
Grenoble – Colloque Alpin 2012 
De la symbolique de l’alimentation à l’accompagnement 
 
Catherine  Le  Grand-Sébille,  socio-anthropologue,  Maître  de  conférences,  Faculté  de 
médecine Lille 2. 
 
La  manière  dont  la  nourriture  constitue  pour  l’homme  un  « fait  social  total »  au  sens  de 
Marcel Mauss, nous éloigne de toute vision des comportements alimentaires réduite à la seule 
« optimalité biologique » (Foley, W.H.,1985), à une universalité de normes et de besoins, et 
ne saurait être considéré comme un domaine isolé.  
 
Les  sciences  sociales,  et  plus  particulièrement  l’anthropologie  culturelle,  éclairent  les 
principaux et multiples domaines qui interagissent dans l’alimentation humaine (Garine I. de, 
1996): les conditions de productions, de préservation et distribution des produits ; l’accès aux 
nourritures ;  la  technologie  alimentaire,  la  cuisine,  les  techniques  de  consommation;  les 
budgets  familiaux  et  l’économie  familiale ;  les  rituels  religieux  et  laïques  ayant  une 
composante alimentaire ; les activités de prestige dans lesquels les aliments et les boissons 
jouent  un  rôle :  cadeaux,  consommation  ostentatoire,  cycles  festifs ;  les  connaissances 
traditionnelles  et  profanes  en  matière  de  diététique ;  l’esthétique  corporelle,  le  bien  être 
psychosocial,  mais  aussi  l’habitat, les rôles socialement sexués ; les thèmes nutritionnels et 
alimentaires dans  le  langage  et  les systèmes  symboliques, la  littérature,  les proverbes, les 
contes, les chants, les mythes… 
L’alimentation est ainsi intégrée et pensée par la totalité des domaines de la culture. 
 
L’anthropologie  de  l’alimentation  montre  encore  que  le  registre  alimentaire  joue  un  rôle 
central dans « l’identité intime » d’une société et contribue à sa spécificité. Elle se manifeste 
dans la conscience collective, le style de vie.  Ainsi, en France, l’hédonisme  alimentaire qui 
conditionne  depuis  longtemps  les  attitudes  et  les  comportements,  fait  de  l’alimentation  une 
source licite de plaisir. Alors que des sociétés, moins épicuriennes, considèrent qu’il est peu 
moral d’accorder trop d’importance aux plaisirs de bouche. 
La  tonalité  affective  des  comportements  alimentaires  influence  considérablement,  nous  le 
savons, le statut nutritionnel. Que se passe-t-il, quand la convivialité et l’hospitalité qui sont 
de mise dans tous les groupes sociaux, disparaissent au profit d’un hygiénisme alimentaire ? 
 
De l’alimentation à la nutrition. Quelles pertes symboliques ?Quelle attention renouvelée en 
soins palliatifs ? 
Dans  cette  intervention,  on  s’intéressera  aussi  aux  risques  d’une  moralisation  médicale  et 
soignante quant aux comportements alimentaires en fin de vie, pour en percevoir aussi, à la 
fin de notre intervention, le dépassement et la contestation dans un accompagnement qui ne 
veut plus être être réducteur et biocentré. 
La  sociologie  de  la  santé  et  de  l’alimentation  est  utile  pour  analyser  le  passage  de 
l’alimentation à  la  nutrition,  car elle  a mis  l’accent sur  le fait  que  la médicalisation est  une 
construction sociale qui confère une nature médicale à des représentations et des pratiques qui 
n’étaient jusqu’alors pas socialement appréhendées en ces termes, et qu’elle est avant tout la 
redéfinition d’un problème existant – par exemple, la difficulté de s’alimenter en fin de vie -  
dans un langage médical (Fassin D., 1998).  
La  personne  malade  (et  ses  proches)  fait  alors  l’expérience  d’une  acculturation  (processus 
constant et universel de contact, d’échange, de réinterprétation et d’intégration entre le groupe 
familial  et  le  groupe  porteur  d’une  culture  médicale,  les  professionnels).  Ce  processus  de