile gauche sous
le nom de Die Linke. Il faut dire qu'entre temps, la réunification est intervenue, et il a fallu réintégrer les transfuges du
Parti communiste de l'ex-RDA dans le SPD.
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