Corrigé
Introduction
Le congrès de Bad Godesberg est l'un des épisodes les plus importants de l'histoire du socialisme allemand au
XXe siècle. Il est resté gravé dans les mémoires comme un tournant crucial dans l'histoire de cette famille politique, un
moment (re)fondateur auquel on continue de faire régulièrement référence. Pour en étudier la portée, nous disposons d'un
extrait de la déclaration finale de ce congrès qui a réuni, en novembre 1959 en RFA. Ce congrès a marqué un acte
important dans l'histoire de ce parti, constituant clairement une rupture avec le marxisme.
I - Un congrès dans un contexte de guerre froide
Le congrès de Bad Godesberg se tient en 1959, en pleine Guerre froide. L'Europe est scindée en deux blocs,
séparés par le « rideau de fer ». L'Allemagne est elle-même divisée en deux États rivaux, la RDA communiste et la RFA
d'inspiration libérale. C'est dans ce contexte qu'il faut inscrire la décision du SPD (Parti socialiste de RFA), de rompre
avec le marxisme dont se réclame l'État communiste à la tête de la RDA voisine.
Ainsi, dès le premier paragraphe, il est question de « dictature » et donc du rejet du communisme. L'assimilation
du de dernier à un système dictatorial, sert à justifier le renoncement au marxisme et la condamnation du système
soviétique. L'ensemble des critiques portées contre la « dictature » communiste (mépris de la dignité humaine,
suppression de la liberté, etc.) vise les dirigeants de la RDA, qui, d'après le SPD, « se réclament à tort de la tradition
socialiste ».
Le contexte de la Guerre froide est clairement présent puisque le document fait explicitement appel à la
réunification de l'Allemagne. Dans ce texte, le SPD prend la défense de « la libre concurrence et la libre-entreprise »
de façon surprenante de la part d'un Parti socialiste. Il faut y voir la mise en avant des bienfaits supposés de la société de
consommation, selon le modèle des États-Unis. Dans chaque passage de la déclaration, les exemples sont nombreux
visant à critiquer et à prendre le contre-pied de ce qui se fait en RDA, afin de vanter les mérites du modèle libéral en
vigueur à l'Ouest, mais sans prendre la peine d'évoquer ses éventuels aspects négatifs.
II. Une rupture dans l'histoire du socialisme allemand
La déclaration du congrès de Bad Godesberg s'affirme clairement en rupture avec la tradition anticapitaliste,
antibourgeoise et antilibérale du socialisme allemand. C'est surtout vrai dans la partie consacrée à l'économie, lorsque le
SPD se donne pour objectif « l'accès de tous à la prospérité croissante ». Le SPD a pour programme l'enrichissement de
tous afin que chacun soit en mesure d'accéder à la consommation.
Autrement dit, le système capitaliste et libéral, jadis honni des socialistes, est désormais accepté et revendiqué. Il
ne s'agit donc plus de renverser l'ordre économique, comme le préconisaient Marx, mais de l'accepter tout en le
corrigeant. D'où le rejet catégorique du communisme à qui est déniée l'idée même de socialisme. En effet, le
communisme constitue un modèle alternatif au modèle libéral avec lequel il est incompatible. Le SPD affirme donc
clairement que son objectif n'est pas de changer mais de perfectionner le modèle libéral afin d'en corriger les défauts.
III. Le résultat d'une lente évolution idéologique
Bien que la déclaration du congrès soit une rupture majeure dans l'histoire du SPD, ses auteurs cherchent à se
justifier en montrant qu'elle ne constitue pas une trahison, mais bien une simple mise au point. Dans ce but, ils font dans
la dernière partie du texte intitulée « notre route » le résumé de l'histoire du mouvement socialiste allemand.
Pour mieux insister sur le caractère « naturel » de cette conversion assumée à la sociale démocratie, les auteurs du
texte commencent par se réclamer d'une « mission historique » dont serait investie le SPD : celle d'œuvrer pour
l'amélioration des conditions de vie des travailleurs. Les socialistes allemands reconnaissent des « lourdes et nombreuses
erreurs » commises au cours de leur histoire. On peut y voir une allusion à la révolution des spartakistes en Allemagne, et
de manière plus générale, la tentation de s'inspirer de l'URSS.
Les dissensions entre socialistes sont également implicitement critiquées pour avoir facilité l'accès au pouvoir
d'Hitler, en 1933. Malgré ces erreurs, sur lesquelles le SPD passe sans s'attarder, le texte insiste sur les nombreux progrès
sociaux obtenus grâce à l'action des socialistes. Ce qui revient à considérer que l'on peut obtenir des changements sans
passer par la révolution, d'où l'abandon du marxisme-léninisme au profit d'un réformisme assumé. D'un parti de
« protestation » au service des ouvriers, le SPD est devenu un « parti du peuple ouvert à tous ».
Conclusion
Ce texte présente le mérite de résumer toutes les divergences qui ont caractérisé l'histoire du socialisme allemand,
depuis ses origines jusqu'à nos jours. Le SPD a été le premier à rompre explicitement avec l'idéologie marxiste en 1959,
alors que de nombreux partis socialistes continuent et continueront à entretenir l'ambiguïté quant à leur relation à Marx.
Le débat n'en continue pas moins d'agiter le parti, comme en témoigne la récente scission de son aile gauche sous
le nom de Die Linke. Il faut dire qu'entre temps, la réunification est intervenue, et il a fallu réintégrer les transfuges du